Conclusion Violation de l'art. 6 ; Violation de l'art. 1 P 1 ; Dommage matériel - réparation ; Préjudice moral - réparation
TROISIÈME SECTION
AFFAIRE SC EDITURA ORIZONTURI SRL c. ROUMANIE
(Requête no 15872/03)
ARRÊT
STRASBOURG
13 mai 2008
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire SC Editura Orizonturi SRL c. Roumanie,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,
Elisabet Fura-Sandström,
Corneliu Bîrsan,
Boštjan M. Zupancic,
Alvina Gyulumyan,
Ineta Ziemele,
Luis López Guerra, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 22 avril 2008,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 15872/03) dirigée contre la Roumanie et dont une maison d'édition de droit roumain, SC E. O. SRL (« la requérante »), a saisi la Cour le 29 avril 2003 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. La requérante est représentée par son dirigeant et unique associé M. I. E.. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par M. Razvan Horatiu Radu, Agent du Gouvernement roumain auprès de la Cour européenne des Droits de l'Homme.
3. La société requérante alléguaient en particulier que l'arrêt du 13 janvier 2003 de la Cour suprême de justice, accueillant le recours en annulation formé par le procureur général, a eu pour effet de porter atteinte à son droit à un procès équitable, tel que reconnu par l'article 6 de la Convention et à son droit au respect de ses biens, en violation de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention.
4. Le 4 janvier 2007, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
A. La publication de la traduction roumaine du roman « Shogun »
5. Le 15 novembre 1985, la maison d'édition roumaine U. et la société américaine F. R., agent littéraire du romancier James Clavell, conclurent un contrat portant sur la publication par U. de 35 000 exemplaires du roman Shogun de James Clavell, roman traduit en roumain par Mme D. C.. Le contrat stipulait que les droits d'utilisation de la traduction faite par Mme C. étaient cédés par la société F. R., propriétaire des droits, à la maison Univers jusqu'au 15 novembre 1991.
6. Le 23 novembre 1991, la société requérante conclut avec Mme C. un contrat pour la publication de 50 000 exemplaires du roman Shogun, pour une somme de 280 000 lei. Afin d'obtenir ce contrat, Mme C. avait fait croire à la société requérante qu'elle détenait les droits d'exploitation sur sa traduction.
7. Peu après la signature de ce contrat, Mme C. accorda à une autre maison d'édition, A., des droits exclusifs en vue de la publication de sa traduction du roman Shogun. Par la suite, la société requérante dénonça le contrat conclu avec Mme C..
8. Le 15 juillet 1992, la société requérante conclut avec F.A. un contrat en vue de la traduction du même roman. Selon l'article 7 de ce contrat, F.A. assumait l'entière responsabilité pour le caractère original de sa traduction. A une date qui n'a pas été précisée, la requérante publia 50 100 exemplaires de la traduction effectuée par F.A.
9. Souhaitant publier également la traduction faite par Mme C., la société requérante se tourna vers la société A. et le 24 juillet 1992, les deux maisons d'édition conclurent un contrat de collaboration en participation portant sur la publication de 60 000 exemplaires de la traduction faite par Mme C. du roman Shogun. Un tirage de 64 814 exemplaires fut mis sur le marché le 12 août 1992 sous le sigle des deux maisons, A. et O..
10. Le 29 septembre 1992, alors que le contrat en participation avait été exécuté en entier, Mme C. retira ses droits à la maison A..
B. L'action en dommages et intérêts introduite par Mme C. pour plagiat
11. Le 22 décembre 1992, Mme C. assigna devant le tribunal départemental de Bucarest la société requérante et le traducteur F.A., les accusant d'avoir plagié sa traduction du roman Shogun.
12. Le 28 février 1996, après vingt renvois de l'affaire, Mme C. compléta sa requête devant le tribunal de Bucarest par un deuxième grief portant sur le préjudice subi du fait de la publication de 64 814 exemplaires de sa traduction, par les maisons A. et O.i. La société requérante affirme que ce grief n'a jamais été débattu devant les tribunaux.
13. Suite à une demande de dépaysement pour cause de suspicion légitime, formée par la société requérante, le tribunal départemental d'Arges se vit attribuer l'affaire.
14. Le tribunal ordonna plusieurs expertises stylistiques par des experts-traducteurs, afin d'établir l'originalité de la traduction et une expertise comptable.
15. Le 16 janvier 1997, Mme C. déposa au dossier du tribunal d'Arges un document, enregistré en tant que p. 121 du dossier, faisant état de ce que Foreign Rights Inc, agent littéraire de James Clavell, détenait tous les droits sur la traduction en roumain du roman Shogun.
