Conclusion Exception préliminaire jointe au fond et rejetée (ratione materiae) ; Partiellement irrecevable ; Violation de P1-1 ; Dommage matériel et préjudice moral - réparation
TROISIÈME SECTION
AFFAIRE DENEÅž ET AUTRES c. ROUMANIE
(Requête no 25862/03)
ARRÊT
STRASBOURG
3 mars 2009
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire DeneÅŸ et autres c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,
Elisabet Fura-Sandström,
Corneliu Bîrsan,
Boštjan M. Zupan�i�,
Alvina Gyulumyan,
Ineta Ziemele,
Luis López Guerra, juges,
et de Stanley Naismith, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 février 2009,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 25862/03) dirigée contre la Roumanie et dont cinq ressortissantes de cet Etat, Mmes I. D., I. K., S. D., I. S. et I. B. (« les requérantes »), ont saisi la Cour le 28 juillet 2003 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérantes sont représentés par Me M P., avocat à Zalău. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.
3. Les requérantes allèguent une atteinte à leur droit de propriété garanti par l'article 1 du Protocole no 1, compte tenu de l'impossibilité dans laquelle elles se trouvent de jouir de leur droit à indemnisation pour un bien immobilier, en vertu de la législation interne sur les restitutions.
4. Le 16 mai 2007, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 3 de la Convention, elle a en outre décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le fond de l'affaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
5. Les requérantes sont nées respectivement en 1918, 1934, 1938, 1942 et 1951 et résident à Vârşolt, dans le département de Sălaj. La requérante I. D. est la mère des requérantes S. D., I.S. et I. B.. La requérante I. K. est l'épouse survivante de M. A. K., le fils de M. I. K. et de Mme M K. (voir le paragraphe 7 ci-dessous).
A. La genèse de l'affaire
6. En 1929, les parents de la requérante I. D. achetèrent un quota de 5/12 du droit de propriété sur un bien immobilier sis à Vârşolt et formé d'une maison et du terrain afférent (« le bien »). La maison avait la destination de logement.
7. En 1935, le quota restant du bien, soit 7/12 du droit de propriété, fut acheté par la requérante I. D. et son mari, par les époux I. K.et M K. et par M. G. P., le frère de cette requérante, chacun des deux couples, comme M. G. P., disposant d'un tiers du quota ainsi acheté. A la suite du décès de son frère, la requérante I. D. (« la première requérante ») acquit, en tant qu'héritière, le quota de celui-ci. A la suite du décès de ses parents, I. K. et M K., M. A. K., leur fils, leur succéda comme héritier. Ce dernier décéda en 2000 laissant comme héritière son épouse, I. K. (« la deuxième requérante »). De même, après le décès du mari de la première requérante, cette dernière et leurs trois filles, les requérantes S. D., I. S. et I. B., lui succédèrent. Mme I. D. succéda également à ses parents.
8. En 1947, le bien fut nationalisé. La maison fut partiellement démolie et reconstruite, et transformée par la suite en maison de la culture et bibliothèque.
B. La demande en réparation fondée sur la loi no 112/1995
9. En 1996, la première requérante forma une demande en réparation auprès de la commission pour l'application de la loi no 112/1995 (« la commission »).
10. Par une décision du 25 février 1997, celle-ci rejeta la demande au motif que le bien n'entrait pas dans le champ d'application de la loi no 112/1995, ayant été nationalisé en l'absence d'un titre. La requérante contesta cette décision devant les tribunaux, en demandant son annulation et la restitution du bien.
11. Par un jugement du 4 mars 1998, le tribunal de première instance de Şimleul Silvaniei (« le tribunal de première instance ») rejeta l'action. La requérante et M. A. K., intervenu par la suite dans la procédure, interjetèrent appel, mais se désistèrent le 28 avril 1998. Le 16 juin 1998, le tribunal départemental de Sălaj (« le tribunal départemental ») prit note de ce désistement.
C. L'action en revendication
12. Le 8 juin 1998, la première requérante et ses trois filles, ainsi que M. A.i K. (« les consorts D. »), saisirent le tribunal de première instance d'une action contre la mairie, afin d'obliger celle-ci à leur verser une indemnisation pour le bien. Ils faisaient valoir être les héritiers des anciens propriétaires dudit bien. A une date non précisée, les consorts D. signalèrent au tribunal que leur action visait la revendication du bien.
