TROISIÈME SECTION
AFFAIRE GLATZ ET AUTRES c. ROUMANIE
(Requête no 15269/03)
ARRÊT
STRASBOURG
2 juin 2009
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Glatz et autres c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,
Elisabet Fura-Sandström,
Corneliu Bîrsan,
Alvina Gyulumyan,
Egbert Myjer,
Ineta Ziemele,
Ann Power, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 12 mai 2009,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 15269/03) dirigée contre la Roumanie et dont quatre ressortissants de cet Etat, dont le premier a aussi la nationalité française, MM. A. M G. et B.-N.A. (A.), et Mmes I.-C. N. et S.-I. F. (« les requérants »), ont saisi la Cour le 25 avril 2003 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). A la suite du décès de la dernière requérante le 28 mai 2005, par une lettre du 14 août 2006, Mme A. E. E. P., l'héritière de celle-ci, a exprimé le souhait de poursuivre la procédure devant la Cour.
2. Les requérants sont représentés par Me T. A. G., avocat à Paris. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.
3. Le 27 février 2006, le président de la troisième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
4. Le gouvernement français, auquel une copie de la requête a été communiquée par la Cour en vertu de l'article 44 § 1 a) du règlement, n'a pas souhaité présenter son point de vue sur l'affaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
5. Les trois premiers requérants sont nés respectivement en 1942, 1944 et 1941, et résident respectivement à St. Germain en Laye (France), Richmond et West Orange (Etats-Unis) ; la dernière requérante était née en 1911.
6. En 1950, le bien immobilier situé au no 37 de la rue Moise Nicoara, à Bucarest, qui était composé de plusieurs appartements et appartenait à la famille des requérants, fit l'objet d'une nationalisation en vertu du décret no 92/1950.
7. Par un jugement définitif du 18 mai 1998, le tribunal de première instance de Bucarest fit droit à l'action en revendication introduite par R.G., le père du premier requérant, contre les autorités au sujet de l'appartement no 4 de l'immeuble précité, ordonnant sa restitution à R.G. Malgré la reconnaissance judiciaire de son droit de propriété, le premier requérant, héritier de R.G., se vit dans l'impossibilité de se voir restituer son bien car, en vertu de la loi no 112/1995, l'Etat avait vendu le 13 novembre 1996 ledit appartement aux locataires qui l'occupaient. Dans une procédure distincte, par un arrêt définitif no 2436 du 11 novembre 2002, la cour d'appel de Bucarest rejeta comme mal fondée l'action du premier requérant en annulation du contrat de vente susmentionné, aux motifs que la loi no 112/1995 avait été respectée lors de la vente et que les tiers acquéreurs avaient été de bonne foi.
8. Dans une procédure différente, les requérants saisirent les tribunaux d'une action en revendication de l'appartement no 1 de l'immeuble susmentionné, action dirigée contre les autorités et fondée essentiellement sur l'argument de la nationalisation illégale du bien. Les anciens locataires, qui avaient acheté ledit appartement le 30 octobre 1996, intervinrent dans la procédure. Après un arrêt du 30 octobre 2001, qui renvoya l'affaire au tribunal départemental de Bucarest pour examiner la manière dont l'appartement avait été nationalisé, ce dernier tribunal rendit le
17 avril 2002 un arrêt confirmant un jugement du 1er mars 2000 de rejet de la demande principale des requérants en revendication de l'appartement no 1. Dans ses considérants, le tribunal confirma aussi que la nationalisation de l'appartement en cause avait été illégale, mais le rejet de l'action des requérants s'imposait eu égard à l'acquisition du bien de bonne foi par les anciens locataires (article 46 de la loi no 10/2001). Considérant qu'il ne pouvait y avoir qu'un seul propriétaire du bien litigieux, le tribunal ajouta que la reconnaissance du droit de propriété des tiers acquéreurs de bonne foi avait pour conséquence, par effet de l'article 46 précité, la cessation du droit de propriété des requérants sur l'appartement no 1. Cet arrêt devint définitif par le rejet du recours formé par les requérants par un arrêt no 2442 du 11 novembre 2002 de la cour d'appel de Bucarest.
