Conclusion Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 14+6-1 ; Dommage matériel et préjudice moral - réparation
TROISIÈME SECTION
AFFAIRE PAROISSE GRECO CATHOLIQUE SÂMBATA BIHOR c. ROUMANIE
(Requête no 48107/99)
ARRÊT
STRASBOURG
12 janvier 2010
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Paroisse Greco Catholique Sâmbata Bihor c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,
Elisabet Fura,
Corneliu Bîrsan,
Alvina Gyulumyan,
Egbert Myjer,
Luis López Guerra,
Ann Power, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 décembre 2009,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 48107/99) dirigée contre la Roumanie et dont une paroisse sise dans cet État, la paroisse gréco catholique S. B. (« la requérante »), avait saisi la Commission européenne des droits de l'homme (« la Commission ») le 11 juin 1998 en vertu de l'ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. La requérante, qui a été admise au bénéfice de l'assistance judiciaire, a été représentée, dans un premier temps, par Me M. M., avocate à Bucarest, puis par Me N. P., avocate à Bucarest. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan-Horatiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.
3. La requérante allègue en particulier une atteinte à son droit d'accès à un tribunal, en raison du refus des juridictions nationales de statuer sur son droit à utiliser un édifice de culte. Se fondant principalement sur les mêmes faits, elle se plaint également d'une atteinte à son droit de propriété et à sa liberté de religion, ainsi qu'au principe d'interdiction de discrimination.
4. La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d'entrée en vigueur du Protocole no 11 à la Convention (article 5 § 2 du Protocole no 11).
5. Après avoir communiqué la requête au Gouvernement le 18 septembre 2001, par une décision du 25 mai 2004, la Cour a déclaré la requête recevable.
6. Tant la requérante que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l'affaire (article 59 § 1 du règlement).
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
7. La requérante est une Église catholique de rite oriental (gréco-catholique ou uniate) de la paroisse de Sâmbăta dépendant de l'archevêché roumain uniate d'Oradea.
A. Contexte historique
8. Jusqu'en 1948, coexistaient à Sâmbăta deux communautés chrétiennes, l'une uniate et l'autre orthodoxe. Chacune avait sa propre église.
9. Par le décret no 358/1948, le culte uniate fut considéré comme dissous et ses pratiquants furent obligés de s'affilier au culte orthodoxe. Les biens appartenant à cette Eglise furent transférés à l'Église orthodoxe en vertu du décret no 177/1948 qui prévoyait que, si la majorité des paroissiens d'un culte devenaient membres d'une autre Église, les biens ayant appartenu au culte abandonné seraient transférés dans le patrimoine du culte qui les avait accueillis.
10. Le 27 octobre 1948, le prêtre uniate de Sâmbăta fut obligé de mettre l'église où il célébrait l'office à la disposition des orthodoxes. Le 22 novembre 1948, il fut forcé de quitter la maison paroissiale et y laissa tous ses biens, y compris les meubles, les vêtements sacerdotaux et la bibliothèque.
B. Les démarches gracieuses de la requérante en vue de récupérer l'usage pour le service religieux de l'église qui lui avait appartenu jusqu'en 1948
11. Après la chute du régime totalitaire en décembre 1989, le décret no 358/1948 fut abrogé par le décret-loi no 9/1989. Le culte uniate fut reconnu officiellement par le décret-loi no 126/1990. En ce qui concerne la situation juridique des biens ayant appartenu aux paroisses gréco catholiques, le décret-loi no 126/1990 prévoyait que celle-ci devait être tranchée par des commissions mixtes constituées de représentants des deux cultes, uniate et orthodoxe. Ces dernières devaient prendre en compte la volonté des croyants de chaque communauté.
12. D'après une attestation délivrée en 1996 par le service départemental de statistique de Bihor, 27,8 % des habitants de la commune de Sâmbăta se déclarèrent fidèles de l'Église gréco catholique lors du recensement de 1991.
13. La requérante entama des démarches gracieuses en vue de récupérer l'usage, pour le service religieux, de l'église qui lui avait appartenu jusqu'en 1948.
14. Les représentants des gréco catholiques et des orthodoxes de la commune de Sâmbăta se réunirent le 3 mai 1995. Ainsi qu'il ressort du procès-verbal établi à cette date, le but de cette réunion était la formation d'une commission mixte. La tâche qui devait lui être assignée consistait à fixer l'horaire du service religieux, afin qu'il puisse être célébré par chacun des deux cultes, alternativement, dans l'église qui avait appartenu aux gréco catholiques avant 1948.
15. Les représentants du culte orthodoxe s'opposèrent à cette proposition, affirmant que l'édifice religieux était la propriété de l'Église orthodoxe depuis des années. Ils faisaient valoir que les gréco catholiques utilisaient une salle de classe pour leurs offices et qu'ils se construiraient une église s'ils en avaient besoin.
16. Lors de cette rencontre, les représentants orthodoxes refusèrent la proposition des gréco-catholiques de tenir une nouvelle réunion.
C. L'action en justice de la requérante
17. En 1996, la requérante introduisit une action devant le tribunal de première instance de Beiuş. Elle demandait au tribunal d'ordonner à la paroisse orthodoxe de Sâmbăta de lui permettre de célébrer le service religieux dans l'église qui lui avait appartenu jusqu'en 1948. La requérante faisait valoir qu'elle s'était adressée à plusieurs reprises aux représentants de l'Église orthodoxe afin de constituer une commission mixte, conformément au décret-loi no 126/1990, mais que ses démarches étaient restées sans résultat. Elle alléguait avoir formé une contestation auprès de la commission mixte supérieure, constituée au niveau des deux archevêchés, uniate et orthodoxe, mais sans avoir jamais reçu de réponse.
18. Par une décision du 24 octobre 1996, le tribunal de première instance de Beiuş accueillit l'action de la requérante. Le tribunal considéra d'abord que le refus de la partie défenderesse de répondre à la demande de la requérante était abusif. Il constata ensuite que, selon le recensement de 1991, 27,8 % de la population de Sâmbăta étaient affiliée au culte uniate et jugea que, compte tenu du fait qu'il n'y avait pas à Sâmbăta d'édifice de culte pour les uniates, le refus de l'Église orthodoxe de permettre à ces derniers de célébrer l'office dans une des deux églises du village était également abusif.
