Conclusion Violation de l'art. 6-1 ; Violation de P1-1 ; Dommage matériel et préjudice moral - décision réservée
TROISIÈME SECTION
AFFAIRE BÄ‚LAÅžA c. ROUMANIE
(Requête no 21143/02)
ARRÊT
(fond)
STRASBOURG
20 avril 2010
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Bălaşa c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,
Elisabet Fura,
Corneliu Bîrsan,
Alvina Gyulumyan,
Egbert Myjer,
Ineta Ziemele,
Ann Power, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 23 mars 2010,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 21143/02) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. I. B. (« le requérant »), a saisi la Cour le 21 mai 2002 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.
3. Le 4 mars 2009, le président de la troisième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
4. Le requérant est né en 1941 et réside à Piteşti.
A. Genèse de l'affaire
5. En 1991, entra en vigueur la loi no 18/1991 sur le domaine foncier (« la loi no 18/1991 ») ayant pour objet la restitution, à leurs anciens propriétaires, de certains biens détenus par des personnes publiques.
6. Sur le fondement de cette loi, la mère du requérant sollicita auprès de la commission locale de la commune de Dîrmăneşti chargée de l'application de ladite loi (« la commission locale »), la restitution de plusieurs terrains situés sur le territoire de la commune et qui avaient constitué l'apport à la création d'une coopérative agricole de production.
7. La société A. (« la société »), succéda en application de la loi no 15/1990 au patrimoine de l'ancienne coopérative agricole de production, propriétaire du terrain.
8. Le 29 août 1991, la mère du requérant se vit délivrer une attestation de reconstitution de son droit de propriété sur un terrain de 5,7 hectares dans le cadre de la commune de Dîrmăneşti. Elle fut mise en possession, à la même date, de 5 hectares de terrain dans le périmètre du village de Piscani, de la même commune, au lieu nommé « Poiana Târgului ». Le 30 août 1991, la mère du requérant conclut avec ce dernier un contrat par lequel le requérant acquit la propriété d'un terrain agricole de 3,50 ha dans la commune de Dîrmăneşti. Par un contrat de vente du 14 janvier 1992, le requérant acheta à sa mère le restant du terrain, à savoir une surface de 1,50 ha dans la commune de Dîrmăneşti. Il y commença à bâtir une station service.
9. Le 29 novembre 1993 un titre de propriété fut délivré au nom du requérant et de sa mère pour une superficie totale de 5,7 hectares (« ha ») dans le village de Negreni (commune de Dîrmăneşti).
B. Action en revendication
10. Par un jugement du 26 janvier 1993, le tribunal de première instance de Câmpulung rejeta une action en revendication du terrain en cause introduite par la société contre le requérant. Le tribunal constata que cette dernière n'avait aucunement prouvé son droit de propriété sur le terrain en question, alors que la mère du requérant l'avait légalement acquis par reconstitution le 29 août 1991. En outre, le tribunal ajouta que par un jugement en référé du 27 mai 1992, le tribunal de première instance de Câmpulung avait enjoint la société de respecter le droit de propriété du requérant.
11. Ce jugement fut confirmé par un arrêt définitif du 14 mai 1994 du tribunal départemental d'Argeş.
C. Première demande en annulation du titre de propriété introduite par la société
12. Le 21 septembre 1995, la société introduisit contre le requérant, sa mère et les commissions locale et départementale chargées de l'application de la loi no 18/1991, une action en annulation du titre de propriété.
13. Par un arrêt définitif du 25 mars 1998, la cour d'appel de Piteşti rejeta l'action de la société. La cour d'appel fit valoir que la question de la propriété du terrain avait déjà été tranchée dans le cadre de l'action en revendication qui s'était achevée par l'arrêt du 14 mai 1994 et qui avait autorité de chose jugée, ce qui rendait inutile l'analyse de l'action introduite par la société. La cour constata néanmoins que la société n'avait pas versé au dossier le titre de son droit de propriété.
D. Deuxième demande introduite par la société tendant à la constatation de la nullité du titre de propriété
14. La société saisit le tribunal de première instance de Câmpulung d'une nouvelle action contre le requérant, sa mère et la commission départementale d'Argeş, tendant à faire constater la nullité du titre de propriété. La société faisait valoir que, dans le titre de propriété délivré le 29 novembre 1993, les 5,7 ha de terrain figuraient dans le village de Negreni, alors que la mise en possession avait été effectuée pour la superficie de 5 ha dans le village de Piscani à « Poiana Târgului ». Or, selon les mentions du registre foncier, le requérant et sa mère n'avaient jamais possédé de terrain dans ce village. A l'appui de ses prétentions, la société versa au dossier des renseignements fournis par la direction du recensement immobilier et du cadastre.
15. Au cours de la procédure, la mère du requérant décéda, et deux héritières se joignirent à la procédure. Le requérant excipa de l'autorité de la chose jugée et du défaut de qualité pour agir de la société, invoquant les arrêts des 14 mai 1994 et 25 mars 1998 par lesquels la société avait été déboutée de ses prétentions au motif qu'elle n'avait pas de droit de propriété sur le terrain litigieux.
