Conclusion Partiellement irrecevable ; Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 8 ; Dommage matériel et préjudice moral - réparation
TROISIÈME SECTION
AFFAIRE HARALAMBIE c. ROUMANIE
(Requête no 21737/03)
ARRÊT
STRASBOURG
27 octobre 2009
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Haralambie c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,
Elisabet Fura,
Corneliu Bîrsan,
Boštjan M. Zupan�i�,
Alvina Gyulumyan,
Egbert Myjer,
Luis López Guerra, juges,
et de Stanley Naismith, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 6 octobre 2009,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 21737/03) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. N. H. (« le requérant »), a saisi la Cour le 30 mai 2003 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.
3. A titre principal, le requérant se plaint, d'une part, de la violation du droit d'accès à un tribunal en raison du refus des tribunaux de contrôler l'application de la loi no 18/1991 par une commission administrative et, d'autre part, que les entraves à son droit d'accès à son fichier personnel créé par les anciens services secrets du régime communiste auraient enfreint son droit à la vie privée.
4. Le 12 mars 2008, le président de la troisième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
5. Le requérant est né en 1930 et réside à Bucarest.
A. La demande d'attribution d'un terrain en application de la loi no 18/1991
6. En 1991, à une date non précisée, le requérant et d'autres cohéritiers de sa mère, Z.E., saisirent la commission administrative départementale de Călăraşi, compétente pour l'application de la loi no 18/1991 d'une demande d'attribution en propriété de plusieurs parcelles de terrain agricole ayant appartenu à Z.E. La commission fit droit à ces prétentions.
7. Par une décision du 23 septembre 1993, la commission départementale annula la reconstitution du droit de propriété du requérant et des autres cohéritiers de Z.E. pour ce qui était d'une parcelle d'un hectare de terrain, sise dans la commune de Tămădăul Mare.
8. Après une nouvelle demande du requérant, par une décision du 16 mai 2002, la commission départementale de Călăraşi ordonna l'attribution en possession, conjointement au requérant et à trois autres cohéritiers, d'une parcelle d'un hectare de terrain, dans la commune de Lehliu-Gară, en raison de l'absence de terrain disponible sur le territoire de la commune de Tămădăul Mare.
9. Le requérant contesta l'emplacement du terrain offert par la commission, demandant que le terrain soit situé sur l'ancien emplacement ayant appartenu à sa mère.
10. Saisi de l'action du requérant fondée sur la loi no 18/1991, le tribunal de première instance de Lehliu-Gară la rejeta par jugement du 24 octobre 2002.
11. Par une décision définitive du 7 février 2003, le tribunal départemental de Călăraşi rejeta le recours du requérant, au motif que, quoique les prétentions du requérant soient réelles, la détermination de l'emplacement et l'attribution effective des parcelles n'entraient pas dans les compétences des tribunaux, ni des commissions départementales, car étant exclusivement du ressort des commissions locales.
B. Les persécutions alléguées de la part des services de renseignements
12. Se référant aux persécutions subies lors de l'instauration, en 1945, du régime communiste, à commencer par la confiscation des propriétés agricoles de sa mère, le requérant prétend subir les conséquences de ces persécutions jusqu'à l'époque actuelle.
13. Le 18 mars 2002, il s'adressa au Conseil national pour l'étude des archives de la Securitate (ci-après, « le CNSAS »), organisme créé par la loi no 187/1999 relative à l'accès des citoyens à leur dossier personnel tenu par les anciens services secrets du régime communiste (ci-après, la Securitate) et demanda s'il avait fait l'objet de mesures de surveillance par la Securitate.
14. A la suite d'une demande adressée par le CNSAS au Service roumain de renseignements (ci-après, « le SRI »), le 3 avril 2002, ce dernier répondit au Conseil que l'intéressé figurait sur une fiche avec la mention à l'attention de S.M.B. mais que le dossier n'avait pas été gardé dans les archives.
15. Le 28 mars 2003 le Conseil répondit au requérant qu'« à la suite des vérifications réalisées jusqu'à présent auprès des actuels détenteurs des archives, le Service roumain de renseignements nous a communiqué qu'il existe une fiche à votre nom avec la mention « A l'attention de S.M.B. », mais que le fichier n'a pas été gardé aux archives (en roumain : « În atenţie/ S.M.B., dar dosarul nu s-a păstrat în arhivă » ).
16. Le 17 avril 2003, le CNSAS répondit à une demande d'informations complémentaires du requérant que l'institution n'était pas encore en possession des archives de la Securitate, mais qu'elle espérait l'être prochainement. Le Conseil lui faisait également savoir que ces archives étaient détenues par le Service roumain de renseignements et qu'il déclinait toute responsabilité pour le contenu de la réponse donnée par ce dernier.
17. Le 26 juin 2003, le requérant s'enquit auprès du CNSAS de la date du transfert des archives de la Securitate, y compris de son fichier, par le Service roumain de renseignements.
18. Par une lettre du 9 juillet 2003, le Conseil répondit à la demande du requérant en rappelant qu'en vertu de l'article 20 de la loi no 187/1999, le Service roumain de renseignements était tenu de transférer ces archives et que le manquement à cette obligation « engageait, conformément au même article, la responsabilité pénale, administrative, civile ou disciplinaire des dirigeants des institutions et respectivement des personnes en cause. » La lettre ne contenait aucune autre précision.
19. Le 19 mai 2008, le CNSAS répondit à l'agent du Gouvernement auprès de la Cour qu'à la suite de la décision du Conseil suprême de défense du pays (Consiliul Suprem de Apărare a Ţării) visant le transfert des dossiers de la Securitate vers le CNSAS, un dossier au nom de l'intéressé avait été identifié. Cependant, le CNSAS indiqua qu'en dépit du fait que le nom de l'intéressé et ceux de ses parents, tel qu'inscrits dans le fichier correspondaient aux données fournies par lui, la date de naissance marquée dans le fichier était le « 10.10.1930 », alors que l'intéressé était né le « 10.01.1930 ». De ce fait, le CNSAS fit valoir qu'il fallait d'abord établir que la personne visée par le fichier était bien l'intéressé.
20. Ainsi qu'il ressort d'une lettre datée du 20 mai 2008 du Service roumain de renseignements, soumise à la Cour par le Gouvernement, au cours de l'année 2005, dans le cadre du processus de remise des fichiers créés par la Securitate, en vertu de la loi no 187/1999, a été identifié un fichier au nom de l'intéressé, qui a été remis au CNSAS le 19 octobre 2005.
