DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE BORTESI ET AUTRES c. ITALIE
(Requête no 71399/01)
ARRÊT
STRASBOURG
10 juin 2008
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Bortesi et autres c. Italie,
La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
Françoise Tulkens, présidente,
Antonella Mularoni,
Ireneu Cabral Barreto,
Vladimiro Zagrebelsky,
Dragoljub Popovic,
András Sajó,
Nona Tsotsoria, juges,
et de Sally Dollé, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 20 mai 2008,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 71399/01) dirigée contre la République italienne et dont trois ressortissants de cet Etat, MM. A. B., G. B.i et S. B. (« les requérants »), ont saisi la Cour le 18 mai 2000 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants sont représentés par Me A. S., avocat à Parme. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. R. Adam, et par son coagent adjoint, M. N. Lettieri.
3. Le 1er avril 2004, la Cour a déclaré la requête partiellement irrecevable et a décidé de communiquer les griefs des requérants tirés de l'article 1 du Protocole no 1 et de l'article 6 § 1 de la Convention (équité de la procédure) au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l'article 29 § 3 de la Convention, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
4. Les requérants sont nés respectivement en 1950, 1953 et 1910 et résident à Felino (Parme). Ils sont les héritiers de M. A. B. (« A.B. »), décédé le 2 novembre 1999
5. A.B. était propriétaire pour trois quarts d'un terrain constructible sis à Parme.
6. Le 23 avril 1980, la municipalité de Parme approuva un plan d'urbanisme, déclaré d'utilité publique, en vue de la création d'un pôle d'activités et d'une route sur le terrain d'A.B.
7. Le 6 novembre 1980, la municipalité de Parme offrit à A.B. un acompte de 451 113 750 ITL sur l'indemnité d'expropriation calculée aux termes de la législation « provisoire » (loi no 385 de 1980), comme s'il s'agissait d'un terrain agricole, sous réserve de fixer l'indemnisation définitive une fois entrée en vigueur la loi établissant les nouveaux critères d'indemnisation pour les terrains constructibles.
8. Cette offre fut acceptée par A.B. Le 17 décembre 1980, ce dernier conclut un accord de cession du terrain, par lequel l'expropriation des terrains fut formalisée. L'administration versa l'acompte et il fut convenu qu'une fois la nouvelle loi entrée en vigueur et l'indemnité définitive calculée, des intérêts seraient versés sur la différence.
9. Par l'arrêt no 223 de 1983, la Cour constitutionnelle déclara inconstitutionnelle la loi no 385 de 1980 au motif que celle-ci soumettait l'indemnisation à l'adoption d'une loi future.
10. En conséquence de cet arrêt, la loi no 2359 de 1865, selon laquelle l'indemnité d'expropriation d'un terrain correspondait à la valeur marchande de celui-ci, déploya à nouveau ces effets.
11. Le 21 avril 1988, A.B. introduisit un recours devant le tribunal de Parme, demandant notamment le versement au titre d'indemnité d'expropriation d'une somme égale à la valeur marchande du terrain, au sens de la loi no 2359 de 1865.
12. Au cours de la procédure, une expertise ordonnée par le tribunal détermina la valeur vénale à la somme de 6 213 000 000 ITL à l'époque de l'expropriation.
13. Par un jugement du 8 juillet 1993, le tribunal de Parme condamna l'administration municipale à verser à A.B. une somme égale à la valeur vénale du terrain au titre d'indemnité d'expropriation, à savoir 6 213 000 000 ITL, de laquelle il fallait soustraire l'acompte de 451 113 750 ITL déjà versé.
14. Le 6 juin 1994, A.B. interjeta appel du jugement du tribunal de Parme, au motif que le tribunal n'avait pas indexé au jour du prononcé la somme reconnue et n'avait pas non plus accordé d'intérêts. L'administration municipale interjeta également appel du jugement, contestant notamment le montant de l'indemnité d'expropriation reconnue à A.B. et demandant l'application au cas d'espèce de la loi no 359 de 1992, entre-temps entrée en vigueur.
