Conclusion Violation de P1-1 ; Exception préliminaire rejetée (tardiveté) ; Non-lieu à examiner l'art. 6-1 ; Satisfaction équitable réservée
PREMIERE SECTION
AFFAIRE ACCIARDI ET CAMPAGNA c. ITALIE
(Requête no 41040/98)
ARRÊT
STRASBOURG
19 mai 2005
DÉFINITIF
12/10/2005
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Acciardi et Campagna c. Italie,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
MM. C.L. Rozakis, président,
P. Lorenzen,
Mme N. Vajić,
M. A. Kovler,
Mme E. Steiner,
M. K. Hajiyev, juges,
Mme M. Del Tufo, juge ad hoc,
et de M. S. Quesada, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 28 avril 2005,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 41040/98) dirigée contre la République italienne et dont deux ressortissants de cet Etat, MM. G. A. et E. C. (« les requérants »), avaient saisi la Commission européenne des Droits de l'Homme (« la Commission ») le 4 avril 1998 en vertu de l'ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants sont représentés par Me M. de S. avocat à Rome. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. I.M. Braguglia, et par son coagent, M. F. Crisafulli.
3. Les requérants alléguaient en particulier une atteinte injustifiée à leur droit au respect de leurs biens (article 1 du Protocole no1).
4. La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d'entrée en vigueur du Protocole no 11 à la Convention (article 5 § 2 du Protocole no 11).
5. La requête a été attribuée à la première section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d'examiner l'affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l'article 26 § 1 du règlement. A la suite du déport de M.V. Zagrebelsky, juge élu au titre de l'Italie (article 28), le Gouvernement a désigné Mme M. del Tufo pour siéger en qualité de juge ad hoc, pour siéger à sa place (articles 27 § 2 de la Convention et 29 § 1 du règlement).
6. Par une décision du 6 avril 2004, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable.
7. Le 1er novembre 2004, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la première section ainsi remaniée (article 52 § 1).
8. Tant les requérants que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l'affaire (article 59 § 1 du règlement). La chambre ayant décidé après consultation des parties qu'il n'y avait pas lieu de tenir une audience consacrée au fond de l'affaire (article 59 § 3 in fine du règlement), les parties ont chacune soumis des commentaires écrits sur les observations de l'autre.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
9. Les requérants sont propriétaires d'un terrain sis à Amendolara Marina (Cosenza).
10. Le 17 août 1976, un projet de construction d'une route nationale élaboré par l'institut national des routes (ANAS) fut approuvé par l'administration compétente.
11. Par un arrêté du 11 mars 1977, valant déclaration d'utilité publique, le préfet de Cosenza autorisa l'ANAS à occuper une partie du terrain, en vue de la construction d'une route nationale. Le délai d'occupation, initialement autorisé pour deux ans, fut reporté au 10 mars 1981, et puis au 14 mars 1984.
12. Il ressort du dossier que les travaux de construction de la route se terminèrent le 9 août 1980. Les requérants exposent avoir attendu, en vain, que l'administration formalise l'expropriation et procède à l'indemnisation.
13. Par un acte notifié le 24 janvier 1985, les requérants introduisirent une action en dommages-intérêts à l'encontre de l'ANAS devant le tribunal civil de Catanzaro. Les requérants alléguaient que malgré que les travaux de construction fussent terminés en 1980, aucun décret d'expropriation et aucune indemnisation n'étaient intervenus. En outre, ils alléguaient que l'occupation du terrain, qui concernait une surface d'environ 65 000 mètres carrés, était devenue illégale depuis plus d'un an. Se référant au principe de l'expropriation indirecte fixé par la Cour de cassation dans l'arrêt no 1464 du 26 février 1983, les requérants invitaient le tribunal à déclarer que la construction de la route avait à un tel point transformé leur terrain qu'elle avait entraîné la perte irréversible du bien. Les requérants réclamaient des dommages-intérêts pour la perte du terrain, à concurrence de la valeur de celui-ci ; en outre, ils réclamaient une somme pour le préjudice causé quant à la partie restante de leur terrain ; enfin, ils réclamaient une réparation pour non jouissance du terrain pendant la période d'occupation autorisée.