16. Par un jugement du 13 juillet 1999, le tribunal départemental d'Arges rejeta l'action de Mme C.. Il constata que quatre expertises avaient été effectuées, deux par des experts proposés par la demanderesse et deux par les défendeurs. Sur ces quatre experts, B., T. et I. avaient conclu à l'existence du plagiat, tandis que A.I.I. avait considéré que la traduction par F.A. était une création originale. Le tribunal constata que par la suite, T. avait déposé un rapport complémentaire, excluant l'existence du plagiat. Le tribunal jugea convaincantes les expertises de T. et A.I.I. concluant à l'originalité de la traduction faite par F.A. et donc, à l'absence de plagiat. En outre, le tribunal jugea que la société requérante ne pouvait encourir de responsabilité du fait de la traduction faite par F.A., puisque le contrat conclu entre ce dernier et la société requérante stipulait expressément que la responsabilité pour l'originalité de la traduction revenait exclusivement au traducteur.
17. A l'encontre de ce jugement, Mme C. interjeta appel en faisant valoir que les expertises tendaient à démontrer que la traduction faite par F.A. était un plagiat.
18. Par une décision du 4 avril 2000, la cour d'appel de Pitesti accueillit l'appel de la traductrice, cassa le jugement du 13 juillet 1999 et jugea que la traduction de F.A. était un plagiat et que les défendeurs devaient assumer solidairement les conséquences de cet acte, puisque le contrat passé entre F.A. et O. stipulant que F.A. assumait l'entière responsabilité pour sa traduction n'était pas opposable à Mme C.. La cour d'appel condamna les défendeurs à payer in solidum le montant de 196 441 622 lei roumains (ROL) en raison de la publication de 50 100 exemplaires du roman Shogun traduit par F.A.
19. La Cour jugea également que Mme C. avait subi un préjudice distinct du fait de la publication par O. et A.de 64 814 exemplaires de sa traduction du roman et obligea la société requérante à lui payer la somme de 253 637 658 ROL.
20. F.A. et la société requérante formèrent un recours, qui fut accueilli par un arrêt définitif du 19 juin 2001 de la Cour suprême de justice. Sur le fond, cette dernière rejeta l'action introduite par la traductrice, jugeant, sur la base des expertises du dossier, que la traduction effectuée par F.A. n'était pas un plagiat.
C. Le recours en annulation formé par le procureur général de la Roumanie et les requêtes devant la Cour européenne des Droits de l'Homme
21. Le 17 septembre 2001, Mme C. saisit la Cour de deux requêtes, dont une enregistrée sous le no 31250/02 concernait l'action en plagiat.
22. Le 6 novembre 2001, Mme C. forma un mémoire auprès du procureur général de la Roumanie, lui demandant d'introduire un recours en annulation contre l'arrêt définitif du 19 juin 2001.
23. Le 19 juin 2002, le procureur général introduisit un recours en annulation devant la Cour suprême de Justice et demanda l'annulation de l'arrêt du 19 juin 2001 en vertu de l'article 330 § 2 du code de procédure civile. Critiquant l'appréciation faite par la Cour suprême de justice des expertises effectuées, le procureur général considéra l'arrêt du 19 juin 2001 comme manifestement erroné et demanda que l'affaire fût rejugée et que l'existence du plagiat fût constatée.
24. La requérante informa la Cour suprême de justice par un mémoire qu'elle avait introduit deux requêtes devant la Cour européenne des Droits de l'Homme et affirma que « le parquet a formé le recours en annulation seulement après que je lui ai présenté la réponse que j'ai reçue de la Cour européenne des Droits de l'Homme de Strasbourg, qui a accepté mes deux requêtes ».
25. L'avocat de Foreign Rights Inc informa la Cour suprême de justice que Foreign Rights possédait en exclusivité les droits d'utilisation de la traduction faite par Mme C. et que cette dernière ne pouvait donc, sans l'autorisation de Foreign Rights, conclure des contrats en vue de la publication de sa traduction. Il déposa auprès de la Cour suprême copie de différents documents pertinents, y compris le contrat passé avec Mme C..
