TROISIÈME SECTION
AFFAIRE CHAMBRE DE COMMERCE, D’INDUSTRIE ET D’AGRICULTURE DE TIMIŞOARA c. ROUMANIE (No 2)
(Requêtes nos 23520/05, 23524/05, 23544/05, 23550/05, 26288/05, 27175/05, 27176/05, 27177/05, 27178/05, 27179/05, 27180/05, 27181/05,27182/05)
ARRÊT
STRASBOURG
16 juillet 2009
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Chambre de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture de Timişoara c. Roumanie (no 2),
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,
Corneliu Bîrsan,
Boštjan M. Zupan�i�,
Egbert Myjer,
Ineta Ziemele,
Luis López Guerra,
Ann Power, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 23 juin 2009,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouvent les requêtes nos 23520/05 23524/05, 23544/05, 23550/05, 26288/05, 27175/05, 27176/05, 27177/05, 27178/05, 27179/05, 27180/05, 27181/05, et 27182/05 dirigées contre la Roumanie et dont une personne morale de cet État, la C. d. C., d’I. et d’A. d. T. (« la requérante »), a saisi la Cour les 19 avril, 20 avril, 3 juin et 10 juin 2005 respectivement en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. La requérante est représentée par Me F. P., avocate à Timişoara. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.
3. Le 27 février 2006, le président de la troisième section a décidé de communiquer les requêtes au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le fond des affaires.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
4. La requérante est une personne morale roumaine ayant son siège à Timişoara.
5. En 1949, en vertu du décret no 74/1949, l’État supprima les chambres de commerce territoriales et prit possession de leur patrimoine.
6. La requérante est le successeur légal de la chambre de commerce et d’industrie de Timişoara, supprimée par le décret précité.
7. A une date non-précisée, la mairie de Timişoara, par l’intermédiaire d’entreprises d’État, gérantes des biens immobiliers de l’État, vendit les appartements aux locataires qui occupaient les biens immeubles ayant appartenu jadis à la requérante, en application des dispositions de la loi no 85/1992, telle que modifiée par la loi no 79/1997, sur la vente des logements et espaces commerciaux construits à partir des fonds de l’État ou des entreprises d’État.
8 La requérante introduisit devant les tribunaux des actions en constatation de la nullité des ventes opérées au profit des tiers acquéreurs. Elle soutenait que les immeubles n’avaient pas été créés à partir des fonds de l’État et qu’ils ne pouvaient pas, de ce fait, faire l’objet de ventes en application de la loi no 85/1992, les acheteurs étant ainsi de mauvaise foi.
9. Par des arrêts définitifs rendus à des dates différentes (voir annexe), la cour d’appel de Timişoara, constatant que la requérante était le successeur légal de l’ancienne chambre de commerce, propriétaire des immeubles, jugea que l’appropriation, par l’État, de ces immeubles avait été illégale et conclut à l’absence d’un titre valable de l’État sur les biens litigieux. Néanmoins, en vertu de l’article 46 de la loi no 10/2001, elle rejeta la demande de constatation de la nullité des contrats de vente estimant que les ventes avaient été faites conformément aux dispositions de la loi no 85/1992 et que les acquéreurs avaient été de bonne foi.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
10. Les dispositions légales applicables sont décrites dans les arrêts Străin et autres c. Roumanie (no 57001/00, CEDH 2005-VII, §§ 19-26), Păduraru c. Roumanie (no 63252/00, §§ 38-53, 1er décembre 2005) ; Tudor c. Roumanie (no 29035/05, §§ 15–20, 11 décembre 2007) et Viaşu c. Roumanie, (no 75951/01, § 37-46, 9 décembre 2008).
11. Les chambres de commerce et d’industrie départementales, ainsi que la chambre nationale, ont été instaurées par le décret-loi no 139/1990 du 11 mai 1990 sur les chambres de commerce et d’industrie. A présent, le fonctionnement des chambres départementales de commerce et d’industrie ainsi que de la chambre nationale est régi par la loi no 335/2007 sur les chambres de commerce en Roumanie, publiée au Journal Officiel le 6 décembre 2007 et entrée en vigueur le 9 décembre 2007, dont l’article 1 § 1 est libellé comme suit :
« Les chambres de commerce sont des organisations autonomes, non-gouvernementales, apolitiques, sans but patrimonial, avec personnalité juridique, créées pour représenter, défendre et appuyer les intérêts de leurs membres et de la communauté d’affaires dans leurs rapports avec les autorités publiques et les organismes du pays et de l’étranger [...]
