Conclusion Violation de P1-1 ; Restitution du bien litigieux, à défaut réparation pécuniaire
DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE BOZCAADA KÄ°MÄ°SÄ°S TEODOKU RUM ORTODOKS KÄ°LÄ°SESÄ° VAKFI c. TURQUIE (No 2)
(Requêtes nos 37646/03, 37665/03, 37992/03, 37993/03, 37996/03,
37998/03, 37999/03 et 38000/03)
ARRÊT
STRASBOURG
6 octobre 2009
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Bozcaada Kimisis Teodoku Rum Ortodoks Kilisesi Vakfı c. Turquie (no 2),
La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
Françoise Tulkens, présidente,
Ireneu Cabral Barreto,
Vladimiro Zagrebelsky,
Danutė Jo�ienė,
Dragoljub Popović,
András Sajó,
Işıl Karakaş, juges,
et de Sally Dollé, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 septembre 2009,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouvent huit requêtes (nos 37646/03, 37665/03, 37992/03, 37993/03, 37996/03, 37998/03, 37999/03 et 38000/03) dirigées contre la République de Turquie et dont une fondation de droit turc, B. K. T. R. O. K. V. (Fondation de l'Eglise orthodoxe grecque B. K.T.) (« la requérante ») a saisi la Cour les 15 octobre (37992/03, 37993/03, 37996/03, 37998/03, 37999/03, 38000/03), et 20 novembre 2003 (37646/03, 37665/03) en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. La requérante était représentée par Me A. S., avocat à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») était représenté par son agent.
3. Dans ses requêtes, l'intéressée alléguait en particulier que la législation sur les fondations et son interprétation par les tribunaux nationaux avaient porté atteinte à son droit au respect de ses biens garanti à l'article 1 du Protocole no 1. Elle s'estimait aussi victime d'une discrimination contraire à l'article 14 de la Convention combiné avec l'article 1 du Protocole n 1 à la Convention. Enfin, elle invoquait une violation des articles 6, 9 et 13 de la Convention.
4. Le 19 septembre 2006, la Cour a décidé de communiquer les requêtes au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 3 de la Convention, elle a en outre décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le fond de l'affaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
5. La requérante est une fondation de droit turc située à Çanakkale. Son statut est conforme aux dispositions du Traité de Lausanne relatives aux fondations des minorités religieuses.
6. La fondation soutient avoir acquis, par voie de donation et de legs, de nombreux biens immeubles. Cependant, alors qu'elle les possédait depuis très longtemps, ces biens ne furent pas inscrits au registre foncier à son nom. En effet, lors des travaux de cadastre réalisés en 1991 et 1992, les cases du cahier du registre foncier destinées à l'indication des noms des propriétaires des biens immeubles en question furent laissées vides, la requérante n'ayant pas déposé dans les délais sa déclaration sur le patrimoine de la fondation prévue par la loi no 2762 sur les fondations. Dans les procès-verbaux de cadastre afférents à ces biens, il fut mentionné qu'aucun titre de propriété n'avait été inscrit au registre foncier au nom de la requérante concernant les biens immobiliers litigieux, bien que des experts et des témoins eussent confirmé que l'intéressée possédait effectivement ces biens.
7. La requérante n'ayant pas fait opposition dans le délai légal de trente jours, les plans cadastraux furent publiés et devinrent définitifs.
8. Par une lettre du 27 novembre 2000, la Direction générale des fondations invita la requérante à saisir les tribunaux compétents en vue de l'inscription des biens immobiliers en question au registre foncier.
9. Par la suite, la requérante, pour chaque bien, saisit le tribunal cadastral de Bozcaada (« le tribunal ») d'une demande visant à l'inscription des titres de propriété des biens immobiliers en question à son nom au registre foncier.
A. Requête no 37646/03 concernant le cimetière de la communauté grecque de l'île de Bozcaada
10. La fondation déclare utiliser et posséder depuis des longues années le cimetière de la communauté grecque de l'île de Bozcaada (« Rum mezarlığı »). Il s'agit d'un domaine de 2 747,69 m².
11. Le 30 juillet 2001, la requérante saisit le tribunal du cadastre de Bozcaada (« le tribunal ») d'une demande visant à l'inscription du titre de propriété du terrain en question à son nom au registre foncier.
12. Dans le cadre de la procédure entamée devant lui, le tribunal ordonna des expertises agricoles et entendit des témoins ainsi que des experts locaux et techniques. Il recueillit les plans cadastraux ainsi que les registres des impôts et du cadastre relatifs au bien en question.