13. Le 18 février 1999, le tribunal de première instance déclina sa compétence en faveur du tribunal départemental, qui fit droit à l'action par un jugement du 24 septembre 1999, ordonnant à la mairie de verser aux intéressés 230 866 000 lei roumains (ROL) à titre de dédommagements. Le tribunal jugea que le bien faisait partie du domaine public en tant que maison de la culture et ne pouvait dès lors pas être restitué. Il fixa le montant des dédommagements en s'appuyant sur une expertise effectuée en l'espèce.
14. Par un arrêt du 15 juin 2000, la cour d'appel de Cluj (« la cour d'appel ») accueillit l'appel des consorts D. et ordonna la restitution du bien. La cour d'appel retint que la nationalisation du bien n'était pas fondée sur un titre valable et que, dès lors, le régime juridique des biens faisant partie du domaine public, dont le principe de leur inaliénabilité, n'était pas applicable en l'espèce.
15. Par un arrêt du 12 octobre 2001, la Cour suprême de justice (« la Cour suprême ») fit droit au pourvoi en recours (recurs) formé par la mairie et renvoya l'affaire devant le tribunal de première instance, qu'elle estimait compétent pour connaître de l'affaire en l'espèce.
16. Le tribunal de première instance rendit son jugement le 17 juin 2002, par lequel il fit droit à l'action et ordonna la restitution du bien. Ce jugement fut confirmé, sur appel de la mairie, par un arrêt du 5 novembre 2002 du tribunal départemental.
17. La mairie forma un pourvoi en recours devant la cour d'appel.
18. Par un arrêt définitif du 16 mai 2003, la cour d'appel accueillit le pourvoi et rejeta l'action en revendication des consorts D.. Elle retint qu'en vertu de l'article 16 § 4 de la loi no 10/2001, telle que modifiée par l'ordonnance d'urgence du Gouvernement no 184/2002, le bien en question, ayant une destination d'intérêt public, faisait partie de la propriété publique et, dès lors, compte tenu de l'article 11 § 1 de la loi no 213/1998 (paragraphe 30 ci-dessous), ne pouvait pas être revendiqué par les plaignants. La cour d'appel retint également qu'en vertu de l'article 16 § 1 de la loi no 10/2001, les anciens propriétaires doivent se voir accorder des mesures de réparation par équivalence (paragraphe 28 ci-dessous).
19. Les plaignants formèrent une contestation en annulation, qui fut rejetée par un arrêt du 12 janvier 2004 de la cour d'appel.
D. La demande en réparation fondée sur la loi no 10/2001
20. Le 12 octobre 2001, la première requérante demanda à la mairie de Vârşolt, en vertu de la loi no 10/2001, de lui restituer le bien. Pour ce qui était des constructions démolies, elle réclama des mesures réparatrices par équivalence. Le 8 février 2002, les requérantes demandèrent à la mairie, en vertu de la même loi, la restitution en nature du bien.
21. Par une décision du 15 février 2002, la mairie rejeta leurs demandes, au motif que le bien faisait partie du domaine public de l'Etat comme maison culturelle de la commune de Vârşolt.
22. Par une décision du 4 avril 2002, la mairie leur reconnut le droit de se voir accorder des dédommagements à hauteur de 157 570 000 ROL. Selon les informations fournies par le Gouvernement, que les requérantes n'ont pas contredites, celles-ci n'ont pas contesté la décision devant les tribunaux.
23. Le 22 novembre 2005, la première requérante demanda des dédommagements pour la maison démolie (paragraphe 8 ci-dessus) et la restitution du terrain afférent.
24. Le 14 mars 2006, la mairie lui communiqua le rejet de sa demande, au motif que le bien faisait partie du domaine public, ayant la destination de maison de la culture.
25. Par une lettre du 11 mai 2006, la première requérante informa le greffe en réponse à sa demande de renseignements :
« Je porte à votre connaissance que je n'ai pas opté pour l'octroi d'actions du Fonds Proprietatea, créé à la suite de la modification de la loi no 10/2001 par la loi no 247/2005 et que par ailleurs je n'ai pas l'intention de le faire, parce que je ne souhaite bénéficier que des dédommagements que j'ai mentionnés en vertu des normes internationales, de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Constitution de la Roumanie. »
26. Par une lettre du 22 janvier 2007 adressée au greffe, la première requérante réitéra sa demande de se voir accorder « les dédommagements matériels et moraux dont [elle] avait été privée ».