19. Le tribunal tint également compte du décret no 177/1948, toujours en vigueur, selon lequel lorsque plus de 10 % des pratiquants d'un culte le quittent pour un autre, un pourcentage égal du patrimoine du culte qui a été abandonné est transféré à l'autre culte. Le tribunal poursuivait ainsi :
« Par conséquent, 27,8 % du patrimoine du culte orthodoxe a été transféré en 1990 dans le patrimoine de l'Église uniate, lorsque celle-ci s'est constituée. Dès lors, nous sommes en présence d'une situation de copropriété sur l'église paroissiale (...) des deux cultes religieux de Sâmbăta (...).
Il s'ensuit que les agissements constituant actes de possession ou d'usage du bien en cause peuvent être accomplis par chacun des copropriétaires simultanément et en concurrence avec les autres et que chacun doit exercer son droit sans porter atteinte au droit d'autrui. »
20. Le tribunal ordonna par conséquent à la partie défenderesse de permettre à la requérante de célébrer l'office dans l'église réclamée et établit un horaire alternatif selon le principe de l'équité.
21. La paroisse orthodoxe de Sâmbăta forma un appel contre le jugement du 24 octobre 1996, qui fut rejeté par le tribunal départemental de Bihor le 6 mai 1997. Le tribunal ajouta des motifs supplémentaires par rapport à ceux développés par le tribunal de première instance et nota qu'une pratique judiciaire s'était généralisée consistant à reconnaître la légitimité des droits des pratiquants du culte uniate et que, jusqu'à la réglementation de la situation par voie législative, une utilisation en commun des édifices religieux par les deux cultes s'imposait.
22. La paroisse orthodoxe de Sâmbăta saisit la cour d'appel d'Oradea d'un recours contre la décision du 6 mai 1997.
23. Elle saisit également la cour d'appel d'une demande de suspension de l'exécution forcée de la décision du 6 mai 1997. Par jugement avant dire droit du 20 mai 1997, la cour d'appel ordonna la suspension de l'exécution jusqu'à ce qu'elle se prononce sur le recours formé contre ladite décision.
24. Par un arrêt du 12 janvier 1998, la cour d'appel d'Oradea fit droit au recours et déclara irrecevable la demande de la requérante. La cour d'appel jugea que le décret-loi no 126/1990 était une loi spéciale qui dérogeait au code civil. Selon ce décret-loi, les litiges portant sur un droit de propriété ou d'usage des édifices religieux échappaient à la compétence des tribunaux, de tels litiges étant de la compétence exclusive des commissions mixtes constituées en vertu de ce décret.
D. L'évolution ultérieure de la situation
25. Le 3 février 2002, la requérante informa la Cour que les croyants gréco catholiques de la commune de Sâmbăta avaient fait construire une nouvelle église pour leur usage par leurs propres moyens, sans l'aide des orthodoxes ou de l'État. Elle affirme que le recensement de 2002 montre que 34 % des habitants de la commune se déclarent gréco catholiques.
E. Contexte général des démarches et manifestations des fidèles des cultes uniates et orthodoxe en ce qui concerne les édifices religieux
26. Après 1990, les fidèles du culte gréco catholique habitants des communes sises dans plusieurs départements de la région occidentale de la Roumanie, tels que Bihor, Cluj, Alba, Mureş, Bistriţa-Năsăud, Sibiu, tentèrent de recouvrer, soit la propriété et la possession exclusives des églises qui leur avaient appartenu avant 1948, soit l'usage partagé de ces églises, alternativement avec le culte orthodoxe. Les paroisses uniates entamèrent, comme la requérante, des démarches gracieuses, en vertu du décret-loi no 126/1990, mais également des actions en justice en vertu du droit commun.
27. Pour ce qui est des démarches gracieuses auprès des représentants de l'Église orthodoxe qui occupaient lesdites églises, elles restèrent parfois sans résultat, surtout dans les communes où les fidèles orthodoxes étaient majoritaires.
28. Les représentants des deux cultes au plus haut niveau se réunirent plusieurs fois pour discuter de ces problèmes. Les six premières rencontres eurent lieu les 28 octobre 1998, 29 janvier, 10 juin et 4 novembre 1999 et les 28 septembre 2000 et 27 septembre 2001.
29. Le communiqué adopté lors de la réunion du 29 janvier 1999 entre des délégations orthodoxe et gréco-catholique notait que la partie orthodoxe insistait pour que les gréco catholiques renoncent aux actions en justice et que le dialogue sur les possibilités de restitution des édifices du culte continue au niveau local. Le texte du communiqué était ainsi libellé, dans ses parties pertinentes :
« La deuxième réunion des commissions de dialogue s'est déroulée dans un climat d'ouverture, de fraternité et de sincérité. Nous nous félicitons des résultats et des progrès accomplis par la voie du dialogue.
1. Nous réaffirmons les principes du dialogue établis lors de la première réunion qui s'est déroulée le 28 octobre 1998 à Bucarest, à savoir :
- renoncer à l'occupation par la force des édifices du culte ;
- renoncer aux actions juridiques et législatives ;
- renoncer à toute forme de prosélytisme ;
- établir par la voie du dialogue l'usage des édifices du culte.
2. Compte tenu du fait que la partie orthodoxe a conditionné l'invitation faite par le saint-synode de l'Église orthodoxe roumaine à Sa Sainteté Jean-Paul II de visiter la Roumanie au renoncement à toutes les actions en justice introduites jusqu'au 22 février 1999, la partie gréco catholique propose d'aborder en priorité le règlement des différends qui ont mené auxdites actions judiciaires. Nous espérons que cette divergence de vues sera résolue ultérieurement.
3. Compte tenu du fait que la plupart des anciennes églises gréco catholiques sont fréquentées par les anciens fidèles gréco-catholiques qui aujourd'hui sont et se déclarent orthodoxes, mais aussi qu'il y a encore des communautés gréco catholiques minoritaires qui ne disposent pas d'édifice de culte :
a) la partie orthodoxe s'engage à reconnaître de facto que plus d'une centaine d'édifices du culte qui étaient avant 1989 en possession des communautés orthodoxes, mais sont à présent utilisés par les gréco catholiques, resteront en la possession de ces derniers, quelle que soit la modalité par laquelle ces édifices ont été récupérés ; ceux-ci ne seront pas revendiqués par les orthodoxes ;
b) les commissions mixtes locales continueront les négociations afin que dans les communes où il y a une paroisse gréco-catholique et où plusieurs édifices du culte sont en la possession de la majorité orthodoxe, cette dernière analyse la possibilité d'offrir à la paroisse gréco-catholique un de ces édifices, avec le consentement du prêtre et des fidèles orthodoxes de la commune (...) »
30. Le communiqué adopté le 4 novembre 1999, lors de la quatrième réunion des délégations orthodoxe et gréco catholique, notait des progrès modestes dans le règlement des différends patrimoniaux. Il était envisagé de donner priorité aux règlements amiables au lieu de recourir à des actions judiciaires. Les représentants des deux cultes étaient de part et d'autre disposés à ce que les fidèles de chaque culte aident autant que possible les autres à se faire construire des églises. Les prétentions avancées par les gréco catholiques concernant la restitution de leurs anciennes églises dans les communes où il y avait deux églises, et le partage de l'usage de l'église là où il n'y avait qu'une seule, ne furent pas acceptées par les orthodoxes.