13. Le 8 octobre 2001, le tribunal fit droit à la demande de la requérante et ordonna l'inscription du bien en question à son nom au registre foncier, se fondant sur l'article 1er de la loi no 3998 portant sur la protection des cimetières qui accorde, parallèlement à l'article 42 § 3 du Traité de Lausanne, un statut dérogatoire aux cimetières appartenant aux communautés religieuses (paragraphe 36 ci-dessous). Le tribunal releva tout d'abord que la fondation, qui était dotée de la personnalité juridique, disposait de la capacité d'acquérir des biens immobiliers. Ensuite, il souligna que les experts locaux avaient déclaré que le terrain en question, utilisé comme cimetière par la fondation, avait été légué à celle-ci par M.I.. Par ailleurs, l'expert en construction avait indiqué que des éléments funéraires anciens datant de 1870 et 1884 et appartenant à des Grecs, ainsi qu'un petit local en pierre servant à rassembler les os, se trouvaient sur les lieux. En outre, selon les documents adressés par la Direction des fondations, depuis 1964, la fondation avait mentionné dans ses déclarations que les biens en question figuraient dans son patrimoine. Le tribunal déclara que les fondations, à l'instar des personnes physiques, pouvaient acquérir des biens immobiliers par la prescription acquisitive.
14. A la suite du pourvoi formé par le Trésor public, le 18 avril 2002, la Cour de cassation infirma le jugement de première instance, retenant que la requérante n'avait pas déposé sa déclaration de patrimoine dans les conditions prévues par la loi no 2762, et que, contrairement aux personnes physiques, les fondations ne pouvaient obtenir la propriété d'un bien immobilier par le jeu de la prescription acquisitive. Par ailleurs, se référant à l'article 16/A de la loi sur le cadastre, elle souligna que la propriété des cimetières devait être inscrite au nom des municipalités. Le 8 juillet 2002, le recours en rectification introduit par la requérante fut rejeté.
15. Le 16 septembre 2002, le tribunal, statuant sur renvoi et se conformant à l'arrêt de la Cour de cassation, débouta la requérante de sa demande et ordonna l'inscription du bien litigieux au registre foncier au nom de la municipalité de Bozcaada. Par un arrêt du 12 mai 2003, signifié à la requérante le 30 mai 2003, il rejeta le recours en rectification introduit par la requérante.
B. Requête no37665/03
16. La fondation soutient avoir acquis, par voie de legs, un terrain d'une superficie de 9 664,12 m² (parcelle no 177-8).
17. Le 6 juillet 2001, la requérante saisit le tribunal du cadastre de Bozcaada (« le tribunal ») d'une demande visant à l'inscription du titre de propriété du terrain en question à son nom au registre foncier.
18. Dans le cadre de la procédure entamée devant lui, le tribunal ordonna des expertises agricoles et entendit des témoins ainsi que des experts locaux et techniques. Il recueillit les plans cadastraux ainsi que les registres des impôts et du cadastre relatifs aux biens en question.
19. Par un jugement rendu le 8 octobre 2001, le tribunal fit droit à la demande de la requérante et ordonna l'inscription du bien en question à son nom au registre foncier, en application de l'article 14 de la loi no 3402 du 3 juillet 1987 relative au cadastre. A titre préliminaire, il releva que la fondation, qui était dotée de la personnalité juridique, disposait de la capacité d'acquérir des biens immobiliers. Ensuite, il considéra que, comme l'attestaient les experts locaux, la possession alléguée résultait d'actes concrets et que l'intéressée avait par ailleurs présenté les quittances des taxes foncières correspondant au bien. A cet égard, il releva qu'il ressortait des documents présentés par la fondation que celle-ci avait aussi exercé son droit de propriété en donnant le bien en location à des tiers. En outre, selon les documents adressés par la Direction des fondations, depuis 1964 la fondation avait mentionné dans ses déclarations que les biens en question figuraient dans son patrimoine. De même, le procès-verbal établi en 1971 par la Commission de distribution des terrains prouvait la possession en question. Le tribunal déclara que les fondations, à l'instar des personnes physiques, pouvaient acquérir des biens immobiliers par la prescription acquisitive.
20. A la suite du pourvoi formé par le Trésor public, par un arrêt rendu le 29 avril 2002, la Cour de cassation infirma le jugement de première instance. Elle releva que la requérante n'avait pas déposé sa déclaration de patrimoine comme le prévoyait la loi no 2762, et que, contrairement aux personnes physiques, les fondations ne pouvaient obtenir la propriété d'un bien immobilier par le jeu de la prescription acquisitive.
21. Le 9 août 2002 entra en vigueur la loi no 4771 portant modification de la loi no 2762. Elle ouvrait la possibilité aux fondations de demander l'inscription au registre foncier des biens immeubles dont la possession, sous quelque forme que ce fût, était établie.