21. Le 21 mai 2008, le Conseil répondit au requérant qu'à la suite de sa demande de 2002, il était invité à consulter le fichier à son nom, créé par la Securitate, qui avait été identifié dans les archives et comprenait vingt-et-une pages.
22. Le 23 juin 2008, le requérant consulta son fichier personnel.
23. Le 8 juillet 2008, il se vit remettre une copie de ce fichier, qui portait la mention « ouvert aujourd'hui le 12 avril 1983 ». La mention « le dossier a été microfilmé aujourd'hui, le 23 juillet 1996 » figurait également sur la couverture du fichier.
24. La note classée à la page 20 dudit fichier, qui avait été attachée « aux fins d'exploitation » (pentru exploatare) à un courrier datant du 23 novembre 1989, adressé par le Département de la sécurité de l'État du ministère de l'Intérieur à « l'unité militaire 0800 Bucarest – Securitate », indiquait que le requérant avait fait des commentaires défavorables à l'égard de la situation économique et politique du pays et qu'il avait colporté le contenu hostile des émissions du poste de radio l'Europe libre (Europa liberă), tout en exprimant, lors de conversations avec son entourage, sa conviction que l'existence de plusieurs partis politiques était une nécessité pour les pays du bloc socialiste.
25. Une fiche non-datée, classée audit fichier, mentionnait que le requérant figurait comme « ancien collaborateur (...) de 1970 à 971 » (date rezultate din evidenţă : fost colaborator Dir. II din 1970 -971).
26. Un rapport du 21 juillet 1979 indiquait que le requérant était un ancien collaborateur de 1970 à 1975 et proposait de le recruter comme informateur. Le rapport indiquait dans sa partie finale que « dans le cas où les discussions conduiraient à un refus de nous soutenir en secret (...) nous allons orienter les discussions sur certains aspects apparus pendant la période où il a été détaché pour travailler à l'étranger ». Cette proposition fut approuvée le 1er août 1979. Le 7 août 1979, le requérant signa un engagement pour collaborer avec la Securitate.
27. Une fiche rédigée par un lieutenant colonel et classée à la page 13 du fichier, faisait état du fait que le requérant se soustrayait à son travail de sûreté (se eschivează de la munca de securitate) et mentionnait « nous allons insister pour le persuader de s'engager dans une collaboration plus active avec nous ». La fiche indiquait également « nous allons prendre des mesures de vérification à son égard, par des investigations, par le contrôle de sa correspondance et en dirigeant vers lui d'autres sources de l'entreprise » (dirijarea pe lângă el a altor surse din întreprindere).
28. Le 31 juillet 2008, le Conseil répondit à une lettre du requérant datée du 4 juillet 2008. Il indiquait que le Service roumain de renseignements était responsable de la fiabilité de l'information qui lui avait été communiquée le 17 avril 2003, selon laquelle le fichier à son nom n'avait pas été gardé aux archives.
II. LE DROIT INTERNE ET INTERNATIONAL ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS
A. Le droit et la pratique interne en matière de compétence des tribunaux pour des questions de restitution des terrains agricoles
29. S'agissant de la compétence des tribunaux dans l'examen des décisions des commissions administratives chargées de l'application la loi no 18/1991, l'essentiel de la réglementation interne pertinente, à savoir des extraits de la loi no 18/1991 sur la restitution des terrains, publiée au Journal Officiel du 20 février 1991 et republiée au Journal Officiel du 5 janvier 1998, après les modifications qui lui ont été apportées par la loi no 169/1997, est décrit dans l'arrêt Glod c. Roumanie, no 41134/98, 16 septembre 2003, §§ 22-24.
30. La jurisprudence interne relative à la compétence des tribunaux pour examiner les décisions de la commission administrative quant à l'emplacement du terrain est décrite dans les arrêts Hauler c. Roumanie, no 67703/01, § 19-21, 12 juillet 2007 et Valentin Dumitrescu c. Roumanie, no 36820/02, §§ 34-35, 1er avril 2008.
B. Le droit et la pratique en matière d'accès aux fichiers créés par l'ancienne Securitate
1. La législation interne concernant les fichiers de la Securitate
31. En ce qui concerne l'accès aux fichiers appartenant aux services secrets pour démasquer l'ancienne police politique, la réglementation interne pertinente, à savoir la loi no 187/1999, est en partie exposée dans les arrêts Rotaru c. Roumanie ([GC], no 28341/95, § 31-32, CEDH 2000-V) et Petrina c. Roumanie (no 78060/01, §§ 17-18, 14 octobre 2008) et dans la décision Rad c. Roumanie (déc.), no 9742/04, §§ 24-29, 9 juin 2009.
32. Le préambule de la loi no 187/1999 était ainsi rédigé :
« Le pouvoir communiste instauré en Roumanie à partir du 6 mars 1945 a exercé, en particulier par les organes de la sûreté de l'État, agissant comme police politique, une terreur permanente contre les citoyens du pays, affectant leurs droits et libertés fondamentaux. De ce fait, est justifié, dans les conditions de la présente loi, l'accès à son fichier personnel et la révélation du caractère de police politique de la Securitate. »
33. En vertu de l'article 20, de la loi no 187/1999, le Conseil national pour l'étude des archives de la Securitate a été chargé de recevoir et de gérer tous les documents relatifs à l'exercice des droits prévus dans la présente loi, à l'exception de ceux qui concernent la sécurité nationale. En vertu du paragraphe 2 dudit article, les membres du CNSAS ont un accès illimité (neîngrădit) aux archives visées par le règlement, pour toute la période pendant laquelle elles sont gardées par le SRI ou d'autres institutions. En vertu du paragraphe 3 dudit article, le SRI, les ministères de l'Intérieur, de la Justice et de la Défense, les Archives nationales et toute institution qui détiendrait ce genre de documents, sont obligés de garantir ce droit d'accès et de les rendre, sur demande du collège du CNSAS.
34. Le règlement d'urgence du Gouvernement no 16/2006 sur la modification de la loi no 187/1999, publié au Journal officiel du 27 février 2006, prévoyait dans son l'article Ier l'introduction de l'article 161. Selon le deuxième alinéa de cette nouvelle disposition, en cas de refus du CNSAS de répondre à des personnes intéressées ou de respecter ses obligations découlant de l'article 1er de ladite loi, « concernant les documents se trouvant dans ses archives », les intéressés peuvent former une action en justice devant le tribunal de leur domicile afin de contraindre le Conseil à effectuer les opérations nécessaires et obtenir un dédommagement, le cas échéant. L'action en justice était exempte de droits de timbre.