26. Par un arrêt du 13 janvier 2003, la Cour suprême de justice jugea que l'expertise du « réputé » traducteur B. avait montré que F.A. avait plagié la traduction de Mme C., et dès lors, accueillit le recours en annulation, cassa l'arrêt du 19 juin 2001 en entier comme manifestement mal fondé et confirma la décision du 4 avril 2000 de la cour d'appel de Pitesti, tant pour le grief concernant le plagiat, que pour la publication par O. et A. des quelques 64 000 exemplaires du roman. La requérante fut condamnée à payer d'une part, solidairement avec F.A. 196 441 622 ROL pour le plagiat et, d'autre part, 253 637 658 ROL. Dans son arrêt, la Cour suprême ne fit aucune référence aux pièces déposées par Foreign Rights.
D. La contestation en annulation et la demande en révision
27. Le 29 janvier 2003, la société requérante et F.A. formèrent une contestation en annulation à l'encontre de l'arrêt du 13 janvier 2003. Ils firent valoir que le procureur général n'avait demandé l'annulation de l'arrêt du 19 juin 2001 que dans sa partie concernant le grief de plagiat et que, par conséquent, l'annulation du restant du dispositif de l'arrêt, concernant la publication en collaboration avec A. de la traduction faite par Mme C., était illégale.
28. Se fondant sur les articles 49, 51 et 320 du code de procédure civile, l'avocat de Foreign Rights Inc. forma une demande d'intervention dans l'intérêt de la société requérante. Cette demande fut rejetée par un arrêt avant dire droit du 15 mars 2004, au motif qu'elle ne pouvait pas être présentée en dehors de l'examen du fond. Par le même arrêt avant dire droit, la Cour suprême reporta l'examen de la contestation en annulation.
29. Le 7 février 2003, la société requérante et F.A. demandèrent la révision de l'arrêt du 13 janvier 2003. Ils firent valoir qu'en jugeant le recours en annulation, la Cour suprême de Justice s'était prononcée, en violation de l'article 322 § 2 du code de procédure civile, sur un grief qui n'avait pas été soulevé par le procureur général dans son recours en annulation, à savoir la publication en collaboration des quelques 64 000 exemplaires.
30. Par deux arrêts distincts du 15 novembre 2004, la Cour suprême de justice rejeta comme mal fondées la demande de révision et la contestation en annulation.
E. L'exécution forcée entamée contre la requérante
31. Le 11 janvier 2006, Mme C. assigna en justice la requérante de deux actions tendant à l'exécution forcée de sa créance constatée par l'arrêt du 13 janvier 2003 de la Cour suprême de Justice confirmant la décision du 4 avril 2000 rendue par la cour d'appel de Pitesti.
32. Par une première action, elle demanda au tribunal de première instance de Bucarest d'ordonner la saisie des comptes de la requérante. Par la deuxième action, elle demanda à la chambre commerciale du tribunal départemental de Bucarest d'ordonner l'ouverture de la procédure de la faillite contre la requérante.
1. La demande de saisie des comptes de la requérante
33. Par jugement du 18 janvier 2006, le tribunal de première instance de Bucarest rejeta la demande de saisie des comptes de la requérante, formée par Mme C.. Le tribunal de première instance considéra que l'exécution forcée était prescrite.
34. Par décision du 28 juin 2006, le tribunal départemental de Bucarest accueillit le recours de Mme C. contre le jugement du 18 janvier 2006. Le tribunal ordonna l'exécution forcée par la saisie des comptes de la requérante jusqu'à satisfaire sa dette de 45 022,93 nouveau lei roumains (RON), constatée par l'arrêt du 13 janvier 2003.
2. L'ouverture de la procédure de la faillite contre la requérante
35. Par jugement du 14 avril 2006, le tribunal départemental de Bucarest accueillit la demande de Mme C. et ordonna l'ouverture de la procédure de faillite à l'égard de la société requérante au motif que cette dernière n'avait pas satisfait la créance d'un montant de 45 022,93 RON constatée par l'arrêt du 13 janvier 2003. Le tribunal en déduit que la société débitrice n'avait pas fait la preuve qu'elle n'était pas en état d'insolvabilité. Le tribunal considéra, en outre, que :
« Le fait que la débitrice avait régulièrement payé ses dettes envers l'Etat n'est pas de nature à renverser la présomption qu'elle n'a pas la capacité financière à couvrir des dettes exigibles comme sa dette envers Mme C. - présomption qui ressort de l'article 36 de la loi no 64/1995. »
Le tribunal ordonna l'interdiction de la vente des parties sociales de la société requérante et la saisie de tous ses comptes bancaires. Un administrateur judiciaire fut nommé et le tribunal fixa à 2000 RON la rémunération mensuelle que la société devait lui payer.
