TROISIÈME SECTION
AFFAIRE KARL GOTTFRIED SCHWARZ ET
HELMUT MARTIN SCHWARZ C. ROUMANIE
(Requête no 39740/03)
ARRÊT
STRASBOURG
12 janvier 2010
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Karl Gottfried Schwarz et Helmut Martin Schwarz c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,
Elisabet Fura,
Corneliu Bîrsan,
Boštjan M. Zupan�i�,
Alvina Gyulumyan,
Egbert Myjer,
Ann Power, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 décembre 2009,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 39740/03) dirigée contre la Roumanie et dont deux ressortissants allemands, MM. K. G. S. et H. M. S. (« les requérants »), ont saisi la Cour le 13 novembre 2003 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants sont représentés par Me E. M., avocate à Alba-Iulia. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.
3. Les requérants allèguent en particulier une atteinte à leur droit à un procès équitable, en raison du refus des juridictions nationales d'examiner l'un de leurs moyens de recours, ainsi qu'une atteinte à leur droit au respect des biens.
4. Le 24 avril 2008, le président de la troisième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
5. Le gouvernement allemand, auquel une copie de la requête a été communiquée, en vertu de l'article 44 § 1 a) du Règlement de la Cour, n'a pas souhaité présenter son point de vue sur l'affaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
6. Les requérants, frères, sont nés respectivement en 1954 et 1966 et résident à Augsburg (Allemagne).
7. Les requérants étaient propriétaires indivis de la moitié d'un bien immobilier situé à Valea Lungă, au numéro 24 de la rue Victoriei, et inscrit au registre foncier sous le numéro 2043. Leur grand-mère, S.M., était propriétaire de l'autre moitié de l'indivision.
8. En 1989, les requérants quittèrent la Roumanie pour l'Allemagne.
9. Par deux décisions des 20 février et 27 juin 1989, le conseil populaire départemental d'Alba confisqua la part de l'immeuble appartenant aux requérants, en application du décret no 223/1974. Selon ce décret, étaient confisqués les biens immeubles appartenant aux citoyens roumains qui quittaient illégalement le territoire roumain ainsi que les biens de ceux qui, se trouvant légalement à l'étranger, refusaient de rentrer en Roumanie à l'expiration de leur visa. L'État fit inscrire son droit de propriété au registre foncier.
10. Le décret no 223/1974 fut abrogé le 31 décembre 1989.
11. En 1992, les époux F. achetèrent la part du bien appartenant à S.M. et engagèrent par la suite une action en partage contre le conseil local de Valea Lungă (« le conseil local »). Par un jugement définitif du 1er mars 1993, le tribunal octroya la totalité du bien en pleine propriété aux époux F. qui, en contrepartie, furent condamnés à verser une soulte à l'État.
1. L'action en constatation de l'absence de titre de l'État et en annulation du titre de propriété des époux F.
12. En 2001, les requérants saisirent le tribunal de première instance de Blaj d'une action contre le conseil local, le conseil départemental d'Alba (« le conseil départemental ») et les époux F. Se fondant sur l'article 6 de la loi no 213/1998 sur le domaine public et son régime juridique (« la loi no 213/1998 »), ils demandèrent au tribunal de constater que l'État n'avait jamais eu de titre valable sur leur part du bien, dans la mesure où le décret no 223/1974 était contraire à la Constitution de 1965 en vigueur à l'époque de la confiscation ainsi qu'aux Pactes sur les droits de l'homme ratifiés par la Roumanie. Leur deuxième chef de demande visait l'annulation de l'attribution de l'immeuble aux époux F.
13. Par un jugement du 12 mars 2002, le tribunal de première instance fit droit à leur action. Il jugea que le décret no 223/1974 était contraire à la Constitution de 1965 et que dès lors les décisions rendues sur son fondement étaient nulles. Il constata, par ailleurs, que les décisions de confiscation n'avaient pas été communiquées à chacun des deux requérants et qu'aucune indemnisation ne leur avait été versée.
14. Les époux F. et le conseil départemental interjetèrent appel contre ce jugement, en faisant valoir que la part de l'immeuble revendiquée par les requérants était devenue propriété de l'État en application des dispositions du décret no 223/1974 et que les juridictions nationales n'étaient compétentes que pour analyser si les décisions de confiscation étaient conformes au décret no 223/1974 et non pas pour examiner la question de savoir si ce décret était conforme ou non à la Constitution de 1965.