35. En vertu de l'article IV du règlement d'urgence précité, la remise des documents, prévue par l'article 20, paragraphe 3 de la loi no 187/1999, doit être effectuée dans un délai de soixante jours à partir de la date d'entrée en vigueur dudit règlement d'urgence. Ce règlement est entré en vigueur le 2 mars 2006.
36. Par une décision no 60 du 17 avril 2006, le Conseil suprême de défense du pays (CSAŢ) ordonna que les archives de la Securitate soient remises au CNSAS.
37. A la suite de la décision no 51/2008 de la Cour constitutionnelle, rendue le 31 janvier 2008, ayant déclaré inconstitutionnelles les dispositions de la loi no 187/1999 visant certaines compétences juridictionnelles du CNSAS, la loi en question fut abrogée par le règlement d'urgence du Gouvernement no 24/2008, publié au Journal officiel no 182 du 10 mars 2008.
Le règlement d'urgence no 16/2006, modifiant la loi no 187/1999 (voir §§ 33-34, ci-dessus), fut rejeté par le Parlement.
38. Le règlement d'urgence no 24/2008 fut approuvé par le Parlement, après modification par la loi no 293/2008 publiée au Journal officiel no 800 du 28 novembre 2008.
En vertu de l'article 1er du règlement d'urgence no 24/2008 tel qu'approuvé par la loi no 293/2008, « tout citoyen roumain (...) a un droit d'accès au fichier personnel dressé par la Securitate et à d'autres documents et informations qui visent sa personne (...) » (alte documente şi informaţii care privesc propria persoană).
L'article 31 dudit règlement d'urgence prévoit que le CNSAS a l'obligation de collecter tous les documents nécessaires à l'accomplissement des droits reconnus (continuă să preia în gestiune toate documentele privitoare la exercitarea drepturilor prevăzute în prezenta ordonanţă de urgenţă). En vertu du paragraphe 2 dudit article, les membres du CNSAS et les fonctionnaires habilités ont un accès illimité (neîngrădit) aux archives visées par le règlement, pour toute la période pendant laquelle elles sont gardées par le SRI ou d'autres institutions. L'article précité prévoit explicitement l'obligation du SRI de donner l'accès aux documents en cause au CNSAS jusqu'à la remise desdits documents.
2. La législation concernant les données à caractère personnel
39. La loi no 677/2001 sur la protection des personnes concernant le traitement des données à caractère personnel, publiée au Journal officiel no 790 du 12 décembre 2001, définit les données à caractère personnel comme « toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable ». La loi vise, selon son article 3, aussi bien le traitement automatisé que le traitement non-automatisé de ces données.
L'article 7 de la loi prévoit qu'est interdit, sauf exceptions, le traitement des données à caractère personnel révélant l'origine raciale et ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou autres convictions, ainsi que les données à caractère personnel relatives à la santé ou à la vie sexuelle.
Les articles 13 et 14 de la loi, prévoient un droit d'accès aux données et un droit d'obtenir leur éventuelle rectification.
40. La Convention du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du 28 janvier 1981 a été ratifiée par la Roumanie le 27 février 2002. Elle est entrée en vigueur, pour la Roumanie, le 1er juin 2002. Dans ses parties pertinentes elle est ainsi rédigée :
Article 2 – Définitions
Aux fins de la présente Convention:
a. «données à caractère personnel» signifie: toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable («personne concernée»); (...)
3. La pratique des juridictions internes en matière d'accès aux fichiers créés par la Securitate
41. Par une décision no 1371 du 31 mai 2004 de la cour d'appel de Bucarest, confirmée par la Haute Cour de Cassation et de Justice, dans son arrêt no 2548 du 15 avril 2005, fut tranchée l'action en contentieux administratif dirigée conjointement contre le CNSAS et contre le Service roumain de renseignements, d'une personne se plaignant que le fichier qu'elle avait pu consulter était incomplet. Il contenait seulement deux pages, nos 355 et 356, et avait été remis dans cet état au CNSAS, par le SRI.
La cour d'appel accueillit l'exception de défaut de qualité pour ester en justice du Service roumain de renseignements, au motif qu' « en vertu des paragraphes 1 et 3 de l'article 20, de la loi no 187/1999, les rapports juridiques sont établis seulement avec le (...) Conseil national pour l'étude des archives de la Securitate, qui reçoit tous les documents concernés dans l'exercice des droits prévus par la loi, que les institutions publiques, y compris le SRI ont l'obligation de remettre sur demande du Conseil ».
42. L'action à l'égard du CNSAS fut également rejetée par la décision précitée, au motif qu' « il ressort que cette institution avait rempli son obligation de demander au SRI (...) tous les autres documents concernant le requérant et de mettre à sa disposition tous les documents reçus ; le CNSAS n'est pas responsable de l'absence de certaines pages et des éventuelles contrefaçons et n'est pas en mesure d'indiquer le nom des personnes responsables, en l'absence de preuves ».
43. Par une décision no 2044 du 2 décembre 2003 de la cour d'appel de Bucarest, confirmée par la Haute Cour de Cassation et de Justice, dans son arrêt no 7341 du 5 octobre 2004, fut rejetée une action en contentieux administratif tendant à l'accès au fichier créé par la Securitate, dirigée seulement contre le CNSAS, au motif que « la partie défenderesse avait rempli son obligation de mettre à la disposition de la requérante tous les documents identifiés se trouvant en sa possession ».
44. Par une décision no 152 du 3 décembre 2007, la cour d'appel de Bacău accueillit une action en contentieux administratif dirigée contre le CNSAS et ordonna au Conseil de communiquer au requérant l'identité des agents et collaborateurs qui avaient fourni des informations classées au fichier du requérant. Dans cette affaire, le requérant avait obtenu auparavant l'accès à son fichier personnel.
C. Les rapports annuels du Conseil national pour l'étude des archives de la Securitate
45. Le premier rapport concernant l'activité du CNSAS pour la période du 13 mars 2000 au 31 mai 2002, publié en 2002, en vertu de l'article 7 de la loi no 187/1999, exposait dans son préambule les difficultés rencontrées dans son fonctionnement, dont notamment l'impossibilité d'accès direct aux archives se trouvant entre les mains des services secrets, réticents à les remettre. Ce préambule était ainsi rédigé :
« L'accès aux fichiers personnels créés par l'ancienne Securitate au sujet des citoyens roumains est un thème qui a préoccupé l'opinion publique et les milieux politiques à partir de décembre 1989.