36. La requérante forma recours contre ce jugement.
37. Le 15 septembre 2006, elle consigna une somme d'un montant de 45 022,93 RON à la disposition du tribunal, « pour les fins du dossier » de faillite.
38. Il ressort d'un certificat fiscal délivré à la requérante le 30 mai 2007, qu'elle n'avait aucune dette envers l'État.
39. Le 20 juin 2007, la cour d'appel de Bucarest rejeta le recours de la société requérante. L'arrêt fut mis au net le 25 juin 2007.
40. La procédure de faillite se poursuivit devant le tribunal départemental de Bucarest.
41. Suite à une demande de dépaysement pour cause de suspicion légitime formée par la société requérante, le tribunal départemental d'Arges se vit attribuer l'affaire par arrêt du 8 février 2007, de la Haute Cour de Cassation et de Justice.
42. La procédure de faillite est actuellement pendante devant le tribunal départemental d'Arges.
43. Le 25 septembre 2007, la société requérante consigna auprès de Caisse nationale d'épargnes et de consignations (Casa de Economii si Consemnatiuni - CEC) à la disposition de Mme C. la somme de 45 022,93 RON. Cette dernière perçut cette somme par la suite.
F. Autres procédures pertinentes
1. Condamnation pour fraude de Mme C.
44. Sur plainte de la requérante, par décision du 15 octobre 2004, du parquet auprès du tribunal de première instance de Bucarest, Mme C. se vit infliger une amende administrative de 10 000 000 ROL pour fraude dans le contrat conclu le 23 novembre 1991 avec la maison d'édition requérante. A la suite d'un recours hiérarchique de l'intéressée, cette décision fut maintenue le 5 janvier 2005.
45. Sur recours de Mme C., par un jugement du 25 février 2005 du tribunal de première instance de Bucarest, la décision du procureur fut maintenue. Le tribunal retint que lors de la conclusion du contrat du 23 novembre 1991, Mme C. avait frauduleusement fait croire à son cocontractant, à savoir la maison d'édition requérante, qu'elle avait le droit d'autoriser la publication de sa traduction du roman Shogun. Or, c'était l'agence Foreign Rights Inc. New York qui, à la suite d'un contrat conclu auparavant avec la traductrice avait, en réalité, le droit d'autoriser la réédition de la traduction roumaine du roman. Donc, la traductrice ne pouvait pas autoriser la réédition de sa traduction sans l'accord de l'agence. En dépit du fait qu'elle connaissait ces aspects légaux découlant de son contrat de 1985 conclu avec l'agence, elle avait sciemment induit en erreur la maison d'édition O.. Le tribunal conclut que Mme C. avait causé à la maison d'édition un préjudice de 218 000 ROL, soit la rémunération prévue par le contrat du 23 novembre 1991.
46. Le recours de Mme C. contre ce jugement fut rejeté par décision du tribunal départemental de Bucarest, du 20 mai 2005.
47. A la suite de la condamnation de Mme C. pour fraude, la requérante forma une nouvelle demande en révision de l'arrêt du 13 janvier 2003. Cette demande a été rejetée par la Haute Cour de Cassation et de Justice, le 29 janvier 2008.
2. Action civile en constatation
48. Le 7 janvier 2005, la requérante assigna Mme C. devant le tribunal départemental de Bucarest, d'une action civile par laquelle elle demandait au tribunal de constater que la partie défenderesse n'avait pas le droit d'autoriser la reproduction de la traduction roumaine du roman Shogun.
49. Par jugement du 6 avril 2005, le tribunal départemental accueillit l'action et constata que Mme C. n'avait plus de droits de propriété intellectuelle sur la traduction qu'elle avait cédée par contrat à l'agent de l'auteur. Le tribunal retint que les droits d'autoriser la réédition de la traduction en cause appartenaient à l'agence Foreign Rights Inc. New York.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
50. L'essentiel du droit interne pertinent concernant le recours en annulation est décrit dans les arrêts Brumarescu c. Roumanie, [GC], no 28342/95, §§ 32-33 CEDH 1999-VII et SC Masinexportimport Industrial Group SA c. Roumanie, no 22687/03, 1 décembre 2005, § 22.
51. Par un règlement d'urgence (ordonanta de urgenta) du Gouvernement no 58 du 25 juin 2003, publié dans le Journal Officiel no 460 du 28 juin 2003, les articles 330-3304 du Code de procédure civile régissant le recours en annulation ont été abrogés. Cependant, en vertu des dispositions transitoires, les décisions de justice rendues jusqu'à la date de l'entrée en vigueur du règlement étaient soumises aux voies de recours existantes à la date à laquelle les décisions avaient été rendues.