15. Dans leurs observations en réponse, les requérants soulignèrent qu'ils avaient fondé leur action sur l'article 6 de la loi no 213/1998 et que la Cour constitutionnelle, lorsqu'elle avait été saisie de l'exception d'inconstitutionnalité du décret no 223/1974, s'était limitée à constater qu'elle n'était pas compétente pour examiner la constitutionalité des actes normatifs abrogés par rapport à une Constitution qui n'était plus en vigueur. Ils s'appuyèrent sur la décision no 2078 du 13 juin 2000 de la Cour suprême de justice qui, en se fondant sur l'article 6 précité de la loi no 213/1998, avait jugé que le décret no 223/1974 était contraire à la Constitution roumaine de 1965, ce constat ayant été suffisant pour qu'il soit conclu que l'État ne bénéficiait pas d'un titre valable (paragraphe 30 ci-dessous).
16. Par un arrêt du 25 septembre 2002, le tribunal départemental d'Alba accueillit l'appel, rejetant l'action des requérants. Le tribunal jugea que les tribunaux n'étaient pas compétents pour examiner la question de la constitutionalité du décret no 223/1974, mais uniquement pour vérifier si ses dispositions avaient été respectées. Le tribunal mentionna les décisions nos 14 et 15 du 10 mars 1993, 62 du 1er juin 1994 et 63 du 20 juin 1995 de la Cour constitutionnelle, desquelles il ressortait selon lui qu'il n'était compétent que pour statuer sur le « fond » de l'affaire.
17. Le tribunal retint que les décisions de confiscation étaient conformes aux dispositions du décret no 223/1974 et qu'il s'agissait donc d'une privation « fondée en titre » (cu titlu). Le tribunal nota que la communication de ces décisions à un seul des deux requérants était motivée par le fait que les autorités n'avaient pas d'informations sur le domicile de l'autre et que le non-versement de l'indemnité ne pouvait pas être reproché aux autorités dans la mesure où les requérants ne l'avaient pas demandée.
18. Les requérants formèrent un recours, en soutenant que le tribunal départemental n'avait pas examiné la validité du titre de l'État à la lumière de l'article 6 de la loi no 213/1998 comme il y était invité, qu'il n'avait pas motivé son arrêt et qu'il n'avait pas indiqué la nature juridique du partage à la suite duquel les époux F. avaient acquis l'immeuble.
19. Par un arrêt définitif du 14 mai 2003, la cour d'appel d'Alba Iulia rejeta le recours. Après avoir résumé les motifs de recours invoqués, la cour d'appel s'exprima dans les termes suivants pour examiner le chef de demande des requérants concernant la validité du titre de l'État :
« En examinant l'arrêt contesté, la cour d'appel constate que le tribunal a rendu une décision légale, amplement motivée sur tous les chefs de demande formulés par les requérants.
Ainsi, la juridiction statuant en appel a précisé que la nationalisation de la part appartenant aux requérants a été faite en vertu du décret no 223/1974, acte normatif dont [elle ne contrôlait pas] la constitutionnalité, mais les modalités concrètes d'application de ses dispositions [...] ainsi que leur applicabilité à une certaine catégorie de personnes. La Cour constitutionnelle a rejeté l'exception d'inconstitutionnalité du décret susmentionné et, par les décisions nos 14/1993, 15/1993, 62/1994 et 63/1995, elle a retenu la compétence des tribunaux pour juger le fond de l'affaire. Ensuite, selon les lois nos 112/1995 et 10/2001, les biens pris par l'État en vertu du décret no 223/1974 sont réputés pris avec titre. [La juridiction statuant en appel a précisé] que la part des requérants a été prise en vertu de cet acte normatif [décret 223/1974] dans le respect de la procédure prévue. [La juridiction statuant en appel a précisé] que le bien a été évalué mais que les requérants n'ont pas sollicité le paiement de l'indemnité. »
20. La cour d'appel retint également que les époux F. avaient acheté la part du bien qui appartenait à S.M. et que dès lors leur bonne foi ne pouvait pas être remise en cause. Quant à la part ayant auparavant appartenu aux requérants, celle-ci avait été attribuée aux époux F. à la suite d'une procédure de partage, après versement d'une soulte à l'État.