Dix ans se sont écoulés depuis le moment où le sujet a commencé à être débattu jusqu'à la promulgation de la loi no 187/1999. Quatre mois de plus ont été nécessaires pour que le Parlement de Roumanie arrive à voter sur la composition du collège du CNSAS, et un an encore jusqu'à ce qu'un bâtiment soit loué pour en être le siège. A cela s'ajoute le fait que la loi no 187/1999 a été finalement le résultat de négociations à l'issue desquelles le texte initial a souffert de nombreux amendements affectant la cohérence de l'acte législatif dans son ensemble, ce qui a marqué la période du début de l'activité du CNSAS, période qui fait l'objet du présent rapport.
Un moment significatif des deux premières années d'activité a été le déménagement du CNSAS dans un siège qui lui soit propre et la signature d'un protocole additionnel de collaboration avec le SRI, lequel a permis le commencement effectif du transfert des archives de l'ancienne Securitate vers le CNSAS et la réalisation d'un objectif majeur de la loi, à savoir l'accès des individus à leur fichier personnel.
La difficulté principale (...) a résidé dans le fait de travailler sous la pression du temps et de l'opinion publique, ce qui peut s'expliquer, certainement, par les dix ans de retard que nous avons par rapport à la Commission Gauck d'Allemagne, par exemple. De même, le fait que le fonds du CNSAS se constitue à partir des fichiers que les archives SRI transfèrent et non par le prélèvement in situ de ces archives est un facteur essentiel. »
46. Ce premier rapport mentionnait que le Service roumain de renseignements avait remis au CNSAS, pendant la période pertinente, 3 573 fichiers individuels. Le service de renseignements externes lui avait remis 65 dossiers et les tribunaux militaires 14. Le 31 mai 2002, les archives du CNSAS comprenaient, au total, 3 652 dossiers individuels.
47. Ainsi qu'il ressort du rapport annuel d'activité du CNSAS, publié en 2006 et soumis par le Gouvernement, le Service roumain de renseignements avait remis au CNSAS, pendant l'année 2006, 249 803 fichiers individuels.
Le rapport notait également une « amélioration significative dans l'accomplissement des principales obligations prévues par la loi » et « le bilan positif des principales activités du Conseil (...) prouvant le fait que cette institution s'est constamment rapprochée d'un régime normal de fonctionnement, en accomplissant des tâches plus difficiles, sur le fond d'une pression publique et médiatique constante ».
48. Selon le rapport annuel du CNSAS publié en 2008, le Service roumain de renseignements avait remis au CNSAS en 2007, 15 500 dossiers. La même année, le ministère de la Justice avait également remis 104 907 fichiers personnels, classés auparavant dans les archives des tribunaux militaires de Bucarest, Timişoara, Iaşi et Cluj.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
49. Le requérant allègue une atteinte au droit d'accès à un tribunal, eu égard au refus des tribunaux de se prononcer sur la légalité de l'emplacement de la parcelle allouée par la commission de l'application de la loi no18/1991. Il invoque l'article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
50. Le Gouvernement invite la Cour à noter que les dispositions législatives qui limitaient le contrôle juridictionnel des décisions des commissions administratives compétentes pour l'application de la loi no 18/1991 ont été abrogées, de sorte que l'étendue de la compétence des tribunaux est désormais illimitée.
A. Sur la recevabilité
51. La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
52. La Cour a déjà examiné la question du droit d'accès à un tribunal dans le cas de requérants qui, ayant saisi les tribunaux internes d'une action tendant à contrôler les décisions prises par les commissions locales pour fixer l'emplacement des terrains attribués en vertu de la loi no 18/1991, ont vu leur action rejetée, sans examen au fond, en raison de la compétence exclusive des commissions administratives en la matière ; elle a conclu à la violation de l'article 6 § 1 de la Convention (Glod, précité, §§ 35-40, Hauler, précitée §§ 32-37 et Valentin Dumitrescu, précité §§ 51-54).
53. La Cour a examiné la présente affaire et considère que le Gouvernement n'a fourni aucun fait ni argument convaincant pouvant mener à une conclusion différente. En effet, l'article 6 § 1 de la Convention commande la possibilité de pouvoir soumettre les décisions prises par des autorités administratives ne remplissant pas elles-mêmes les exigences de cette disposition, comme c'est le cas en l'espèce, au contrôle ultérieur d'un organe judiciaire de pleine juridiction (voir, mutatis mutandis, Glod, précité, §§ 35-36).
54. A la lumière de ce qui précède, la Cour estime que le refus des tribunaux internes d'examiner la question du droit du requérant, en vertu de la loi no 18/1991, de se voir mettre en possession du terrain en cause sur l'ancien emplacement, question laissée à la discrétion de la commission administrative, a porté atteinte à la substance même de son droit d'accès à un tribunal (voir Hauler, précité, § 36, et Terra Woningen c. Pays-Bas, arrêt du 17 décembre 1996, Recueil 1996-VI ; pp. 2122-2123, §§ 52-55).
55. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION
56. Le requérant se plaint qu'en raison du refus des autorités de lui restituer le terrain ayant appartenu à sa mère, il a subi une atteinte à son droit au respect de ses biens, au sens de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention, qui se lit comme suit :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
57. Le Gouvernement conteste cette thèse.
58. La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné ci-dessus et doit donc aussi être déclaré recevable.
59. Eu égard au constat relatif à l'article 6 (paragraphe 55 ci-dessus), la Cour estime qu'il n'y a pas lieu d'examiner séparément s'il y a eu, en l'espèce, violation de cette disposition (voir, entre autres, Glod précité, § 46, Hauler, précité, § 41 et mutatis mutandis les arrêts Laino c. Italie [GC], no 33158/96, § 25, CEDH 1999-I ; Église catholique de la Canée c. Grèce, du 16 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, § 50).
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
60. Le requérant dénonce une violation de son droit à la vie privée, en raison des entraves à son droit d'accès au fichier constitué à son sujet par l'ancienne Securitate et détenu par les services secrets. Il invoque l'article 8 de la Convention, qui est libellé comme suit.
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
61. Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.
A. Sur la recevabilité
62. Dans les observations complémentaires soumises le 22 octobre 2008, faisant suite à celles du requérant dans lesquelles il indiquait que le 23 juin 2008, il avait pu consulter son fichier personnel pour la période de 1979 à 1989, le Gouvernement fait valoir que le droit du requérant d'accès à son fichier personnel a été respecté.