52. A l'époque des faits, la procédure de la faillite était régie par la loi no 64/1995, du 22 juin 1995, republiée, après modifications, dans le Journal Officiel no 1066 du 17 novembre 2004. Elle a été modifiée par la loi no 249/2005 du 22 juillet 2005.
La loi no 64/1995 a été abrogée par la loi no 85/2006 du 5 avril 2006. La nouvelle loi régissant la faillite est entrée en vigueur le 20 juillet 2006.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 DE LA CONVENTION
53. D'après la requérante, l'arrêt du 13 janvier 2003, de la Cour suprême de justice, accueillant le recours en annulation formé par le procureur général contre une décision définitive, a enfreint l'article 6 § 1 de la Convention, qui dispose :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
54. Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.
A. Sur la recevabilité
55. La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
56. Le Gouvernement souligne qu'en l'espèce, à la différence de l'affaire Brumarescu, le recours en annulation a été introduit dans le but de préserver la légalité et une interprétation cohérente des dispositions légales en vigueur. Il fait valoir également qu'à la différence de l'affaire SC Masinexportimport Industrial Group SA, où le recours en annulation avait été introduit à la demande des autorités étatiques, en l'espèce le litige s'est déroulé entre particuliers et le procureur général avait introduit son recours en annulation à la demande d'une des parties.
Par ailleurs, le Gouvernement affirme que la décision du 13 janvier 2003 de la Cour suprême de justice accueillant le recours en annulation n'a pas produit ses effets, car la requérante n'a pas payé les sommes dues à Mme C..
57. La requérante conteste les arguments du Gouvernement. Elle fait valoir que le recours en annulation intervenu dans un litige entre particuliers, motivé par l'appréciation erronée des preuves administrées, a violé la loi interne en vigueur à l'époque des faits. Elle soutient en outre que le recours en annulation a entraîné l'ouverture de la procédure de la faillite à son encontre du fait de sa seule dette envers Mme C., constatée par l'arrêt rendu à la suite dudit recours en annulation.
58. La requérante fait valoir également que le recours en annulation a été accueilli par la Cour suprême de justice, qui lui a imposé de payer à Mme C. une indemnisation au titre de ses droits de propriété intellectuelle sur la traduction du roman Shogun, en dépit du fait que cette dernière n'était pas la titulaire de ces droits. La requérante renvoie à ce titre aux constats des tribunaux dans deux autres procédures, une pénale ayant été achevée par la condamnation de Mme C., pour fraude dans les contrats et l'autre civile, ayant constaté l'absence de droits de propriété intellectuelle sur sa traduction du roman Shogun.
59. La Cour rappelle que le droit à un procès équitable devant un tribunal, garanti par l'article 6 § 1 de la Convention, doit s'interpréter à la lumière du préambule de la Convention, qui énonce la prééminence du droit comme élément du patrimoine commun des Etats contractants. Un des éléments fondamentaux de la prééminence du droit est le principe de la sécurité des rapports juridiques, qui veut, entre autres, que la solution donnée de manière définitive à tout litige par les tribunaux ne soit plus remise en cause (Brumarescu, précité, § 61). En vertu de ce principe, aucune partie n'est habilitée à solliciter la supervision d'une décision définitive et exécutoire à la seule fin d'obtenir un réexamen de l'affaire et une nouvelle décision à son sujet. Les juridictions supérieures ne doivent utiliser leur pouvoir de supervision que pour corriger les erreurs de fait ou de droit et les erreurs judiciaires et non pour procéder à un nouvel examen. La supervision ne doit pas devenir un appel déguisé et le simple fait qu'il puisse exister deux points de vue sur le sujet n'est pas un motif suffisant pour rejuger une affaire. Il ne peut être dérogé à ce principe que lorsque des motifs substantiels et impérieux l'exigent (Riabykh c. Russie, no 52854/99, § 52, CEDH 2003-IX).
60. En l'espèce, la Cour note que la partie demanderesse dans la procédure interne, en l'occurrence un particulier, a fait exercice des deux voies de recours ordinaires, l'appel et le recours, pour faire valoir ses critiques à l'égard du jugement du 13 juillet 1999. Ce jugement rendu en faveur de la requérante a été confirmé par arrêt définitif du 19 juin 2001. A aucun moment le procureur n'est intervenu dans la procédure.