22. Par un jugement rendu le 16 septembre 2002, le tribunal du cadastre, statuant sur renvoi et se conformant aux arrêts de la Cour de cassation, débouta la requérante de sa demande et ordonna l'inscription du bien litigieux au registre foncier au nom du Trésor public. Dans ses attendus, le tribunal se référa tout d'abord à l'arrêt du 8 mai 2002 adopté par l'assemblée plénière de la Cour de cassation, selon lequel une demande de propriété par le jeu de la prescription acquisitive devait se fonder sur une possession à titre de propriétaire. Or, dans son arrêt antérieur du 8 mai 1974, la Cour de cassation avait décidé que les déclarations faites en 1936 par les fondations des minorités devaient être considérées comme les actes fondateurs valant statuts des fondations concernées. En l'absence d'une clause explicite dans leurs déclarations, ces fondations ne pouvaient acquérir des biens immobiliers supplémentaires par rapport à ceux mentionnés dans le document en question. Par conséquent, de telles fondations ne pouvaient prétendre avoir exercé un droit de propriété à titre de propriétaire. N'ayant pas la preuve que la requérante eût effectivement déposé la déclaration nécessaire dans les formes et délais prévus par les lois régissant la matière, le tribunal conclut qu'elle ne pouvait être considérée comme propriétaire dudit bien.
23. Par un arrêt du 6 février 2003, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par la requérante et confirma ainsi le jugement de première instance. De même, le recours en rectification introduit par la requérante fut rejeté le 12 mai 2003.
C. Requêtes nos 37992/03, 37993/03, 37996/03, 37998/03, 37999/03 et 38000/03
24. La fondation soutient avoir acquis, par voie de donation et de legs, de nombreux bien immeubles. En 2001 et en 2002, la requérante saisit, pour chacun de ces biens, le tribunal du cadastre de Bozcaada (« le tribunal ») d'une demande visant à l'inscription des titres de propriété des biens en question à son nom au registre foncier.
1. Requêtes nos 37992/03 (parcelle no 238-3) et 37993/03 (parcelle no 238 – 12)
25. En ce qui concerne la requête no 37992/03 (parcelle no 238-3), il ressort des éléments du dossier qu'il s'agit d'un immeuble d'une superficie totale de 93,90 m². Celui-ci se trouve actuellement à l'état de ruine. Auparavant, comme le confirment les contrats de bail produits par la requérante, cette dernière l'avait donné en location à des tierces personnes. La requérante s'acquitta régulièrement des taxes foncières relatives à ce bien. Les témoins et experts locaux, entendus dans le cadre de la procédure devant le tribunal, confirmèrent que la requérante possédait ledit bien de manière ininterrompue.
26. Quant à la requête 37993/03 (parcelle no 238–12), il ressort des éléments du dossier qu'il s'agit d'un immeuble de deux étages de superficie de 20,80 m². Il fut utilisé comme pension. La requérante s'acquitta régulièrement des taxes foncières relatives à ce bien et l'avait donné en location. Les contrats de bail produits par la requérante attestaient lesdites locations. Les témoins et experts locaux, entendus dans le cadre de la procédure devant le tribunal, confirmèrent que la requérante possédait ledit bien de manière ininterrompue.
27. Par deux jugements du 17 juin 2002, le tribunal cadastral débouta la requérante de sa demande d'inscription au motif que les conditions d'acquisition de propriété par voie de possession n'étaient pas réunies et ordonna l'inscription du bien litigieux au registre foncier au nom du Trésor public. Dans ses attendus, le tribunal se référa à l'arrêt du 8 mai 2002 adopté par l'assemblée plénière de la Cour de cassation et conclut que la requérante, en tant que fondation appartenant à une minorité religieuse n'ayant pas mentionné lesdits biens dans sa déclaration de 1936, ne pouvait être considérée comme propriétaire de ces biens. Par ailleurs, le tribunal releva que la requérante n'avait pas pu produire des preuves suffisantes afin d'étayer sa thèse selon laquelle elle avait possédé ledit bien de manière ininterrompue.
28. Par deux arrêts du 12 décembre 2002, la Cour de cassation confirma les jugements de première instance. De même, les recours en rectification introduits par la requérante furent rejetés le 31 mars 2003. Ces derniers arrêts auraient été signifiés le 21 avril 2003.
2. Requêtes nos 37996/03, 37998/03, 37999/03 et 38000/03
29. La requête no 37996/03 porte sur un immeuble de 43,52 m² utilisé comme chapelle (parcelle no 232-24). Selon les témoins entendus dans le cadre de la procédure devant le tribunal, qui ont confirmé que la requérante avait possédé ledit bien de manière ininterrompue, l'immeuble fut toujours utilisé comme chapelle. La requérante s'acquitta régulièrement des taxes foncières relatives à ce bien.