63. Le requérant rétorque qu'après un délai d'atteinte déraisonnablement long pour son âge avancé, il ne s'est pas vu présenter l'ensemble des fichiers de la Securitate le concernant. Il fait valoir que, dans le fichier, créé en 1983 et qui lui a été présenté, figure une note portant sur les années 1970-1975 et en conclut qu'un autre dossier existe probablement, concernant ces années.
64. La Cour relève que la question soulevée par le Gouvernement dans ses observations complémentaires s'apparente plutôt à une exception préliminaire tirée de la perte de la qualité de victime du requérant.
Dès lors, la Cour examinera tout d'abord cette exception du Gouvernement.
1. Sur l'exception tirée du défaut de qualité de victime du requérant
65. Aux termes de l'article 34 de la Convention, « la Cour peut être saisie d'une requête par toute personne physique (...) qui se prétend victime d'une violation par l'une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses Protocoles (...) ».
La Cour rappelle qu'il appartient en premier lieu aux autorités nationales de redresser une violation alléguée de la Convention. A cet égard, la question de savoir si un requérant peut se prétendre victime de la violation alléguée se pose à tous les stades de la procédure au regard de la Convention (voir Karahalios c. Grèce, no 62503/00, § 21, 11 décembre 2003, et Malama c. Grèce (déc.), no 43622/98, 25 novembre 1999).
Une décision ou une mesure favorable au requérant ne suffit en principe à lui retirer la qualité de « victime » que si les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé la violation de la Convention (voir, entre autres, Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95, §§ 35-36, CEDH 2000-V).
66. En l'occurrence, la Cour relève que le 18 mars 2002, le requérant avait saisi le Conseil national pour l'étude des archives de la Securitate en demandant s'il avait fait l'objet de mesures de surveillance avant 1989. Elle constate que ce n'est qu'après plus de six années de démarches infructueuses et seulement après la communication de la présente requête au Gouvernement défendeur, que le requérant a pu consulter, le 23 juin 2008, un fichier personnel ouvert à son nom en 1983.
La Cour note que le requérant, âgé de soixante-douze ans à la date de saisine du CNSAS, se plaint d'une part des entraves injustifiées dans son droit d'accès au fichier personnel pendant plus de six ans et d'autre part, du caractère incomplet du fichier présenté, se référant notamment à deux documents contenus dans le fichier et visant la période de 1970 à 1975.
A supposer que l'on puisse estimer que, d'une manière ou d'une autre, le requérant a, par l'accès au fichier qu'il s'est vu remettre le 23 juin 2008, obtenu une certaine réparation, la Cour estime que cette réparation n'est que partielle et que, de toute façon, elle est insuffisante au sens de sa jurisprudence pour lui retirer la qualité de victime (voir mutatis mutandis, Rotaru, précité § 36). En effet, la Cour relève que le requérant se plaint en particulier qu'à l'époque des faits la procédure prévue par la loi, établissant les conditions dans lesquelles il pouvait exercer son droit d'accès au dossier, n'était pas efficace, en raison notamment de l'inexécution par le SRI de l'obligation de remettre au CNSAS les archives de la Securitate.
67. La Cour conclut que le requérant peut toujours se prétendre « victime » au sens de l'article 34 de la Convention. Il y a donc lieu de rejeter l'exception.
2. Sur l'exception de non-épuisement des voies de recours internes
68. Dans ses observations soumises le 4 juillet 2008, avant que le requérant accède à son fichier, le gouvernement excipait du non-épuisement des voies de recours internes et faisait valoir que le requérant n'avait introduit aucune plainte contre les réponses du CNSAS des 28 mars et 17 avril 2003. A ce titre, il indiquait que le requérant aurait pu former une action en contentieux administratif fondée sur l'article 1er de la loi no 29/1990 et soumettait à la Cour un exemple de décision de justice accueillant une action en contentieux administratif dirigée contre le CNSAS, à savoir la décision no 152 du 3 décembre 2007, rendue en première instance par la cour d'appel de Bacău. Dans cette affaire, la cour d'appel avait accueilli une action contre le CNSAS, tendant à obtenir la communication de l'identité des collaborateurs ayant fourni à la Securitate des informations à l'égard du demandeur (voir paragraphe 44, ci-dessus).
69. En outre, le Gouvernement exposait que l'article 161 introduit dans la loi no 187/1999 par le règlement d'urgence no 16/2006 ouvrait un recours spécifique pour les cas de refus du CNSAS à donner accès au dossier.
70. La Cour rappelle que l'obligation d'épuiser les voies de recours internes, prévue par l'article 35 de la Convention, concerne les voies de recours qui sont accessibles au requérant et effectives, à savoir, qui peuvent porter remède à la situation dont celui-ci se plaint. Pour se prononcer sur la question de savoir si le requérant a, dans les circonstances particulières de l'espèce, satisfait à cette condition, il convient de déterminer d'abord l'acte des autorités de l'État mis en cause qui fait grief au requérant (voir Sabin Popescu c. Roumanie, no 48102/99, § 58, 2 mars 2004 et Ciobanu c. Roumanie, (déc.) no 29053/95, 20 avril 1999).
71. La Cour observe, à cet égard, que le grief du requérant est relatif aux entraves à son droit d'accès au fichier personnel du fait que l'autorité détentrice de son fichier à savoir le SRI, a, pendant plusieurs années, manqué à son obligation de remettre au CNSAS les archives tombant sous le coup de la loi no 187/1999, y compris son fichier personnel créé par la Securitate.
De ce fait, la Cour estime qu'une action en contentieux administratif dirigée contre le CNSAS, comme l'indique le Gouvernement, n'était pas de nature à aboutir directement au redressement recherché par le requérant dans la mesure où la pratique des juridictions internes en la matière montre que les actions contre le CNSAS ont été rejetées pour absence de responsabilité, compte tenu du fait que le CNSAS avait fait des démarches auprès du SRI afin d'obtenir l'accès aux informations demandées par les intéressés. Cela même si ces démarches étaient restées infructueuses ou n'avaient que partiellement abouti. En même temps, les actions dirigées contre le SRI ont été déclarées irrecevables pour défaut de qualité pour ester en justice du SRI (voir paragraphes 41-43, ci-dessus).
72. Le Gouvernement n'a d'ailleurs apporté aucun exemple de décision de justice définitive ayant engagé la responsabilité du SRI pour manquement ou retard dans l'exécution de son obligation de transfert des archives, découlant de l'article 20, paragraphe 3 de la loi no 187/1999, à l'époque où le requérant a présenté sa demande.