14. Le 4 février 1985, le Préfet ordonna la publication du plan d'expropriation (« piano particellare di esproprio ») au tableau de la mairie d'Amendolara. Le plan prévoyait une indemnité d'expropriation de 21 584 500 lire italiennes (ITL) en faveur des requérants.
15. La première audience fut fixée au 15 mars 1985, date à laquelle l'ANAS se constitua dans la procédure. La partie défenderesse alléguait que l'occupation du terrain avait été prorogée jusqu'en mars 1985.
16. Par une ordonnance du 27 novembre 1987, le tribunal ordonna une expertise. L'expert déposa son rapport le 3 août 1989. Il ressort de ce rapport que le terrain avait été irréversiblement transformé par les travaux publics le 9 août 1980. A cette époque, le terrain valait 1 195 900 000 ITL. En 1985, le terrain valait 3 511 198 500 ITL.
17. Les requérants déposèrent une expertise en novembre 1994. Selon leur expert, l'occupation légale avait pris fin le 13 mars 1985. Les travaux s'étaient terminés le 9 août 1980. La valeur du terrain était de 1 586 200 000 ITL en 1985, et de 475 622 000 au début de la période d'occupation, soit 1977. Quant à la surface qui avait été occupée, l'expert précisa qu' il s'agissait initialement de 77 560 mètres carrés, puis de 84 800 mètres carrés, mais que, à la fin des travaux, seuls 57 115 mètres carrés étaient définitivement occupés.
18. Le 5 novembre 2001, un nouvel expert fut commis par le tribunal de Catanzaro. Les questions à éclaircir visaient notamment la surface exacte de terrain occupé, la valeur de celui-ci au début de l'occupation et à la fin de l'occupation autorisée.
19. En févier 2005, la partie requérante a fait savoir que la procédure était toujours pendante en première instance.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
a) L'occupation d'urgence d'un terrain
20. En droit italien, la procédure accélérée d'expropriation permet à l'administration d'occuper un terrain et d'y construire avant l'expropriation. Une fois l'ouvrage à réaliser déclaré d'utilité publique et le projet de construction adopté, l'administration peut décréter l'occupation d'urgence des zones à exproprier pour une durée déterminée n'excédant pas cinq ans (article 20 de la loi no 865 de 1971). Ce décret devient caduc si l'occupation matérielle du terrain n'a pas lieu dans les trois mois suivant sa promulgation. Avant la fin de la période d'occupation autorisée, un décret d'expropriation formelle doit être pris.
21. L'occupation autorisée d'un terrain donne droit à une indemnité d'occupation. La Cour constitutionnelle a reconnu, dans son arrêt no 470 de 1990, un droit d'accès immédiat à un tribunal aux fins de réclamer l'indemnité d'occupation dès que le terrain est matériellement occupé, sans besoin d'attendre que l'administration procède à une offre d'indemnisation.
b) Le principe de l'expropriation indirecte (« occupazione acquisitiva » ou « accessione invertita »)
22. Dans les années 1970, plusieurs administrations locales procédèrent à des occupations d'urgence de terrains qui ne furent pas suivies de décrets d'expropriation. Les juridictions italiennes se trouvèrent confrontées à des cas où le propriétaire d'un terrain avait perdu de facto la disponibilité de celui-ci en raison de l'occupation et de l'accomplissement de travaux de construction d'un ouvrage public. Restait à savoir si, simplement par l'effet des travaux effectués, l'intéressé avait perdu également la propriété du terrain.
1. La jurisprudence avant l'arrêt no 1464 de 1983 de la Cour de cassation
23. La jurisprudence était très partagée sur le point de savoir quels étaient les effets de la construction d'un ouvrage public sur un terrain occupé illégalement. Par occupation illégale, il faut entendre une occupation illégale ab initio, ou bien une occupation initialement autorisée et devenue sans titre par la suite, le titre étant annulé ou bien l'occupation se poursuivant au-delà de l'échéance autorisée sans qu'un décret d'expropriation ne soit intervenu.