15. Une expertise ordonnée par la cour d'appel détermina la valeur vénale du terrain à 3 661 140 000 ITL et le montant de l'indemnité d'expropriation, calculé aux termes de la loi no 359 de 1992, à 1 839 706 000 ITL. De ce dernier montant, il fallait soustraire la somme de 451 113 750 ITL, déjà versée au titre d'acompte. Par conséquent, selon l'expert, la somme due à A.B. au titre d'indemnité d'expropriation était de 1 388 592 250 ITL.
16. Par un arrêt du 24 mai 1999, déposé au greffe le 16 juin 1999, la cour d'appel de Bologne déclara que A.B. avait droit à une indemnité d'expropriation au sens de l'article 5 bis de la loi no 359 de 1992 et, par conséquent, condamna l'administration municipale à lui verser le montant de 1 388 592 250 ITL, plus intérêts. Cet arrêt devint définitif le 24 novembre 1999.
17. Il ressort du dossier qu'afin d'obtenir le paiement de cette somme, les requérants renoncèrent au remboursement de 40 millions ITL pour frais de procédure.
18. L'indemnité accordée fut soumise à un impôt à la source de 20% au sens de la loi no 413 de 1991.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
19. Le droit et la pratique internes applicables à l'époque des faits ainsi que d'autres dispositions pertinentes se trouvent décrits dans l'arrêt Scordino c. Italie (no 1) [GC] (no 36813/97, §§ 47-74, CEDH 2006-...).
20. Par l'arrêt no 348 du 22 octobre 2007, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnel l'article 5bis du décret no 333 de 1992, tel que modifié par la loi no 359 de 1992, quant aux critères utilisés pour calculer le montant de l'indemnisation. La Cour Constitutionnelle a aussi indiqué au législateur les critères à prendre en compte pour une éventuelle nouvelle loi, en faisant référence à la valeur vénale du bien.
21. La loi de finances no 244 du 24 décembre 2007 a établi que l'indemnité d'expropriation pour un terrain constructible doit correspondre à la valeur vénale du bien. Lorsque l'expropriation rentre dans le cadre d'une réforme économique et sociale, une réduction de 25 % sera appliquée. Cette disposition est applicable à toutes les procédures d'expropriation en cours au 1er janvier 2008, sauf celles où la décision sur l'indemnité d'expropriation a été acceptée ou est devenue définitive.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DE LA CONVENTION
22. Invoquant l'article 1 du Protocole no 1, les requérants se plaignent du caractère inadéquat de l'indemnité d'expropriation, qui a été calculée en fonction de la loi no 359 de 1992. La disposition en cause se lit ainsi :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
23. Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.
A. Sur la recevabilité
24. Le Gouvernement soulève une exception tirée du non-épuisement des voies de recours internes. Il indique à cet égard que les requérants ne se sont pas pourvus en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Bologne.
25. Les requérants contestent ces arguments.
26. La Cour rappelle qu'elle a déjà écarté des exceptions semblables (voir, parmi d'autres, Chiró no2 c. Italie (déc.), no 65137/01, 27 mai 2004). Elle n'aperçoit aucun motif de déroger à ses précédentes conclusions et rejette donc cette exception.
27. La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Thèses des parties
28. Les parties s'accordent pour dire qu'il y a eu « privation des biens » au sens de la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 1 du Protocole no 1. En outre, il n'est pas contesté que les intéressés ont été privés de leur propriété conformément à la loi et que l'expropriation poursuivait un but légitime d'utilité publique.
29. Les requérants soutiennent avoir subi une atteinte disproportionnée à leur droit au respect des biens. A cet égard, ils mettent en cause le montant de l'indemnité qui résulte de l'application de la loi no 359 de 1992 et font valoir que l'indemnité calculée conformément à cette loi correspond à moins de la moitié de la valeur marchande du terrain. En outre, ils soulignent qu'un impôt à la source de 20% a été appliqué sur le montant accordé par les juridictions nationales, de sorte que l'indemnité a été encore réduite.
30. Le Gouvernement s'oppose à cette thèse et demande à la Cour de conclure à la non-violation de l'article 1 du Protocole no 1.