16. S'appuyant sur les renseignements fournis par la direction du recensement immobilier et du cadastre, sur une expertise technique, et sur le registre agricole, le tribunal constata que le terrain en litige figurait dans le village de Piscani et qu'après réorganisation en vertu de la loi no 15/1990, la société qui avait succédé au patrimoine de l'ancienne coopérative agricole de production, propriétaire du terrain, avait obtenu en vertu de l'article 37 de la loi no 18/1991 le droit d'administrer ce terrain.
17. Par un jugement du 17 juin 1998, le tribunal de première instance de Câmpulung accueillit l'action de la société et, en vertu de l'article III, 1er alinéa, de la loi no 167/1997, annula partiellement le titre de propriété pour la superficie de 5 hectares sise à « Poiana Târgului ». Le tribunal conclut d'abord, par rapport aux arrêts des 14 mai 1994 et 25 mars 1998, qu'ils n'avaient pas l'autorité de la chose jugée, l'identité d'objet et de cause faisant défaut. Estimant que l'action en revendication et en annulation, débattues dans le cadre des procédures antérieures, avaient un régime juridique différent de l'action en constatation, le tribunal conclut par la suite, qu'en tout état de cause, l'objet était essentiellement différent, vu que la société était titulaire en vertu de l'article 37 de la loi d'un droit d'administrer le terrain et non pas d'un droit de propriété.
18. Les motifs du jugement indiquaient que la mise en possession des 5 ha à « Poiana Târgului » dans le village de Piscani, méconnaissait les dispositions de l'article 11 de la loi no 18/1991, et que la commission locale avait procédé à la mise en possession du requérant sur cet emplacement d'une manière illégale. Le tribunal faisait valoir également que le requérant aurait pu obtenir l'équivalent de cette superficie de terrain sous forme d'actions dans le cadre de la société en application de l'article 37 de la loi précitée.
19. Le requérant interjeta appel de ce jugement. Après une cassation avec renvoi, l'affaire fut enregistrée au rôle du tribunal départemental de Dâmboviţa.
20. Par un arrêt du 30 mars 2001 le tribunal départemental de Dâmboviţa rejeta l'appel du requérant et maintint le jugement du tribunal de première instance.
21. Sur recours du requérant, cet arrêt fut confirmé par un arrêt définitif du 26 novembre 2001 de la cour d'appel de Ploieşti.
E. Action introduite par le parquet près le tribunal de première instance de Câmpulung tendant à l'annulation du titre de propriété
22. Le parquet près le tribunal de première instance de Câmpulung introduisit devant le tribunal de première instance de Câmpulung en vertu de l'article III, a) de la loi no 169/1997 complétant la loi no 18/1991, une action tendant à l'annulation du même titre de propriété, ainsi que des actes de reconstitution et des actes subséquents par lesquels le requérant avait acquis le droit de propriété sur le terrain.
23. Le parquet fondait sa demande sur les conclusions d'une instruction menée à la suite d'une plainte formée par la société à l'encontre du requérant. Selon le parquet, l'instruction aurait confirmé l'illégalité du titre. L'objet de la plainte ne ressort pas clairement du dossier. Le parquet fit référence à cet égard à une ordonnance du 5 octobre 1999, par laquelle un procureur clôtura les poursuites en raison de la prescription de la responsabilité pénale.
24. A l'audience du 10 février 2000, l'avocat du requérant demanda à ce que toutes les preuves administrées devant le parquet soit présentées devant le tribunal en vue d'un débat contradictoire. Il faisait valoir notamment que les parties n'avaient pas été convoquées pour l'expertise. Selon l'avocat, les moyens de preuve invoqués par le parquet étaient des moyens extrajudiciaires, et l'audition des témoins et l'administration d'une expertise étaient de ce fait nécessaires.
25. Le tribunal rejeta la demande faite par l'avocat du requérant. Le tribunal décida qu'une nouvelle audition de témoins n'était pas nécessaire et pertinente dans le contexte de l'action qui visait la nullité absolue du titre de propriété en vertu de la loi no 169/1997. En outre, le tribunal jugea que le requérant n'avait pas présenté la demande d'expertise à la première audience consacrée aux conclusions sur le fond de l'affaire, en application des dispositions du code de procédure civile, et que la demande était de ce fait irrecevable. Suite au rejet de ces demandes, l'avocat du requérant forma une demande de récusation de tous les juges du tribunal départemental d'Argeş.
26. Par un jugement avant dire droit du 14 mars 2000, la Cour Suprême de Justice décida le renvoi de l'affaire devant une autre juridiction de même degré (strămutarea cauzei), le tribunal de première instance de Târgovişte, tout en validant les actes de procédure accomplis jusqu'au renvoi de l'affaire. Le 16 avril 2000 l'affaire fut enregistrée au rôle de ce tribunal.