61. La Cour relève que l'on retrouve dans la présente affaire deux des éléments qui ont conduit la Cour, dans l'affaire Brumarescu, au constat de la méconnaissance du principe de la sécurité des rapports juridiques et, par conséquent, de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention, à savoir l'intervention dans un litige civil du procureur général qui n'était pas partie à la procédure et la remise en cause d'un arrêt définitif ayant acquis l'autorité de la chose jugée (voir également SC Masinexportimport Industrial Group SA précité, § 36).
62. La Cour relève, enfin que, par un règlement d'urgence no 58 du 25 juin 2003, le recours en annulation en matière civile a été supprimé, les autorités roumaines reconnaissant ainsi, au moins indirectement, que cette voie de recours extraordinaire était contraire au principe de la sécurité des rapports juridiques.
63. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que l'annulation de l'arrêt définitif du 19 juin 2001 a porté atteinte au droit de la requérante à un procès équitable.
64. Par conséquent, il y a eu violation de l'article 6 § 1.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION
65. La requérante se plaint que l'arrêt du 13 janvier 2003, de la Cour suprême de justice a eu pour effet de porter atteinte à son droit au respect de ses biens, tel que reconnu à l'article 1 du Protocole no 1, ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
66. Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.
A. Sur la recevabilité
67. La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
68. La requérante estime que l'arrêt du 13 janvier 2003 de la Cour suprême de justice annulant l'arrêt définitif du 19 juin 2001 a constitué une atteinte à son droit au respect de ses biens, ingérence qui ne poursuivait pas un but d'utilité publique.
69. Le Gouvernement considère que l'ingérence dans le droit de la requérante au respect de ses biens était prévue par la loi et poursuivait un intérêt légitime, à savoir réparer une erreur commise dans l'appréciation des preuves, par les juridictions ayant jugé l'affaire antérieurement.
70. La Cour rappelle que l'arrêt définitif du 19 juin 2001 de la Cour suprême de justice a jugé que la requérante avait légalement publié la traduction originale du roman Shogun faite par F.A. et l'a déchargée de toute responsabilité quant aux faits à l'origine de la présente requête, à savoir de toute obligation de payement envers Mme C., pour ce qui est de la publication de sa traduction du roman. Elle relève que cet arrêt est passé dans la force de la chose jugée et n'était pas révocable. La requérante jouissait donc d'une valeur patrimoniale au sens de l'article 1 du Protocole no 1, consistant dans le droit d'éditer une traduction roumaine du roman Shogun.
71. La Cour relève ensuite que l'arrêt du 13 janvier 2003 de la Cour suprême de justice a annulé l'arrêt définitif du 19 juin 2001 et a jugé que la requérante n'avait pas le droit de publier la traduction du roman Shogun et l'a condamnée à payer 45 022,93 RON de dommages-intérêts. Elle considère que cette situation est analogue à celle du requérant dans l'affaire Brumarescu précitée. La Cour estime donc que l'arrêt du 13 janvier 2003 de la Cour suprême de justice a eu pour effet de priver la requérante de ses biens au sens de la seconde phrase du premier paragraphe de l'article 1 du Protocole no 1 (voir Brumarescu, précité, §§ 73-74).
72. La Cour rappelle qu'une privation de propriété relevant de cette deuxième norme peut seulement se justifier si l'on démontre notamment qu'elle est intervenue pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi. De surcroît, toute ingérence dans la jouissance de la propriété doit répondre au critère de proportionnalité (Brumarescu, précité, §§ 73-74).
73. En l'espèce, la Cour observe que le Gouvernement invoque une erreur d'appréciation des faits par le tribunal départemental dans son jugement du 13 juillet 1999 et par la Cour suprême de justice, dans son arrêt du 19 juin 2001, et non une erreur de droit, pour justifier l'ingérence dans le droit au respect des biens de la requérante. Or, en l'occurrence, la partie défenderesse a pu bénéficier des voies de recours ordinaires pour contester l'appréciation des faits devant les juridictions supérieures. En conséquence, la Cour estime que, nonobstant la marge d'appréciation dont dispose l'Etat en la matière, cette prétendue erreur ne saurait suffire pour légitimer la privation d'un bien acquis en toute légalité à la suite d'un litige civil définitivement tranché (voir aussi l'arrêt SC Masinexportimport Industrial Group SA., précité, § 46)
74. Partant, il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1.
III. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
75. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
1. Dommage matériel
76. Dans une première demande de satisfaction équitable formulée dans le délai imparti par la Cour à ce titre, la requérante demande, en réparation de son préjudice matériel et sous réserve de l'exécution forcée à son encontre jusqu'à la date de l'arrêt de la Cour, la somme de 45 000 RON, actualisée au taux de l'inflation, somme qu'elle avait été condamnée à payer par l'arrêt de la Cour suprême de Justice du 13 janvier 2003. Elle demande, en outre à la Cour de constater que les conséquences graves de la violation de ses droits ne peuvent être remédiées que par la révision de l'arrêt prononcé à la suite du recours en annulation.