9. Il ressort du dossier que la notification adressée par les requérants à la mairie en vertu de la loi no 10/2001 porte sur un autre appartement de l'immeuble précité que les deux appartements susmentionnés. Le dossier ainsi crée fait l'objet d'une procédure pendante.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
10. Les dispositions légales (y compris celles de la loi no 10/2001 sur le régime juridique des biens immeubles pris abusivement par l'Etat entre le 6 mars 1945 et le 22 décembre 1989, et de ses modifications subséquentes) et la jurisprudence interne pertinentes sont décrites dans les arrêts Brumărescu c. Roumanie [GC], no 28342/95, §§ 31-33, CEDH 1999-VII ; Străin et autres c. Roumanie, no 57001/00, §§ 19-26, CEDH 2005-VII ; Păduraru c. Roumanie, no 63252/00, §§ 38-53, CEDH 2005-XII (extraits) ; et Tudor c. Roumanie, no 29035/05, §§ 15–20, 17 janvier 2008.
11. Il ressort des observations du Gouvernement roumain que des mesures visant l'accélération de la procédure d'octroi des dédommagements à travers le fonds d'investissement « Proprietatea » ont été prises récemment par les autorités nationales en vertu notamment de l'ordonnance d'urgence du Gouvernement no 81/2007.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
12. Les requérants allèguent que l'impossibilité de recouvrer la propriété de leurs biens immobiliers (l'appartement no 1 s'agissant de tous les requérants et l'appartement no 4 qui concerne exclusivement le premier requérant), qui ont été vendus par l'Etat, ou de se voir verser une indemnisation correspondant à leur valeur réelle a porté atteinte à leur droit au respect de leurs biens, tel que reconnu par l'article 1 du Protocole no 1 :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
A. Sur la recevabilité
13. Réitérant pour l'essentiel ses arguments présentés dans les affaires Reichardt c. Roumanie, no 6111/04, §§ 14-15, 13 novembre 2008, et Popescu et Dimeca c. Roumanie, no 17799/03, §§ 14-15, 9 décembre 2008, le Gouvernement soulève en substance une exception d'incompatibilité ratione materiae, estimant qu'en l'absence de reconnaissance de leur droit de propriété ou de constat, dans le dispositif d'une décision définitive, de l'illégalité de la nationalisation, les requérants ne disposaient pas d'un « bien » au sens de l'article 1 du Protocole no 1 s'agissant de l'appartement no 1 de l'immeuble en cause.
14. La Cour estime que l'exception d'incompatibilité ratione materiae est étroitement liée à la substance du grief que les requérants fondent sur l'article 1 du Protocole no 1, de sorte qu'il y a lieu de la joindre au fond. Par ailleurs, elle constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention et qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
15. Le Gouvernement réitère ses arguments présentés dans des affaires similaires antérieures. Il ajoute que seul le premier requérant pourrait prétendre avoir subi une ingérence en ce qui concerne le droit de propriété sur l'appartement no 4, reconnu par le jugement définitif du 18 mai 1998, et qu'il avait la possibilité de demander des dédommagements en vertu de la loi no 10/2001 dans le délai légal échu le 14 février 2002.
16. Les requérants rappellent que seulement le premier requérant s'est plaint à la Cour au sujet de l'appartement no 4. Ils s'opposent aux autres arguments du Gouvernement et renvoient aux arrêts Străin, Păduraru (précités), et Sebastian Taub c. Roumanie, no 58612/00, 12 octobre 2006.
17. La Cour a traité à maintes reprises d'affaires soulevant des questions semblables à celles du cas d'espèce et a constaté la violation de l'article 1er du Protocole no 1 (voir les affaires citées ci-dessus, notamment Străin, précité, §§ 39, 43 et 59, et Porteanu c. Roumanie, no 4596/03,
§§ 32-35, 16 février 2006). S'agissant d'abord de la question de l'applicabilité de l'article 1 du Protocole no 1, elle a jugé que le constat des tribunaux internes quant à l'illégalité de la nationalisation a pour effet de reconnaître, indirectement et avec effet rétroactif, l'existence d'un droit de propriété du requérant en cause sur le bien litigieux. Par ailleurs, pour ce qui est de l'exception d'incompatibilité ratione materiae soulevée au sujet de l'appartement no 1, la Cour rappelle avoir déjà rejeté les arguments du Gouvernement à ce titre, considérant que le fait que le constat susmentionné des tribunaux n'apparaissait pas dans les dispositifs des décisions judiciaires, mais dans leurs motifs, ne saurait déterminer une approche différente sur la question de l'existence d'un « bien » (Reichardt, précité, §§ 17-20, et Popescu et Dimeca, précité, §§ 22-24).
18. Partant, eu égard respectivement au jugement définitif du
18 mai 1998 du tribunal de première instance de Bucarest et à l'arrêt définitif du 17 avril 2002 du tribunal départemental de Bucarest, la Cour estime que, au sens de l'article 1 du Protocole no 1, le premier requérant possédait un « bien » s'agissant de l'appartement no 4 et que les requérants bénéficiaient d'un « bien » pour ce qui était de l'appartement no 1.
19. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant mener dans le cas présent à une conclusion différente de celle à laquelle elle a abouti dans les affaires précitées. La Cour réaffirme notamment que, dans le contexte législatif roumain régissant les actions en revendication immobilières et la restitution des biens nationalisés par le régime communiste, la vente par l'Etat du bien d'autrui à des tiers de bonne foi, même lorsqu'elle est antérieure à la confirmation définitive en justice du droit de propriété de l'autre, s'analyse en une privation de bien. De surcroit, s'agissant de l'appartement no 1, elle prend note de la conclusion de l'arrêt du 17 avril 2002 précité, selon lequel la reconnaissance du droit de propriété des tiers acquéreurs de bonne foi a eu pour conséquence, par effet de l'article 46 de la loi no 10/2001, la cessation du droit de propriété des requérants. La Cour réitère qu'une telle privation, combinée avec l'absence totale d'indemnisation, est contraire à l'article 1 du Protocole no 1 (Străin, précité, §§ 39, 43 et 59, et Reichardt, précité, § 24).
20. Par ailleurs, elle observe qu'à ce jour, le Gouvernement n'a pas démontré que le système d'indemnisation mis en place par la loi no 247/2005 permettrait aux bénéficiaires de cette loi de toucher, selon une procédure et un calendrier prévisible, une indemnité en rapport avec la valeur vénale des biens dont ils ont été privés. Partant, il ne saurait être reproché au premier requérant de n'avoir pas demandé, avant le 14 février 2002, des dédommagements en vertu de la loi no 10/2001, modifiée par la loi no 247/2005 précitée (voir, mutatis mutandis, Rabinovici c. Roumanie, no 38467/03, §§ 28-30, 27 juillet 2006).
21. Cette conclusion ne préjuge pas toute évolution positive que pourraient connaître à l'avenir les mécanismes de financement prévus par cette loi spéciale en vue d'indemniser les personnes qui, comme les requérants, se sont vu privées d'un « bien », au sens de l'article 1 du Protocole no 1. A cet égard, la Cour prend note avec satisfaction de l'évolution récente qui semble s'amorcer en pratique et qui va dans le bon sens en la matière (paragraphe 11 ci-dessus).
22. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu'en l'espèce, la mise en échec du droit de propriété du premier requérant sur l'appartement no 4 et du droit de propriété des requérants sur l'appartement no 1, combinée avec l'absence totale d'indemnisation, leur ont fait subir une charge disproportionnée et excessive, incompatible avec le droit au respect de leurs biens garanti par l'article 1 du Protocole no 1.
23. Partant, la Cour rejette l'exception du Gouvernement et conclut qu'il y a eu violation de l'article susmentionné.
II. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
24. Invoquant l'article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent de l'issue et de l'iniquité des procédures achevées par les arrêts nos 2436 et 2442 du 11 novembre 2002 rendus par la cour d'appel de Bucarest. Dans leurs observations du 14 décembre 2006, ils précisent se plaindre aussi de la durée de ces procédures. Par ailleurs, dans leur requête introductive, les requérants allèguent que, en rendant les arrêts précités, les tribunaux internes ont méconnu l'article 1 du Protocole no 12.
25. Compte tenu de l'ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n'a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par les articles de la Convention ou de ses Protocoles.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
III. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 46 DE LA CONVENTION
26. L'article 46 de la Convention dispose :
« 1. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties.
2. L'arrêt définitif de la Cour est transmis au Comité des Ministres qui en surveille l'exécution. »
27. La conclusion de violation de l'article 1 du Protocole no 1 révèle un problème à grande échelle résultant de la défectuosité de la législation sur la restitution des immeubles nationalisés qui ont été vendus par l'Etat à des tiers. Dès lors, la Cour estime que l'Etat doit aménager dans les plus brefs délais la procédure mise en place par les lois de réparation (actuellement les lois nos 10/2001 et 247/2005) de sorte qu'elle devienne réellement cohérente, accessible, rapide et prévisible (voir, les arrêts Viaşu c. Roumanie, no 75951/01, § 83, 9 décembre 2008 ; Katz c. Roumanie, no 29739/03, §§ 30-37, 20 janvier 2009, et Faimblat c. Roumanie, no 23066/02, §§ 48-54, 13 janvier 2009).