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
27. Les dispositions légales (y compris celles de la loi no 10/2001 sur le régime juridique des biens immobiliers pris abusivement par l'Etat) et la jurisprudence interne pertinentes sont décrites dans les arrêts Brumărescu c. Roumanie ([GC], no 28342/95, §§ 31-44, CEDH 1999-VII), Străin et autres c. Roumanie (no 57001/00, §§ 19-26, CEDH 2005-VII), Păduraru c. Roumanie (no 63252/00, §§ 23-53, CEDH 2005-XII (extraits)) et Tudor c. Roumanie (no 29035/05, §§ 15–20, 17 janvier 2008).
28. Est également pertinent l'article 16 de la loi no 10/2001, qui était ainsi rédigé dans la sa version initiale :
« (1) Dans le cas des biens immobiliers occupés par des unités budgétaires d'enseignement, de santé, établissements culturels ou par des institutions publiques (...) les anciens propriétaires se voient accorder des mesures de réparation par équivalence, dans les conditions de la présente loi.
(2) Les ministères compétents dans le domaine en question, ainsi que les autres institutions publiques concernées, doivent [faire connaître] au Gouvernement, qui [en arrêtera la liste] par décision, les biens immobiliers qui ne peuvent pas être restitués, pour lesquels des mesures de réparation par équivalence sont accordées en vertu de l'alinéa (1). »
« (4) Les dispositions des alinéas (1) et (2) ne sont pas applicables dans le cas des biens nationalisés sans titre valable. »
29. L'article 16 § 4 de la loi no 10/2001 a été ainsi modifié par l'ordonnance d'urgence du Gouvernement no 184 du 12 décembre 2002 :
« Les biens déterminés selon la procédure prévue dans l'alinéa (2) sont, pendant la durée de leur affectation à l'intérêt public, des biens de la propriété publique ayant le régime prévu par la loi. »
30. L'article 11 § 1 de la loi no 213 du 17 novembre 1998 sur la propriété publique et son régime juridique est ainsi libellé :
« Les biens du domaine public sont inaliénables, insaisissables et imprescriptibles. »
III. LES TEXTES DU CONSEIL DE L'EUROPE
31. Dans sa Résolution Res(2004)3 relative aux arrêts révélant un problème structurel sous-jacent, adoptée 12 mai 2004, le Comité des Ministres a indiqué ce qui suit :
« Le Comité des Ministres, en vertu de l'article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe,
Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres, et que l'un des moyens les plus importants pour atteindre ce but est la sauvegarde et le développement des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Réaffirmant sa conviction que la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (ci-après dénommée « la Convention ») doit demeurer le point de référence essentiel dans le domaine de la protection des droits de l'homme en Europe et rappelant son engagement à prendre des mesures visant à garantir l'efficacité à long terme du système de contrôle institué par la Convention ;
Rappelant le caractère subsidiaire du mécanisme de contrôle institué par la Convention, qui présuppose, conformément à son article 1er, que les droits et libertés garantis par la Convention soient protégés tout d'abord par le droit interne et appliqués par les autorités nationales ;
Se félicitant à cet égard de ce que la Convention fait aujourd'hui partie intégrante de l'ordre juridique interne de l'ensemble des Etats parties ;
Rappelant que, en vertu de l'article 46 de la Convention, les Hautes Parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour européenne des Droits de l'Homme (ci-après dénommée « la Cour ») dans les litiges auxquels elles sont parties et que l'arrêt définitif de la Cour est transmis au Comité des Ministres qui en surveille l'exécution ;
Soulignant l'intérêt d'aider l'Etat concerné à identifier les problèmes sous-jacents et les mesures d'exécution nécessaires ;
Estimant que la mise en œuvre des arrêts serait facilitée si l'existence d'un problème structurel était déjà identifiée dans l'arrêt de la Cour ;
Gardant à l'esprit les observations faites sur cette question par la Cour elle-même lors de la session du Comité des Ministres du 7 novembre 2002 ;
Invite la Cour :
I. dans toute la mesure du possible, à identifier dans les arrêts où elle constate une violation de la Convention ce qui, d'après elle, révèle un problème structurel sous-jacent et la source de ce problème, en particulier lorsqu'il est susceptible de donner lieu à de nombreuses requêtes, de façon à aider les Etats à trouver la solution appropriée et le Comité des Ministres à surveiller l'exécution des arrêts ;
II. à signaler spécialement tout arrêt comportant des indications sur l'existence d'un problème structurel et sur la source de ce problème non seulement à l'Etat concerné et au Comité des Ministres, mais aussi à l'Assemblée parlementaire, au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe et au Commissaire aux Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, et à signaler de manière appropriée ces arrêts dans la base de données de la Cour.