77. Le 25 juin 2007, soit le jour de la mise au net de l'arrêt du 20 juin 2007 de la cour d'appel de Bucarest confirmant définitivement le jugement autorisant l'ouverture de la procédure de la faillite, la requérante a adressé à la Cour un complément à sa demande initiale de satisfaction équitable. Outre ses prétentions présentées initialement, elle demande 214 345 euros (EUR) au titre de la perte de gains en raison de sa mise en faillite, représentant le bénéfice perdu en vertu des contrats qui se trouvaient en cours d'exécution ainsi que le profit estimé pour les trois années à venir calculé par rapport au profit réalisé les dernières trois années.
Elle sollicite aussi 15 094 EUR du chef du préjudice matériel couvrant le payement mensuel dû au liquidateur judiciaire, pour la période estimée de la durée de la procédure de la faillite. Elle fait valoir que la société avait été condamnée à ce payement mensuel par la décision d'ouverture de cette procédure.
78. Par une lettre du 17 octobre 2007, la requérante a informé la Cour qu'elle a payé la somme de 45 022,93 RON à laquelle elle avait été condamnée par l'arrêt du 13 janvier 2003, en subissant ainsi un préjudice matériel concret dont elle demande la réparation.
79. Le Gouvernement conteste ces prétentions. Avant le payement effectué par la requérante, il faisait valoir que cette dernière n'avait pas payé la somme qu'elle aurait dû payer en vertu de l'arrêt de la Cour suprême de Justice du 13 janvier 2003. Quant aux autres sommes réclamées, le Gouvernement soutient qu'il n'existe aucun lien direct entre la violation alléguée et le prétendu préjudice matériel encouru et qu'en tout état de cause, les demandes ne sont pas étayées.
80. La Cour rappelle sa jurisprudence bien établie selon laquelle un arrêt constatant une violation entraîne pour l'État défendeur l'obligation juridique au regard de la Convention de mettre un terme à la violation et d'en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci.
Les États contractants sont en principe libres de choisir les moyens dont ils useront pour se conformer à un arrêt constatant une violation, rendu dans une affaire dans laquelle ils étaient partie. Si la nature de la violation permet une restitutio in integrum, il incombe à l'État défendeur de la réaliser. Si, en revanche, le droit national ne permet pas ou ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de la violation, l'article 41 habilite la Cour à accorder, s'il y a lieu, à la partie lésée la satisfaction qui lui semble appropriée (Brumarescu c. Roumanie (satisfaction équitable) [GC], no 28342/95, § 21, CEDH 2001-I).
81. La Cour rappelle également qu'en cas de violation de l'article 6 de la Convention, l'application du principe restitutio in integrum implique que les requérants soient placés pour autant que possible, dans une situation équivalant à celle dans laquelle ils se trouveraient s'il n'y avait pas eu manquement aux exigences de cette disposition (Piersack c. Belgique (article 50), arrêt du 26 octobre 1984, série A no 85, p. 16, § 12).
82. La Cour relève qu'elle a déjà octroyé, lorsqu'elle a constaté la violation de l'article 6 pour non-respect du principe de la sécurité des rapports juridiques, des sommes au titre du préjudice matériel subi à la suite de l'annulation d'un arrêt définitif (Stetsenko c. Russie, no 878/03, § 33, 5 octobre 2006 ; Braga c. Moldova, no 74154/01, § 30, 14 novembre 2006).
83. Dans la présente affaire, la Cour rappelle qu'elle a conclu à la violation des articles 6 de la Convention et 1 du Protocole no 1 à la Convention, en raison de l'annulation, à la suite du recours formé par le procureur général, d'une décision judiciaire devenue définitive, à savoir l'arrêt définitif du 19 juin 2001 rendu par la Cour suprême de justice, reconnaissant à la requérante une valeur patrimoniale certaine.
84. En l'espèce, la Cour observe que la requérante a payé la somme de 45 022,93 RON à sa créditrice, en vertu de la décision rendue en recours en annulation.
Il convient donc d'allouer à la requérante cette somme au titre de l'article 41 de la Convention.
