TROISIÈME SECTION
AFFAIRE SCHUSTER c. ROUMANIE
(Requêtes nos 36977/03 et 37375/03)
ARRÊT
STRASBOURG
13 octobre 2009
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Schuster c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,
Elisabet Fura,
Corneliu Bîrsan,
Alvina Gyulumyan,
Egbert Myjer,
Luis López Guerra,
Ann Power, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 22 septembre 2009,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouvent les requêtes nos 36977/03 et 37375/03 dirigées contre la Roumanie et dont deux ressortissants allemands, MM. D.l et M. S. (« les requérants »), ont saisi la Cour les 18 et 27 septembre 2003, en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.
3. Le 7 novembre 2007, le président de la troisième section a décidé de communiquer les requêtes au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le fond des affaires.
4. Le gouvernement allemand, auquel une copie des requêtes a été communiquée par la Cour en vertu de l'article 44 § 1 a) du règlement, n'a pas souhaité présenter son point de vue sur l'affaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
5. Les requérants sont frères et sont tous les deux ressortissants allemands. Le requérant dans l'affaire no 36977/03 (« le premier requérant »), M. D. S., est né en 1937 et réside à Lohr am Main, en Allemagne. Le requérant dans l'affaire no 37375/03 (« le second requérant »), M. M. S., né en 1941, réside à Garching, en Allemagne.
6. En 1965 les requérants achetèrent un terrain situé à Sibiu, rue Hochmeister, au no 8. Ils y construisirent un immeuble composé de deux appartements (nos 1 et 2) constituant le corps de bâtiment A. et d'un troisième appartement (no 3), formant le corps de bâtiment B.
7. En 1977 les requérants s'établirent en Allemagne.
8. En 1978, en vertu de la loi no 58/1974 et du décret no 223/1974, l'immeuble fut nationalisé sans indemnisation.
9. Le 22 juillet 1978, l'État inscrivit dans les registres de publicité immobilière son droit de propriété sur une partie de l'immeuble susmentionné.
10. Par deux contrats du 9 décembre 1996, l'État vendit l'appartement no 1 à D.C. et D.R. et l'appartement no2 à M.A. Par un contrat du 8 janvier 1997, l'État vendit l'appartement no 3 à T.I. et T.C. Tous ces tiers habitaient les appartements qui leurs ont été vendus en tant que locataires.
1. L'action en revendication et annulation des contrats de vente
11. Au cours de l'année 2000, les requérants saisirent le tribunal départemental de Sibiu d'une action contre la mairie et les acheteurs susmentionnés, afin d'annuler la décision de nationalisation, de rayer l'enregistrement de l'État dans les registres de publicité immobilière, d'annuler les contrats de vente précités et de se voir restituer l'immeuble.
12. Par un arrêt du 15 mars 2001, le tribunal départemental rejeta l'action, en retenant que la nationalisation avait été illégale, mais que les acheteurs étaient de bonne foi lors de la conclusion des contrats. Cet arrêt fut confirmé par un arrêt du 8 juin 2001 de la cour d'appel d'Alba Iulia, qui rejeta l'appel des requérants.
13. Par un arrêt du 27 mars 2003, la Cour suprême de justice fit droit au recours des requérants, accueillit l'action dans son chef concernant l'appartement no 2, annula le contrat de vente portant sur cet appartement, prit note de ce que les requérants avaient renoncé au chef de l'action concernant l'appartement no 3 et maintint le contrat portant sur l'appartement no 1. La Cour suprême jugea que les requérants étaient les propriétaires d'une part correspondant aux 4/6e de l'immeuble litigieux et que la nationalisation avait été illégale. Elle observa également que M.A. était un acheteur de mauvaise foi, alors que D.C. et D.R. étaient des acheteurs de bonne foi.
2. La procédure fondée sur la loi no 10/2001
14. Par notifications du 11 juin 2001 adressées à la mairie, les requérants demandèrent la restitution des appartements nos 1 et 2 et du terrain.
15. Par une décision du 5 juillet 2004, la mairie ordonna la restitution de l'appartement no 2 aux deux requérants, en copropriété.