24. Selon une première jurisprudence, le propriétaire du terrain occupé par l'administration ne perdait pas la propriété du terrain après l'achèvement de l'ouvrage public. Toutefois, il ne pouvait pas demander une remise en l'état du terrain et pouvait uniquement engager une action en dommages et intérêts pour occupation abusive, non soumise à un délai de prescription puisque l'illégalité découlant de l'occupation était permanente. L'administration pouvait à tout moment adopter une décision formelle d'expropriation ; dans ce cas, l'action en dommages-intérêts se transformait en litige portant sur l'indemnité d'expropriation et les dommages-intérêts n'étaient dus que pour la période antérieure au décret d'expropriation pour la non-jouissance du terrain (voir, entre autres, les arrêts de la Cour de cassation no 2341 de 1982, no 4741 de 1981, no 6452 et no 6308 de 1980).
25. Selon une deuxième jurisprudence, le propriétaire du terrain occupé par l'administration ne perdait pas la propriété du terrain et pouvait demander la remise en l'état, lorsque l'administration avait agi sans qu'il y ait utilité publique (voir, par exemple, Cour de cassation, arrêt no 1578 de 1976, arrêt no 5679 de 1980).
26. Selon une troisième jurisprudence, le propriétaire du terrain occupé par l'administration perdait automatiquement la propriété du terrain au moment de la transformation irréversible du bien, à savoir au moment de l'achèvement de l'ouvrage public. L'intéressé avait le droit de demander des dommages-intérêts (voir l'arrêt no 3243 de 1979 de la Cour de cassation).
2. L'arrêt no 1464 de 1983 de la Cour de cassation
27. Par un arrêt du 16 février 1983, la Cour de cassation, statuant en chambres réunies, résolut le conflit de jurisprudence et adopta la troisième solution. Ainsi fut consacré le principe de l'expropriation indirecte (accessione invertita ou occupazione acquisitiva). En vertu de ce principe, la puissance publique acquiert ab origine la propriété d'un terrain sans procéder à une expropriation formelle lorsque, après l'occupation du terrain, et indépendamment de la légalité de l'occupation, l'ouvrage public a été réalisé. Lorsque l'occupation est ab initio sans titre, le transfert de propriété a lieu au moment de l'achèvement de l'ouvrage public. Lorsque l'occupation du terrain a initialement été autorisée, le transfert de propriété a lieu à l'échéance de la période d'occupation autorisée. Dans le même arrêt, la Cour de cassation précisa que, dans tous les cas d'expropriation indirecte, l'intéressé a droit à une réparation intégrale, l'acquisition du terrain ayant eu lieu sans titre. Toutefois, cette réparation n'est pas versée automatiquement; il incombe à l'intéressé de réclamer des dommages-intérêts. En outre, le droit à réparation est assorti du délai de prescription prévu en cas de responsabilité délictuelle, à savoir cinq ans, commençant à courir au moment de la transformation irréversible du terrain.
3. La jurisprudence après l'arrêt no 1464 de 1983 de la Cour de cassation
a) La prescription
28. Dans un premier temps, la jurisprudence considérait qu'aucun délai de prescription ne trouvait à s'appliquer, puisque l'occupation sans titre du terrain constituait un acte illégal continu. La Cour de cassation, dans son arrêt no 1464 de 1983, affirma que le droit à réparation était soumis à un délai de prescription de cinq ans. Par la suite, la première section de la Cour de cassation affirma qu'un délai de prescription de dix ans devait s'appliquer (arrêts no 7952 de 1991 et no 10979 de 1992). Par un arrêt du 22 novembre 1992, la Cour de cassation statuant en chambres réunies a définitivement tranché la question, estimant que le délai de prescription est de cinq ans et qu'il commence à courir au moment de la transformation irréversible du terrain.