30. Quant à la requête no 37998/03, il s'agit d'un terrain de 139,51 m² jouxtant une autre chapelle (parcelle no 259-20). Les témoins entendus dans le cadre de la procédure devant le tribunal ont également confirmé que la requérante possédait ledit bien de manière ininterrompue. La requérante s'acquitta régulièrement des taxes foncières relatives à ce bien.
31. Pour ce qui est de la requête no 37999/03, il s'agit d'un immeuble en ruine de 181,72 m² utilisé comme monastère (parcelle no 289-2). Dans le cadre de la procédure devant le tribunal, l'expert agricole avait confirmé que le terrain d'assiette de cet immeuble n'avait pas été cultivé depuis de longues années. Quant aux témoins, ceux-ci avaient déclaré que l'immeuble avait été utilisé auparavant comme chapelle avant de tomber en ruine. La requérante s'acquitta régulièrement des taxes foncières relatives à ce bien.
32. Enfin, la requête no 38000/03 concerne un immeuble de 82,70 m² utilisé comme dépôt par les prêtres de l'église grecque orthodoxe de Kimisis Teodoku (parcelle no 259-18). Selon les témoins, qui ont confirmé que la requérante avait possédé ledit bien de manière ininterrompue, le terrain fut toujours utilisé comme dépôt par ladite église. La requérante s'acquitta régulièrement des taxes foncières relatives à ce bien.
33. Par quatre jugements rendus le 30 juillet 2001, le tribunal cadastral débouta la requérante de sa demande d'inscription au motif que les conditions d'acquisition de la propriété par voie de possession n'étaient pas réunies et ordonna l'inscription des biens litigieux au registre foncier au nom du Trésor public. Dans ses attendus, le tribunal se référa à l'arrêt du 8 mai 2002 adopté par l'assemblée plénière de la Cour de cassation et conclut que la requérante, en tant que fondation appartenant à une minorité religieuse n'ayant pas mentionné lesdits biens dans sa déclaration de 1936, ne pouvait être considérée comme propriétaire de ces biens. Par ailleurs, le tribunal releva qu'à supposer que la requérante eût réellement possédé les biens de manière ininterrompue, elle ne pouvait, en tant que fondation, obtenir le titre de propriété d'un bien immeuble par le jeu de la prescription acquisitive.
34. Par quatre arrêts des 26 et 27 décembre 2002, la Cour de cassation confirma les jugements de première instance. De même, les recours en rectification introduits par la requérante furent rejetés le 31 mars 2003. Ces derniers arrêts furent signifiés le 21 avril 2003.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
35. Le droit et la pratique internes pertinents sont décrits dans les arrêts Fener Rum Erkek Lisesi Vakfı c. Turquie (no 34478/97, §§ 23-30, CEDH 2007-...) et Bozcaada Kimisis Teodoku Rum Ortodoks Kilisesi Vakfi c. Turquie, nos 37639/03, 37655/03, 26736/04 et 42670/04, §§ 25-28).
Par ailleurs, de nombreuses modifications à la législation régissant les fondations ont été apportées par les lois no 4771 du 9 août 2002 et no 4778 du 2 janvier 2003, ainsi que par le règlement du 24 janvier 2003 relatif à l'acquisition de biens immeubles par les fondations des communautés. En particulier, l'article 4 de la loi no 4771 du 9 août 2002 dispose :
« A. Les alinéas ci-dessous sont ajoutés à la fin de l'article 1 de la loi no 2762 du 5 juin 1935 sur les fondations.
Les fondations des minorités religieuses, qu'elles soient ou non dotées de statuts, peuvent acquérir ou posséder des biens immeubles, avec l'autorisation du Conseil des ministres, pour faire face à leurs besoins dans les domaines religieux, caritatifs, sociaux, éducatifs, sanitaires et culturels.
Si la demande est introduite dans les six mois à partir de l'entrée en vigueur de la présente loi, les biens immeubles dont la possession (tasarruf), sous quelque forme que ce soit, est établie par des registres fiscaux, des baux ou autres documents, sont inscrits au registre foncier au nom de la fondation pour faire face aux besoins de cette dernière dans les domaines religieux, caritatifs, sociaux, éducatifs, sanitaires et culturels. Les biens qui ont été donnés ou légués à la fondation sont soumis aux dispositions de cet article. »
36. L'article 1er de la loi no 3998 du 9 juin 1994 portant sur la protection des cimetières dispose que les cimetières publics, à l'exception de ceux appartenant à l'Etat, de ceux ayant une caractéristique historique et gérés par la Direction des fondations, de ceux des martyrs et de ceux ayant un statut découlant de leur appartenance aux communautés religieuses [cemaat], appartiennent aux municipalités ou aux communes. Ces endroits ne peuvent pas être vendus et ne peuvent pas être acquis par le jeu de prescription acquisitive.