L’article 21 de la loi précitée prévoit que les ressources des chambres départementales se constituent des cotisations de leurs membres, des honoraires, commissions, subventions, donations, legs et autres revenus obtenus dans le cadre des activités légales et prévues par les statuts des chambres de commerce.
EN DROIT
I. JONCTION DES REQUÊTES
12. La Cour constate que les requêtes sont similaires en ce qui concerne les griefs soulevés et les problèmes de fond qu’elles posent. En conséquence, elle juge approprié, en application de l’article 42 § 1 de son règlement, de joindre les requêtes.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION
13. La requérante allègue que l’impossibilité de recouvrer la propriété de ses appartements vendus par l’État a porté atteinte à son droit au respect de ses biens, tel que reconnu par l’article 1 du Protocole no 1 en ces termes :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
A. Sur la recevabilité
14. Bien que le Gouvernement défendeur n’ait fourni aucune observation à cet égard, la Cour estime nécessaire d’examiner d’office, au préalable, si la requérante jouit du droit de présenter une requête en vertu de l’article 34 de la Convention.
15. Pour ce faire, elle appliquera les critères établis dans sa jurisprudence (voir Radio France c. France, (déc.), no53984/00, § 26), et s’attachera en conséquence à rechercher si, d’après son statut juridique, les prérogatives accordées par ce statut, la nature de l’activité qu’elle exerce, le contexte dans lequel s’inscrit celle-ci, la chambre de commerce peut passer pour une « organisation non gouvernementale » au sens de l’article 34 de la Convention. La Cour doit également rechercher à cette fin si elle dispose d’une autonomie complète par rapport à l’État (voir, mutatis mutandis Les saints monastères c. Grèce, 9 décembre 1994, § 49, série A no 301-A).
A cet égard, la Cour note que l’article 1 § 1 de la loi no 335/2007 qualifie les chambres de commerce d’organisations autonomes, non-gouvernementales, apolitiques, dont les ressources sont constituées entièrement des cotisations de leurs membres, des honoraires, commissions, subventions, donations, legs et autres revenus obtenus dans le cadre des activités légales et prévues par les statuts des chambres de commerce (voir § 11 ci-dessus).
Les chambres départementales, à l’instar de la chambre nationale, n’exercent pas de prérogatives de puissance publique et ne se trouvent pas placées sous la tutelle de l’État.
Leurs objectifs et leurs activités visent à soutenir et développer les activités de commerçants, personnes physiques et morales, et ne sont pas de nature à les faire ranger parmi des organisations gouvernementales poursuivant des objectifs d’administration publique (voir, mutatis mutandis Les saints monastères, précité, § 49).
16. Il y a donc lieu de considérer la chambre de commerce comme une « organisation non gouvernementale » au sens de l’article 34 de la Convention, qui ne relève pas de la catégorie des autorités publiques exerçant des prérogatives de puissance publique. Dès lors, la Cour juge que la requérante jouit du droit de présenter une requête en vertu de l’article 34 de la Convention.
17. La Cour constate par ailleurs que le grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
18. Le Gouvernement réitère ses arguments présentés dans des affaires similaires antérieures (voir, parmi d’autres, Cîrstoiu c. Roumanie, no 22281/05, § 22, 4 mars 2008, Episcopia Română Unită cu Roma Oradea c. Roumanie, no 26879/02, §§ 24-25, 7 février 2008).
19. La requérante considère que seule une restitution en nature des immeubles pourrait remédier à l’ingérence alléguée. Elle réfute la possibilité d’obtenir des titres de participation dans l’organisme collectif de valeurs mobilières (Proprietatea).
20. La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celles du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention (voir les affaires citées ci-dessus, notamment Străin précité, §§ 39, 43 et 59, et Porteanu c. Roumanie, no 4596/03, §§ 32-35, 16 février 2006).
21. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. La Cour réaffirme notamment que, la vente par l’État du bien d’autrui à des tiers de bonne foi, même lorsqu’elle est antérieure à la confirmation définitive en justice du droit de propriété de l’autre, s’analyse en une privation de bien. Une telle privation, combinée avec l’absence totale d’indemnisation, est contraire à l’article 1 du Protocole no 1 (Vodă et Bob c. Roumanie, no 7976/02, § 23, 7 février 2008).
22. La Cour rappelle qu’à l’époque des faits il n’y avait pas en droit interne de voie de recours efficace susceptible d’offrir à la requérante une indemnisation pour cette privation (Străin, précité, §§ 23, 26–27, 55–56; Porteanu, précité, §§ 23–24 et 34–35).