32. La recommandation du Comité des ministres Rec(2004)6 sur l'amélioration des recours internes, adoptée le 12 mai 2004, se lit ainsi :
« Le Comité des Ministres, en vertu de l'article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe,
Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres, et que l'un des moyens les plus importants pour atteindre ce but est la sauvegarde et le développement des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Réaffirmant sa conviction que la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (ci-après dénommée « la Convention ») doit demeurer le point de référence essentiel dans le domaine de la protection des droits de l'homme en Europe et rappelant son engagement à prendre des mesures visant à garantir l'efficacité à long terme du système de contrôle institué par la Convention ;
Rappelant le caractère subsidiaire du mécanisme de contrôle institué par la Convention, qui présuppose, conformément à son article 1er, que les droits et libertés garantis par la Convention soient protégés tout d'abord par le droit interne et appliqués par les autorités nationales ;
Se félicitant à cet égard de ce que la Convention fait aujourd'hui partie intégrante de l'ordre juridique interne de l'ensemble des Etats parties ;
Soulignant que, ainsi que l'article 13 de la Convention l'exige, les Etats membres se sont engagés à ce que toute personne pouvant alléguer de manière défendable une violation de ses droits et libertés reconnus dans la Convention ait droit à un recours effectif devant une instance nationale ;
Rappelant que, au-delà de l'obligation de s'assurer de l'existence de tels recours effectifs au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme (ci-après dénommée « la Cour »), les Etats ont l'obligation générale de remédier aux problèmes sous-jacents aux violations constatées ;
Soulignant qu'il appartient aux Etats membres d'assurer que les recours internes soient effectifs en droit et en pratique, et qu'ils puissent aboutir à une décision sur le bien-fondé du grief et à un remède approprié de toute violation constatée ;
Notant que la nature et le nombre des requêtes portées devant la Cour et les arrêts qu'elle rend démontrent plus que jamais le besoin, pour les Etats membres, de s'assurer de manière efficace et régulière que de tels recours existent en toute circonstance en particulier dans le cas de durée excessive de procédures juridictionnelles ;
Estimant que la disponibilité de recours internes effectifs pour toutes les allégations défendables de violations de la Convention devrait permettre de réduire la charge de travail de la Cour, en raison, d'une part, de la réduction du nombre des affaires qui lui parviennent et, d'autre part, du fait que le traitement circonstancié des affaires au plan national est de nature à faciliter leur examen ultérieur par la Cour ;
Soulignant que l'amélioration des recours au niveau national, tout particulièrement en matière d'affaires répétitives, devrait également contribuer à réduire la charge de travail de la Cour ;
Recommande aux Etats membres, en tenant compte des exemples de bonnes pratiques figurant en annexe :
I. de s'assurer par un suivi constant, à la lumière de la jurisprudence de la Cour, que des recours internes existent pour toute personne alléguant d'une façon défendable une violation de la Convention et que ces recours sont effectifs, dans la mesure où ils permettent d'aboutir à une décision sur le bien-fondé du grief et à un remède approprié de toute violation constatée ;
II. de réexaminer, à la suite d'arrêts de la Cour qui révèlent des défaillances structurelles ou générales dans le droit ou la pratique de l'Etat, l'effectivité des recours internes existants et, le cas échéant, mettre en place des recours effectifs afin d'éviter que des affaires répétitives ne soient portées devant la Cour ;
III. de porter une attention particulière, dans le cadre des points I et II ci-dessus, à l'existence de recours effectifs en cas d'allégation défendable de durée excessive des procédures juridictionnelles ;
Charge le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe de déployer les moyens nécessaires pour octroyer une assistance appropriée aux Etats membres qui le demanderaient, afin de les aider à mettre en œuvre la présente recommandation. »
EN DROIT
I. OBSERVATION PRÉLIMINAIRE
33. La Cour observe que la requérante I. K. n'a pas été partie dans la procédure tranchée par l'arrêt du 16 mai 2003, malgré sa qualité d'héritière de son mari, A. K., décédé en 2000, donc pendant cette procédure (paragraphes 7, 12 et 18 ci-dessus). Elle note toutefois que la requérante en question a été visée par la décision du 4 avril 2002 de la mairie de Vârşolt (paragraphes 20 et 22 ci-dessus).