EN DROIT
I. JONCTION DES AFFAIRES
37. Compte tenu de la similitude des requêtes quant aux faits et à la question de fond qu'elles posent, la Cour décide de les joindre et de les examiner conjointement dans un seul arrêt.
II. SUR LA RECEVABILITÉ
38. Le Gouvernement soutient que la requérante n'a pas épuisé les voies de recours internes comme l'exige l'article 35 § 1 de la Convention, dans la mesure où le recours en annulation introduit devant le Conseil d'Etat par l'intéressée à la suite de l'adoption des lois nos 4771 et 4778 est toujours pendant.
39. Par ailleurs, le Gouvernement plaide l'irrecevabilité des requêtes nos 37992/03, 37993/03, 37996/03, 37998/03, 37999/03 et 38000/03 pour non-respect du délai de six mois, également exigé par l'article 35 § 1 de la Convention. En effet, il observe que les décisions internes définitives ont été rendues le 31 mars 2003 et qu'elles ont été déposées au greffe du tribunal de première instance le 11 avril 2003. Il conclut que, les requêtes n'ayant été introduites que le 15 octobre 2003, plus de six mois s'étaient écoulés après la date du dépôt des décisions internes définitives.
40. La requérante combat les thèses du Gouvernement. S'agissant de l'exception tirée du non-épuisement des voies de recours internes, elle soutient que le recours instauré par les lois nos 4771 et 4778 ne constitue pas une voie de recours à épuiser au sens de l'article 35 § 1 de la Convention, puisqu'il ne permet pas d'acquérir les titres de propriété en question mais vise à l'obtention de l'annulation d'une décision adoptée par la Direction générale des fondations.
41. Quant au respect du délai de six mois, la requérante soutient que les arrêts de la Cour de cassation rendus le 31 mars 2003 lui ont été signifiés le 21 avril 2003.
42. S'agissant de l'exception du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours, la Cour rappelle avoir déjà rejeté une exception similaire du Gouvernement dans l'affaire Bozcaada Kimisis Teodoku Rum Ortodoks Kilisesi Vakfı c. Turquie, nos 37639/03, 37655/03, 26736/04 et 42670/04, § 33, 3 mars 2009) en considérant que le recours cité par le Gouvernement n'était pas de nature à remédier directement à la situation litigieuse. En l'espèce, la Cour ne voit aucune raison de s'écarter de cette conclusion. Il convient donc de rejeter cette exception du Gouvernement.
43. Quant à la tardiveté alléguée des requêtes nos 37992/03, 37993/03, 37996/03, 37998/03, 37999/03 et 38000/03, la Cour observe que le Gouvernement ne conteste pas que les arrêts de la Cour de cassation n'ont été signifiés à la requérante que le 21 avril 2003. Dès lors, elle constate que lesdites requêtes, introduites le 15 octobre 2003, l'ont bien été dans le délai de six mois à partir des dates des dernières décisions définitives. Il convient par conséquent de rejeter cette deuxième exception du Gouvernement.
44. La Cour constate par ailleurs que les requêtes ne sont pas manifestement mal fondées au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève également qu'elles ne se heurtent à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevables.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
45. La requérante soutient qu'en refusant l'inscription de ses biens immobiliers au registre foncier les juridictions internes ont violé son droit au respect de ses biens au sens de l'article 1 du Protocole no 1. Cette disposition est ainsi libellée dans sa partie pertinente en l'espèce :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect des ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
(...) »
A. Thèses des parties
46. La requérante soutient qu'elle remplissait l'ensemble des conditions légales pour obtenir l'inscription des biens en question à son nom au registre foncier. Elle ajoute que les tribunaux internes ont établi qu'elle possédait lesdits biens sans interruption depuis plus de vingt ans et que, dès lors, elle aurait dû, en vertu de l'article 14 de la loi sur le cadastre, obtenir les titres de propriété y relatifs. Or, les tribunaux ont rejeté sa demande en se fondant sur l'interprétation retenue par la Cour de cassation de la loi no 2762, interprétation opérée en 1974, alors qu'entre-temps la législation avait subi des changements structuraux quant à la capacité des fondations d'acquérir des biens immobiliers.