16. Le 8 septembre 2004, le second requérant déclara par écrit qu'il n'entendait pas contester cette décision.
17. Le 22 octobre 2004, les deux requérants furent inscrits dans les registres de publicité immobilière comme propriétaires de l'appartement no 2.
18. Le 6 septembre 2005, le premier requérant demanda à la mairie la restitution du terrain.
19. Le 15 septembre 2005, la mairie l'informa de ce qu'elle ne pouvait pas prendre une nouvelle décision sur l'immeuble litigieux, dans la mesure où elle avait déjà pris une telle décision le 5 juillet 2004 et où les requérants ne l'avaient pas contestée.
20. Le 23 septembre 2005, le premier requérant demanda à la mairie de lui restituer l'appartement no 1 et le terrain afférent, en estimant qu'elle n'avait pas examiné cette demande.
21. Par une décision du 17 avril 2006, la mairie rejeta la demande et estima que les requérants avaient le droit de se voir accorder des titres de dédommagements pour l'appartement no 1 et pour le terrain.
22. Le 29 mai 2006, les requérants saisirent le tribunal départemental d'une action contre la mairie, D.C. et D.R., afin d'annuler la décision précitée et le contrat de vente de l'appartement no 1 et de se voir restituer cet appartement.
23. Par un arrêt du 17 octobre 2006, le tribunal départemental rejeta les demandes d'annulation de la décision et du contrat de vente et renvoya l'affaire devant le tribunal de première instance de Sibiu en vue de l'examen de la demande de restitution de l'appartement.
24. Par un arrêt du 9 février 2007, la cour d'appel rejeta l'appel des requérants, qui formèrent un recours, accueilli par la Haute Cour de cassation et de justice, qui renvoya l'affaire pour un nouvel examen devant le tribunal départemental de Sibiu. La procédure est actuellement pendante.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
25. Les dispositions légales applicables sont décrites dans les arrêts Străin et autres c. Roumanie (no 57001/00, CEDH 2005-VII, §§ 19-26), Păduraru c. Roumanie (no 63252/00, §§ 38-53, 1er décembre 2005) ; Tudor c. Roumanie (no 29035/05, §§ 15–20, 11 décembre 2007) et Viaşu c. Roumanie, (no 75951/01, § 37-46, 9 décembre 2008).
EN DROIT
I. JONCTION DES REQUÊTES
26. La Cour constate que les requêtes sont similaires en ce qui concerne les griefs soulevés et les problèmes de fond qu'elles posent. En conséquence, elle juge approprié, en application de l'article 42 § 1 de son règlement, de joindre les requêtes.
II. SUR L'OBJET DE LA REQUÊTE
27. La Cour constate que, dans la procédure devant les juridictions nationales, les requérants ont renoncé à la partie de l'action concernant l'appartement no 3 et se sont vu restituer l'appartement no 2 (voir §§13 et 15 ci-dessus).
28. La Cour en conclut qu'elle n'est appelée à se prononcer que sur le grief des requérants concernant l'appartement no 1 de l'immeuble.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION
29. Les requérants allèguent que l'impossibilité de recouvrer la propriété de l'appartements no 1 vendu par l'État a porté atteinte à leur droit au respect de leurs biens, tel que reconnu par l'article 1 du Protocole no 1 en ces termes :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
A. Sur la recevabilité
30. Dans les deux requêtes, le Gouvernement soulève une exception d'incompatibilité ratione materiae, arguant que les requérants ne bénéficient pas d'un arrêt définitif reconnaissant dans son dispositif le caractère illégal de la nationalisation de l'appartement no 1, ce constat étant fait uniquement dans la motivation des arrêts. Le Gouvernement souligne qu'en droit roumain, seul le dispositif d'une décision judiciaire a la force de la chose jugée (« putere de lucru judecat »).
31. La Cour estime que l'argument du Gouvernement selon lequel l'illégalité de la nationalisation n'a été retenue que dans les motifs du jugement en question ne saurait motiver en l'espèce une approche distincte de sa jurisprudence antérieure en la matière. Elle rappelle avoir déjà conclu que l'absence de mention expresse quant au caractère illégal de la nationalisation dans le dispositif de l'arrêt ne saurait déterminer une approche distincte dans la mesure où le raisonnement figurant dans les considérants constituait une partie indissociable et nécessaire du dispositif de celui-ci (voir Filipescu c. Roumanie, no 4839/03 arrêt du 30 septembre 2008, § 19 et Moroianu et autres c. Roumanie, no 25008/05 arrêt du 13 novembre 2008, §§ 21 et 22). L'exception d'incompatibilité ratione materiae soulevée par le Gouvernement ne saurait donc être retenue.