85. S'agissant des autres sommes réclamées au titre du dommage matériel, en raison de l'ouverture de la procédure de faillite, la Cour rappelle que dans une affaire similaire, elle n'a pas relevé de lien de causalité entre la violation constatée et le préjudice réclamé. Quant aux pertes de gain, la Cour a déclaré qu'elle ne saurait spéculer sur l'éventuelle évolution économique de la requérante (SC Masinexportimport Industrial Group SA c. Roumanie, précité, § 53).
86. Toutefois, à la différence de la situation retenue dans l'arrêt SC Masinexportimport Industrial Group SA, il ne ressort pas du dossier que la société requérante se trouvât confrontée à des difficultés financières avant le recours en annulation litigieux (SC Masinexportimport Industrial Group SA c. Roumanie, précité §§ 20 et 51). La situation de faillite de la société requérante est la conséquence directe du recours en annulation, qui fait l'objet de la présente requête. Dès lors, elle a subi un préjudice significatif qui doit donner lieu à indemnisation (voir mutatis mutandis Sovtransavto Holding c. Ukraine (satisfaction équitable), no 48553/99, § 71, 2 octobre 2003).
Vu les circonstances particulières de la cause, la Cour, statuant en équité, lui alloue la somme de 50 000 EUR, en plus de celle allouée au paragraphe 84 ci-dessus, au titre du préjudice matériel en liaison directe avec la violation constatée des articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1.
2. Dommage moral
87. La requérante réclame 300 000 EUR au titre du préjudice moral porté à sa réputation à la suite de l'ouverture d'une procédure de faillite, entamée pour la seule dette constatée par l'arrêt de la Cour suprême de justice du 13 janvier 2003, qui fait l'objet de la présente requête. Elle renvoie à ce titre aux publications de l'ouverture de la procédure de la faillite à son encontre inscrites dans le Bulletin des insolvables (Buletinul insolventei) des mois de février, mai et juin 2007.
88. Le gouvernement conteste ce montant comme excessif et non-étayé.
89. S'agissant de la réparation du préjudice moral, la Cour a déjà jugé que le préjudice autre que matériel peut comporter, pour une société commerciale, des éléments plus ou moins « objectifs » et « subjectifs ». Parmi ces éléments, il faut reconnaître la réputation de l'entreprise, mais également l'incertitude dans la planification des décisions à prendre, les troubles causés à la gestion de l'entreprise elle-même, dont les conséquences ne se prêtent pas à un calcul exact, et enfin, quoique dans une moindre mesure, l'angoisse et les désagréments éprouvés par les membres des organes de direction de la société (Comingersoll S.A. c. Portugal, [GC], no 35382/97, § 35, CEDH 2000-IV).
90. En l'espèce, la Cour estime que la situation d'incertitude prolongée dans laquelle a été placée la requérante a dû objectivement causer, d'une part, des troubles considérables dans la planification des décisions à prendre quant à la gestion de son activité économique et, d'autre part, des désagréments dans les relations de la requérante avec d'autres sociétés. Par ailleurs, cette incertitude a dû porter atteinte à la réputation de la requérante aux yeux des clients actuels et potentiels, affectant le succès commercial et la viabilité même de l'entreprise, au détriment des associés et des employés (voir mutatis mutandis, Sovtransavto Holding précité, § 80 et Steel et Morris c. Royaume-Uni, no 68416/01, § 94, CEDH 2005-II).
91. Eu égard à l'ensemble des éléments se trouvant en sa possession et statuant en équité, comme le veut l'article 41 de la Convention, la Cour décide d'allouer à la requérante 5 000 EUR au titre du préjudice moral.
B. Frais et dépens
92. La requérante n'a soumis aucune demande pour les frais et dépens exposés devant les juridictions internes et devant la Cour.
93. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où il l'a demandé. Dès lors, en l'espèce, la Cour n'octroie à la requérante aucune somme à ce titre.
C. Intérêts moratoires
94. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 de la Convention ;
3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;
4. Dit
a) que l'Etat défendeur doit verser à la requérante dans les trois mois à compter du jour où le présent arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :
i. 45 022,93 RON (quarante-cinq mille vingt-deux nouveau lei roumains et quatre-vingt-treize bani), ainsi que
ii. 50 000 EUR (cinquante mille euros), pour dommage matériel ;
iii. 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage moral ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
c) que les sommes mentionnées ci-dessus aux points ii. et iii. seront à convertir dans la monnaie de l'Etat défendeur au taux applicable à la date du règlement ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 13 mai 2008 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago Quesada Josep Casadevall
Greffier Président