TROISIÈME SECTION
AFFAIRE CIORNEI c. ROUMANIE
(Requête no 6098/05)
ARRÊT
STRASBOURG
21 juillet 2009
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Ciornei c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,
Elisabet Fura-Sandström,
Corneliu Bîrsan,
Alvina Gyulumyan,
Egbert Myjer,
Ineta Ziemele,
Ann Power, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 30 juin 2009,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 6098/05) dirigée contre la Roumanie et dont une ressortissante de cet Etat, Mme I. C. (« la requérante »), a saisi la Cour le 2 février 2005 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.
3. Le 17 octobre 2007, le président de la troisième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
4. La requérante est née en 1937 et réside à Iaşi.
5. A la fin des années 1950, les parents de la requérante furent privés par les autorités de plusieurs terrains sis dans le périmètre du village de Popricani (notamment au lieu-dit Vulturi).
6. Par une décision du 27 janvier 1992 de la commission départementale d'application de la loi no 18/1991 sur le fonds foncier (« la commission départementale » et « la loi no 18/1991 »), la requérante vit reconnaître son droit de propriété sur un terrain de 4,17 ha, sis à Popricani.
7. Par un jugement définitif du 28 mai 1992, le tribunal de première instance de Iaşi fit droit à l'action de la requérante, qui avait sollicité la reconstitution de son droit de propriété sur un terrain de 0,56 ha (0,46 ha terrain agricole et 0,10 ha terrain constructible, intravilan), entré dans le patrimoine des autorités à la fin des années 1950. Le tribunal annula une décision du 23 mars 1992 de la commission départementale, qui avait rejeté la demande de l'intéressée, et condamna les autorités à attribuer à cette dernière un terrain de 0,56 ha sur le territoire du village de Popricani.
8. Saisi par la requérante d'une action tendant à l'exécution de la décision du 27 janvier 1992 susmentionnée, par un jugement définitif du 27 juin 1994, le tribunal départemental de Iaşi constata que le terrain de 0,56 ha précité faisait partie du terrain de 4,17 ha et que la commission locale de Popricani d'application de la loi no 18/1991 (« la commission locale ») était compétente, selon l'article 13 (2) de cette loi, de fixer l'emplacement à Popricani du terrain de 4,17 ha dont l'intéressée devait être mise en possession. Après plusieurs démarches de l'intéressée, la commission locale la mit en 1999 en possession d'un terrain agricole (extravilan) de 4,17 ha sis dans le périmètre du village de Popricani et lui délivra un titre de propriété.
9. Par une décision du 23 mars 2001, prise en exécution du jugement définitif du 28 mai 1992 précité et qui devint définitive à défaut de recours, la commission départementale reconstitua à la requérante le droit de propriété sur un terrain de 0,56 ha à Popricani (0,46 ha terrain agricole et 0,10 ha terrain constructible, « au cœur du village » « in vatra satului »).
10. Par un jugement du 27 novembre 2002, le tribunal de première instance de Iaşi fit droit à l'action de la requérante et condamna la commission locale de la mettre en possession à Popricani d'un terrain de 0,56 ha, dont 0,10 ha intravilan, sous peine d'une astreinte par jour de retard. Il considéra illégal le refus d'exécution de la commission locale, qui s'appuyait sur les motifs du jugement du 27 juin 1994 pour faire valoir que ces parcelles faisaient partie du terrain de 4,17 ha déjà restitué, et jugea que – nonobstant cet aspect controversé entre les parties – la décision administrative du 23 mars 2001 n'avait pas été contestée et devait être exécutée. Ce jugement devint définitif par le rejet le 24 mars 2003 comme irrecevable de l'appel interjeté par la commission locale.
11. La requérante fit plusieurs démarches pour l'exécution du jugement définitif du 27 novembre 2002. Entre autres, elle saisit un huissier de justice en ce sens, qui enjoignit le 30 juin 2003 au maire de Popricani d'exécuter le jugement. Selon la requérante, les parcelles qui correspondaient à l'ancien emplacement détenu par ses parents avaient été attribuées à des tiers, auxquels des titres de propriétés furent délivrés en 2002 et 2003. Selon elle, face aux menaces proférées par des tiers et au refus de l'huissier de continuer d'insister dans l'exécution, en novembre 2003, l'intéressé retira le titre exécutoire pour charger un autre huissier de justice.