32. La Cour constate par ailleurs que le grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève en outre qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
33. Le Gouvernement fait valoir que les requérants ont fait usage de la procédure prévue par la loi no 10/2001 et qu'ils ont la possibilité d'obtenir, en dédommagement de leur bien, des titres de participation dans le fonds Proprietatea, organisme collectif de valeurs mobilières.
34. Les requérants considèrent que seule une restitution en nature de l'immeuble pourrait remédier à l'ingérence alléguée. Ils réfutent la possibilité d'obtenir des titres de participation le fonds Proprietatea.
35. La Cour a traité à maintes reprises d'affaires soulevant des questions semblables à celles du cas d'espèce et a constaté la violation de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention (voir Străin précité, §§ 39, 43 et 59, et Porteanu c. Roumanie, no 4596/03, §§ 32-35, 16 février 2006).
36. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. La Cour réaffirme notamment que, la vente, par l'État, du bien d'autrui à des tiers de bonne foi, même lorsqu'elle est antérieure à la confirmation définitive en justice du droit de propriété de l'autre, s'analyse en une privation de bien. Une telle privation, combinée avec l'absence totale d'indemnisation, est contraire à l'article 1 du Protocole no 1 (Moroianu et autres c. Roumanie, no 25008/05, § 23, 13 novembre 2008).
37. La Cour rappelle qu'à l'époque des faits, il n'y avait pas en droit interne de voie de recours efficace susceptible d'offrir aux requérants une indemnisation pour cette privation (Străin, précité, §§ 23, 26–27, 55–56; Porteanu, précité, §§ 23–24 et 34–35).
38. De surcroît, elle observe qu'à ce jour, le Gouvernement n'a pas démontré que le système d'indemnisation mis en place par la loi no 247/2005 permettrait aux bénéficiaires de cette loi de toucher, selon une procédure et un calendrier prévisibles, une indemnité en rapport avec la valeur vénale des biens dont ils ont été privés (voir parmi d'autres Reichardt c. Roumanie, no 6111/04, § 26, 13 novembre 2008).
39. Cette conclusion ne préjuge pas toute évolution positive que pourraient connaître à l'avenir les mécanismes de financement prévus par cette loi spéciale en vue d'indemniser les personnes qui, comme les requérants, se sont vu reconnaître la qualité de propriétaires, par une décision judiciaire définitive.
40. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu'en l'espèce, la mise en échec du droit de propriété des requérants sur leur bien, combinée avec l'absence totale d'indemnisation, leur a fait subir une charge disproportionnée et excessive, incompatible avec le droit au respect des biens garanti par l'article 1 du Protocole no 1.
Partant, il y a eu en l'espèce violation de cette disposition.
IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 10 DE LA CONVENTION
41. Les requérants allèguent que le refus des autorités de leur fournir des renseignements sur l'immeuble en litige a méconnu leur droit à la liberté de recevoir des informations, tel que garanti par l'article 10 de la Convention, qui est ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. (...)».
42. Compte tenu de l'ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n'a relevé aucune apparence de violation de l'article 10 de la Convention. Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
V. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 46 DE LA CONVENTION
43. L'article 46 de la Convention dispose :
« 1. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties.
2. L'arrêt définitif de la Cour est transmis au Comité des Ministres qui en surveille l'exécution. »
44. La conclusion de violation de l'article 1 du Protocole no 1 révèle un problème à grande échelle résultant de la défectuosité de la législation sur la restitution des immeubles nationalisés qui ont été vendus par l'État à des tiers. Dès lors, la Cour estime que l'État doit aménager dans les plus brefs délais la procédure mise en place par les lois de réparation (actuellement les lois nos 10/2001 et 247/2005) de sorte qu'elle devienne réellement cohérente, accessible, rapide et prévisible (voir également, mutatis mutandis, Viaşu, précité, §§ 82-83; Faimblat c. Roumanie, no 23066/02, §§ 53-54, 13 janvier 2009 ; Katz c. Roumanie, no 29739/03, §§ 35-36, 20 janvier 2009).