73. L'exemple de pratique judiciaire fourni par le Gouvernement, à savoir la décision rendue en première instance par la cour d'appel de Bacău le 3 décembre 2007 n'est pas pertinent pour la présente affaire, car il ne s'agit pas d'une affaire d'accès au fichier personnel et elle ne concerne pas l'obstacle particulier posé à l'exercice de ce droit d'accès que représentait le fait que le transfert des archives, bien qu'exigé par la loi, n'avait pas eu lieu.
A supposer même que l'exemple cité par le Gouvernement soit de nature à démontrer l'existence d'une pratique des juridictions internes dans le sens de la mise en cause de la responsabilité pour non-communication d'informations, de l'institution gestionnaire des fichiers de la Securitate, la Cour note que la décision à laquelle se réfère le Gouvernement date de décembre 2007, donc bien postérieure à la date à laquelle le requérant a entamé ses démarches dans la présente affaire. A cet égard, la Cour observe que plusieurs autres arrêts de la Haute Cour de Cassation et de Justice, rendus au cours de la période pertinente pour la présente affaire, montrent la réticence de la plus haute juridiction du pays à engager la responsabilité du CNSAS pour non-communication d'informations, dans des cas où les fichiers transmis par le SRI étaient incomplets ou lorsque le CNSAS n'était pas en possession desdits fichiers.
De surcroît, une action contre le CNSAS, même couronnée de succès, n'aurait pas pu, dans les circonstances de la présente affaire, être considérée comme offrant un redressement suffisant, car elle n'aurait pu aboutir éventuellement qu'à l'octroi d'une compensation financière, en raison du manquement du CNSAS à son obligation envers le demandeur d'accès au fichier (voir mutatis mutandis, Petkov et autres c. Bulgarie, nos 77568/01, 178/02 et 505/02 , § 79, 11 juin 2009).
74. Enfin, s'agissant de l'article 161 de la loi no 187/1999, introduit par le règlement d'urgence no 16/2006, ouvrant un recours spécifique pour les cas de refus opposé par le CNSAS, de donner accès au fichier, la Cour note que le Gouvernement n'a apporté aucun exemple de décision de justice rendue sur la base de cette disposition, qui a été d'ailleurs abrogée deux ans plus tard (voir le paragraphe 39, ci-dessus). De surcroît, la disposition invoquée par le Gouvernement concerne le refus du CNSAS de donner l'accès précisément aux documents se trouvant dans ses archives. Or, cette disposition ne couvre pas la situation du requérant, à savoir l'absence d'accès au fichier personnel en raison du défaut de transfert des archives de la Securitate se trouvant en possession du SRI.
75. Partant, la Cour constate que, dans les circonstances particulières de l'espèce, aucune voie de recours efficace n'était disponible pour le requérant, en droit interne.
Il convient donc de rejeter également cette exception du Gouvernement.
B. Sur le bien-fondé
1. Sur l'applicabilité de l'article 8 de la Convention
76. Dans ses observations complémentaires soumises le 22 octobre 2008, après que le requérant ait eu accès à son fichier personnel, le Gouvernement conteste l'applicabilité de l'article 8, alléguant que les données contenues dans ce fichier ne concernaient pas sa vie privée, mais sa collaboration avec l'ancienne Securitate et la manière dont il avait accompli les obligations en découlant.
77. La Cour rappelle que les données de nature publique peuvent relever de la vie privée lorsqu'elles sont d'une manière systématique, recueillies et mémorisées dans des fichiers tenus par les pouvoir publics. Cela vaut davantage encore lorsque ces données concernent le passé lointain d'une personne (Rotaru précité, § 34 et Rad, précité, § 34). En outre, la Cour a jugé que le respect de la vie privée englobe le droit pour l'individu de nouer et développer des relations avec ses semblables et qu'aucune raison de principe ne permet d'exclure les activités professionnelles de la notion de « vie privée » (Rotaru précité § 43 et mutatis mutandis Sidabras et Džiautas c. Lituanie, nos 55480/00 et 59330/00, §§ 48-49, CEDH 2004-VIII).
Enfin, la Cour a déjà souligné la concordance entre cette interprétation extensive et celle de la Convention élaborée au sein du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, du 28 janvier 1981, entrée en vigueur pour la Roumanie le 1er juin 2002, dont le but est « de garantir (...) à toute personne physique (...) le respect (...) notamment de son droit à la vie privée, à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel la concernant » (article 1), ces dernières étant définies dans l'article 2 comme « toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable » (arrêt Amann c. Suisse [GC], no 27798/95, § 65, CEDH 2000-II et Rotaru précité 43).
78. En l'espèce, le requérant fut informé par le CNSAS, le 28 mars 2003, qu'il avait fait l'objet de mesures de surveillance par la Securitate et qu'il y avait un fichier à son nom.
Plus précisément, la note classée à la page 20 dudit fichier attachée « aux fins d'exploitation » à un courrier datant du 23 novembre 1989 (voir paragraphe 24, ci-dessus), indiquait que le requérant, lors de conversations avec son entourage, avait fait des commentaires défavorables à l'égard de la situation économique et politique du pays et qu'il avait colporté le contenu hostile des émissions du poste de radio l'Europe libre (Europa liberă), tout en exprimant ses convictions relatives au pluralisme des partis politiques.
79. Or, il est évident que, tant le fait de conserver, après les avoir recueillis, de tels renseignements dans un fichier tenu par des agents de l'État, que l'intérêt du requérant d'avoir accès au contenu de ce fichier relèvent de la « vie privée » au sens de l'article 8 § 1 de la Convention (voir Rotaru précité § 44 et Rad, précité, § 34). En l'occurrence, il s'agissait pour l'intéressé de se voir communiquer des informations le concernant et dont il ignorait de toute évidence la nature exacte aussi longtemps qu'il n'y avait pas accès. Dès lors, il convenait qu'il puisse prendre connaissance de ces données, le cas échéant de caractère personnel, voire intime, et dont le caractère éventuellement inexact pouvait risquer de porter atteinte à sa réputation (voir mutatis mutandis Gunes c. France, no 32157/06, § 26, 20 novembre 2008). Cela d'autant plus qu'il ressort du préambule de la loi no 187/1999 que le but de ces fichiers était de terroriser la population de sorte qu'il était légitime, dans ces conditions, que le requérant ait pensé que les informations collectées pouvaient toucher aux aspects les plus intimes de sa vie privée.