31. Par une lettre du 12 février 2002 adressée au ministre de la Justice, le patriarche de l'Église orthodoxe roumaine, rappelant les principes de l'autonomie de l'Église et du dialogue œcuménique entre les cultes catholique oriental et orthodoxe, fit valoir que les commissions mixtes établies en vertu du décret-loi no 126/1990 étaient les seules autorités compétentes pour connaître des différends entre des deux cultes relatifs à la propriété ou à l'usage des édifices religieux. Il fit part de sa préoccupation quant à la pratique de certains tribunaux de juger de tels litiges selon le droit commun.
32. Le 26 février 2004, l'archevêché de Transylvanie (Mitropolia Ardealului) rendit une décision par laquelle il demanda à l'église uniate de choisir entre « le dialogue et la justice » : si la voie du dialogue était choisie, les parties devaient s'engager à retirer immédiatement toutes les actions engagées devant les juridictions nationales. Le 26 mai 2004, les participants à la conférence épiscopale répondirent qu'ils souhaitaient continuer le dialogue.
33. Des tensions entre des fidèles des deux cultes furent également enregistrées. Ainsi qu'il ressort du communiqué de presse du 16 mars 2002 adopté par l'Église métropolitaine roumaine unie à Rome (gréco catholique) dans la nuit du 15 au 16 mars 2002, le prêtre gréco-catholique d'Ocna Mureş ainsi qu'un groupe de fidèles furent expulsés de force de l'église par des fidèles orthodoxes accompagnés par le prêtre orthodoxe. Les autorités intervinrent afin d'éloigner toutes les personnes impliquées dans l'incident, mais remirent l'édifice religieux entre les mains des orthodoxes alors que, depuis le 7 février 2002, l'église avait été attribuée en possession aux gréco catholiques, en vertu d'une décision de la cour d'appel d'Alba-Iulia.
34. D'autres incidents similaires furent également mentionnés dans la presse.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
A. La Constitution
35. L'article pertinent de la Constitution se lit ainsi :
Article 21
« 1) Toute personne peut s'adresser à la justice pour la protection de ses droits, de ses libertés et de ses intérêts légitimes.
2) Aucune loi ne peut restreindre l'exercice de ce droit. »
B. Le décret no 177/1948 pour le régime général des cultes religieux
36. Ce décret a été publié au Journal Officiel no 178 du 4 août 1948. Son texte a été rectifié et publié de nouveau au Journal Officiel no 204 du 3 septembre 1948. Il est ainsi rédigé dans ses parties pertinentes :
Article 37
« 1) Si au moins 10 % des croyants affiliés à un culte le quittent pour un autre culte, la communauté religieuse du culte qui a été quitté perd de plein droit une partie de son patrimoine proportionnellement au nombre des croyants qui l'a quittée. Cette partie est transférée, toujours de plein droit, dans le patrimoine de la communauté locale du nouveau culte adopté par les croyants. »
37. Ce décret a été abrogé le 11 janvier 2007 par la loi no 489/2006 sur la liberté de la religion et le régime général des cultes, publiée au Journal officiel no 11 du 8 janvier 2007.
C. Le décret-loi no 126/1990 sur certaines mesures relatives à l'Église roumaine unie à Rome (gréco-catholique) et ses modifications successives
38. Ce décret a été publié au Journal Officiel no 54 du 25 avril 1990. Il est ainsi libellé, dans ses parties pertinentes :
Article 1
« 1) A la suite de l'abrogation du décret no 358/1948 par le décret-loi no 9 du 31 décembre 1989, l'Église roumaine unie à Rome est reconnue officiellement (...) »
Article 3
« La situation juridique des édifices religieux et des maisons paroissiales qui ont appartenu à l'Église uniate et que l'Église orthodoxe roumaine s'est appropriés sera déterminée par une commission mixte, formée des représentants du clergé de chacun des deux cultes religieux, qui prendra en compte la volonté des croyants des communautés détenant ces biens. »
39. L'article 3 du décret-loi susmentionné a été complété par l'ordonnance du Gouvernement no 64/2004 du 13 août 2004 (« l'ordonnance no 64/2004 »), qui a ajouté un deuxième paragraphe, ainsi libellé :
« Au cas où les représentants cléricaux des deux cultes religieux ne trouvent pas un accord au sein de la commission mixte prévue à l'article 1er, la partie intéressée peut introduire une action en justice en vertu du droit commun. »
40. La loi no 182/2005 du 13 juin 2005 (« la loi no 182/2005 »), qui a approuvé l'ordonnance no 64/2004, publiée au Journal officiel du 14 juin 2005, a modifié le deuxième alinéa de l'article 3 et a ajouté deux autres, ainsi rédigés :
« La partie intéressée convoquera l'autre partie, en lui communiquant par écrit ses prétentions et en lui fournissant les preuves sur lesquelles elle fonde ses prétentions. La convocation sera faite par lettre recommandée avec avis de réception ou par la remise des lettres en mains propres. La date de la convocation de la commission mixte ne sera fixée qu'après trente jours après la date de réception des documents. La commission sera constituée de trois représentants de chaque culte. Si le jour de la convocation, la commission ne se réunit pas ou si elle n'arrive à aucun résultat ou si la décision mécontente l'une des parties, la partie intéressée peut introduire une action en justice sur le droit commun.
L'action sera examinée par les tribunaux.