27. A l'audience du 26 octobre 2000, l'avocat du requérant réitéra sa demande d'administration des preuves. Le parquet ne s'opposa pas à cette demande. Le tribunal rendit un jugement avant dire droit par lequel il rejeta la demande. Selon le tribunal, la question des preuves avait déjà été réglée, par le jugement avant dire droit du 10 février 2000, par lequel la demande du requérant avait été rejetée. Le jugement faisait valoir que le dossier était en état, toutes les preuves nécessaires ayant déjà été réunies.
28. Dans ses conclusions sur le fond de l'affaire le requérant allégua qu'il n'avait pas bénéficié de l'opportunité réelle de discuter les preuves, ni devant le parquet, ni pendant les débats devant le tribunal. Selon lui, les preuves administrées pendant l'instruction de la plainte pénale formée par la société n'avaient aucune valeur dans le litige civil. Le requérant reprocha au parquet d'avoir ignoré les principes régissant les litiges civils. Il allégua en outre que la question du droit de propriété sur le terrain avait déjà été tranchée avec l'autorité de la chose jugée dans le cadre des litiges antérieurs entre les parties.
29. Par un jugement du 7 novembre 2000, le tribunal de première instance de Târgovişte accueillit l'action du parquet et annula partiellement le titre du requérant pour une partie des 5 ha. Pour l'essentiel, le jugement du tribunal réitérait les motifs de la décision rendue dans le cadre de l'action en nullité introduite par la société, insistant sur le fait que le requérant et sa mère n'étaient pas en droit de se voir attribuer la propriété du terrain dans le village de Piscani, ce terrain faisant partie du domaine privé de l'État.
30. Le requérant interjeta appel de ce jugement invoquant le fait que le tribunal n'avait pas analysé et n'avait pas répondu à ses moyens de preuve et réitéra ses conclusions sur le fond de l'affaire. A cette occasion, le 28 février 2001, lors du dépôt des motifs d'appel, il sollicita du tribunal départemental l'examen des preuves et la possibilité pour lui de formuler sa défense.
31. Par un arrêt du 6 juin 2001, le tribunal départemental de Dâmboviţa rejeta l'appel comme mal fondé. Le tribunal conclut, sans autre précision que, même s'il n'avait pas pu présenter des témoins, le requérant avait toutefois bénéficié de la possibilité de présenter des documents à l'appui de ses prétentions. Cet arrêt fut confirmé en recours par un arrêt définitif du 26 novembre 2001 de la cour d'appel de Ploieşti.
F. Demande de révision de l'action en revendication
32. Le 10 juillet 2001, la société introduisit une demande de révision du jugement du 26 janvier 1993 par lequel son action en revendication avait été déclarée irrecevable. La société soutenait que la fin de non recevoir qui lui avait été opposée dans le cadre de l'action en revendication était le résultat de documents illégaux. Elle invoquait à cet égard le jugement du 7 novembre 2000 du tribunal de première instance de Târgovişte qui avait accueilli la demande du parquet tendant à l'annulation des actes rendus dans le cadre de la procédure administrative de reconstitution ainsi que du titre de propriété.
33. Par un arrêt définitif du 14 mars 2003, la cour d'appel de Piteşti fit droit partiellement à un recours du requérant et, constata qu'en vertu du contrat de concession conclu le 26 avril 2000 avec l'Agence pour les domaines de l'État (ADS), la société avait seulement le droit d'usage et d'exploitation du terrain. Par conséquent, la cour d'appel enleva du dispositif du jugement la mention concernant le respect du droit de propriété et ordonna au requérant de respecter la possession paisible du terrain.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
34. Dispositions pertinentes de la loi du fonds foncier no 18/1991, republiée au Moniteur Officiel du 5 janvier 1998, telles que modifiées par la loi no 169/1997 :
Article 8
« L'établissement du droit de propriété privée sur les terrains se trouvant dans le patrimoine des coopératives agricoles de production se fait dans les conditions de la présente loi, par la reconstitution ou la constitution du droit de propriété.
Bénéficient des dispositions de la présente loi les personnes qui étaient membres des coopératives et qui ont apporté leurs terrains lors de leur entrée dans la coopérative ou les personnes qui se sont vu confisquer des terrains par cette dernière, ainsi que leurs héritiers (...) »
Article 11
« (1) Dans chaque commune, une commission dirigée par le maire (...) est compétente pour la reconstitution du droit de propriété, la mise en possession et la délivrance des titres de propriété aux ayants droit.
(2) Les commissions locales déploient leurs activités sous la direction d'une commission départementale, nommée par ordre du préfet et dirigée par celui-ci.
(4) La commission départementale est compétente pour trancher les contestations et pour valider ou invalider les mesures adoptées par les commissions locales.
(5) L'intéressé peut introduire un recours auprès du tribunal contre la décision de la commission départementale (...) dans un délai de 30 jours à compter de la date à laquelle il a pris connaissance de cette décision.