2. Les démarches accomplies sur le fondement de la loi no 10/2001
21. Le 13 novembre 2001, les requérants adressèrent une notification à la mairie de Valea Lungă (« la mairie ») afin de se voir restituer la partie du bien dont ils étaient propriétaires avant 1989.
22. Faute de réponse, le 8 septembre 2005, ils réitérèrent leur demande.
23. Par une décision du 26 octobre 2005, la mairie rejeta leur demande au motif qu'elle avait été introduite tardivement.
24. Par un jugement devenu définitif du 22 février 2006, le tribunal départemental d'Alba fit droit au recours des requérants contre cette décision, en l'annulant et en condamnant la mairie à répondre à leur demande.
25. Le 12 septembre 2006, les requérants mandatèrent un huissier de justice pour faire exécuter le jugement du 22 février 2006. Les 14 septembre 2006 et 11 janvier 2007, l'huissier demanda à la mairie d'exécuter le jugement, sans qu'une réponse lui soit donnée.
26. Le 27 février 2008, la mairie émit la décision nº 212, par laquelle elle rejeta la demande des requérants de restitution de la moitié de l'immeuble litigieux et proposa l'octroi d'un dédommagement en vertu de la loi nº 247/2005. En absence de contestation en justice cette décision devint définitive.
27. Il ressort d'une lettre adressée le 16 septembre 2008 par la mairie au Gouvernement que le dossier des requérants n'a pas été transmis à la commission centrale pour l'établissement des dédommagements (« la commission centrale »), au motif que les requérants n'avaient pas renoncé à tous leurs recours devant les tribunaux. Par une lettre du 9 février 2009, la mairie informa les requérants que leur dossier n'avait pas été remis à ladite commission parce qu'ils avaient introduit une requête auprès de la Cour. Les autorités ont indiqué que le dossier ne serait transmis à la commission centrale que si la Cour rendait un arrêt défavorable aux requérants.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
28. Les dispositions légales applicables sont décrites dans les arrêts Străin et autres c. Roumanie (no 57001/00, CEDH 2005-VII, §§ 19-26), Păduraru c. Roumanie (no 63252/00, §§ 38-53, 1er décembre 2005) ; Tudor c. Roumanie (no 29035/05, §§ 15–20, 11 décembre 2007) et Viaşu c. Roumanie, (no 75951/01, § 37-46, 9 décembre 2008).
29. L'article 6 de la loi no 213 du 24 novembre 1998 sur le domaine public et son régime juridique est ainsi rédigé :
« 1. Font également partie du domaine public ou privé de l'État ou des autres structures administratives, les biens acquis par l'État entre le 6 mars 1945 et le 22 décembre 1989, pour autant qu'ils soient entrés dans le patrimoine de l'État en vertu d'un titre, c'est-à -dire dans le respect de la Constitution, des traités internationaux auxquels la Roumanie était partie et des lois en vigueur à la date à laquelle les biens en question sont entrés dans le patrimoine de l'État.
2. Hormis le cas où leur situation se trouve régie par les lois spéciales de réparation, les biens détenus par l'État sans titre valable, y compris ceux qui ont été acquis par suite d'un vice du consentement, peuvent être revendiqués par les anciens propriétaires ou leurs héritiers.
3. Les tribunaux sont compétents pour apprécier la validité du titre. »
30. La décision no 2078 rendue par la section civile de la Cour suprême de justice le 13 juin 2000 est ainsi libellée dans sa partie pertinente :
« En vertu de l'article 6 § 2 de la loi no 213/1998 sur le domaine public et son régime juridique, les biens pris par l'État sans titre valable peuvent être revendiqués par les anciens propriétaires ou par leurs héritiers, s'ils ne font pas l'objet d'une loi spéciale de réparation.
Le requérant soutient qu'en l'espèce le titre de propriété de l'État, à savoir la décision no 159 du 20 février 1984 (...), était nul et dépourvu d'effets juridiques, au motif que le décret no 223/1974, en vertu duquel il avait été émis, était contraire à la Constitution de 1965 et au code civil (en ses articles 480 et 481) ainsi qu'aux traités internationaux auxquels la Roumanie avait adhéré, opinion confirmée par les juridictions inférieures.