Dans ces conditions, la Cour estime que l'article 8 trouve à s'appliquer en l'espèce.
2. Sur l'observation de l'article 8
80. Le requérant reproche à l'État de ne pas lui avoir donné accès à son fichier personnel créé par la Securitate, avant 1989, en dépit du fait que, tant la loi interne que l'institution principalement chargée de l'appliquer, à savoir le CNSAS, lui reconnaissaient un tel droit.
81. Dans ses premières observations présentées le 4 juillet 2008, le Gouvernement a indiqué qu'il n'y a pas eu refus d'accès au fichier, mais seulement un obstacle objectif découlant de l'impossibilité d'identifier le dossier et, ensuite, des doutes existant quant à l'identité de la personne faisant l'objet du fichier.
82. Le Gouvernement a indiqué également que « le contrôle des informations n'avait pas pu être réalisé directement pas le CNSAS qui ne se trouvait pas en possession de tous les dossiers ». En ce qui concerne l'obligation prévue par l'article 20 de la loi no 187/1999, de remettre au CNSAS tous les dossiers de l'ancienne Securitate, le Gouvernement a fait valoir que le délai prévu par la loi a été prorogé par l'article IV du règlement d'urgence du Gouvernement no 16/2006, délai qui a été, en principe, respecté.
83. Dans ses observations supplémentaires du 22 octobre 2008, après que le requérant ait eu accès audit fichier, le Gouvernement a fait valoir que le retard constaté en l'espèce avait été causé par des raisons objectives, notamment des défaillances du système d'archivage et le nombre élevé de fichiers personnels gardés par le Service roumain de renseignements et non par la mauvaise foi des autorités. Le Gouvernement souligne également que le CNSAS a effectué toutes les démarches prévues par la loi afin de parvenir à l'identification du fichier concernant le requérant et estime que le retard en question n'est pas constitutif d'une atteinte à sa vie privée.
84. La Cour rappelle qu'aux exigences plutôt négatives contenues dans l'article 8 de la Convention, qui tend pour l'essentiel à prémunir l'individu contre des ingérences arbitraires des pouvoirs publics, peuvent s'ajouter des obligations positives inhérentes à un respect effectif de la vie privée (Roche c. Royaume-Uni [GC], no 32555/96, § 157, CEDH 2005-X). La frontière entre les obligations positives et négatives de l'État au titre de l'article 8 ne se prête pas à une définition précise, mais les principes applicables sont comparables (Odièvre c. France [GC], no 42326/98, § 40, CEDH 2003-III).
85. S'agissant de l'accès à des fichiers personnels détenus par les pouvoirs publics, en dehors du contexte des renseignements sensibles pour la sécurité nationale comme dans l'affaire Leander c. Suède, (26 mars 1987, § 51, série A no 116), la Cour a reconnu un intérêt primordial, protégé par la Convention, aux personnes désireuses d'obtenir les renseignements qu'il leur faut pour connaître et comprendre leur enfance et leurs années de formation (Gaskin c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, § 49, série A no 160) ou pour retracer leur identité personnelle, s'agissant en particulier de leur filiation naturelle (Odièvre précité, §§ 41-47) ou des renseignements sur les risques pour la santé auxquels les intéressés avaient été exposés (Roche, précité, § 161 et Guerra et autres c. Italie, 19 février 1998, § 60, Recueil des arrêts et décisions 1998-I).
86. La Cour a considéré, dans ce contexte, que pesait sur les autorités une obligation positive d'offrir aux intéressés une « procédure effective et accessible » qui leur permette d'avoir accès à « l'ensemble des informations pertinentes et appropriées » (Roche, précité, § 162, McGinley et Egan c. Royaume-Uni, 9 juin 1998, § 101, Recueil des arrêts et décisions 1998-III).
87. Dans la présente affaire, le requérant se plaint de ne pas lui avoir donné accès aux renseignements figurant dans le fichier tenu par le SRI et que ces renseignements auraient été abusivement gardés par ce dernier, en dépit de l'obligation découlant de la loi no 187/1999 de les mettre à la disposition du CNSAS afin d'assurer aux personnes intéressées l'exercice effectif de leur droit d'accès. En s'élevant contre ce refus, le requérant se plaint en substance non d'un acte, mais de l'inaction de l'État (Gaskin précité, § 41).
88. La Cour note que le droit interne, à savoir l'article 1er de la loi no 187/1999, puis l'article 1er du règlement d'urgence no 24/2008 qui l'a remplacée, consacrait le droit de tout citoyen roumain d'accéder au fichier personnel tenu par la Securitate et à d'autres documents et informations visant sa personne (voir paragraphe 31, ci-dessus). En outre, l'article 20 de la loi no 187/1999, tout comme l'article 31 du règlement d'urgence no 24/2008, prévoient que le SRI et les autres institutions possédant les archives en question étaient obligées de garantir ce droit d'accès auxdits fichiers et de les remettre au CNSAS sur demande de ce dernier.
89. Par ces dispositions, la loi interne a formellement instauré une procédure administrative d'accès aux fichiers (voir aussi la décision Rad, précité, §§ 35 et 42). Reste à déterminer si, dans le cas du requérant, cette procédure a été effective.
90. En l'espèce, dès le 28 mars 2003, le CNSAS informa le requérant qu'il avait fait l'objet de mesures de surveillance par la Securitate et qu'il y avait un fichier identifié à son nom, mais qu'il y avait certaines difficultés pour le retrouver.
91. La Cour note cependant que ce n'est que le 21 mai 2008 que le requérant a été invité à consulter son fichier personnel, soit plus de six ans après sa première demande datant du 18 mars 2002 et cinq ans après que le CNSAS l'ait informé du fait qu'un fichier à son nom avait été identifié. En outre, la Cour constate que ce n'est qu'après la communication de la requête au Gouvernement que le requérant a obtenu une réponse à sa demande (Bourdov c. Russie, no 59498/00, § 36, CEDH 2002-III). Or, il ressort des pièces du dossier (voir paragraphe 20, ci-dessus) que le fichier identifié au nom du requérant avait été remis au CNSAS le 19 octobre 2005.
92. Dans la mesure où le Gouvernement indique comme principale cause de ce retard le manquement du SRI, au détriment du requérant, à son obligation de transférer les archives en question vers le CNSAS, la Cour note que, dans un premier temps, la loi ne prévoyait aucun délai pour l'accomplissement du transfert. Ce ne fut que par le changement législatif intervenu en 2006, auquel le Gouvernement fait référence, qu'un délai de soixante jours fut fixé pour le transfert des archives.