(8) Le contrôle juridictionnel est limité exclusivement à l'application correcte des dispositions de la présente loi concernant le droit d'obtention du titre de propriété, l'étendue du terrain qui revient à l'intéressé, et, le cas échéant, l'exactitude de la diminution de cette surface, selon la loi. »
Article 37
« Les personnes dont les terrains agricoles sont devenus propriété d'État à la suite des lois spéciales, autres que celles d'expropriation, terrains qui se trouvent sous l'administration des unités agricoles d'État, peuvent devenir, sur demande, des actionnaires des sociétés commerciales créées en vertu de la loi no 15/1990 à la suite de la réorganisation des unités agricoles d'État (...)
(...) Le nombre d'actions sera proportionnel à la surface de terrain en équivalent arable entrée dans le patrimoine de l'État, sans dépasser 10 ha de terrain par famille, en équivalent arable. »
Article 60
« Les tiers qui ont été lésés dans leurs droits par une décision de la commission départementale ou par un ordre du préfet ou, de toute autre manière, par des actes administratifs antérieurs à l'ordre, comme dans le cas de propositions faites par le maire, et qui n'avaient pas intérêt à s'adresser à ces organes parce qu'ils avaient déjà un titre de propriété privé sur le terrain, ou qui ont vu leur droit reconnu selon la loi, ne peuvent engager que des actions de droit commun, pétitoires ou, le cas échéant, possessoires, spécialement l'action en revendication, et non pas la procédure indiquée dans ce chapitre [chapitre IV]. »
L'article 60 précité a été abrogé par la loi no 247/2005 le 25 juillet 2005.
35. La loi no 169/1997 modifiant et complétant la loi no 18/1991 sur le fonds foncier publiée au journal officiel no 299 du 4 novembre 1997 dispose notamment:
Article III
« (1) Sont frappés de nullité absolue, selon les dispositions législatives applicables à la date où l'acte juridique a été dressé, les actes suivants émis en méconnaissance de la loi no 18/1991 sur le fonds foncier :
a) les actes de reconstitution ou de constitution du droit de propriété en faveur de personnes physiques qui n'étaient pas en droit, en vertu de la loi, d'obtenir une telle reconstitution ou constitution (...) »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION
36. Le requérant se plaint de l'impossibilité de jouir de la parcelle de terrain inscrite sur son titre de propriété à la suite de l'annulation dudit titre, le 26 novembre 2001, par la cour d'appel de Piteşti, malgré la validation antérieure par les juridictions. Il invoque l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
37. Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.
A. Sur la recevabilité
38. La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
39. Le requérant affirme avoir reçu légalement en propriété le terrain litigieux, en vertu des lois de restitution en vigueur à l'époque des faits, à savoir la loi no 18/1991. Selon lui, à l'époque où la restitution a eu lieu, la législation n'imposait pas aux autorités administratives une obligation générale de restitution sur les anciens emplacements. Le requérant affirme que la même législation a permis aux autorités administratives de lui octroyer une superficie de terrain supérieure à celle antérieurement détenue par sa famille.
40. Le Gouvernement reconnaît qu'entre 1991 et 2000, le requérant a détenu 5,7 hectares de terrain inscrits dans le titre de propriété du 29 novembre 1993 et qu'à la suite de l'annulation en justice de ce titre de propriété aucun autre titre de propriété ne lui fut délivré. D'après le Gouvernement, la superficie de 5 hectares de terrain dans le périmètre du village de Piscani, concernée par le titre de propriété établi le 29 novembre 1993, ne devait pas être reconstituée, d'autant plus que les parents du requérant avaient le droit à la reconstitution de seulement 3,10 hectares dans le périmètre du village de Negreni. A l'appui de ses affirmations, le Gouvernement renvoie à la motivation du jugement du 7 novembre 2000, du tribunal de première instance de Târgovişte, selon laquelle le père du requérant n'a pas détenu en propriété le terrain litigieux, conformément à un procès-verbal établi le 16 mars 1949, portant sur la confiscation des biens d'O.C. Enfin, le Gouvernement considère que les tribunaux internes ont légalement décidé de la nullité partielle du titre de propriété du requérant, pour ce qui est des 5 hectares de terrain, ainsi que pour les actes subséquents (contrat de vente, viager, certificat attestant de la reconstitution du droit de propriété ainsi que le procès-verbal attestant de la mise en possession).
41. En l'espèce, la Cour estime que le fait que le requérant s'est vu délivrer un titre de propriété sur un terrain (voir § 9 ci-dessus) dont il a eu la possession et qu'il a exploité directement ou indirectement pendant plus de neuf ans, a suscité chez lui, à bon droit, l'assurance de pouvoir garder la possession effective et la jouissance du terrain. Dès lors, la Cour estime que le requérant avait un droit patrimonial s'analysant en un bien au sens de l'article 1 du Protocole no 1 et ce, nonobstant le fait que l'arrêt définitif du 26 novembre 2001 de la cour d'appel de Piteşti confirmant le jugement du 17 juin 1998 du tribunal de première instance de Câmpulung ait annulé le titre précité (voir, mutatis mutandis, Gashi c. Croatie, no 32457/05, § 22, 13 décembre 2007).