b) L'arrêt no 188 de 1995 de la Cour constitutionnelle
29. Dans cet arrêt, la Cour constitutionnelle a jugé compatible avec la Constitution le principe de l'expropriation indirecte, dans la mesure où ce principe est ancré dans une disposition législative, à savoir l'article 2043 du code civil régissant la responsabilité délictuelle. Selon cet arrêt, le fait que l'administration devienne propriétaire d'un terrain en tirant bénéfice de son comportement illégal ne pose aucun problème sur le plan constitutionnel, puisque l'intérêt public, à savoir la conservation de l'ouvrage public, l'emporte sur l'intérêt du particulier, et donc sur le droit de propriété de ce dernier. La Cour constitutionnelle a jugé compatible avec la Constitution l'application à l'action en réparation du délai de prescription de cinq ans, tel que prévu par l'article 2043 du code civil pour responsabilité délictuelle.
c) Cas de non-application du principe de l'expropriation indirecte
30. Les développements de la jurisprudence montrent que le mécanisme par lequel la construction d'un ouvrage public entraîne le transfert de propriété du terrain au bénéfice de l'administration connaît des exceptions.
31. Dans son arrêt no 874 de 1996, le Conseil d'Etat a affirmé qu'il n'y a pas d'expropriation indirecte lorsque les décisions de l'administration et le décret d'occupation d'urgence ont été annulés par les juridictions administratives ; si tel n'était pas le cas, la décision judiciaire serait vidée de substance.
32. Dans son arrêt no 1907 de 1997, la Cour de cassation statuant en chambres réunies a affirmé que l'administration ne devient pas propriétaire d'un terrain lorsque les décisions qu'elle a adoptées et la déclaration d'utilité publique doivent être considérées comme nulles ab initio. Dans ce cas, l'intéressé garde la propriété du terrain et peut demander la restitutio in integrum. Il peut, comme alternative, demander des dommages-intérêts. L'illégalité dans ces cas a un caractère permanent et aucun délai de prescription ne trouve application.
33. Dans l'arrêt no 6515 de 1997, la Cour de cassation statuant en chambres réunies a affirmé qu'il n'y a pas de transfert de propriété lorsque la déclaration d'utilité publique a été annulée par les juridictions administratives. Dans ce cas, le principe de l'expropriation indirecte ne trouve donc pas à s'appliquer. L'intéressé, qui garde la propriété du terrain, a la possibilité de demander la restitutio in integrum. L'introduction d'une demande en dommages-intérêts entraîne une renonciation à la restitutio in integrum. Le délai de prescription de cinq ans commence à courir au moment où la décision du juge administratif devient définitive.
34. Dans l'arrêt no 148 de 1998, la première section de la Cour de cassation a suivi la jurisprudence des chambres réunies et affirmé que le transfert de propriété par effet de l'expropriation indirecte n'a pas lieu lorsque la déclaration d'utilité publique à laquelle le projet de construction était assorti a été considérée comme invalide ab initio.
35. Dans l'arrêt no 5902 de 2003, la Cour de cassation en chambres réunies a réaffirmé qu'il n'y a pas de transfert de propriété en l'absence de déclaration d'utilité publique valide.
36. Il convient de comparer cette jurisprudence avec la loi no 458 de 1988 (voir §§ 37-38 ci-dessous) et avec le Répertoire des dispositions sur l'expropriation, entré en vigueur le 30 juin 2003 (voir § 47 ci-dessous).
4. La loi no458 du 27 octobre 1988
37. Aux termes de l'article 3 de cette loi, « Le propriétaire d'un terrain, utilisé pour la construction de bâtiments publics et de logements sociaux, a droit à la réparation du dommage subi, à la suite d'une expropriation déclarée illégale par une décision passée en force de chose jugée, mais ne peut prétendre à la restitution de son bien. Il a également droit, en plus de la réparation du dommage, aux sommes dues en raison de la dépréciation monétaire et à celles mentionnées à l'article 1224 § 2 du code civil et ceci à compter du jour de l'occupation illégale ».
38. Interprétant l'article 3 de la loi de 1988, la Cour constitutionnelle, dans son arrêt du 12 juillet 1990 (n° 384), a considéré : « Par la disposition attaquée, le législateur, entre l'intérêt des propriétaires des terrains - obtenir en cas d'expropriation illégale la restitution des terrains - et l'intérêt public - concrétisé par la destination de ces biens à des finalités de constructions résidentielles publiques à des conditions favorables ou conventionnées - a donné la priorité à ce dernier intérêt ».