23. De surcroît, elle observe qu’à ce jour, le Gouvernement n’a pas démontré que le système d’indemnisation mis en place par la loi no 247/2005 permettrait aux bénéficiaires de cette loi de toucher, selon une procédure et un calendrier prévisibles, une indemnité en rapport avec la valeur vénale des biens dont ils ont été privés (voir parmi d’autres Reichardt c. Roumanie, no 6111/04, § 26, 13 novembre 2008).
24. Cette conclusion ne préjuge pas toute évolution positive que pourraient connaître à l’avenir les mécanismes de financement prévus par cette loi spéciale en vue d’indemniser les personnes qui, comme la requérante, se sont vu reconnaître la qualité de propriétaires, par une décision judiciaire définitive.
25. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce, la mise en échec du droit de propriété de la requérante sur ses biens, combinée avec l’absence totale d’indemnisation, lui a fait subir une charge disproportionnée et excessive, incompatible avec le droit au respect des biens garanti par l’article 1 du Protocole no 1.
Partant, il y a eu en l’espèce violation de cette disposition.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
26. La requérante allègue que les arrêts de la cour d’appel de Timişoara ont méconnu son droit à un procès équitable tel que garanti par l’article 6 de la Convention, qui est ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
27. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles.
28. Il s’ensuit que cette partie des requêtes est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 46 DE LA CONVENTION
29. L’article 46 de la Convention dispose :
« 1. Les Hautes Parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties.
2. L’arrêt définitif de la Cour est transmis au Comité des Ministres qui en surveille l’exécution. »
30. La conclusion de violation de l’article 1 du Protocole no 1 révèle un problème à grande échelle résultant de la défectuosité de la législation sur la restitution des immeubles nationalisés qui ont été vendus par l’État à des tiers. Dès lors, la Cour estime que l’État doit aménager dans les plus brefs délais la procédure mise en place par les lois de réparation (actuellement les lois nos 10/2001 et 247/2005) de sorte qu’elle devienne réellement cohérente, accessible, rapide et prévisible (voir également, mutatis mutandis, Viaşu, précité, §§ 82-83; Faimblat c. Roumanie, no 23066/02, §§ 53-54, 13 janvier 2009 ; Katz c. Roumanie, no 29739/03, §§ 35-36, 20 janvier 2009, non encore définitifs).
V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
31. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
32. La requérante insiste sur la restitution en nature des appartements litigieux sis à Timişoara ou sur l’octroi en échange de ces appartements d’un terrain d’une surface de 13 022 m², sur lequel elle a édifié un Centre Régional d’Affaires.
A défaut d’une telle restitution, elle demande la valeur marchande des appartements dont le montant est établi par des rapports d’expertise :
- 157 100 EUR pour l’appartement no 11, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 155 200 EUR pour l’appartement no 13A sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 154 900 EUR pour l’appartement no 15, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 119 300 EUR pour l’appartement no 17, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 60 800 EUR pour l’appartement no 19, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 191 100 EUR pour l’appartement no 20, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 173 000 EUR pour l’appartement no 21, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 77 400 EUR pour l’appartement no 21A, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 48 200 EUR pour l’appartement no 2, sis 1 rue Medicinei ;
- 185 500 EUR pour l’appartement no 4, sis 1 rue Medicinei ;
- 118 800 EUR pour l’appartement no 6, sis 1 rue Medicinei ;
- 52 900 EUR pour l’appartement no 8, sis 1 rue Medicinei ;
- 168 000 EUR pour l’appartement no 10, sis 1 rue Medicinei.
33. Le Gouvernement soumet des expertises, établies en mai 2007 qui chiffrent la valeur marchande des appartements aux montants suivants :
- 71 829, 68 EUR pour l’appartement no 11, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 70 986,77 EUR pour l’appartement no 13A sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 70 821, 67 EUR pour l’appartement no 15, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 54 580, 48 EUR pour l’appartement no 17, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 27 789, 90 EUR pour l’appartement no 19, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 92 276, 72 EUR pour l’appartement no 20, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 83 821, 57 EUR pour l’appartement no 21, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 35 393, 45 EUR pour l’appartement no 21A, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 48 623 EUR pour l’appartement no 2, sis 1 rue Medicinei ;
- 134 010 EUR pour l’appartement no 4, sis 1 rue Medicinei ;
- 85 863 EUR pour l’appartement no 6, sis 1 rue Medicinei ;
- 35 965 EUR pour l’appartement no 8, sis 1 rue Medicinei ;
- 121 377 EUR pour l’appartement no 10, sis 1 rue Medicinei.