L'action sera exemptée de la taxe judiciaire. »
D. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle
41. La décision no 127 du 16 novembre 1994 de la Cour constitutionnelle, publiée au Journal Officiel no 66 du 11 avril 1995, dispose que :
« L'article 3 du décret-loi no 126/1990 régit la modalité de règlement de la situation juridique des édifices du culte (...) en litige. Il n'empêche pas pourtant les parties, c'est-à -dire les cultes, de saisir les juridictions ordinaires. (...) Les cultes peuvent également agir en justice (...) mais uniquement après l'épuisement de la procédure prévue par l'article 3 dudit décret (...). »
42. La décision no 49 du 19 mai 1995 de la Cour constitutionnelle, publiée au Journal Officiel no 224 du 29 septembre 1995, est ainsi libellée dans ses parties pertinentes :
« (...) La Cour constitutionnelle a été auparavant invitée à se prononcer sur l'exception d'inconstitutionnalité (excepţie de neconstituţionalitate) des dispositions de l'article 3 du décret-loi no 126/1990 (...)
La Cour constitutionnelle a jugé que l'article 3 du décret-loi no 126/1990 était conforme à la Constitution pour les motifs suivants :
– [...] la procédure instituée par l'article 3 du décret-loi no 126/1990 n'enfreint pas le principe du libre accès à la justice prévu par l'article 21 de la Constitution, car elle a un caractère préalable à un éventuel procès qui pourrait résulter de la méconnaissance des règles établies, comme la méconnaissance du choix de la majorité des paroissiens ;
– l'exigence d'une telle procédure préalable à la procédure judiciaire n'est pas inconstitutionnelle, car elle a pour but d'éviter l'encombrement des tribunaux par des litiges qui pourraient être tranchés à l'amiable, mais aussi de préserver l'intérêt des parties à voir leur différend tranché avec célérité. (...)
Par conséquent, il faut suivre en premier lieu les dispositions de l'article 3 du décret-loi no 126/1990 (...) ».
E. La jurisprudence de la Cour suprême de justice et de certaines cours d'appel
43. Selon l'arrêt de la Cour suprême de justice du 22 mars 1996, les tribunaux ne sauraient se prononcer sur l'utilisation d'un édifice religieux sans outrepasser les compétences du pouvoir judiciaire, et les décisions ainsi rendues sont nulles.
44. Dans un arrêt du 17 février 1999, la Cour suprême de justice a marqué un revirement de jurisprudence par rapport à sa décision du 22 mars 1996. Elle a rejeté, pour les motifs suivants, le recours en annulation formé par le procureur général contre une décision définitive ayant donné gain de cause à une paroisse uniate dans son action en revendication :
« En vertu de l'article 3 du [décret-loi no 126/1990], la situation juridique des édifices du culte et des maisons paroissiales qui ont appartenu à l'Église roumaine uniate et que l'Église orthodoxe roumaine s'est appropriés, sera déterminée par une commission mixte, formée des représentants du clergé de chacun des deux cultes religieux. Cette commission prendra en compte la volonté des paroissiens du culte détenant ces biens.
(...) [L]e décret-loi no 126 du 24 avril 1990 contient des dispositions légales promulguées antérieurement à la Constitution, alors que le présent litige s'est déroulé sous l'empire des dispositions de la Constitution. Il est vrai que (...) dans certains départements, les commissions mixtes auxquelles ledit texte fait référence se sont constituées mais il est également vrai qu'une telle commission ne s'est pas constituée à Sibiu.
Cependant, le fait qu'une telle commission ne se soit pas constituée ne peut pas empêcher le libre accès de la requérante à la justice, car cela serait contraire au principe consacré par l'article 21 de la Constitution selon lequel toute personne peut s'adresser à la justice pour la protection de ses droits, de ses libertés et de ses intérêts légitimes et qu'aucune loi ne peut restreindre l'exercice de ce droit.
Dans ce but (...) l'article 3 du code civil dispose que le juge qui refuserait de statuer au motif que la loi ne prévoit pas ce cas de figure ou qu'elle n'est pas claire ou est insuffisante, pourrait être poursuivi pour déni de justice.
(...) [C]e droit fondamental d'une personne de s'adresser à la justice est également consacré dans les traités internationaux que la Roumanie a ratifiés.
Ainsi, l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (...) prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue, [équitablement], publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits ou obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
L'article 13 de la même Convention énonce également que toute personne dont les droits et libertés prévus par ladite Convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une juridiction nationale (...). Par ailleurs, l'article 1 du Premier Protocole additionnel à cette Convention (...) prévoit que toute personne a le droit au respect de ses biens et que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par les lois et les principes généraux du droit international.
Partant, [la Cour] constate que les tribunaux n'ont pas outrepassé leurs compétences par les décisions attaquées. (...) »
45. Dans un arrêt définitif du 20 février 1998, la cour d'appel de Bucarest a considéré que l'article 3 du décret-loi no 126/1990 n'était pas applicable lorsqu'il s'agissait d'une action en expulsion régie par le droit commun. La cour d'appel a jugé que :
« (...) compte tenu du fait que l'édifice du culte appartient aux croyants qui ont contribué à son acquisition et à leurs successeurs, la requérante a le droit de demander l'expulsion de la partie défenderesse en vertu de l'article 480 du code civil. Le problème de la reconstitution du droit de propriété et celui de l'attribution en propriété en fonction du nombre des fidèles d'un culte ne sont pas pertinents. »
46. Dans un arrêt définitif du 9 mars 2001, la cour d'appel de Bucarest a considéré qu'il revenait aux tribunaux ordinaires de statuer selon le droit commun, sur une action en revendication tendant à faire valoir un droit de propriété existant et non à se voir attribuer en propriété un bien. L'exercice d'une telle action ne pourrait pas être subordonné à l'accomplissement d'une procédure préalable obligatoire.
47. La cour d'appel d'Oradea a considéré par ailleurs dans son arrêt définitif du 22 avril 1999 que :
« Le problème qui se pose est celui de savoir si, étant donné que [le décret-loi no 126/1990] prévoit que la situation juridique des édifices du culte sera établie par une commission mixte formée de représentants des deux cultes, il est encore possible de saisir les tribunaux ordinaires de litiges concernant ces immeubles.
La cour considère que [le tribunal] a estimé de façon erronée que les dispositions dudit décret ne permettaient pas aux juridictions ordinaires de trancher de tels litiges portés devant elles. Cet acte normatif a été adopté afin de rendre possible le règlement amiable des revendications nées naturellement après le rétablissement de la liberté de religion. C'est un acte normatif ayant valeur de recommandation qui n'empêche pas l'application de la loi civile générale en matière d'acquisition et de perte du droit de propriété.