93. La Cour constate ainsi que la durée de la procédure administrative en cause a largement dépassé le délai imposé par la loi de 2006. Or, si le législateur a fixé un délai de trente jours pour que le CNSAS réponde aux intéressés et, lors de la modification de la loi intervenue en 2006, un délai de soixante jours pour que le SRI et d'autres institutions concernées remettent les archives en question, c'est de toute évidence qu'à ses yeux, une telle procédure devait être menée avec une célérité particulière (voir mutatis mutandis Nichifor c. Roumanie (no 1), no 62276/00, § 28, 13 juillet 2006 et Gunes c. France, no 32157/06, § 26, 20 novembre 2008).
En outre, compte tenu de l'âge avancé du requérant, la Cour estime que son intérêt de retracer son parcours personnel lors de l'époque du régime totalitaire était d'autant plus urgent.
94. Dans la mesure où le Gouvernement indique qu'au moins pendant une certaine période, le fichier en cause était introuvable, la Cour note qu'il ressort des éléments du dossier (voir paragraphe 23, ci-dessus) que ledit fichier a été microfilmé le 23 juillet 1996, donc il était déjà disponible autrement qu'en format papier et que, de toute manière, le fichier était en possession du CNSAS dès le 19 octobre 2005.
95. En outre, la Cour ne saurait considérer que la quantité de fichiers transférés – qui était de seulement 3 573 fichiers en 2002-2003, pour passer à 249 803 fichiers transmis par le SRI en 2006 et 15 500 fichiers en 2008 (voir les paragraphes 46-48, ci-dessus) – ou les défaillances du système d'archivage, y compris l'erreur matérielle concernant la date de naissance du requérant commise dans le fichier personnel identifié à son nom, pourraient à eux seuls justifier un retard de plus de six ans de la part des institutions concernées, pour faire droit à la demande du requérant.
96. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que l'État n'a pas satisfait à l'obligation positive qui lui incombait d'offrir au requérant une procédure effective et accessible pour lui permettre d'avoir accès dans un délai raisonnable à son fichier personnel (voir mutatis mutandis, Roche, précité, §§ 166-167 et mutatis mutandis Kenedi c. Hongrie, no 31475/05, § 48, 26 mai 2009).
Partant, il y a eu violation de l'article 8 de la Convention.
97. S'agissant du prétendu manquement des autorités à présenter au requérant l'ensemble des documents de son fichier personnel, notamment ceux qui auraient concerné la période de 1970 à 1975 à laquelle deux notes qu'il a pu consulter font référence (voir le paragraphe 26, ci-dessus), compte tenu des informations qui lui ont été soumises par les parties, la Cour n'est pas en mesure de prendre position sur l'éventuelle existence d'autres documents concernant le requérant.
Compte tenu de ce fait et du constat auquel la Cour est arrivée au paragraphe 96, ci-dessus, quant à l'inefficacité de la procédure d'accès au fichier personnel, elle estime qu'il n'y a pas lieu à examiner séparément le prétendu manquement des autorités à présenter au requérant l'ensemble des documents de son fichier personnel (voir mutatis mutandis¸ Roche, précité, § 168).
IV. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
98. Invoquant l'article 2 de la Convention, le requérant s'est plaint enfin de ne pas se sentir en sécurité en raison de l'impossibilité d'accès aux fichiers recueillis à son égard par l'ancienne Securitate.
99. Compte tenu de l'ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n'a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles.
100. Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
V. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
101. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
102. Le requérant réclame au titre du préjudice matériel qu'il aurait subi une somme correspondant à la différence de valeur entre le terrain revendiqué et celui effectivement octroyé, à laquelle s'ajoute le manque à gagner, qu'il estime, au total, à 39 000 euros (EUR).
Il demande en outre, 20 000 EUR au titre du préjudice moral causé par le refus des autorités, pendant plus de six ans, de lui donner accès au fichier créé à son sujet par la Securitate.
103. Le Gouvernement s'oppose à l'octroi des sommes demandées par le requérant.
104. Pour ce qui est de la partie de la requête relative à la restitution d'un terrain confisqué à l'époque du régime communiste, la Cour relève que la seule base à retenir pour l'octroi d'une satisfaction équitable réside en l'espèce dans le fait que le requérant n'a pas bénéficié de l'accès à un tribunal pour contester la décision de la commission administrative statuant sur ses droits de caractère civil. La Cour ne saurait certes spéculer sur ce qu'eût été l'issue du procès dans le cas contraire, mais n'estime pas déraisonnable de penser que l'intéressé a subi une perte de chance réelle (cf. Glod précité, § 50 et Hauler précité, § 45). Statuant en équité, comme le veut l'article 41, elle lui alloue 4 000 EUR, du chef de préjudice matériel.
105. S'agissant de la partie de la requête qui concerne l'accès au fichier créé au nom du requérant par la Securitate, la Cour estime que l'inefficacité de la procédure d'accès au fichier personnel et notamment le fait que plusieurs années se sont écoulées avant qu'il ait finalement accès à ce fichier, alors que son âge était déjà avancé, a pu provoquer au requérant des souffrances et un état d'incertitude qui ne peuvent pas être compensés par le seul constat de violation. Statuant en équité, comme le veut l'article 41, la Cour lui alloue 2 000 EUR de ce chef de préjudice.
B. Frais et dépens
106. Le requérant n'a pas formulé de demande à cet égard. Partant, il n'y a lieu d'octroyer aucune somme à ce titre.
C. Intérêts moratoires
107. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés des articles 6 § 1 et 8 de la Convention et 1 du Protocole no 1 et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner le grief tiré de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;
4. Dit qu'il y a eu violation de l'article 8 de la Convention s'agissant de l'inefficacité de la procédure d'accès au fichier constitué au sujet du requérant par l'ancienne Securitate ;
5. Dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner le grief tiré de l'article 8, s'agissant du prétendu manquement des autorités à présenter au requérant l'ensemble des documents de son fichier personnel ;
6. Dit
a) que l'État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention les sommes suivantes :
i. 4 000 EUR (quatre mille euros), pour dommage matériel ;
ii. 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage moral ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
c) que les sommes mentionnées ci-dessus seront à convertir dans la monnaie de l'État défendeur au taux applicable à la date du règlement ;
6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 27 octobre 2009, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Stanley Naismith Josep Casadevall
Greffier adjoint Président