47. Le Gouvernement soutient que la requérante ne possédait pas des « biens » au sens de l'article 1 du Protocole no 1. Il allègue que la requérante, en tant que demanderesse, n'a pas su assumer le fardeau de la preuve et démontrer son droit de propriété. Selon lui, les éléments de preuve présentés par l'intéressée ne sauraient suffire à établir une possession ou un droit de propriété. Se référant aux principes de la jurisprudence de la Cour, le Gouvernement soutient que les griefs de la requérante sont manifestement mal fondés, l'intéressée ne pouvant se prévaloir d'avoir disposé de « biens actuels ». Il ajoute qu'elle n'avait pas davantage d'« espérance légitime » de voir ses recours aboutir.
48. Selon le Gouvernement, dès lors que la prétention de la requérante ne remplissait pas les conditions fixées par la loi et que l'article 1 du Protocole no 1 ne garantit pas un droit à acquérir des biens, force serait de conclure que l'intéressée n'avait pas un « bien » au sens de l'article 1 du Protocole no 1 et qu'il n'y a donc pas eu atteinte à ses droits découlant de cette disposition.
B. Appréciation de la Cour
49. La Cour note que les parties ont des vues divergentes quant à la question de savoir si la requérante était ou non titulaire d'un bien susceptible d'être protégé par l'article 1 du Protocole no 1. Par conséquent, elle est appelée à déterminer si la situation juridique dans laquelle s'est trouvée la requérante est de nature à relever du champ d'application de l'article 1 du Protocole no 1.
50. En l'espèce, nul ne conteste que la requérante n'était pas titulaire de titres de propriété afférents aux biens litigieux. Cependant, à la lumière des principes qui se dégagent de l'arrêt Bozcaada Kimisis Teodoku Rum Ortodoks Kilisesi Vakfı (arrêt précité, §§ 1-42), il importe d'examiner, dans chaque affaire soumise à l'examen de la Cour, si les circonstances, considérées dans leur ensemble, ont rendu la requérante titulaire d'un intérêt substantiel protégé par l'article 1 du Protocole nº 1. Dans cette optique, la Cour estime qu'il y a lieu de tenir compte des éléments de droit et de fait suivants.
1. Requêtes nos 37646/03 et 37665/03
51. S'agissant du cimetière de la communauté grecque de l'île de Bozcaada (requête no 37646/03), le tribunal du cadastre, qui a examiné la cause en première instance, a conclu que les conditions d'acquisition de la propriété par la possession étaient réunies et ordonné l'inscription du bien en question au nom de la requérante. Pour ce faire, d'une part, il a tenu pour établie la qualité de possesseur de la requérante. D'autre part, il s'est fondé sur l'article 1er de la loi no 3998 du 9 juin 1994 portant sur la protection des cimetières, en vertu duquel les cimetières appartenant aux minorités religieuses bénéficient d'un statut dérogatoire (paragraphe 13 ci-dessus).
52. Il en va de même pour ce qui est du terrain ayant fait l'objet de la requête no 37665/03. En effet, dans son jugement du le 8 octobre 2001, le tribunal du cadastre a tenu pour établie la qualité de possesseur de la requérante (paragraphe 19 ci-dessus).
53. Cependant, la Cour de cassation, sans remettre en cause les éléments de fait – c'est-à -dire la qualité de possesseur de la requérante –, a infirmé les jugements de première instance en développant une interprétation différente des éléments de droit. Elle a retenu que la requérante, en tant que personne morale, ne pouvait obtenir la propriété d'un bien immobilier par le jeu de la prescription acquisitive parce qu'elle n'avait pas déposé la déclaration prévue par la loi no 2762. Par la suite, dans ses jugements rendus le 16 septembre 2002, le tribunal du cadastre, ayant fait sien le raisonnement de la Cour de cassation, a conclu que la possession des biens en question ne pouvait être exercée à titre de propriétaire – condition prévue dans la jurisprudence du 8 mai 2002–, puisque la fondation en question n'avait pas déposé sa déclaration exigée par la loi no 2762.
54. La Cour rappelle avoir déjà eu l'occasion de se prononcer sur une question similaire dans le cadre de l'affaire Bozcaada Kimisis Teodoku Rum Ortodoks Kilisesi Vakfı c. Turquie précité. Elle a jugé que le refus des juridictions internes d'inscrire les biens en question au registre foncier au nom de la requérante, refus fondé sur les jurisprudences des 8 mai 1974 et 8 mai 2002 de la Cour de cassation, ne pouvait passer pour suffisamment prévisible aux yeux de la requérante, qui avait possédé lesdits biens de manière ininterrompue pendant plus de vingt ans, au sens de l'article 14 de loi sur le cadastre.