En effet, en vertu de l'article 1er du décret no 223/1974, seules les personnes physiques domiciliées dans le pays pouvaient être propriétaires des biens immobiliers, et en vertu de l'article 2 (2) du même acte normatif, les constructions appartenant aux citoyens roumains qui quittaient illégalement le territoire roumain et à ceux qui, se trouvant légalement à l'étranger, refusaient de rentrer en Roumanie à l'expiration de leur visa, passaient sans réparation dans le patrimoine de l'État.
Ces dispositions légales étaient contraires à l'article 36 de la Constitution de 1965 selon lequel le droit de propriété était garanti par la loi, ainsi qu'à l'article 481 du code civil, selon lequel nul ne peut être contraint à céder sa propriété que pour cause d'utilité publique et avec une réparation équitable et préalable. Dans ces conditions, les juridictions inférieures ont à bon droit constaté la nullité de la décision administrative par laquelle le bien est passé dans le patrimoine de l'État et l'absence de titre valable de l'État, l'article 6 de la loi no 213/1998 étant applicable en l'espèce. (...)
Les juridictions inférieures ont constaté la nullité de la décision comme une conséquence normale du fait que l'acte normatif lui-même, en vertu duquel la décision a été rendue, à savoir le décret no 223/1974, par son caractère discriminatoire et inéquitable, était contraire à la Constitution en vigueur à la date de son adoption, aux dispositions du code civil en matière de droit de propriété ainsi qu'aux traités internationaux auxquels la Roumanie a adhéré. S'agissant d'une atteinte à l'ordre constitutionnel, il est évident que les actes subséquents émis en vertu du décret susmentionné, comme c'est le cas de la décision administrative en cause, sont nuls et ne produisent pas d'effets juridiques.
Dans ce contexte, le moyen de recours selon lequel les juridictions inférieures n'ont pas examiné le caractère constitutif de droits de la décision en cause (...) n'est pas pertinent en l'espèce (...) »
31. La Cour suprême de justice a réaffirmé cette position dans ses arrêts ultérieurs, parmi lesquels les arrêts nos 1366, 2605 et 3692 des 3 avril, 17 juin et 30 septembre 2003, respectivement.
32. Dans les années 90, la Cour constitutionnelle a été saisie à plusieurs reprises de l'exception d'inconstitutionnalité du décret no 223/1974 au regard de la Constitution roumaine de 1965. Dans deux décisions nos 14 et 15 du 10 mars 1993, publiées au Journal officiel du 18 mai 1993, la Cour constitutionnelle a rejeté comme mal fondée l'exception d'inconstitutionnalité, au motif qu'elle n'était pas compétente pour examiner la constitutionnalité d'un acte normatif abrogé par rapport à une Constitution – en l'occurrence celle de 1965 – qui n'était plus en vigueur. La Cour constitutionnelle a confirmé cette solution par deux décisions ultérieures – décisions nos 62, du 1er juin 1994, publiée au Journal officiel du 23 janvier 1995, et 104, du 9 juillet 1998 publiée au Journal officiel du 29 juillet 1998. A ces décisions s'ajoute la décision no 63 du 20 juin 1995 de la Cour constitutionnelle, qui ne portait pas sur le décret no 223/1974 mais a statué de façon similaire sur l'exception d'inconstitutionnalité des décrets nos 218/1960 et 712/1966.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION À RAISON DU DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE
33. Les requérants allèguent que leur droit à un procès équitable a été méconnu du fait que les juridictions nationales n'ont pas analysé la validité du titre de propriété de l'État à la lumière de l'article 6 de la loi no 213/1998, et que la cour d'appel qui n'a aucunement répondu à leur moyen de recours portant sur ce fait. Ils invoquent l'article 6 de la Convention, ainsi libellé dans sa partie pertinente :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
34. Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.
A. Sur la recevabilité
35. La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
36. Les requérants notent que, contrairement à la jurisprudence de la Cour suprême de justice, les juridictions nationales ont refusé d'examiner la validité du titre de l'État à la lumière de l'article 6 de la loi no 213/1998 comme elles y étaient invitées. Ils contestent la pertinence des renvois opérés aux décisions de la Cour Constitutionnelle, dans la mesure où ces dernières se limitaient à affirmer l'incompétence de la Cour Constitutionnelle pour examiner la conformité des actes normatifs abrogés avec une Constitution qui n'était plus en vigueur. Les requérants soutiennent que la cour d'appel n'a pas exercé un contrôle réel de la décision de la juridiction d'appel, car la motivation d'une décision judiciaire doit répondre aux moyens de recours invoqués.