IV. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
28. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
29. Les requérants demandent, au titre du dommage matériel qu'ils auraient subi, la restitution des deux appartements litigieux. A défaut d'une telle restitution, sur la base d'une expertise technique réalisée en décembre 2006, ils demandent la valeur marchande de ces appartements, qu'ils estiment à 120 000 euros (EUR) pour l'appartement no 1 et à 142 060 EUR pour l'appartement no 4. Par ailleurs, s'appuyant sur le revenu locatif estimé par l'expert au niveau de l'année 2006, ils sollicitent aussi, au titre du défaut de jouissance depuis 1994, 104 460 EUR pour l'appartement no 1 et 136 464 EUR pour l'appartement no 4. Enfin, les requérants demandent 120 000 EUR au titre du préjudice moral subi.
30. Le Gouvernement conteste ces demandes. Selon l'expertise fournie en mai 2007, la valeur marchande de l'appartement no 1 est de 132 416 lei roumains (RON) et celle de l'appartement no 4 est de 192 218 RON. Par ailleurs, s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour, le Gouvernement considère qu'il n'y a pas lieu de réparer le préjudice allégué découlant des loyers non perçus. Quant au préjudice moral allégué, le Gouvernement estime qu'un constat de violation serait une réparation suffisante et que, de toute manière, la somme exigée est excessive.
31. La Cour estime, dans les circonstances de l'espèce, que la restitution de l'appartement no 1 aux requérants et de l'appartement no 4 au premier requérant placerait les intéressés autant que possible dans une situation équivalant à celle où ils se trouveraient si les exigences de l'article 1 du Protocole no 1 n'avaient pas été méconnues.
32. A défaut pour l'Etat défendeur de procéder à pareille restitution, la Cour décide qu'il devra verser aux requérants, pour dommage matériel, une somme correspondant à la valeur actuelle des biens en question.
33. S'agissant du calcul de ces montants, la Cour note l'écart qui sépare l'expertise soumise par les requérants et celle produite par le Gouvernement quant à la valeur des appartements. Compte tenu des informations fournies par les parties sur le marché immobilier local, elle estime la valeur des biens en question à 75 000 EUR (appartement no 1) et 95 000 EUR (appartement no 4).
34. Concernant les sommes demandées pour le défaut de jouissance de ces biens, la Cour rappelle qu'elle ne saurait spéculer sur la possibilité d'une location et sur le rendement de celle-ci (Buzatu c. Roumanie (satisfaction équitable), no 34642/97, § 18, 27 janvier 2005) et qu'elle a ordonné la restitution des biens en cause, en tant que réparation au titre de l'article 41 de la Convention. Dès lors, elle rejette cette demande.
35. Concernant la demande des requérants au titre du dommage moral, la Cour considère que les événements en cause ont entraîné pour eux des désagréments et des incertitudes, et qu'il convient de leur allouer conjointement une somme de 4 000 EUR, qui représente une réparation équitable du préjudice moral subi.
B. Frais et dépens
36. Présentant une note d'honoraires de leur avocat devant la Cour pour un montant de 1 196 EUR pour chacun des deux appartements, les requérants demandent 5 192 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et devant la Cour.
37. Le Gouvernement fait remarquer que le seul justificatif des requérants n'est pas accompagné d'un contrat d'assistance judiciaire et d'un récapitulatif horaire du travail accompli, afin de pouvoir apprécier la réalité et la nécessité de ce travail, dans le contexte d'une affaire qui suit une jurisprudence bien établie.
38. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l'espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 500 EUR pour la procédure devant la Cour et l'accorde aux requérants.
C. Intérêts moratoires
39. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Joint au fond l'exception préliminaire du Gouvernement tirée de l'incompatibilité ratione materiae et la rejette ;
2. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l'article 1 du Protocole no 1 et irrecevable pour le surplus ;
3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 ;
4. Dit
a) que l'Etat défendeur doit restituer aux requérants l'appartement no 1 situé à Bucarest, au no 37 de la rue Moise Nicoara, et au premier requérant l'appartement no 4 situé à la même adresse, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention ;
b) qu'à défaut d'une telle restitution, dans le même délai de trois mois, l'Etat défendeur doit verser, conjointement aux requérants, 75 000 EUR (soixante-quinze mille euros), et, au premier requérant, 95 000 EUR (quatre-vingt-quinze mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage matériel ;
c) qu'en tout état de cause, dans le même délai précité, l'Etat défendeur doit verser conjointement aux requérants les sommes suivantes :
i. 4 000 EUR (quatre mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour préjudice moral ;
ii. 500 EUR (cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par les requérants, pour frais et dépens ;
d) que les sommes mentionnées aux points b) et c) seront à convertir dans la monnaie de l'Etat défendeur au taux applicable à la date du règlement ;
e) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 2 juin 2009, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago Quesada Josep Casadevall
Greffier Président