42. La Cour doit examiner les effets de cet arrêt sur le droit de propriété du requérant. A cet égard, elle relève que le requérant se trouve placé dans une situation d'incertitude totale quant à ce terrain, dans la mesure où le titre de propriété qui constituait le fondement de son droit a été annulé, de sorte que l'intéressé n'a actuellement aucune possibilité de disposer juridiquement du terrain. Il s'ensuit que l'arrêt en question a eu comme effet de priver l'intéressé de son bien au sens de la seconde phrase du premier alinéa de l'article 1 du Protocole no 1.
43. La Cour rappelle qu'une privation de propriété relevant de cette norme ne peut se justifier que si l'on démontre notamment qu'elle est intervenue pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi. De plus, toute ingérence dans la jouissance de la propriété doit répondre au critère de proportionnalité.
44. L'article 1 du Protocole no 1 exige, avant tout et surtout, qu'une ingérence de l'autorité publique dans la jouissance du droit au respect des biens soit légale. La prééminence du droit, l'un des principes fondamentaux d'une société démocratique, est inhérente à l'ensemble des articles de la Convention (Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 58, CEDH 1999-II). Le principe de légalité signifie l'existence de normes de droit interne suffisamment accessibles, précises et prévisibles (Belvedere Alberghiera S.R.L. c. Italie, no 31524/96, § 57, CEDH 2000-VI).
45. En l'espèce, la Cour observe que le tribunal de première instance de Târgovişte a fondé son constat relatif à la nullité du titre de propriété sur l'article III, 1er alinéa, de la loi no 167/1997, qui prévoyait la nullité absolue dans le cas où le droit de propriété avait été reconnu en faveur de personnes qui n'y avaient pas droit.
46. Étant donné qu'il appartient au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et tribunaux, d'interpréter la législation interne (voir, parmi beaucoup d'autres, Miragall Escolano et autres c. Espagne, nos 38366/97, 38688/97, 40777/98, 40843/98, 41015/98, 41400/98, 41446/98, 41484/98, 41487/98 et 41509/98, § 33, CEDH 2000-I), la Cour dispose d'une compétence limitée en la matière. Dès lors, elle n'estime pas nécessaire de se pencher sur l'interprétation faite par le tribunal de première instance de Târgovişte de la preuve du droit de propriété sur le terrain litigieux.
47. Elle relève toutefois que ce n'est qu'en 1997 que la loi no 169 portant sur la modification de la loi no 18/1991 a prévu la nullité susmentionnée et que le tribunaux ont fait l'application de cette sanction à l'égard du titre de propriété en question, bien que ce dernier soit daté de 1993, soit environ quatre ans avant l'adoption de la loi no 169/1997. De plus, la Cour relève que ce n'est que le 26 avril 2000, soit sept ans après la délivrance du titre de propriété en faveur du requérant, que la société obtint un droit de concession sur le même terrain, alors que le requérant en était le propriétaire légitime. La Cour observe également qu'avant son annulation par le tribunal de première instance de Câmpulung, le titre de propriété du requérant avait été confirmé deux fois par les tribunaux internes, soit les 14 mai 1994 et 25 mars 1998 (cf. §§ 11 et 13 ci-dessus). Enfin, dans le cadre de la procédure en révision, le 14 mars 2003, la cour d'appel de Piteşti déclara que le droit de la société se limitait au droit d'usage et d'exploitation et enleva du dispositif du jugement du 7 novembre 2000 la mention relative au droit de propriété de la société sur le terrain litigieux (cf. §§ 32 et 33 ci-dessus).
48. La Cour note également que le terrain en question a fait l'objet d'une mise en possession, le 29 août 1991, par les autorités administratives locales, confirmée par les tribunaux internes suite au rejet d'une action en revendication et d'une première action en annulation du même titre. Dans la mesure où il ne ressort aucunement des pièces du dossier que le requérant aurait agi d'une manière illégale afin de se voir accorder le terrain en question (Gashi, précité, § 37) et où il appartenait aux autorités de vérifier si les exigences requises par la loi étaient réunies avant d'adopter les décisions en question (voir, mutatis mutandis, Drăculeţ c. Roumanie, no 20294/02, § 40, 6 décembre 2007), la Cour estime que l'intéressé ne pouvait pas raisonnablement s'attendre à ce que son titre de propriété puisse être annulé plus de huit ans après sa délivrance et ce, en application d'une nouvelle loi établissant une telle sanction.
49. Au vu de ce qui précède et compte tenu des circonstances de l'espèce, la Cour estime que l'annulation dudit titre de propriété ne pouvait passer pour prévisible aux yeux du requérant (voir, mutatis mutandis, Fener Rum Erkek Lisesi Vakfı c. Turquie, no 34478/97, § 57, CEDH 2007-... (extraits)).