Les commissions mixtes intercléricales n'ont pas un caractère juridictionnel et n'ont pas été investies du pouvoir de trancher les différends apparus. C'est ce qui ressort également du document intitulé « déclaration appel » qui recommande aux deux Églises de parvenir à une entente pour ne pas avoir recours à la loi.
(...)
[La cour] note également que, pendant les huit ans écoulés depuis l'entrée en vigueur du décret-loi no 126/1990, la requérante a initié diverses démarches auprès de la commission mixte en vue du règlement du litige portant sur la revendication de l'immeuble en cause, mais aucun indice ne montre que la commission a tranché ou a eu l'intention de trancher ce différend. Dès lors, une action en justice s'imposait et en est d'autant plus justifiée. »
48. Saisie d'une action fondée sur le deuxième alinéa de l'article 3 du décret-loi no 126/1990 introduit par l'ordonnance no 64/2004, en constatation de la nullité d'une expropriation et en restitution d'une église ayant appartenu au culte religieux uniate, par un arrêt définitif du 24 novembre 2004, après avoir constaté que malgré les diligences des représentants de l'église gréco-catholique, les commissions mixtes ne s'étaient pas constituées, la Haute Cour de cassation et de justice a jugé que l'action en justice était recevable et non pas prématurée.
49. Lors d'une procédure engagée par une paroisse orthodoxe en délimitation topographique d'une église uniate et d'un autre immeuble et qui visait des circonstances similaires à celles de la présente affaire, la paroisse gréco catholique intéressée a fait une demande d'intervention en demandant d'annulation de l'inscription du livre foncier du droit de propriété de l'État sur l'église et sa restitution. Par un arrêt du 20 janvier 2006, se fondant sur l'ordonnance no 64/2004, la cour d'appel de Timişoara a rejeté la demande d'intervention comme prématurée.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
50. La requérante allègue qu'elle a été privée de son droit d'accès à un tribunal du fait que la cour d'appel s'est déclarée incompétente pour connaître du litige qui l'opposait à l'Église orthodoxe et qui portait sur l'usage partagé de l'édifice du culte. Elle invoque l'article 6 § 1 de la Convention, qui se lit ainsi dans ses parties pertinentes :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A. Les arguments des parties
51. Le Gouvernement soutient que la requérante ne s'est pas vu nier son droit d'accès à un tribunal, mais qu'en vertu de la loi interne, ce droit a subi des limitations justifiées par la nature du litige.
52. Il fait valoir que, pour ce qui est des litiges entre les deux Églises, uniate et orthodoxe, relatifs aux édifices du culte et aux maisons paroissiales qui appartenaient aux gréco catholiques avant 1948 et qui, depuis lors, étaient en possession de l'Église orthodoxe, le législateur roumain a entendu adopter une réglementation spéciale dérogatoire au droit commun. Ainsi, la loi spéciale, c'est-à -dire le décret-loi no 126/1990, prévoit qu'il appartient aux commissions mixtes formées par les représentants des deux Églises de trancher tout litige relatif aux édifices du culte. En instituant une telle procédure dérogatoire, le législateur a également établi les critères qui doivent être appliqués par les commissions mixtes. Selon le Gouvernement, celles-ci doivent tenir compte de la volonté de la majorité des croyants de chaque commune.
53. Le Gouvernement indique qu'à Sâmbăta, cette commission mixte s'est constituée le 3 mai 1995 et qu'elle a pris en compte la volonté de la majorité orthodoxe, qui était de ne pas partager l'usage de l'église aux fins de l'office religieux avec les fidèles gréco catholiques.
54. Le Gouvernement fait ensuite valoir que toute décision d'une commission mixte est soumise à un contrôle juridictionnel. Invoquant l'interprétation du décret-loi no 126/1990 par la Cour constitutionnelle roumaine, le Gouvernement admet que la compétence des tribunaux pour connaître de telles contestations était limitée à vérifier si les critères établis par la loi, tels que le respect de la volonté de la majorité des croyants d'une commune, avaient été respectés.
55. Le Gouvernement fait valoir que cette solution législative, qui relève de la marge d'appréciation de l'État, était justifiée par le fait que, s'agissant d'un domaine sensible, elle visait à écarter le risque de troubles sociaux dans les communautés où des gréco catholiques et des orthodoxes cohabitaient. Par ailleurs, le Gouvernement souligne que les hauts représentants des deux cultes sont convenus de privilégier la voie du dialogue et d'éviter le recours aux tribunaux.
56. Le Gouvernement note les changements législatifs apportés au décret-loi no 126/1990 par les actes normatifs successifs et, en renvoyant à deux affaires pendantes devant la Haute Cour de cassation et de justice, il estime que l'efficacité de la voie de recours prévue par la loi no 182/2005 doit être prouvée par des exemples concrets de jurisprudence.
57. La requérante considère que les dispositions législatives dérogatoires invoquées par le Gouvernement sont contraires à la Convention, à la Constitution de la Roumanie et aux principes du code civil en la matière, car elles constituent une atteinte injustifiée et disproportionnée à la substance même du droit d'accès à un tribunal.
58. La requérante souligne que certaines juridictions internes, y compris la Cour suprême de justice, ont fait prévaloir, sur le décret-loi no 126/1990, la Convention et les principes du droit interne, qui donnent à toute personne accès à un tribunal afin qu'il statue sur des contestations relatives à ses droits civils. La requérante ne prétend pas qu'une telle pratique soit constante au niveau des plus hautes juridictions internes. Au contraire, elle fait remarquer que, dans beaucoup d'autres cas, comme en ce qui la concerne, les paroisses uniates se sont vu refuser le droit d'accès à un tribunal.
59. Pour ce qui est du recours aux commissions mixtes en vertu du décret-loi no 126/1990, la requérante estime que, dans la mesure où il serait considéré comme une procédure préalable ou spéciale, elle est de nature à vider de son contenu le droit d'accès à un tribunal. Elle fait valoir que, soit les commissions mixtes ne se sont pas constituées, soit elles ont été le théâtre de discussions stériles, la partie orthodoxe refusant à chaque fois de rendre aux gréco catholiques leurs anciennes églises ou d'en partager l'usage. C'est précisément ce qui s'est passé dans son cas, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de la seule réunion des représentants des deux cultes qui a eu lieu à Sâmbăta le 3 mai 1995. En outre, dans la mesure où leurs décisions ne peuvent être contestées devant les tribunaux ordinaires que sur l'application formelle des critères établis par l'article 3 du décret-loi no 126/1990, ce contrôle juridictionnel serait si limité que le droit d'accès à un tribunal est illusoire.