34. Dès lors, la Cour estime que cette requérante peut avoir un locus standi en l'espèce.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
35. Les requérantes se plaignent de ce qu'à ce jour, elles n'ont pas pu jouir de leur droit à indemnisation reconnu par l'arrêt du 16 mai 2003 de la cour d'appel de Cluj, en violation de leur droit au respect des biens. Elles invoquent l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
A. Sur la recevabilité
36. Le Gouvernement soulève l'exception d'incompatibilité ratione materiae, considérant que les requérantes ne disposaient pas d'un « bien », ni même d'une espérance légitime de se voir restituer le bien en question. Il fait valoir à cet égard que le jugement du 17 juin 2002 faisant droit à l'action en revendication a été renversé par l'arrêt du 16 mai 2003, qui a rejeté ladite action. Selon le Gouvernement, ce dernier arrêt n'a pas reconnu le droit des intéressées à se voir accorder une indemnisation. Dès lors, les requérantes ne sont que des simples demandeurs concernant la restitution de leur bien ou l'octroi des dédommagements (Pentia et Pentia c. Roumanie (déc.) (no 57539/00, 23 mars 2006).
37. Les requérantes n'ont pas présenté d'observations en réponse à celles du Gouvernement.
38. La Cour estime que l'exception de l'incompatibilité ratione materiae est étroitement liée à la substance du grief des requérantes, de sorte qu'il y a lieu de la joindre au fond. Par ailleurs, elle constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention et qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Les thèses des parties
39. Le Gouvernement insiste sur le fait que les requérantes ont fait usage de la possibilité de s'adresser aux autorités administratives afin de se voir accorder des dédommagements en vertu de la loi no 10/2001, telle que modifiée par la loi no 247/2005. Selon le Gouvernement, le mécanisme mis en place par cette dernière loi et portant sur la création du fonds Proprietatea est de nature à offrir aux intéressées des dédommagements correspondant aux exigences de la jurisprudence de la Cour.
40. Il fait valoir également que la présente espèce se distingue de l'affaire Broniowski c. Pologne ([GC], no 31443/96, CEDH 2004-V), car les autorités roumaines ont accordé aux requérantes 157 570 000 ROL par la décision du 4 avril 2002 de la mairie de Vârşolt, que les intéressées n'ont pas contestée.
41. Le Gouvernement conclut que le juste équilibre a été maintenu entre l'intérêt général et le respect des droits individuels des requérantes.
42. Les requérantes n'ont pas présenté d'observations en réponse.
2. L'appréciation de la Cour
a) Sur l'existence d'une ingérence dans le droit au respect des « biens » des requérantes
43. La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence, un requérant ne peut alléguer une violation de l'article 1er du Protocole no 1 à la Convention que dans la mesure où les décisions qu'il incrimine se rapportent à ses « biens » au sens de cette disposition. L'espoir de voir reconnaître la survivance d'un ancien droit de propriété qu'il est depuis bien longtemps impossible d'exercer effectivement ne peut être considéré comme un bien au sens de l'article 1 du Protocole no 1. Il en va de même d'une créance conditionnelle s'éteignant du fait de la non-réalisation de la condition (Prince Hans-Adam II de Liechtenstein c. Allemagne [GC], no 42527/98, § 83, CEDH 2001-VIII).
44. En revanche, lorsqu'un Etat contractant, après avoir ratifié la Convention, y compris le Protocole no 1, adopte une législation prévoyant la restitution totale ou partielle de biens confisqués en vertu d'un régime antérieur, semblable législation peut être considérée comme engendrant un nouveau droit de propriété protégé par l'article 1 du Protocole no 1 dans le chef des personnes satisfaisant aux conditions de restitution. Le même principe peut s'appliquer à l'égard des dispositifs de restitution ou d'indemnisation établis en vertu d'une législation adoptée avant la ratification de la Convention si pareille législation demeure en vigueur après la ratification du Protocole no 1 (voir, entre autres, Kopecký c. Slovaquie [GC], no 44912/98, §§ 35 et 48 à 52, CEDH 2004-IX, Broniowski c. Pologne [GC], no 31443/96, § 125, CEDH 2004-V).
45. Dans le même contexte, la Cour a déjà jugé que lorsque le principe de la restitution des propriétés abusivement confisquées a déjà été adopté par un Etat, l'incertitude quant à la mise en pratique de ce principe, qu'elle soit législative, administrative ou tenant aux pratiques appliquées par les autorités, est de nature à engendrer, lorsqu'elle est persistante dans le temps et en l'absence de réaction cohérente et rapide de l'Etat, un manquement de ce dernier à son obligation d'assurer la jouissance effective du droit de propriété garanti par l'article 1 du Protocole no 1 (Broniowski précité, § 151 ; Păduraru c. Roumanie, no 63252/00, §§ 92 et 112, CEDH 2005-XII (extraits).