12. A une date non précisée, selon les parties en 2005, la commission locale dressa un procès-verbal, signé par la requérante, par lequel il la mit en possession de deux parcelles distinctes et précisément identifiées, qui totalisaient 0,56 ha dans le périmètre du village de Popricani : l'une de 0,46 ha de terrain qualifié d'agricole (extravilan) et l'autre de 0,10 ha terrain intravilan au lieu-dit Cuza Vodă, à plus de 10 km de l'ancien emplacement situé sur la route communale. Selon la requérante, elle avait signé le procès-verbal sans le lire et avait refusé les deux parcelles une fois qu'on les lui avait montrées sur le terrain.
13. Le 18 novembre 2005, la commission départementale émit un titre de propriété au nom de la requérante, titre relatif aux deux parcelles totalisant 0,56 ha. La requérante soutient qu'elle ne s'est pas vu remettre ledit titre par les autorités, mais précise en même temps qu'elle n'a pas signé pour l'accepter, en raison de l'emplacement des parcelles. Il ressort d'une lettre du 13 décembre 2007 de la mairie de Popricani fournie par le Gouvernement, qu'à ce jour, une action engagée par l'intéressée pour annuler le titre précité est encore pendante devant les tribunaux internes, après son rejet en première instance.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
14. Les dispositions légales de la loi no 18/1991 sur le fonds foncier, telle que republiée le 5 janvier 1998, et la pratique interne divergente quant à la compétence des tribunaux pour examiner la légalité de la manière dont les commissions administratives fixaient l'emplacement des terrains à restituer en vertu de la loi no 18/1991 sont résumées dans les arrêts Hauler c. Roumanie (no 67703/01, §§ 19-21, 12 juillet 2007) et Stancu c. Roumanie (no 30390/02, §§ 20-21, 29 avril 2008).
L'article 37 du règlement d'application de la loi no 18/1991, tel qu'il était en vigueur à l'époque des faits, après la modification de cette loi par la loi no 1/2000, prévoyait que la reconstitution des droits de propriété devait être faite normalement sur les anciens emplacement des terrains en question, dans la mesure où ces emplacements étaient libres, et dans le respect des droits acquis par des tiers en vertu de la loi no 18/1991.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION ET DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
15. La requérante allègue que la non-exécution des jugements définitifs du 28 mai 1992 et du 27 novembre 2002 rendus par le tribunal de première instance de Iaşi a porté atteinte à son droit d'accès à un tribunal ainsi qu'à son droit au respect de ses biens. Elle invoque en substance les articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1, ainsi libellés dans leurs parties pertinentes en l'espèce :
Article 6 § 1
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
Article 1 du Protocole no 1
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
16. Le Gouvernement combat cette thèse.
A. Sur la recevabilité
17. Sans soumettre d'exception préliminaire, le Gouvernement renvoie aux termes du jugement définitif du 27 juin 1994, qui avait constaté que la parcelle de 0,56 ha était incluse dans le terrain de 4,17 ha, et met en avant que les autorités ont exécuté le jugement définitif du 28 mai 1992 par la délivrance en 1999 du titre de propriété relatif au terrain de 4,17 ha. Selon lui, ce n'est qu'à partir du jugement définitif du 27 novembre 2002 que les autorités se sont vu condamnées distinctement à mettre la requérante en possession d'un terrain de 0,56 ha, dont 0,10 ha terrain constructible (intravilan).
18. Concernant l'exécution du jugement du 28 mai 1992, la requérante allègue que le terrain de 0,56 ha, qui devait lui être attribué, au moins partiellement, dans la zone constructible, ne faisait pas partie du terrain agricole de 4,17 ha (extravilan) qu'elle s'est vu restituer en 1999.
19. La Cour observe que, bien que le Gouvernement n'ait pas soulevé d'exception préliminaire, il a soutenu que le jugement du 28 mai 1992 a été exécuté depuis 1999. En tout état de cause, la Cour rappelle que, même à défaut d'exception soulevée par le Gouvernement, elle se doit d'examiner le respect par un requérant de la règle des six mois pour saisir la Cour (Belaousof et autres c. Grèce, no 66296/01, § 38, 27 mai 2004). A cet égard, elle renvoie à sa jurisprudence selon laquelle, le délai en question commence à courir à partir de la date à laquelle il a été mis fin à la situation continue constituée par la non-exécution alléguée (Cone c. Roumanie, no 35935/02, §§ 22 et 26, 24 juin 2008).