37. Pour ce qui est du refus des juridictions nationales d'examiner la validité du titre de l'État à la lumière de la constitutionalité du décret no 223/1974, le Gouvernement souligne que les juridictions d'appel et de recours ont motivé leurs décisions, en se fondant sur la pratique constante de la Cour Constitutionnelle. Il note également que, dans le système juridique roumain, les décisions de la Cour suprême de justice ne constituent pas une source de droit et n'ont pas de force obligatoire pour les instances judiciaires, à l'exception des solutions rendues dans les recours dans l'intérêt de la loi. Il considère que c'est en s'appuyant sur les dispositions des lois nos 112/1995 et 10/2001 et sur la littérature et la pratique juridique existantes au moment des jugements concernant l'interprétation des notions de confiscation sans titre valable (fără titlu) et fondée en titre (cu titlu) que les juridictions ont constaté que le décret nº 223/1974 représentait un titre valable de confiscation.
38. Pour ce qui est de la motivation de l'arrêt de la cour d'appel, le Gouvernement considère que les allégations des requérants ont été intégralement examinées. Il précise que le fond de la demande des requérants a été analysé par le tribunal départemental et que la cour d'appel, en reprenant la motivation faite par le tribunal départemental, n'avait pas le devoir de répondre à tous les arguments des parties ou de reprendre tous les aspects retenus par la juridiction inférieure.
39. La Cour rappelle d'emblée que s'il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par des juridictions nationales, elle doit s'assurer que leur interprétation de la législation interne et des preuves n'est pas entachée d'arbitraire, ce qui serait de nature à porter atteinte à l'équité de la procédure (voir, Tejedor GarcÃa c. Espagne, arrêt du 16 décembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VIII, § 31 ; Brualla Gómez de la Torre c. Espagne, arrêt du 19 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, §§ 31 et 32 ; Prince Hans-Adam II de Liechtenstein c. Allemagne [GC], no 42527/98, §§ 49 et 50, CEDH 2001-VIII).
40. Par ailleurs, bien que l'article 6 § 1 de la Convention ne réglemente pas l'admissibilité et la force probante des moyens, arguments et offres de preuve des parties, il institue à la charge des tribunaux une obligation de se livrer à leur examen effectif, sauf à en apprécier la pertinence (Van de Hurk c. Pays-Bas, arrêt du 19 avril 1994, série A no 288, § 59). Sans exiger une réponse détaillée à chaque argument du plaignant, cette obligation présuppose, tout de même, que la partie lésée puisse s'attendre à une réponse spécifique et explicite aux moyens décisifs pour l'issue de la procédure en cause (Ruiz Torija et Hiro Balani c. Espagne, arrêts du 9 décembre 1994, série A nos 303-A et 303-B, §§ 29 et 30, et §§ 27 et 28).
41. En l'espèce, la Cour observe que les requérants ont opposé à l'argument du conseil départemental et des époux F., qui invoquaient le décret no 223/1974 pour justifier la validité du titre de propriété de l'État, le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de ce décret, constatée par la Cour suprême de justice dans un arrêt de 2000. A cet égard, la Cour relève que selon la jurisprudence constante de la Cour suprême de justice, l'État ne pouvait pas invoquer le décret précité pour valider un transfert de propriété (paragraphes 30 et 31 ci-dessus).
42. Toutefois, le tribunal départemental a accueilli la thèse du conseil départemental et des époux F. et, sans se prononcer quant à l'inconstitutionnalité du décret précité, a jugé qu'après la confiscation du bien immobilier, l'État en était devenu propriétaire en vertu de ce décret.