55. La Cour ne voit aucune raison de s'écarter de cette jurisprudence. Elle en conclut que l'ingérence litigieuse est incompatible avec le principe de légalité et que, par conséquent, elle ne respecte pas l'exigence de l'article 1 du Protocole no 1.
Partant, il y a eu violation de cette disposition.
2. Requête nos 37992/03, 37993/03, 37996/03, 37998/03, 37999/03 et 38000/03
56. Quant aux autres biens immobiliers, la Cour observe que, contrairement aux deux requêtes précitées, le tribunal du cadastre n'a pas tranché la question de savoir si les conditions d'acquisition de la propriété par la voie de la possession acquisitive étaient réunies ou non à leur égard, alors que la demande de la requérante était fondée sur un certain nombre d'éléments, à savoir entre autres les déclarations des témoins et des experts locaux et techniques, des contrats de bail, des quittances des taxes foncières et des documents présentés par les parties ou recueillis d'office, dont les plans cadastraux et les registres des impôts et du cadastre relatifs aux biens en question. Ces éléments concordants, qui attestent de la possession des biens par la requérante, n'ont par ailleurs pas été contestés par le Gouvernement.
57. En effet, le tribunal du cadastre, se fondant sur la jurisprudence développée par la Cour de cassation dans ses deux arrêts de principe – à savoir ceux des 8 mai 1974 et 8 mai 2002 –, a constaté que la requérante, en tant que personne morale, ne pouvait obtenir la propriété d'un bien immobilier par le jeu de la prescription acquisitive parce qu'elle n'avait pas déposé la déclaration prévue par la loi no 2762. Ainsi, il a conclu que la possession des biens en question ne pouvait avoir été exercée à titre de propriétaire, condition prévue dans la jurisprudence du 8 mai 2002.
58. Au demeurant, la Cour souligne que l'article 4 de la loi no 4771 adoptée le 9 août 2002 a clairement remis en cause les jurisprudences précitées de la Cour de cassation, en disposant que les « fondations des minorités religieuses, qu'elles soient ou non dotées de statuts, peuvent acquérir ou posséder des biens immeubles (...) ». En particulier, cette disposition permet aux fondations de demander l'inscription au registre foncier à leur nom des biens immeubles dont la possession, sous quelque forme que ce soit, est établie (paragraphe 35 ci-dessus). Toutefois, il ressort du dossier que cette évolution n'a aucunement profité à l'intéressée.
59. A la lumière de ce qui précède, et étant donné que la possession alléguée résultait d'actes concrets et que l'intéressée a entre autres présenté les contrats de bail et les quittances des taxes foncières correspondant aux biens, éléments qui lui permettaient de réclamer le titre des biens en question non seulement en vertu de l'article 14 de loi sur le cadastre mais aussi de l'article 4 de la loi no 4771, la Cour ne voit aucune raison de s'écarter de la jurisprudence précitée, et ce nonobstant le fait que, contrairement à l'arrêt Bozcaada Kimisis Teodoku Rum Ortodoks Kilisesi Vakfı précité, le tribunal du cadastre n'ait, à aucun moment de la procédure interne, conclu que les conditions d'acquisition de la propriété par la possession étaient réunies.
60. Par conséquent, la Cour observe que le refus des juridictions internes ne pouvait passer pour suffisamment prévisible aux yeux de la requérante, qui avait possédé lesdits biens, de manière ininterrompue, pendant plus de vingt ans, au sens de l'article 14 de loi sur le cadastre. La Cour en conclut que l'ingérence litigieuse est incompatible avec le principe de légalité et que, par conséquent, elle ne respecte pas les exigences de l'article 1 du Protocole no 1.
Partant, il y a eu violation de cette disposition.
IV. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
61. Invoquant l'article 9 de la Convention, la requérante se plaint d'une atteinte à sa liberté de culte. Sur le terrain de l'article 6, elle allègue également que sa cause n'a pas été entendue équitablement par les juridictions internes. En outre, elle prétend n'avoir pas bénéficié d'un recours effectif en droit interne au sens de l'article 13. Enfin, sous l'angle de l'article 14 de la Convention combiné avec l'article 1 du Protocole no 1, elle estime que le rejet de ses demandes constitue une discrimination par rapport aux autres fondations.
62. Eu égard au constat relatif à l'article 1 du Protocole no 1 (paragraphes 55 et 60 ci-dessus), la Cour estime que ces griefs doivent être considérés comme étant recevables mais qu'il n'y a pas lieu d'examiner s'il y a eu violation des dispositions invoquées (voir, mutatis mutandis, Fener Rum Erkek Lisesi Vakfı, précité, § 62).
V. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
63. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
64. A titre principal, la requérante estime que la manière la plus adéquate pour le Gouvernement de réparer le préjudice causé serait de lui restituer l'ensemble des biens litigieux. Elle soutient en particulier que la restitution de la propriété des biens immobiliers utilisés comme monastère, chapelle et cimetière constitue, à ses yeux, l'unique remède, eu égard aux caractéristiques de ces biens. Pour le cas où le Gouvernement ne pourrait les restituer, elle demande une juste contrepartie, qu'elle chiffre à 218 218,397 euros (EUR). Cette somme se compose de 176 858,23 EUR, correspondant à la valeur marchande des biens en question telle que déterminée par des expertises judiciaires, et de 41 360,167 EUR, correspondant au préjudice résultant de la non-jouissance de ses biens. Par ailleurs, elle réclame 1 EUR pour dommage moral.
65. Le Gouvernement conteste ces prétentions.
66. La Cour rappelle qu'un arrêt constatant une violation entraîne pour l'Etat défendeur l'obligation juridique de mettre un terme à la violation et d'en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI). Compte tenu des considérations qui précèdent, la Cour estime que dans la présente affaire la nature de la violation constatée lui permet de partir du principe d'une restitutio in integrum.
67. A cet égard, la Cour estime que l'inscription de l'ensemble des biens litigieux au nom de la requérante dans le registre foncier placerait l'intéressée autant que possible dans une situation équivalant à celle où elle se trouverait si les exigences de l'article 1 du Protocole no 1 n'avaient pas été méconnues.
68. En particulier, vu les caractéristiques spécifiques des biens ayant été l'objet des requêtes nos 37646/03 (cimetière de la communauté grecque de l'île de Bozcaada), 37996/03 (chapelle), 37999/03 (ancien monastère), la Cour estime que la restitution de ces biens et leur inscription au registre foncier au nom de la requérante constituent l'unique manière adéquate pour le redressement (voir, mutatis mutandis, Vontas et autres c. Grèce, no 43588/06, § 50, 5 février 2009).
69. A défaut pour l'Etat défendeur de procéder à pareille inscription des titres de propriété des biens ayant été l'objet des requêtes nos 37665/03, 37992/03, 37993/03, 37998/03, et 38000/03 dans un délai de trois mois à compter du prononcé du présent arrêt, la Cour décide que celui-ci devra verser à l'intéressée, pour dommage et perte de jouissance depuis que les autorités ont pris possession de ces biens, la valeur actuelle des biens. Quant à la détermination du montant de cette indemnité, la Cour estime nécessaire de se baser sur les conclusions des expertises judiciaires présentées par la requérante. Eu égard au taux de change en vigueur à l'époque pertinente ainsi qu'au taux de change actuel, la Cour décide qu'à défaut de l'inscription préconisée (paragraphe 67 ci-dessus) l'Etat devra verser à la requérante 173 000 EUR pour tous préjudices confondus.
B. Frais et dépens
70. Pour les frais exposés devant les juridictions nationales et la Cour, la requérante réclame 49 435,79 EUR. Elle fournit de nombreux justificatifs concernant plusieurs procédures qu'elle a engagées au sujet de plus de vingt-quatre biens immeubles.
71. Le Gouvernement conteste ces prétentions.
72. La Cour observe que la présente affaire ne concerne pas l'ensemble des procédures engagées par la requérante. Par conséquent, elle estime raisonnable d'accorder à la requérante la somme de 5 000 EUR.
C. Intérêts moratoires
73. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Décide de joindre les requêtes ;
2. Déclare les requêtes recevables ;
3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 ;
4. Dit qu'il n'est pas nécessaire d'examiner séparément les griefs tirés des articles 6, 9 et 13 de la Convention, ainsi que de l'article 14 combiné avec l'article 1 du Protocole no 1 ;
5. Dit
a) que dans les trois mois à compter du jour où le présent arrêt sera devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention, l'Etat défendeur doit procéder à l'inscription de l'ensemble des biens litigieux au nom de la requérante dans le registre foncier ;
b) qu'à défaut pour l'Etat défendeur de procéder à l'inscription des titres de propriété des biens ayant été l'objet des requêtes nos 37665/03, 37992/03, 37993/03, 37998/03, et 38000/03, l'Etat défendeur devra verser à la requérante, dans le même délai de trois mois, 173 000 EUR (cent soixante treize mille euros) pour tous préjudices confondus, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, à convertir en livres turques au taux applicable à la date du règlement ;
c) que l'Etat défendeur doit verser à la requérante, dans le même délai de trois mois, 5 000 EUR (cinq mille euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par la requérante, à convertir en livres turques au taux applicable à la date du règlement ;
d) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 6 octobre 2009, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Sally Dollé Françoise Tulkens
Greffière Présidente