34. La Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’Etat défendeur l’obligation de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI).
35. La Cour estime, dans les circonstances de l’espèce, que la restitution des biens litigieux placerait la requérante autant que possible dans une situation équivalant à celle où elle se trouverait si les exigences de l’article 1 du Protocole no 1 n’avaient pas été méconnues.
36. A défaut pour l’État défendeur de procéder à pareille restitution, la Cour décide qu’il devra verser à la requérante, pour dommage matériel, une somme correspondant à la valeur des biens dont elle a été privée.
37. S’agissant du calcul du montant correspondant à la valeur des biens, compte tenu des informations fournies par les parties et statuant en équité, la Cour estime qu’il convient d’allouer à la requérante au titre du préjudice matériel subi les sommes indiquées dans le dispositif ci-après.
38. La Cour observe, par ailleurs, que les prétentions chiffrées concernant tant le dommage moral que les frais et dépens n’ont pas été soumises dans le délai imparti à cet effet. Il n’y donc pas lieu d’octroyer d’indemnité à ce titre (voir, parmi d’autres, Mancini c. Italie, no 44955/98, § 29, CEDH 2001-IX ; Willekens c. Belgique, no 50859/99, § 27, 24 avril 2003 ; Fadıl Yılmaz c. Turquie, no 28171/02, § 27, 21 juillet 2005).
B. Frais et dépens
39. La requérante n’a pas présenté les justificatifs nécéssaires dans le délai imparti (voir ci-dessus).
C. Intérêts moratoires
40. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Décide de joindre les requêtes ;
2. Déclare les requêtes recevables quant au grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention et irrecevables pour le surplus ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;
4. Dit
a) que l’État défendeur doit restituer à la requérante les appartements no 11, 13A, 15, 17, 19, 20, 21 et 21A sis au no 3, rue Piaţa Victoriei, ainsi que les appartements no 2, 4, 6, 8, 10 sis au no 1, rue Medicinei dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention ;
b) qu’à défaut d’une telle restitution, l’État défendeur doit verser à la requérante, au titre du préjudice matériel, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement :
- 119 857 EUR pour l’appartement no 11, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 118 450 EUR pour l’appartement no 13A sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 118 175 EUR pour l’appartement no 15, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 91 074 EUR pour l’appartement no 17, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 46 371 EUR pour l’appartement no 19, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 153 975 EUR pour l’appartement no 20, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 139 867 EUR pour l’appartement no 21, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 59 058 EUR pour l’appartement no 21A, sis 3 rue Piaţa Victoriei ;
- 48 200 EUR pour l’appartement no 2, sis 1 rue Medicinei ;
- 139 122 EUR pour l’appartement no 4, sis 1 rue Medicinei ;
- 89 127 EUR pour l’appartement no 6, sis 1 rue Medicinei ;
- 37 332 EUR pour l’appartement no 8, sis 1 rue Medicinei ;
- 125 991 EUR pour l’appartement no 10, sis 1 rue Medicinei.
c) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 16 juillet 2009, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago Quesada Josep Casadevall
Greffier Président
ANNEXE
No Requête Appartement Surface de l’appartement en m² Date de la décision de la cour d’appel de Timişoara
27175/05 No 11, rue Piaţa Victoriei 82,66 6 décembre 2004
23550/05 No 13A, rue Piaţa Victoriei 81,69 15 octobre 2004
27180/05 No 15, rue Piaţa Victoriei 81,5 16 décembre 2004
27181/05 No 17, rue Piaţa Victoriei 62,81 10 décembre 2004
23520/05 No 19, rue Piaţa Victoriei 31,98 27 octobre 2004
27176/05 No 20, rue Piaţa Victoriei 106,19 13 décembre 2004
27179/05 No 21, rue Piaţa Victoriei 96,46 9 décembre 2004
26288/05 No 21A, rue Piaţa Victoriei 40,73 8 décembre 2004
23544/05 No 2, rue Medicinei 56,08 21 octobre 2004
27182/05 No 4, rue Medicinei 154,58 10 décembre 2004
27178/05 No 6, rue Medicinei 99,03 9 décembre 2004
27177/05 No 8, rue Medicinei 41,48 6 décembre 2004
23524/05 No 10, rue Medicinei 139,99 22 octobre 2004