60. La requérante soutient également qu'une telle limitation est injustifiée et disproportionnée. Elle considère que le fait de remettre sa contestation relative à ses droits civils et à l'usage de l'édifice religieux entre les mains d'un organe soumis à la pression du groupe majoritaire orthodoxe ne peut pas être légitimement justifié par la volonté d'éviter des troubles sociaux. Dans un État de droit, la paix sociale repose sur le respect des droits de chacun. Selon elle, c'est le maintien d'une situation ambiguë, autorisant la méconnaissance de ces droits, qui est de nature à entretenir un climat de tension.
61. Concernant l'évolution législative en la matière, elle formule des réserves quant à l'efficacité de la voie de recours prévue par la loi no 182/2005 et à la possibilité de voir des actions introduites en vertu de droit commun rejetées comme prématurées, faute pour la partie intéressée d'avoir suivi la procédure préalable.
B. L'appréciation de la Cour
62. La Cour rappelle d'emblée que l'article 6 § 1 garantit à chacun le droit à ce qu'un tribunal connaisse de toute contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil. Il consacre de la sorte un « droit à un tribunal », dont le droit d'accès, à savoir le droit de saisir le tribunal en matière civile, ne constitue qu'un aspect (voir, parmi d'autres, Ernst et autres c. Belgique, no 33400/96, § 48, 15 juillet 2003 et Waite et Kennedy c. Allemagne [GC], no 26083/94, § 50, CEDH 1999-I).
63. Certes, le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu. Il peut donner lieu à des limitations implicitement admises car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'État, qui, pour l'élaborer, jouit d'une certaine marge d'appréciation. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même (Église catholique de La Canée c. Grèce, 16 décembre 1997, § 38, Recueil des arrêts et décisions 1997-VIII). En outre, la Cour rappelle qu'une limitation au droit d'accès à un tribunal ne se concilie avec l'article 6 § 1 que si elle poursuit un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (voir, parmi d'autres, Prince Hans-Adam II de Liechtenstein c. Allemagne [GC], no 42527/98, § 44, CEDH 2001-VIII).
64. La Cour rappelle également qu'elle n'a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes. C'est au premier chef aux autorités nationales, notamment aux cours et tribunaux, qu'il incombe d'interpréter la législation interne (Waite et Kennedy précité, § 54). Son rôle se limite à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de pareille interprétation.
65. La Cour note que l'action de la requérante relevait de l'article 6 § 1 de la Convention dans sa branche civile dès lors qu'elle visait à faire reconnaître son droit d'utiliser un immeuble, droit de caractère patrimonial.
66. La Cour constate que par son arrêt définitif du 12 janvier 1998, se fondant sur l'article 3 du décret-loi no 126/1990, la cour d'appel d'Oradea a rejeté l'action de la requérante au motif que les litiges portant sur un droit de propriété ou d'usage d'un édifice religieux échappaient à la compétence des tribunaux et étaient de la compétence exclusive des commissions mixtes. Or, la Cour estime qu'il ne fait aucun doute – et aucune des parties n'en disconvient – que la commission mixte prévue par l'article 3 du décret-loi no 126/1990 formée des représentants des deux communautés religieuses ne peut passer pour un « tribunal » au sens de l'article 6 § 1.
67. Ainsi qu'il ressort de l'arrêt du 12 janvier 1998 de la cour d'appel d'Oradea à la lumière de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle (paragraphes 41, 42 et 54 ci-dessus), et comme le soutient le Gouvernement, cette étape devant la commission mixte était un préalable obligatoire à la saisine des tribunaux et la compétence de ces derniers était limitée à la vérification du respect de la volonté de la majorité.
68. Elle rappelle que le fait de confier à un organe non-juridictionnel le soin de statuer sur certains droits de caractère civil, n'enfreint pas en soi la Convention, si ledit organe subit le contrôle ultérieur d'un organe judiciaire de pleine juridiction (Albert et Le Compte c. Belgique, 10 février 1983, § 29, série A no 58 et Helle c. Finlande, arrêt du 19 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, p. 2926, § 46). Dès lors, la Cour doit vérifier si ce degré d'accès limité à un tribunal suffisait pour assurer à la requérante le « droit à un tribunal », eu égard au principe de la prééminence du droit dans une société démocratique (Waite et Kennedy précité, § 58).
69. Pour ce qui est du but poursuivi par cette limitation, la Cour peut admettre qu'elle poursuivait un but légitime, à savoir la protection de la paix sociale.
70. Quant à la proportionnalité, afin d'apprécier la limitation litigieuse apportée à l'article 6 § 1, la Cour examinera d'abord l'incidence, sur le droit de la requérante d'accès à un tribunal, du caractère obligatoire de la procédure préalable et, ensuite, celle de la portée du contrôle exercé par le tribunal.
71. En l'espèce, comme les tribunaux l'ont fait remarquer, la requérante a suivi la procédure préalable prévue par l'article 3 du décret-loi no 126/1990. Ainsi, lors de la seule réunion des représentants des deux cultes qui a eu lieu le 3 mai 1995, elle a demandé à partager l'usage, pour l'office religieux, de l'église qui lui appartenait avant 1948 et s'est heurtée à un refus de la majorité orthodoxe. Or, la Cour constate que la loi en vigueur à l'époque des faits ne réglementait ni la procédure à suivre afin de convoquer une commission mixte, ni celle à suivre par une commission pour rendre une décision. Aucune disposition légale contraignante n'obligeait les parties à organiser ou à participer à ces commissions. Qui plus est, aucun délai n'était prévu pour qu'une commission mixte rende une décision. Ces lacunes législatives ont favorisé une procédure préalable dilatoire qui, compte tenu de son caractère obligatoire, pouvait bloquer sine die le droit de la requérante d'accès à un tribunal.
72. En outre, comme le reconnaît le Gouvernement, le contrôle judiciaire auquel toute décision de cette commission pouvait être soumise était limité à la vérification du respect des critères établis par la loi, dont le principal était le respect de la volonté de la majorité. Or, de l'avis de la Cour, pour qu'un « tribunal » puisse décider d'une contestation sur des droits de caractère civil en conformité avec l'article 6 § 1, il faut qu'il ait compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi (mutatis mutandis, Terra Woningen B.V. c. Pays-Bas, 17 décembre 1996, § 52, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI et Credit industriel c. République tchèque, no 29010/95, § 68, CEDH 2003-XI (extraits)). Or, en l'espèce, les juridictions internes n'étaient pas compétentes pour statuer sur le bien-fondé d'une décision rendue par la commission mixte en prenant dûment compte des intérêts et des droits protégés en jeu. Dès lors, la Cour estime que le contrôle exercé par un tribunal n'était pas suffisant aux fins de l'article 6 § 1 de la Convention.