50. La Cour peut accepter que l'annulation dudit titre fût nécessaire pour assurer la reconstitution du droit de propriété des tiers, sans quoi ces derniers auraient également pu se plaindre d'une violation de leur droit de propriété, dans la mesure où ils avaient le droit de se voir délivrer un titre de propriété (a contrario, Gashi précité, § 40). Cependant, la Cour rappelle avoir jugé que l'atténuation de certaines atteintes ne doit pas créer de nouveaux torts disproportionnés (voir, mutatis mutandis, Pincová et Pinc, no 36548/97, CEDH 2002-VIII, § 58, et Raicu c. Roumanie, no 28104/03, § 25, 19 octobre 2006) et que les erreurs des autorités administratives ne doivent pas être supportées exclusivement par les particuliers en cause. Il ne revient pas au bénéficiaire d'un titre administratif de propriété non contesté et qui a eu la possession d'un terrain pendant plus de huit ans de supporter les conséquences du système administratif mis en place.
51. La Cour a jugé que l'individu privé de propriété doit en principe obtenir une indemnisation « raisonnablement en rapport avec la valeur du bien » dont il a été privé, même si « des objectifs légitimes « d'utilité publique » (...) peuvent militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur marchande » (ibidem). Il en résulte que l'équilibre susmentionné est en règle générale atteint lorsque l'indemnité versée à l'exproprié est raisonnablement en rapport avec la valeur « vénale » du bien, telle que déterminée au moment où la privation de propriété est réalisée (cf. Pincová et Pinc, précité, § 53). Or, en l'espèce, force est de constater que, malgré l'annulation de son titre de propriété sur le terrain litigieux pour des raisons imputables aux autorités administratives locales, le requérant n'a reçu ni d'indemnité, ni de terrain équivalent.
52. Il en résulte que le requérant ont eu à supporter une charge spéciale et exorbitante qui a rompu le juste équilibre devant régner entre, d'une part, les exigences de l'intérêt général et, d'autre part, la sauvegarde du droit au respect des biens.
Il y a donc eu violation de l'article 1 du Protocole no 1.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
53. Le requérant invoque une atteinte aux principes d'égalité des armes et du contradictoire, en raison du refus des tribunaux d'accueillir des offres des preuves dans la procédure en annulation de son titre de propriété initiée par le parquet et terminée par l'arrêt définitif du 26 novembre 2001 de la cour d'appel de Ploieşti. Il invoque l'article 6 § 1 de la Convention qui se lit comme suit :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A. Sur la recevabilité
54. La Cour rappelle que, pour que l'article 6 § 1 trouve à s'appliquer en son volet « civil », il faut qu'il y ait « contestation » sur un « droit » de « nature civile » que l'on peut prétendre, au moins de manière défendable, reconnu en droit interne. Il doit s'agir d'une « contestation » réelle et sérieuse ; elle peut concerner aussi bien l'existence même d'un droit que son étendue ou ses modalités d'exercice. L'issue de la procédure doit être directement déterminante pour le droit en question : un lien ténu ou des répercussions lointaines ne suffisent pas à faire entrer en jeu l'article 6 § 1 (voir, par exemple, l'arrêt Athanassoglou et autres c. Suisse [GC], no 27644/95, § 43, CEDH 2000-IV).
55. La Cour note qu'en l'espèce, l'existence d'une contestation portant sur un droit reconnu en droit interne ne prête pas à controverse.
56. La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
57. Le requérant confirme que les témoins furent entendus par le parquet mais soutient qu'il n'a pas été impliqué dans cette procédure afin de pouvoir les interroger. Il rappelle que la procédure pénale instituée à son encontre fut close pour prescription (voir § 23). Enfin, le requérant affirme que les tribunaux internes ont basé leurs décisions sur des preuves examinées dans le cadre d'une autre procédure, sans lui donner aucune possibilité de les contester.
58. Le Gouvernement soutient que les parties à cette procédure ont bénéficié des droits procéduraux en toute légalité et ont pu débattre de manière contradictoire toutes les allégations de l'autre partie.