VI. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
45. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
46. A titre principal, les requérants insistent sur la restitution en nature de l'appartement litigieux no 1, sis à Sibiu.
47. A défaut d'une telle restitution, ils demandent la valeur marchande de l'appartement dont le montant est établi par un rapport d'expertise à 117 200 EUR.
48. Les requérants demandent également des dommages moraux, le premier requérant sans en préciser le montant, le deuxième requérant demandant 6000 EUR, à ce titre.
49. Le Gouvernement soumet un autre rapport d'expertise, selon lequel la valeur marchande de l'immeuble serait de 93 345 EUR. Quant à la demande au titre du préjudice moral, il estime que le préjudice allégué serait suffisamment compensé dans le cas d'un constat de violation et qu'en tout état de cause, la somme réclamée est excessive, comparée aux sommes accordées à ce titre dans des affaires similaires contre la Roumanie.
50. La Cour rappelle qu'un arrêt constatant une violation entraîne pour l'Etat défendeur l'obligation de mettre un terme à la violation et d'en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI).
51. La Cour estime, dans les circonstances de l'espèce, que la restitution du bien litigieux placerait les requérants autant que possible dans une situation équivalant à celle où elle se trouverait si les exigences de l'article 1 du Protocole no 1 n'avaient pas été méconnues.
52. A défaut pour l'État défendeur de procéder à pareille restitution, la Cour décide qu'il devra verser aux deux requérants conjointement, pour dommage matériel, une somme correspondant à la valeur du bien dont ils ont été privés.
53. S'agissant du calcul du montant correspondant à la valeur du bien, compte tenu des informations fournies par les parties et statuant en équité, la Cour estime qu'il convient d'allouer conjointement aux requérants 95 000 euros.
54. Par ailleurs, la Cour considère que les événements en cause ont pu provoquer aux requérants un état d'incertitude et des souffrances qui ne peuvent pas être compensés par le constat de violation. Elle estime que la somme de 2 000 EUR, accordée conjointement aux deux requérants, représente une réparation équitable du préjudice moral qu'ils ont subi.
B. Frais et dépens
55. Les requérants demandent également des frais et dépens encourus devant les juridictions internes et devant la Cour, sans présenter de justificatifs.
56. Le Gouvernement observe que les requérants n'ont fourni aucun justificatif pour faire la preuve des frais et dépens encourus. Il ne s'oppose pas au remboursement de ceux-ci, sous condition qu'ils soient prouvés, nécessaires et qu'ils aient un lien avec l'affaire.
57. La Cour rappelle qu'au regard de l'article 41 de la Convention seuls peuvent être remboursés les frais dont il est établi qu'ils ont été réellement exposés, qu'ils correspondaient à une nécessité et qu'ils sont d'un montant raisonnable (voir, entre autres, Nikolova c. Bulgarie [GC], no 31195/96, § 79, CEDH 1999-II).
58. Compte tenu du fait que les requérants n'ont pas justifié les frais et dépens exposés, la Cour décide de ne leur allouer aucune somme à ce titre.
C. Intérêts moratoires
59. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Décide de joindre les requêtes ;
2. Déclare les requêtes recevables quant au grief tiré de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention pour autant qu'elles concernent l'appartement no 1, sis 8 rue Hochmeister à Sibiu et irrecevables pour le surplus ;
3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 Ã la Convention ;
4. Dit
a) que l'État défendeur doit restituer aux requérants l'appartement no 1, sis au no 8 rue Hochmaister à Sibiu, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention ;
b) qu'à défaut d'une telle restitution, l'État défendeur doit verser conjointement aux requérants, au titre du préjudice matériel, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes à convertir dans la monnaie de l'État défendeur au taux applicable à la date du règlement :
i) 95 000 EUR (quatre-vingt-quinze mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage matériel ;
ii) en tout état de cause, 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage moral ;
c) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 13 octobre 2009, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago Quesada Josep Casadevall
Greffier Président