73. Au demeurant, la Cour note que si l'action de la requérante a été déclarée irrecevable par la cour d'appel d'Oradea après un contrôle limité, d'autres juridictions ont procédé pendant la même période à un contrôle juridictionnel plein des contestations qui leur étaient soumises (paragraphes 43-47 ci-dessus). On peut en déduire que la limitation que le législateur a voulu imposer au droit d'accès au tribunal pour ce type de litige, n'apparaissait pas nécessaire à certains tribunaux nationaux (paragraphes 44 et 47 ci-dessus).
74. La Cour relève enfin que l'article 3 du décret-loi no 126/1990 a été modifié par l'ordonnance no 64/2004 et par la loi no 182/2005 et qu'il est aujourd'hui possible de saisir les juridictions internes qui sont compétentes pour trancher les litiges portant sur les édifices religieux et les maisons paroissiales en vertu du droit commun (paragraphes 39-40 ci-dessus). Il reste que ces changements législatifs, qu'il convient de saluer, sont largement postérieurs aux faits dénoncés par la requérante.
75. De l'avis de la Cour, une exclusion générale de la compétence des tribunaux des litiges comme celui du cas de l'espèce est en soi contraire au droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6 de la Convention (mutatis mutandis, Vasilescu c. Roumanie, 22 mai 1998, §§ 39-41, Recueil des arrêts et décisions 1998-III). En outre, la Cour estime que le système de résolution de conflits préalables mis en place par la loi spéciale n'était pas suffisamment réglementé et que le contrôle juridictionnel sur la décision de la commission mixte n'était pas adéquat (voir, mutatis mutandis, Pellegrini c. Italie, no 30882/96, CEDH 2001-VIII). Au vu de ces observations et gardant à l'esprit le principe selon lequel la Convention a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs (Artico c. Italie, 13 mai 1980, § 33, série A no 37), la Cour estime que la requérante n'a pas bénéficié d'un droit d'accès effectif à un tribunal.
Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 14 DE LA CONVENTION, COMBINÉ AVEC L'ARTICLE 6 § 1
76. La requérante allègue que les instances nationales ont manqué à l'obligation de lui assurer la jouissance sans discrimination du droit d'accès au tribunal. Elle invoque l'article 14 de la Convention, ainsi libellé :
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
A. Les arguments des parties
77. Le Gouvernement fait valoir qu'il n'est pas possible d'établir une analogie entre la situation du culte gréco catholique et celle des autres cultes reconnus en Roumanie, dans la mesure où aucun des autres cultes n'a été rétabli après une période d'interdiction. Or, le rétablissement du culte gréco catholique a été assorti de conditions spéciales, dues au caractère singulier de cette situation. D'après le Gouvernement, en la matière, les États jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour déterminer dans quelle mesure les différences entre des situations, à d'autres égards analogues, justifient des distinctions de traitement juridique. Il souligne que la procédure dérogatoire devant les commissions mixtes ne concerne que certains immeubles, comme les édifices religieux, et ne s'étend pas aux autres biens immobiliers de l'Église gréco catholique.
78. La requérante conteste ces arguments, considérant que le traitement différent qui lui a été appliqué s'agissant de son droit d'accès à la justice n'est aucunement justifié. Elle relève non seulement que l'article 3 du décret-loi no 126/1990 est discriminatoire à l'égard du culte gréco catholique, mais que la pratique contradictoire des tribunaux nationaux est elle aussi discriminatoire.
B. L'appréciation de la Cour
79. La Cour rappelle qu'en prohibant la discrimination, l'article 14 interdit de traiter de manière différente des personnes placées en la matière dans des situations comparables. Elle relève qu'une distinction est discriminatoire au sens de l'article 14 de la Convention si elle « manque de justification objective et raisonnable », c'est-à -dire si elle ne poursuit pas un « but légitime » ou s'il n'y a pas un « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé » (Ernst et autres précité, § 84).
80. La Cour note que la distinction de traitement qui a affecté la requérante dans la jouissance de son droit d'accès à la justice a été motivée par son appartenance au culte gréco catholique. Le Gouvernement a avancé des justifications quant à cette différence de traitement fondée sur la situation particulière du culte qui venait d'être reconnu à nouveau en 1990. La Cour note qu'à ce moment-là , le problème de restitution des édifices de culte et autres immeubles ayant appartenu à l'église uniate avant son interdiction se posait à une échelle assez importante et était une question socialement sensible (paragraphes 33-34 ci-dessus).
81. Cependant, même à supposer qu'une telle justification puisse paraître conforme aux exigences de l'article 14 de la Convention, il n'en reste pas moins que les tribunaux nationaux ont interprété le décret-loi no 126/1990 de façon contradictoire, tantôt refusant, tantôt acceptant de juger des litiges portés devant eux par des paroisses gréco catholiques de sorte que la requérante a été traitée de manière différente par rapport à d'autres paroisses ayant eu des litiges similaires (paragraphes 43-47 ci-dessus). Or, le Gouvernement n'a pas apporté de justification à cette différence de traitement (mutatis mutandis, Beian c. Roumanie (no 1), no 30658/05, § 40, CEDH 2007-XIII (extraits)).
82. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que cette différence de traitement subie par la requérante ne reposait sur aucune justification objective et raisonnable, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si l'article 3 du décret-loi no 126/1990 est discriminatoire à l'égard du culte gréco catholique.
Partant, il y a eu violation de l'article 14 de la Convention combiné avec l'article 6 § 1.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
83. La requérante se plaint également qu'il n'existe aucune instance nationale à laquelle elle puisse soumettre efficacement sa demande concernant l'usage de l'édifice du culte. Elle invoque l'article 13 de la Convention, qui est ainsi libellé :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »
84. Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.
85. La Cour rappelle que lorsqu'une question d'accès à un tribunal se pose, les garanties de l'article 13 se trouvent absorbées par celles de l'article 6 qui sont plus strictes (Tinnelly & Sons Ltd et autres et McElduff et autres c. Royaume-Uni, 10 juillet 1998, § 77, Recueil des arrêts et décisions 1998-IV et Ravon et autres c. France, no 18497/03, § 27, 21 février 2008). Dès lors, au vu des conclusions qui précèdent sous l'angle de l'article 6 § 1 de la Convention et en prenant note des changements législatifs en la matière, la Cour estime qu'il n'y a pas lieu d'examiner séparément ce grief relatif à l'absence d'un recours effectif.
IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES L'ARTICLES 9 DE LA CONVENTION ET 1 DU PROTOCOLE NO 1 À LA CONVENTION, CONSIDÉRÉS ISOLÉMENT OU COMBINÉS AVEC L'ARTICLE 14 DE LA CONVENTION
86. La requérante allègue que le refus de la cour d'appel d'Oradea de trancher le litige visant l'usage, pour la célébration de l'office religieux, de l'édifice de culte, rendant ainsi inefficaces les décisions des juridictions inférieures, a porté atteinte également à sa liberté de religion et à son droit au respect de ses biens, en violation de l'article 9 de la Convention et de l'article 1 du Protocole no 1, chacun pris soit isolément soit en combinaison avec l'article 14 de la Convention.
87. La Cour observe que tel que formulé par la requérante et dans les circonstances de l'espèce, le contenu de ces grief est essentiellement fondé sur l'absence de protection procédurale qu'elle vient de considérer contraire à l'article 6 § 1 de la Convention (paragraphes 62-75 ci-dessus). Estimant ainsi avoir statué sur le problème principal soulevé par la requérante, la Cour considère qu'il ne s'impose pas d'examiner séparément les griefs tirés de l'article 9 de la Convention et 1 du Protocole no 1, pris isolement ou combinés avec l'article 14 (mutatis mutandis, Église catholique de La Canée précité, § 50, et Credit industriel précité, § 82).
V. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
88. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
89. La requérante demande au titre du préjudice matériel soit la restitution de l'édifice religieux litigieux, soit 23 290,73 euros (« EUR ») représentant sa valeur. Elle demande également 1270 EUR pour les travaux effectués par les membres de la paroisse pour l'aménagement de l'espace mis à leur disposition par une école pour tenir le service religieux, et 3504 EUR représentant les loyers payés par les membres de la paroisse pour cet espace. Elle sollicite également 120 000 EUR au titre du préjudice moral.
90. Le Gouvernement souligne que la requérante n'a pas un droit de copropriété sur l'église litigieuse et que l'objet de la procédure interne visait l'usage alternatif de l'édifice religieux. Dès lors, aucune somme ne devrait être octroyée à la requérante en contrepartie de l'église. Le Gouvernement note qu'il ressort des documents versés au dossier que des travaux ont été effectués en contrepartie du loyer et non pas pour l'aménagement de l'espace mis à la disposition des paroissiens pour l'exercice du culte. Quant au préjudice moral, le Gouvernement estime que la somme demandée est excessive et qu'un éventuel arrêt de condamnation constituerait en soi une réparation suffisante du préjudice moral allégué.
91. La Cour relève que la seule base à retenir pour l'octroi d'une satisfaction équitable réside en l'espèce dans le fait que la requérante n'a pas bénéficié d'un accès à un tribunal pour faire valoir son droit d'usage de l'édifice de culte et dans le fait que le refus de la cour d'appel d'Oradea de trancher l'affaire s'était avéré discriminatoire. La Cour ne saurait certes spéculer sur ce qu'eût été l'issue du procès dans le cas contraire, mais n'estime pas déraisonnable de penser que l'intéressée a subi une perte de chance réelle (Pelissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 80, CEDH 1999-II et Glod c. Roumanie, no 41134/98, § 50, 16 septembre 2003).
92. S'agissant de la réparation du préjudice moral, la Cour a déjà jugé que le préjudice autre que matériel peut comporter, pour une personne morale, des éléments plus ou moins « objectifs » et « subjectifs ». Parmi ces éléments, il faut reconnaître la réputation de l'entité juridique, mais également l'incertitude dans la planification des décisions à prendre, les troubles causés à la gestion de l'entité juridique elle-même, dont les conséquences ne se prêtent pas à un calcul exact, et enfin, quoique dans une moindre mesure, l'angoisse et les désagréments éprouvés par les membres des organes de direction (Paroisse gréco-catholique Sfântul Vasile Polonă c. Roumanie, no 65965/01, § 117, 7 avril 2009). En l'espèce, le défaut d'accès à un tribunal ainsi que la discrimination dont la requérante a fait l'objet de ce fait, a dû causer, dans le chef de la l'intéressée et de ses représentants, des désagréments et une incertitude prolongée, ne serait-ce que sur l'exercice du culte.
93. A la lumière de ce qui précède, statuant en équité, comme le veut l'article 41, la Cour alloue à la requérante 15 000 EUR tous préjudices confondus.
B. Frais et dépens
94. La requérante demande le remboursement des frais et dépens à hauteur de 8 462,69 EUR, dont elle fournit le détail ainsi : 98 EUR représentant les frais d'une expertise établissant la valeur de l'église en litige et 8 364,69 EUR représentant les honoraires de Me M. M., à verser directement à l'avocate.
95. Le Gouvernement ne s'oppose pas à ce que soit remboursées à la requérante les sommes effectivement payées par elle et en relation avec la violation constatée.
96. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. La Cour note que, le 31 octobre 2002, la somme de 660 EUR a été versée à la première avocate de la requérante au titre de l'assistance judiciaire. En l'espèce, eu égard aux critères mentionnés, au décompte détaillé des heures de travail qui lui a été soumis et aux questions que la présente affaire a soulevées, la Cour octroie pour frais et dépens 7 700 EUR à verser directement à Me M. M.. Elle octroie également la somme de 98 EUR à la requérante, au titre des frais et dépens.
C. Intérêts moratoires
97. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;
2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 14 de la Convention combiné avec l'article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner les griefs tirés des articles 13 et 9 de la Convention et 1 du Protocole no 1, ces derniers considérés isolément et combinés avec l'article 14 de la Convention ;
4. Dit
a) que l'État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie nationale de l'État défendeur au taux applicable à la date du règlement :
i. 15 000 EUR (quinze mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, tous préjudices confondus, à verser à la requérante,
ii. 7 700 EUR (sept mille sept cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par la requérante, pour frais et dépens, à verser directement à la première représentante de la requérante, Me M. M.,
iii. 98 EUR (quatre-vingt-dix-huit euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour frais et dépens, à verser à la requérante ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 12 janvier 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago Quesada Josep Casadevall
Greffier Président