20. S'agissant du défaut d'exécution du jugement définitif du 28 mai 1992, la Cour s'accorde avec le Gouvernement, observant que, tout en faisant droit à l'action de l'intéressée, le tribunal de première instance de Iaşi n'a pas condamné la commission locale à attribuer tout ou une partie du terrain de 0,56 ha dans le périmètre constructible du village de Popricani (intravilan). Il s'ensuit que, eu égard aux précisions apportées par le jugement du 27 juin 1994 (paragraphe 8 ci-dessus), les autorités ont rempli en 1999 leurs obligations découlant du jugement du 28 mai 1992, attribuant à la requérante à Popricani un terrain agricole totalisant 4,17 ha, dont la parcelle de 0,56 ha en question. Le fait que la décision de la commission départementale du 23 mars 2001 a indiqué ultérieurement avoir été adoptée en exécution du jugement du 28 mai 1992 ne saurait changer ce constat.
21. Partant, la partie de la requête qui concerne à la fois le défaut et le retard d'exécution du jugement du 28 mai 1992 est à rejeter respectivement comme manifestement mal fondée et comme tardivement introduite le 2 février 2005, et doit être rejetée en application de l'article 35 §§ 1, 3 et 4 de la Convention. En revanche, la Cour considère que la partie de la requête relative à l'exécution du jugement définitif du 27 novembre 2002 n'est pas manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu'elle ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il y a lieu donc de la déclarer recevable.
B. Sur le fond
22. Le Gouvernement estime qu'il ne saurait s'agir en l'espèce de la non-exécution du jugement définitif du 27 novembre 2002 précité, puisque la requérante a été mise en possession, avec son accord, de deux parcelles totalisant 0,56 ha et un titre de propriété lui fut délivré en novembre 2005 à cet égard. A supposer même qu'il y ait eu une ingérence dans le droit de la requérante au respect de ses biens en raison du retard dans l'exécution, celle-ci serait justifiée au regard du mécanisme des lois de restitution des terrains agricoles et du souci des autorités de clarifier la situation des terrains revendiqués parfois par plusieurs personnes.
23. La requérante estime qu'en vertu du jugement du 27 novembre 2002, elle avait droit à se voir restituer les 0,56 ha sur l'ancien emplacement (lieu-dit Vulturi), attribué à des tiers, et non pas au lieu-dit Cuza Vodă, où les parcelles proposées par les autorités sont difficilement accessibles pour une femme âgée comme elle. De ce fait, l'émission du titre de propriété du 18 novembre 2005 est illégale. De toute manière, cette exécution est intervenue plusieurs années après le jugement du 27 novembre 2002.
24. Pour ce qui est de l'exécution du jugement définitif du 27 novembre 2002, la Cour rappelle qu'elle a déjà conclu dans plusieurs affaires que l'omission des autorités, sans justification valable, d'exécuter dans un délai raisonnable une décision définitive rendue à leur encontre s'analyse en une violation du droit d'accès à un tribunal ainsi que du droit au respect des biens (voir, entre autres, Acatrinei c. Roumanie, no 7114/02, § 40, 26 octobre 2006, et Metaxas c. Grèce, no 8415/02, § 26, 27 mai 2004).
25. En l'espèce, elle observe que, dans son jugement du 27 novembre 2002, tout en prenant en compte qu'un terrain agricole de 0,56 ha (extravilan) avait été restitué à l'intéressée en 1999, le tribunal de première instance a conclu qu'elle devait se voir mettre en possession à Popricani d'un autre terrain de 0,56 ha, dont 0,10 ha susceptible de construction (intravilan), sous peine d'une astreinte, eu égard aux droits acquis par la décision définitive de la commission départementale du
23 mars 2001. Même si les termes de la décision et du jugement précités ne se recoupent pas totalement pour ce qui est des critères de l'emplacement de la parcelle de 0,10 ha (paragraphes 9-10 ci-dessus), la Cour ne saurait s'accorder avec la requérante qui allègue que les autorités lui ont reconnu le droit de se voir restituer les 0,56 ha sur l'ancien emplacement (au lieu-dit Vulturi). Ni la décision, ni le jugement précités ne le précisent, se bornant à indiquer le périmètre du village de Popricani, et la requérante n'a pas utilisé les voies de recours contre ces décisions ou contre le procès-verbal qu'elle avait signé en 2005 pour faire préciser l'emplacement en question et revendiquer l'ancien emplacement (Laurenciu Popovici c. Roumanie, no 30043/04, § 33, 24 février 2009).