46. En l'espèce, la Cour observe que par l'arrêt du 16 mai 2003, la cour d'appel de Cluj a rejeté l'action en revendication des requérantes au motif que le bien en question, ayant une destination d'intérêt public, faisait partie du domaine public. Elle a toutefois retenu, s'appuyant sur l'article 16 § 1 de la loi no 10/2001, que les anciens propriétaires doivent se voir accorder des mesures de réparation par équivalence. Selon cette disposition, « dans le cas des biens immobiliers occupés par des unités budgétaires d'enseignement, de santé, établissements culturels ou par des institutions publiques (...), les anciens propriétaires se voient accorder des mesures de réparation par équivalence, dans les conditions de la présente loi ».
47. Dès lors, la Cour estime que les requérantes, en tant qu'héritières des anciens propriétaires du bien, qualité qui ne leur est pas contestée en l'espèce, avaient un « intérêt patrimonial » suffisamment établi en droit interne, certain, non révocable et exigible, de se voir accorder des dédommagements. Un tel intérêt relève de la notion de « bien » au sens de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention. La Cour ne saurait dès lors souscrire à la thèse du Gouvernement selon laquelle l'arrêt en question n'a pas reconnu un tel droit aux requérantes. Par conséquent, le défaut de paiement des dédommagements jusqu'à ce jour constitue une ingérence dans le droit des requérantes au respect de leurs biens.
48. Elle rappelle que selon sa jurisprudence constante, la non-exécution d'une décision reconnaissant un droit de propriété constitue une ingérence au sens de la première phrase du premier alinéa de l'article 1 du Protocole no 1, qui énonce le principe général du respect de la propriété (voir Bourdov c. Russie, no 59498/00, § 40, CEDH 2002-III, Ramadhi et 5 autres c. Albanie, no 38222/02, §§ 76-77, 13 novembre 2007).
49. La Cour doit dès lors examiner si l'ingérence dénoncée se justifie sous l'angle de cette disposition.
b) Sur la justification de l'ingérence
50. L'article 1 du Protocole no 1 exige, avant tout et surtout, qu'une ingérence de l'autorité publique dans la jouissance du droit au respect des biens soit légale. La prééminence du droit, l'un des principes fondamentaux d'une société démocratique, est inhérente à l'ensemble des articles de la Convention. Le principe de la légalité présuppose également l'existence de normes de droit interne suffisamment accessibles, précises et prévisibles dans leur application (Beyeler c. Italie [GC], no 33202/96, §§ 109-110, CEDH 2000-I).
51. En l'espèce, la Cour n'estime pas nécessaire de juger si l'ingérence en question était légale au sens de la notion de prééminence du droit, compte tenu de ses conclusions ci-dessous.
52. Afin de déterminer si un juste équilibre a été ménagé entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde du droit au respect des biens des requérantes, elle est appelée à examiner si le délai nécessaire aux autorités roumaines afin de payer une indemnité aux intéressées n'a pas placé sur celles-ci une charge disproportionnée et excessive. La Cour rappelle à cet égard que les Etats disposent d'une marge d'appréciation étendue pour déterminer ce qui est dans l'intérêt public, surtout lorsqu'il s'agit d'adopter et d'appliquer de mesures de reforme économique ou de justice sociale (Ramadhi et 5 autres c. Albanie, no 38222/02, § 79, 13 novembre 2007).
53. En l'espèce, presque six ans se sont écoulés à ce jour depuis l'arrêt du 16 mai 2003 et presque sept ans depuis la décision du 4 avril 2002, sans que les requérantes se soient vu verser de dédommagements. Qui plus est, par la décision de la mairie du 14 mars 2006 (paragraphe 24 ci-dessus), leur demande visant à obtenir des dédommagements pour la maison a été rejetée au motif que le bien faisait partie de la propriété publique, alors que leur droit à des dédommagements pour l'ensemble du bien (formé de la maison et du terrain) avait été reconnu par un arrêt définitif et une décision antérieure de la mairie elle-même.
54. Pour autant que le Gouvernement soumet qu'une indemnisation a été accordée aux requérantes par la décision du 4 avril 2002 de la mairie, la Cour relève que celui-ci n'a fourni aucun élément de nature à prouver que la somme en question ait été effectivement versée aux intéressées.