2) Appréciation de la Cour
31. La Cour rappelle que dans de nombreux cas d'expropriation licite, comme l'expropriation d'un terrain en vue de la construction d'une route ou à d'autres fins d' « utilité publique », seule une indemnisation intégrale peut être considérée comme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien (Scordino c. Italie (no 1) [GC] (no 36813/97, § 96, CEDH 2006-.. ; Stornaiuolo c. Italie, no 52980/99, §§ 61 et 66, 8 août 2006 ; Mason et autres c. Italie (satisfaction équitable), no 43663/98, § 37, 24 juillet 2007). Cette règle n'est toutefois pas sans exception (Ex-roi de Grèce et autres c. Grèce [GC] (satisfaction équitable), no 25701/94, § 78), étant donné que des objectifs légitimes « d'utilité publique », tels qu'en poursuivent des mesures de reforme économique ou de justice sociale, peuvent militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur marchande (James et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1986, série A no 98, p. 36, § 54).
32. La Cour constate que l'indemnisation accordée aux requérants, calculée en fonction de l'article 5 bis de la loi no 359 de 1992, s'élève à 1 839 706 000 ITL (soit environ 950 128 EUR), alors que la valeur marchande du terrain estimée à la date de l'expropriation et retenue par la cour d'appel était de 3 661 140 000 ITL (soit environ 1 890 821 EUR) (paragraphes 15-16 ci-dessus). Il en résulte que l'indemnité d'expropriation est largement inférieure à la valeur marchande du bien en question. En outre, ce montant a été ultérieurement réduit à raison de la taxation à la source à hauteur de 20% (l'indemnité payée s'élève à 752 554 EUR environ).
33. Il s'agit en l'espèce d'un cas d'expropriation isolée, qui ne se situe pas dans un contexte de réforme économique, sociale ou politique et ne se rattache à aucune autre circonstance particulière. Par conséquent, la Cour n'aperçoit aucun objectif légitime « d'utilité publique » pouvant justifier un remboursement inférieur à la valeur marchande (Scordino c. Italie (no 1) [GC], précité, § 103).
34. Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, la Cour estime que l'indemnisation accordée aux requérants n'était pas adéquate, vu son faible montant et l'absence de raisons d'utilité publique pouvant légitimer une indemnisation inférieure à la valeur marchande du bien. Il s'ensuit que les requérants ont dû supporter une charge disproportionnée et excessive qui ne peut être justifiée par un intérêt général légitime poursuivi par les autorités.
35. Partant, il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1.
2. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
36. Les requérants allèguent que l'adoption et l'application de l'article 5bis de la loi no 359 de 1992 à leur procédure constitue une ingérence législative contraire à leur droit à un procès équitable, tel que garanti par l'article 6 § 1 de la Convention, qui, en ses passages pertinents, dispose :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A. Sur la recevabilité
37. La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il y a donc lieu de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
38. Les requérants dénoncent une ingérence du pouvoir législatif dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire, à raison de l'adoption et de l'application à leur égard de l'article 5 bis de la loi no 359 de 1992.
39. Le Gouvernement n'a pas présenté d'observations sur ce point.
40. La Cour réaffirme que si, en principe, il n'est pas interdit au pouvoir législatif de réglementer en matière civile, par de nouvelles dispositions à portée rétroactive, des droits découlant de lois en vigueur, le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 de la Convention s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire du litige (Zielinski et Pradal & Gonzales c. France [GC], nos 24846/94 et 34165/96 à 34173/96, § 57, CEDH 1999-VII ; Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, arrêt du 9 décembre 1994, série A no 301-B ; Papageorgiou c. Grèce, arrêt du 22 octobre 1997, Recueil 1997-VI).
41. Elle constate que l'article 5 bis a simplement supprimé rétroactivement une partie essentielle des créances en indemnisation, de montants élevés, que les propriétaires de terrains expropriés, tels que les requérants, auraient pu réclamer aux expropriants. A cet égard, la Cour rappelle qu'elle vient de constater que l'indemnisation accordée aux requérants n'était pas adéquate, vu son faible montant et l'absence de raisons d'utilité publique pouvant justifier une indemnisation inférieure à la valeur marchande du bien (Scordino c. Italie (no 1), précité, §§126-131).
42. Par ailleurs, l'application de la loi litigieuse ne repose pas sur un « intérêt général et impérieux » pouvant justifier l'effet rétroactif.
43. Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
3. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
44. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
45. Les requérants réclament une somme correspondant à celle qu'ils auraient obtenu si l'article 5 bis de la loi no 359 de 1992 n'avait pas été appliqué à leur cas, soit la différence entre la valeur marchande du terrain et le montant de l'indemnité accordée, plus intérêts. Ils fondent leurs prétentions sur l'expertise ordonnée en première instance, qui n'a pas été retenue par la cour d'appel (paragraphes 11, 14 et 15 ci-dessus).
46. Quant au dommage moral, les requérants s'en remettent à la sagesse de la Cour.
47. Le Gouvernement n'a pas commenté les prétentions des requérants.
48. S'inspirant des critères généraux énoncés dans sa jurisprudence relative à l'article 1 du Protocole no 1 (Scordino c. Italie (no 1) précité, §§ 93-98 ; Stornaiuolo c. Italie, no 52980/99, § 61, 8 août 2006 ; Mason et autres c. Italie (satisfaction équitable), no 43663/98, § 38, 24 juillet 2007), la Cour estime que l'indemnité d'expropriation adéquate en l'espèce aurait dû correspondre à la valeur marchande du bien au moment de la privation de celui-ci.
49. La Cour accepte par conséquent d'accorder une somme correspondant à la différence entre la valeur du terrain et l'indemnité obtenue par les requérants au niveau national. Celle-ci doit être assortie d'intérêts susceptibles de compenser, au moins en partie, le long laps de temps s'étant écoulé depuis la dépossession du terrain. Aux yeux de la Cour, ces intérêts devraient correspondre à l'intérêt légal simple appliqué sur le capital progressivement réévalué.
50. La Cour doit prendre en compte le fait que A.B., dont les requérants sont les héritiers, n'était propriétaire que pour trois quarts du terrain litigieux (paragraphe 5 ci-dessus). En l'absence d'indications contraires, la Cour estime que les requérants ne sont fondés à recevoir une satisfaction équitable qu'à concurrence de 75% par rapport à la valeur du terrain objet de la cause.
51. Elle accorde par conséquent un montant correspondant à la différence entre la valeur marchande du terrain en 1980, époque de l'expropriation, telle que retenue par la cour d'appel (paragraphe 15 ci-dessus), et l'indemnité obtenue au niveau national (paragraphe 16 ci-dessus), plus les intérêts susceptibles de compenser, au moins en partie, le long laps de temps s'étant écoulé depuis la dépossession du terrain.
52. Compte tenu de ces éléments, et statuant en équité, la Cour estime raisonnable d'accorder aux requérants conjointement la somme de 1 800 000 EUR, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt sur cette somme, pour préjudice matériel.
53. Quant au préjudice moral, dans les circonstances de l'espèce, la Cour estime que celui-ci est suffisamment réparé par le constat de violation (mutatis mutandis, Housing Association of War Disabled et Victims of War of Attica et autres c. Grèce (satisfaction équitable) no 35859/02, § 32, 27 septembre 2007).
B. Frais et dépens
54. Les requérants réclament le remboursement des frais de la procédure instituée contre le Ministère de la Justice au sens de la « loi Pinto » pour se plaindre de la durée excessive de la procédure. Le montant réclamé s'élève à 4 478, 73 EUR.
55. Le Gouvernement n'a pas présenté de commentaires sur ce point.
56. Selon la jurisprudence établie de la Cour, l'allocation des frais et dépens au titre de l'article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En outre, les frais de justice ne sont recouvrables que dans la mesure où ils se rapportent à la violation constatée (voir, par exemple, Beyeler c. Italie (satisfaction équitable) [GC], no 33202/96, § 27, 28 mai 2002 ; Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, § 105, CEDH 2003-VIII).
57. La Cour rappelle que, par sa décision du 1er avril 2004, elle a déclaré irrecevable le grief des requérants tiré de la durée de la procédure. Partant, les prétentions des requérants doivent être rejetées, car elles ne se rapportent pas aux violations constatées.
C. Intérêts moratoires
58. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Déclare le restant de la requête recevable ;
2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 ;
3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;
4. Dit
a) que l'Etat défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 1 800 000 EUR (un million huit cent mille euros) pour dommage matériel, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 10 juin 2008, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Sally Dollé Françoise Tulkens
Greffière Présidente