26. Par ailleurs, la Cour observe qu'il n'y pas d'éléments pour conclure que la requérante aurait signé sous contrainte le procès-verbal de mise en possession dressé par les autorités en 2005 au sujet des parcelles qui, même si rejetées par la suite par l'intéressée, correspondent aux termes du jugement définitif à exécuter (voir, mutatis mutandis, Marinescu c. Roumanie (déc.), no 21122/02, 10 avril 2007). De même, il n'y a pas lieu de sanctionner les autorités pour le défaut allégué d'avoir délivré à l'intéressée le titre de propriété du 18 novembre 2005 relatif aux parcelles totalisant 0,56 ha dans la mesure où cette dernière affirme avoir refusé de signer pour se le voir remettre et demande à présent son annulation dans une procédure pendante. La même conclusion s'impose quant au défaut de paiement de l'astreinte, cette partie du jugement n'étant pas susceptible d'exécution en l'absence d'une nouvelle décision judiciaire par laquelle l'astreinte est transformée en dommages-intérêts correspondant au préjudice effectivement subi par le créancier (Gavrileanu c. Roumanie, no 18037/02, § 66, 22 février 2007). Partant, la Cour estime qu'en mettant la requérante en possession des deux parcelles de 0,46 ha (extravilan) et 0,10 ha (intravilan) respectivement dans le périmètre du village de Popricani et en délivrant le titre de propriété y relatif, les autorités ont rempli leurs obligations découlant du jugement définitif en cause.
27. Toutefois, la Cour relève que l'exécution en cause est intervenue à l'issue d'une période de plus de deux ans et demi à partir de la date à laquelle le jugement du 27 novembre 2002 est devenu définitif et que les arguments du Gouvernement ne peuvent passer pour une justification pertinente de ce retard d'exécution. Elle réitère avoir déjà jugé qu'un tel délai ne représente pas un délai raisonnable en vertu de la jurisprudence de la Cour en la matière (voir, mutatis mutandis, Dorneanu c. Roumanie, no 1818/02, § 52, 26 juillet 2007, Becciu c. Moldova, no 32347/04, § 28, 13 novembre 2007, et Pridatchenko et autres c. Russie, nos 2191/03 et autres, §§ 53 et 60, 21 juin 2007).
28. Au vu de ce qui précède, la Cour estime que le retard enregistré dans l'exécution du jugement définitif du 27 novembre 2002 quant aux parcelles totalisant 0,56 ha a privé de tout effet utile le droit d'accès à un tribunal de la requérante et a porté atteinte à son droit au respect de ses biens.
29. Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention et de l'article 1 du Protocole no 1.
II. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
30. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
31. La requérante réclame 3 300 euros (EUR) au titre du préjudice matériel représenté par les économies qu'elle aurait fait si elle avait aménagé dans une maison construite sur le terrain litigieux et 50 000 EUR au titre du préjudice moral subi en raison de la non-exécution en cause.
32. Le Gouvernement estime qu'il convient de rejeter la demande spéculative de la requérante au titre du dommage matériel requérants et qu'un éventuel constat de violation représenterait une réparation suffisante du dommage moral allégué. Il ajoute que la somme exigée à ce dernier titre est, de toute manière, excessive par rapport à la jurisprudence de la Cour.
33. La Cour rappelle avoir conclu à la violation de l'article 6 § 1 de la Convention et de l'article 1 du Protocole no 1 en raison du délai déraisonnable d'exécution du jugement définitif du 27 novembre 2002 quant aux parcelles totalisant 0,56 ha. Partant, elle n'aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu'il y a lieu d'octroyer à la requérante 1 100 EUR au titre du préjudice moral subi.
B. Frais et dépens
34. Fournissant des justificatifs, la requérante demande également 856,7 nouveaux lei roumain (RON), somme qu'elle arrondit en euros à 300 EUR, pour les frais et dépens engagés pour faire exécuter au niveau interne le jugement définitif du 27 novembre 2002 et pour poursuivre la procédure devant la Cour (honoraires de l'huissier de justice et d'un avocat dans les procédures internes, frais de correspondance avec la Cour etc.). Le Gouvernement ne s'oppose pas à ce qu'une somme correspondant aux critères de la jurisprudence de la Cour en la matière soit octroyée à l'intéressée. Il fait toutefois observer que la somme totale exigée est d'environ 250 EUR et que les justificatifs fournis ne permettent pas de déterminer si la partie de la somme constituée des honoraires de l'avocat est liée aux faits pertinents pour la violation constatée par la Cour.
35. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l'espèce et compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 250 EUR tous frais confondus et l'accorde à la requérante.
C. Intérêts moratoires
36. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés des articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1 et relatifs à la non-exécution du jugement définitif du 27 novembre 2002, et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention et de
l'article 1 du Protocole no 1 ;
3. Dit
a) que l'Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l'Etat défendeur au taux applicable à la date du règlement :
i. 1 100 EUR (mille cent euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour préjudice moral ;
ii. 250 EUR (deux cent cinquante euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par la requérante, pour frais et dépens ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 21 juillet 2009, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago Quesada Josep Casadevall
Greffier Président