55. En tout état de cause, pour ce qui est de l'argument du Gouvernement selon lequel le mécanisme mis en place par la loi no 247/2005 est de nature à offrir des dédommagements appropriés, la Cour rappelle qu'elle a déjà jugé que le fonds Proprietatea ne fonctionne actuellement pas d'une manière susceptible d'aboutir à l'octroi effectif d'une indemnité aux requérantes (voir, parmi d'autres, Tudor, précité, § 33).
56. Dans ces conditions, à supposer même que le Gouvernement ait pu démontrer que l'ingérence dans le droit des requérantes était prévue par la loi et servait une cause d'utilité publique, la Cour estime que le juste équilibre à ménager entre la protection de la propriété des requérantes et les exigences d'intérêt général a été rompu et que les intéressées ont supporté une charge spéciale et exorbitante.
57. Partant, la Cour rejette l'exception du Gouvernement et conclut il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1.
III. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
58. Invoquant les articles 6 § 1, 8 et 14 de la Convention, les requérantes se plaignent de l'issue de la procédure tranchée par l'arrêt du 16 mai 2003 de la cour d'appel de Cluj. Elles notent à cet égard que le bien avait été nationalisé sans titre valable et que, dès lors, il ne pouvait pas faire partie de la propriété publique.
59. Compte tenu de ses conclusions figurant aux paragraphes 56 et 57 ci-dessus, la Cour estime qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la recevabilité et le bien-fondé de ces griefs.
IV. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 46 DE LA CONVENTION
60. L'article 46 de la Convention dispose :
« 1. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties.
2. L'arrêt définitif de la Cour est transmis au Comité des Ministres qui en surveille l'exécution. »
61. La Cour constate que la violation du droit des requérantes au respect de leurs biens tel que le garantit l'article 1 du Protocole no 1 tire son origine d'un problème à grande échelle résultant du dysfonctionnement du mécanisme mis en place par la loi no 10/2001, telle que modifiée par la loi no 247/2005, lequel n'a pas abouti à ce jour à l'octroi effectif d'une indemnité aux personnes bénéficiaires des mesures de réparation prévues par cette loi.
62. La Cour rappelle que, lorsqu'elle constate une violation, l'Etat défendeur a l'obligation juridique non seulement de verser aux intéressés les sommes allouées au titre de la satisfaction équitable prévue par l'article 41, mais aussi de choisir, sous le contrôle du Comité des Ministres, les mesures générales et/ou, le cas échéant, individuelles à intégrer dans son ordre juridique interne afin de mettre un terme à la violation constatée par la Cour et d'en effacer autant que possible les conséquences. L'Etat défendeur demeure libre, sous le contrôle du Comité des Ministres, de choisir les moyens de s'acquitter de son obligation juridique au regard de l'article 46 de la Convention, pour autant que ces moyens soient compatibles avec les conclusions contenues dans l'arrêt de la Cour (Broniowski, précité, § 192).
63. Concernant les mesures destinées à garantir l'effectivité du mécanisme établi par la Convention, la Cour attire l'attention sur la résolution (Res(2004)3) et la recommandation (Rec(2004)6) du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe adoptées le 12 mai 2004 (paragraphes 31¬32 ci-dessus).
64. Bien qu'en principe il ne lui appartienne pas de définir quelles peuvent être les mesures de redressement appropriées pour que l'Etat défendeur s'acquitte de ses obligations au regard de l'article 46 de la Convention, eu égard à la situation de caractère structurel qu'elle constate, la Cour observe que des mesures générales au niveau national s'imposent sans aucun doute dans le cadre de l'exécution du présent arrêt (Broniowski précité, § 193).
65. Pour aider l'Etat défendeur à remplir ses obligations au titre de l'article 46, la Cour a cherché, à titre purement indicatif, le type de mesures que l'Etat roumain pourrait prendre pour mettre un terme à la situation structurelle constatée en l'espèce. Elle considère que l'Etat défendeur doit garantir, dans les plus brefs délais, par des mesures législatives, administratives et budgétaires appropriées, la réalisation effective et rapide du droit à réparation, conformément aux principes de la prééminence du droit et de la légalité de la protection des droits patrimoniaux énoncés à l'article 1 du Protocole no 1, en tenant compte des principes énoncés par la jurisprudence de la Cour en matière d'indemnisation (arrêt Broniowski précité, §§ 176 et 186).