43. La Cour relève qu'il ne lui appartient pas d'examiner le bien-fondé du moyen tiré de l'inconstitutionnalité du décret no 223/1974, cette tâche incombant aux juridictions nationales. Cependant, elle note que cet examen était décisif pour l'issue de la procédure dans la mesure où, selon la jurisprudence de la Cour suprême de justice, la constatation de l'inconstitutionnalité dudit décret aurait pu suffire à invalider le titre de l'État, une analyse au fond n'étant plus nécessaire dans ce cas. En d'autres termes, si le tribunal départemental ou la cour d'appel avaient examiné ce moyen et l'avaient jugé fondé, ils auraient pu constater l'absence, par voie de conséquence, de titre valable de l'État sur la part du bien revendiqué par les requérants. De plus, l'article 6 de la loi no 213/1998 exige un contrôle judiciaire de la constitutionnalité des transferts des biens dans le patrimoine de l'État intervenus entre le 6 mars 1945 et le 22 décembre 1989. Or, force est de constater qu'un tel contrôle n'a pas eu lieu en l'espèce.
44. Dans la présente affaire, compte tenu de l'incidence décisive du moyen tiré de l'inconstitutionnalité du décret no 223/1974, la cour d'appel ne pouvait se dégager de son obligation d'examiner les questions soulevées dans le recours des requérants en se bornant, comme elle l'a fait, à rappeler les motifs retenus par le tribunal départemental au soutien de sa décision. Cela d'autant plus que les juridictions inférieures avaient abouti à des conclusions radicalement différentes et qu'elle était pour sa part appelée à statuer en dernier ressort et à rendre une décision définitive et irrévocable (Albina c. Roumanie, no 57808/00, § 34, 28 avril 2005).
45. La Cour estime enfin que le moyen de recours des requérants exigeait de la part de la cour d'appel une réponse spécifique et explicite. Faute de quoi, il est impossible de savoir si cette juridiction a simplement omis de prendre en compte ce moyen ou si elle a voulu le rejeter, et dans cette dernière hypothèse, pour quelle raison (Vlasia Grigore Vasilescu c. Roumanie, no 60868/00, § 44, 8 juin 2006).
46. A la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que la cause des requérants dans la procédure en constatation de l'absence de titre de l'État n'a pas été entendue équitablement.
Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION
47. Les requérants se plaignent également d'une atteinte à leur droit de propriété en raison du rejet de leur action par les juridictions nationales et de l'impossibilité d'obtenir une réparation pour la partie de l'immeuble confisquée. Ils invoquent l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
A. Sur la recevabilité
48. La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
49. Les requérants estiment que le rejet de leur action en constatation de l'absence de titre de l'État a porté atteinte à leur droit de propriété, plus particulièrement à la lumière de la jurisprudence de la Cour suprême de justice en la matière. Ils font valoir également qu'ils n'ont pas reçu d'indemnisation adéquate, et que, tel que cela ressort de la lettre de la mairie du 9 février 2009, leur dossier ne sera remis à la commission centrale qu'après l'examen de la présente requête par la Cour.
50. Le Gouvernement admet qu'il y a eu ingérence dans le droit de propriété des requérants, mais il estime que cette ingérence était prévue par la loi, à savoir les dispositions des lois nos 112/1995 et 10/2001 et les décisions de la Cour Constitutionnelle citées par les juridictions nationales, et poursuivait un but légitime, à savoir la protection du droit de propriété d'autrui.
51. Selon le Gouvernement, cette ingérence était proportionnée au but poursuivi. A cet égard, il précise que les dispositions de la loi nº 10/2001 telles que modifiées par la loi no 247/2005 instituent un mécanisme de dédommagement par le Fonds Proprietatea et que des mesures visant à accélérer le fonctionnement du Fonds ont été adoptées. Il considère que le mécanisme de réparation prévu par la législation roumaine répond aux exigences imposées par la Cour. Le Gouvernement note enfin que les requérants ont obtenu une décision leur octroyant des dédommagements en vertu des lois précitées et que leur dossier sera présenté à la commission centrale pour l'établissement des dédommagements.
1. Sur l'existence d'un « bien »
52. La Cour rappelle la jurisprudence constante des organes de la Convention selon laquelle des « biens » au sens de l'article 1 du Protocole no 1 peuvent être soit des « biens existants » (Malhous c. République tchèque (déc.) [GC], no 33071/96, CEDH 2000-XII), soit des valeurs patrimoniales, y compris des créances, pour lesquelles un requérant peut prétendre avoir au moins une « espérance légitime » de les voir concrétiser (voir, par exemple, Pressos Compania Naviera S.A. et autres c. Belgique, arrêt du 20 novembre 1995, série A no 332, § 31, et Ouzounis et autres c. Grèce, no 49144/99, 18 avril 2002, § 24).