59. Il ajoute que, par le jugement avant dire droit du 10 février 2000, le tribunal de première instance de Câmpulung rejeta une demande formulée par le représentant du requérant tendant à une nouvelle audition des témoins et à une nouvelle expertise judiciaire car il s'agissait de preuves déjà examinées par le parquet, lors de l'enquête pénale. D'après le Gouvernement, le tribunal de première instance jugea qu'une nouvelle audition des témoins ne s'imposait pas en l'espèce, car elle était non pertinente et non nécessaire dans le cas d'une action en annulation formée en vertu de la loi no 169/1997. Pour ce qui est de la demande tendant à une nouvelle expertise technique, le Gouvernement affirme qu'une telle demande aurait dû être formulée, conformément à l'article 108, troisième alinéa, du code de procédure civile, avant l'audience consacrée aux conclusions sur le fond de l'affaire, et que, de ce fait, le tribunal a jugé comme irrecevable une telle demande. Selon le Gouvernement, après le renvoi de l'affaire, le 14 mars 2000, devant le tribunal de première instance, cette dernière juridiction n'avait pas compétence pour reprendre la question des preuves. Le Gouvernement indique que lors de l'audience du 6 juin 2001, devant le tribunal d'appel, le représentant du requérant n'a pas réitéré sa demande d'examen des preuves. Selon le Gouvernement, cette dernière demande fut à nouveau formulée le 19 novembre 2001, en recours, devant la cour d'appel de Ploieşti.
60. Le Gouvernement fait valoir que l'arrêt du 6 juin 2001 du tribunal départemental de Dâmboviţa, confirmé par la cour d'appel de Ploieşti, fut prononcé à la suite de l'entrée en vigueur de l'Ordonnance du Gouvernement (« OUG ») no 138/2000 portant sur la modification du code de procédure civile. D'après le Gouvernement, après la modification de ce code, le renvoi d'une affaire devant une juridiction inférieure pour un nouvel examen n'était plus possible. Le Gouvernement indique que le requérant avait la possibilité, offerte par l'article 295 du code de procédure civile, de solliciter un nouvel examen des preuves vu le caractère dévolutif de la voie de recours.
61. Enfin, le Gouvernement affirme que les tribunaux internes n'ont pas refusé d'examiner les preuves proposées par le requérant, mais ont basé leurs décisions sur des preuves spécifiques à une action en annulation, à savoir les documents. Par conséquent, le Gouvernement prie la Cour de constater que le grief du requérant est manifestement mal fondé.
62. La Cour rappelle que le principe de l'égalité des armes est l'un des éléments de la notion plus large de procès équitable, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention. Il exige un « juste équilibre » entre les parties : chacune doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires (voir, parmi d'autres, les arrêts Ankerl c. Suisse, 23 octobre 1996, Recueil 1996-V, pp. 1567-1568, § 38, Nideröst-Huber c. Suisse, 18 février 1997, Recueil 1997-I, pp. 107-108, § 23, et Kress c. France [GC], no 39594/98, § 72, CEDH 2001-VI).
63. Or, en l'espèce, la Cour note que la procédure litigieuse n'a pas offert au requérant une telle faculté. Il convient d'observer que le 10 février 2000, le tribunal de première instance de Câmpulung rejeta la demande d'examen de preuves formulée par le représentant du requérant (cf. § 25 ci-dessus). La Cour note également le refus, par le tribunal de première instance de Târgovişte, d'examiner les preuves proposées par le représentant du requérant, motivé par le rejet initial du tribunal de première instance de Câmpulung (cf. § 28 ci-dessus).
64. Pour ce qui est des allégations du Gouvernement relatives à la tardiveté de la demande de nouvelle expertise du requérant, la Cour observe qu'il incombait aux tribunaux de première instance, qui choisirent d'utiliser, entre autres, les conclusions d'une expertise effectuée dans le cadre d'une instruction pénale, de les soumettre pour discussion aux parties et de leur permettre de les contester. Or, il ressort clairement des éléments du dossier que le requérant n'a jamais eu cette possibilité. De plus, prenant en considération le fait qu'il s'agissait des preuves antérieurement examinées par le parquet, et que cette dernière institution était partie défenderesse dans le cadre de la présente action civile, une plus grande vigilance afin de respecter le principe d'égalité des armes et du contradictoire s'imposait. Quant à l'argument concernant la possibilité pour le requérant de solliciter, en vertu de l'article 295 du Code de procédure civile, un nouvel examen des preuves, en appel, la Cour observe que, contrairement aux affirmations du Gouvernement, une telle demande fut déposée par le requérant, le 28 février 2001, lors des motifs d'appel, et que le tribunal départemental ne donna aucune suite à cette demande.
65. La Cour note également que le tribunal de première instance de Târgovişte et ensuite le tribunal départemental de Dâmboviţa et la cour d'appel de Piteşti se sont contentés de prendre en considération les constats dans le cadre des poursuites pénales entamées contre le requérant comme seuls moyens de preuve pour vérifier la légalité du titre de propriété du requérant, sans les soumettre à leur propre contrôle, bien qu'aucune juridiction n'ait eu la possibilité de se pencher sur les accusations faites à l'encontre du requérant par le parquet. Pour ce qui est de l'instruction dont le requérant fit l'objet, la Cour rappelle qu'elle a déjà conclu qu'avant le 1er juillet 2004, aucune disposition du droit roumain ne permettait de contester devant un tribunal une décision rendue par un procureur (Rupa c. Roumanie (déc.), no 58478/00, 14 décembre 2004 ; Kalanyos et autres c. Roumanie (déc.), no 57884/00, 19 mai 2005 ; et Dumitru Popescu c. Roumanie (no 1), no 49234/99, §§ 52-53, 26 avril 2007). Le requérant était, dès lors, dans l'impossibilité de soumettre au contrôle d'un tribunal les investigations pénales effectuées à son encontre.