66. En particulier, l'Etat doit aménager la procédure mise en place par les lois de réparation (actuellement les lois nos 10/2001 et 247/2005) de sorte qu'elle devienne réellement cohérente, accessible, rapide et prévisible, y compris en ce qui concerne la méthode pour choisir les dossiers qui seront traités par la commission centrale (voir également, mutatis mutandis, Viaşu c. Roumanie, no 75951/01, §§ 82-83, 9 décembre 2008 ; Faimblat c. Roumanie, no 23066/02, §§ 53-54, 13 janvier 2009 ; Katz c. Roumanie, no 29739/03, §§ 35-36, 20 janvier 2009, non encore définitifs).
V. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
67. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
68. Les requérantes demandent pour le dommage matériel, à titre principal la restitution du bien et à titre secondaire l'octroi d'une somme de 52 600 EUR représentant sa valeur marchande. Elles versent au dossier un rapport d'expertise du 27 novembre 2007, dont l'objet portait sur la valeur « de l'ancien bien immobilier ayant la destination de logement, transformé par la suite (...) en maison de la culture ». L'expert tient compte de la surface de la maison existante avant la nationalisation ainsi que du terrain afférent de 1 472 m2. Les intéressées réclament également 100 000 EUR pour dommage moral.
69. Le Gouvernement réitère son argument selon lequel les requérantes ne disposent pas d'un « bien » aux termes de l'article 1 du Protocole no 1. Il estime qu'en tout état de cause, elles ne sauraient prétendre qu'au montant retenu par la décision du 4 avril 2002 de la mairie, soit 157 570 000 ROL, somme qui, actualisée par rapport au taux de l'inflation entre avril 2002 et décembre 2007, serait de 265 253 338 ROL.
70. Concernant la réparation du dommage moral, le Gouvernement estime que la somme demandée à ce titre est excessive et qu'en tout état de cause, un éventuel arrêt de condamnation pourrait constituer, par lui-même, une réparation satisfaisante du préjudice moral prétendument subi par les requérantes.
71. La Cour rappelle qu'un arrêt constatant une violation entraîne pour l'Etat défendeur l'obligation de mettre un terme à la violation et d'en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI).
72. En l'espèce, compte tenu de la nature de la violation constatée, la Cour considère que les requérantes ont subi un préjudice matériel et moral, lequel n'est pas suffisamment compensé par le constat de violation. Elle note également que le montant des dédommagements a été fixé par la décision du 4 avril 2002 de la mairie, montant que les requérantes n'ont pas contesté. Dès lors, elle estime que le paiement de ces dédommagements, réactualisés sur la base du taux de l'inflation, et complétés par une somme à titre de dommage moral, placerait les intéressées dans une situation équivalant autant que possible à celle où elles se trouveraient si les exigences de l'article 1 du Protocole no 1 n'avaient pas été méconnues.
73. Partant, sur la base des éléments se trouvant en sa possession et statuant en équité, comme le veut l'article 41 de la Convention, la Cour alloue aux requérantes conjointement la somme de 10 000 EUR, tous préjudices confondus.
B. Frais et dépens
74. Les requérantes demandent 1 600 EUR pour frais de justice et présentent certains justificatifs à cet égard.
75. Le Gouvernement ne s'oppose pas à ce que soit allouée aux requérantes une somme correspondant aux frais et dépens liés à la procédure judiciaire interne et à celle devant la Cour sous condition qu'ils soient prouvés, nécessaires et qu'ils aient un lien avec la présente requête. Il estime toutefois que les requérantes n'ont pas justifié les frais demandés.
76. La Cour rappelle qu'un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l'espèce, compte tenu des critères susmentionnés et des justificatifs fournis par les requérantes, la Cour juge raisonnable de leur allouer 500 EUR, tous frais confondus.
C. Intérêts moratoires
77. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l'UNANIMITÉ,
1. Joint au fond l'exception préliminaire du Gouvernement tirée de l'incompatibilité ratione materiae et la rejette ;
2. Déclare la requête recevable pour ce qui est du grief fondé sur l'article 1 du Protocole no 1 ;
3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 Ã la Convention ;
4. Dit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la recevabilité et le bien-fondé des autres griefs ;
5. Dit
a) que l'Etat défendeur doit verser aux requérantes conjointement, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l'Etat défendeur au taux applicable à la date du règlement :
i) 10 000 EUR (dix mille euros), pour tous préjudices confondus, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;
ii) 500 EUR (cinq cents euros), pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par les requérantes ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 3 mars 2009, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Stanley Naismith Josep Casadevall
Greffier adjoint Président