53. La Cour relève que les droits dont il est question en l'espèce, à savoir obtenir une réparation ou la restitution d'un immeuble qui a été transféré dans le patrimoine de l'État, étaient accordées lorsque le transfert s'avérait abusif. En l'espèce, il n'est pas contesté que la partie de l'immeuble appartenant aux requérants était passée dans le patrimoine de l'État en vertu du décret no 223/1974. Cependant, à la lumière de l'évolution ultérieure des faits de l'espèce, la Cour n'estime pas nécessaire d'examiner l'incidence de la jurisprudence pertinente de la Cour suprême de justice reconnaissant que le décret 223/1974 ne pouvait pas constituer un titre valable en faveur de l'État.
54. A cet égard, elle estime pertinent de tenir compte du fait que, par la décision du 27 février 2008, la mairie de Valea Lungă a reconnu le droit des requérants d'être indemnisés pour la partie de l'immeuble en cause, proposant l'octroi de dédommagements conformément à la loi no 247/2005. Cette décision, susceptibles de recours devant les tribunaux civils, n'a pas été contestée dans le délai légal. Partant, au vu de la jurisprudence de la Cour et du droit interne pertinent, il convient de conclure que, nonobstant le défaut des autorités de fixer jusqu'à présent le montant précis des dédommagements dus, les requérants sont les bénéficiaires d'un droit de se voir indemnisés qui représente un « intérêt patrimonial » suffisamment établi en droit interne, certain, non-révocable et exigible, relevant de la notion de « biens » au sens de l'article 1 du Protocole no 1 (Viaşu, précité, § 59, et, mutatis mutandis, Ramadhi et 5 autres c. Albanie, no 38222/02, § 71, 13 novembre 2007).
55. Par conséquent, l'article 1 du Protocole no 1 trouve à s'appliquer aux faits de l'espèce.
2. Sur la justification de l'ingérence
56. La Cour observe que les parties s'accordent à dire qu'il y a eu ingérence dans le droit des requérants garantit par l'article 1 du Protocole no 1.
57. Quant à la proportionnalité de l'ingérence, la Cour renvoie à la jurisprudence citée dans l'affaire Viaşu c. Roumanie, concernant les obligations, sous l'angle de l'article 1 du Protocole no 1, à la charge de l'État qui a adopté une législation prévoyant la restitution ou l'indemnisation pour les biens confisqués en vertu d'un régime antérieur (Viaşu, précité, § 58).
58. La Cour note que par la décision du 27 février 2008, la mairie a reconnu aux requérants le droit à des dédommagements pour l'immeuble en cause en vertu de la loi no 247/2005 sans qu'à ce jour ceux-ci aient été effectivement versés aux requérants.
59. La Cour a déjà traité d'affaires soulevant des questions semblables à celles du cas d'espèce et a constaté la violation de l'article 1er du Protocole no 1 (Viaşu, précité, §§ 62 à 73, et Ramadhi et 5 autres, précité, §§ 78-84), en raison, notamment de l'inefficacité du système de réparation mis en place. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant mener dans le cas présent à une conclusion différente de celle à laquelle elle a abouti dans les affaires précitées.
60. En outre, la Cour se doit de relever qu'en l'espèce, la mairie estime que le transfert du dossier des requérants leur donnant droit à des dédommagements vers la commission centrale, était conditionné par une issue défavorable de la procédure devant la Cour. A cet égard, la Cour rappelle que le mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention revêt un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l'homme (Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976, § 48, série A no 24). Les autorités nationales demeurent libres de choisir les mesures qu'elles estiment appropriées pour la mise en œuvre de leurs obligations conventionnelles, sous réserve de respecter le standard minimum de la Convention. Le contrôle de la Cour ne porte alors que sur la compatibilité à la Convention de ces mesures nationales. Or, le Cour ne peut que s'étonner du fait que les autorités locales ont conditionné la transmission du dossier des requérants à la commission centrale à l'issue de la procédure devant la Cour.
61. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut à la violation de l'article 1 du Protocole no 1.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION À RAISON DE LA NON-EXÉCUTION DU JUGEMENT DU 22 FÉVRIER 2006
62. Les requérants se plaignent de la non-exécution du jugement définitif du 22 février 2006 du tribunal départemental d'Alba. Ils invoquent l'article 6 de la Convention, dont la partie pertinente a été citée ci-dessus.
63. Le Gouvernement conteste cette thèse et soulève une exception quant au défaut de qualité de victime des requérants.
64. La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné ci-dessus sous l'angle de l'article 1 du Protocole no 1 et doit donc aussi être déclaré recevable. Cependant, eu égard à son constat relatif à l'article 1 du Protocole no 1 (voir les paragraphes 56-61 ci-dessus), la Cour estime qu'il n'y a pas lieu d'examiner s'il y a eu, en l'espèce, violation de l'article 6 de la Convention à raison de la non-exécution du jugement définitif du 22 février 2006.
IV. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
65. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
66. Les requérants réclament 25 730 euros (EUR) au titre du préjudice matériel, représentant la valeur de la moitie de l'immeuble litigieux. Ils soumettent à la Cour un rapport d'expertise de février 2009. Ils réclament 10 000 EUR au titre du préjudice moral qu'ils auraient subi.
67. En s'appuyant sur l'opinion d'un expert de mars 2009, le Gouvernement note que la valeur marchande de la moitie de l'immeuble litigieux est de 18 998,50 EUR. Quant au préjudice moral, le Gouvernement considère qu'un éventuel constat de violation pourrait constituer en soi une réparation suffisante.
68. En l'espèce, compte tenu de la nature des violations constatées, la Cour considère que les requérants ont subis un préjudice matériel et moral qui n'est pas sufisamment compensé par les constats de violation.
69. Quant à la demande des requérants au titre du dommage matériel, la Cour estime que le paiement des indemnités proposées par la décision du 27 février 2008 placerait les intéressés, autant que possible, dans une situation équivalant à celle où ils se trouveraient si les exigences de l'article 1 du Protocole no 1 n'avaient pas été méconnues. Toutefois, compte tenu des constatations du présent arrêt dont il ressort que le système actuel de restitution n'est pas efficace et de l'attitude des autorités qui ont conditionné l'examen du dossier des requérants à l'issue de la présente procédure, la Cour estime qu'elle n'a pas d'autre option que d'octroyer la somme qui, selon elle, constituerait un règlement définitif et complet du présent litige patrimonial (Viaşu, précité, § 89). La Cour estime également qu'il serait souhaitable que le Gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour que la finalisation des dossiers des personnes ayant droit à des indemnités en vertu des lois spéciales ne soit pas retardée ou conditionnée de l'issue des litiges pendants devant la Cour.
70. Sur la base des éléments se trouvant en sa possession, la Cour accorde aux requérants 20 000 EUR au titre du préjudice matériel.
71. Concernant la demande des requérants au titre du dommage moral, la Cour considère que les événements en cause ont entraîné pour eux des désagréments et des incertitudes, et que la somme de 5 200 EUR, accordée conjointement, représente une réparation équitable du préjudice moral subi.
B. Frais et dépens
72. Les requérants demandent également 475 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et devant la Cour. Ils fournissent des justificatifs pour cette somme.
73. Le Gouvernement note que les requérants n'ont pas versé au dossier des contrats d'assistance judiciaire afin de prouver le lien entre les reçus versés au dossier et la présente affaire et que certains reçus n'indiquent pas l'objet des prestations des services de l'avocate comme ayant un lien de causalité avec la présente affaire.
74. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l'espèce et compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 320 EUR tous frais confondus et l'accorde aux requérants.
C. Intérêts moratoires
75. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention à raison du défaut d'équité de la procédure ;
3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 Ã la Convention ;
4. Dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner le grief tiré de l'article 6 § 1 de la Convention à raison de la non-exécution du jugement du 22 février 2006 ;
5. Dit
a) que l'État défendeur doit verser conjointement aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 20 000 EUR (vingt mille euros) pour dommage matériel, 5 200 EUR (cinq mille deux cents euros) pour dommage moral et 320 EUR (trois cent vingt euros) pour frais et dépens, à convertir dans la monnaie nationale de l'État défendeur au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6. Rejette, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 12 janvier 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago Quesada Josep Casadevall
Greffier Président