66. Cette situation a eu pour conséquence de priver le requérant de toute possibilité de répliquer aux allégations de la partie défenderesse. Or une telle possibilité peut s'avérer nécessaire, dès lors que le droit à une procédure contradictoire implique, pour une partie, la faculté de discuter les observations produites par l'autre (voir, parmi d'autres, l'arrêt Ruiz-Mateos c. Espagne du 23 juin 1993, série A no 262, p. 25, § 63).
67. Qui plus est, ni le tribunal départemental ni la cour d'appel n'ont répondu aux arguments invoqués par le requérant dans son recours. Ils n'ont fait que reprendre mot pour mot la justification donnée par le tribunal de première instance quant au rejet de l'offre de preuve faite par le requérant (voir aussi, mutatis mutandis, Albina c. Roumanie, no 57808/00, § 33, 28 avril 2005 et Boldea c. Roumanie, no 19997/02, § 33, CEDH 2007-... (extraits)).
68. Partant, la Cour estime que, dans les circonstances de l'espèce, la procédure en annulation du titre de propriété du requérant, initiée par le parquet et terminée par l'arrêt du 26 novembre 2001 de la cour d'appel de Ploieşti n'a pas été équitable.
Il y a donc eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
III. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLEGUÉES
69. Citant l'article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la méconnaissance des principes d'indépendance et impartialité, de la durée excessive et de la sécurité des rapports juridiques concernant la procédure civile annulation de son titre de propriété, initiée par la société et terminée par l'arrêt du 26 novembre 2001, de la cour d'appel de Ploieşti.
70. Vu son raisonnement et la conclusion à laquelle elle est parvenue sur le terrain de l'article 1 du Protocole no 1, la Cour ne juge pas nécessaire d'examiner ces griefs séparément.
IV. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
71. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
72. Le requérant réclame 311 850 000 de lei roumains (« ROL ») soit, d'après les calculs effectués par le requérant, environ 180 090 dollars américains (« USD ») pour la valeur vénale du terrain litigieux. Il n'a pas soumis, dans le délai qui lui a été accordé, des justificatifs et/ou des expertises à l'appui de sa demande. Le requérant sollicite également la réparation du préjudice moral pour un montant qu'il laisse à l'appréciation de la Cour.
73. Le Gouvernement s'oppose à l'octroi d'un dédommagement matériel et invoque l'absence de tout justificatif en ce sens de la part du requérant. D'après le Gouvernement, la vraie valeur des 311 850 000 ROL sollicités par le requérant, après conversion en euros (« EUR ») serait de 7 252 EUR.
74. La Cour estime que la question de l'application de l'article 41 sur ce point ne se trouve pas en état, de sorte qu'il convient de la réserver en tenant également compte de l'éventualité d'un accord entre l'État défendeur et l'intéressé (article 75 §§ 1 et 4 du règlement de la Cour).
B. Frais et dépens
75. Le requérant demande également le remboursement des frais et dépens engagées à l'occasion des procédures internes et devant la Cour pour un montant qu'il laisse à l'appréciation de la Cour.
76. Le Gouvernement observe que le requérant n'a fourni aucun justificatif pour faire la preuve des frais et dépens encourus. Il ne s'oppose pas au remboursement de ceux-ci, sous condition qu'ils soient prouvés, nécessaires et qu'ils aient un lien avec l'affaire.
77. La Cour rappelle qu'au regard de l'article 41 de la Convention seuls peuvent être remboursés les frais dont il est établi qu'ils ont été réellement exposés, qu'ils correspondaient à une nécessité et qu'ils sont d'un montant raisonnable (voir, entre autres, Nikolova c. Bulgarie [GC], no 31195/96, § 79, CEDH 1999-II).
78. Compte tenu du fait que le requérant n'a pas justifié les frais et dépens exposés, la Cour décide de ne lui allouer aucune somme à ce titre.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Déclare recevables les griefs tirés des articles 1 du Protocole no 1 à la Convention et 6 § 1 de la Convention concernant le respect des principes d'égalité des armes et du contradictoire ;
2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 Ã la Convention ;
3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;
4. Dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner séparément les autres griefs formulés par le requérant ;
5. Dit que la question de l'article 41 ne se trouve pas en l'état ;
en conséquence :
a) la réserve en ce qui concerne les demandes au titre du dommage matériel et moral ;
b) invite le Gouvernement et le requérant à lui adresser par écrit, dans le délai de six mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention, leurs observations sur cette question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir ;
c) réserve la procédure ultérieure et délègue au président de la chambre le soin de la fixer au besoin ;
6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour ce qui est de la demande des frais et dépens.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 20 avril 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago Quesada Josep Casadevall
Greffier Président