5. Le montant de la réparation en cas d'expropriation indirecte
39. Selon la jurisprudence de 1983 de la Cour de cassation en matière d'expropriation indirecte, une réparation intégrale du préjudice subi, sous forme de dommages-intérêts pour la perte du terrain, était due à l'intéressé en contrepartie de la perte de propriété qu'entraîne l'occupation illégale.
40. La loi budgétaire de 1992 (article 5 bis du décret-loi no 333 du 11 juillet 1992) modifia cette jurisprudence, dans le sens que le montant dû en cas d'expropriation indirecte ne pouvait dépasser le montant de l'indemnité prévue pour le cas d'une expropriation formelle. Par l'arrêt no 369 de 1996, la Cour constitutionnelle déclara inconstitutionnelle cette disposition.
41. En vertu de la loi budgétaire no 662 de 1996, qui modifia la disposition déclarée inconstitutionnelle, l'indemnisation intégrale ne peut être accordée pour une occupation de terrain ayant eu lieu avant le 30 septembre 1996. Dans cette optique, l'indemnisation équivaut au montant de l'indemnité prévue pour le cas d'une expropriation formelle, dans l'hypothèse la plus favorable au propriétaire, moyennant une augmentation de 10 %.
42. Par l'arrêt no 148 du 30 avril 1999, la Cour constitutionnelle a jugé une telle indemnité compatible avec la Constitution. Toutefois, dans le même arrêt, la Cour a précisé qu'une indemnité intégrale, à concurrence de la valeur vénale du terrain, peut être réclamée lorsque l'occupation et la privation du terrain n'ont pas eu lieu pour cause d'utilité publique.
6. La jurisprudence après les arrêts de la Cour du 30 mai 2000 dans les affaires Belvedere Alberghiera et Carbonara et Ventura
43. Par les arrêts no 5902 et 6853 de 2003, la Cour de cassation en chambres réunies s'est à nouveau prononcée sur le principe de l'expropriation indirecte, en faisant référence aux deux arrêts de la Cour précités.
44. Au vu du constat de violation de l'article 1 du protocole no 1 dans les affaires ci-dessus, la Cour de cassation a affirmé que le principe de l'expropriation indirecte joue un rôle important dans le cadre du système juridique italien et qu'il est compatible avec la Convention.
45. Plus spécifiquement, la Cour de cassation – après avoir analysé l'histoire du principe de l'expropriation indirecte - a dit qu'au vu de l'uniformité de la jurisprudence en la matière, le principe de l'expropriation indirecte doit se considérer comme étant pleinement « prévisible » à compter de 1983. De ce fait, l'expropriation indirecte doit être considérée comme étant respectueuse du principe de légalité. S'agissant des occupations de terrain ayant lieu sans déclaration d'utilité publique, la Cour de cassation a affirmé que celles-ci ne sont pas aptes à transférer la propriété du bien à l'Etat. Quant à l'indemnisation, la Cour de cassation a affirmé que, même si elle est inférieure au préjudice subi par l'intéressé, et notamment à la valeur du terrain, l'indemnisation due en cas d'expropriation indirecte est suffisante pour garantir un « juste équilibre » entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu.
7. Le Répertoire des dispositions législatives et réglementaires en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique (ci après « le Répertoire)
46. Le 30 juin 2003 est entré en vigueur le Décret Présidentiel no 327 du 8 juin 2001, modifié par le Décret législatif no 302 du 27 décembre 2002, et qui régit la procédure d'expropriation. Le Répertoire codifie les dispositions et la jurisprudence existantes en la matière. En particulier, il codifie le principe de l'expropriation indirecte. Le Répertoire, qui ne s'applique pas aux cas d'occupation survenus antérieurement à 1996 et ne s'applique donc pas en l'espèce, s'est substitué, à partir de son entrée en vigueur, à l'ensemble de la législation et de la jurisprudence précédente en matière d'expropriation.
47. A son article 43, le Répertoire prévoit qu'en l'absence d'un décret d'expropriation, ou en l'absence de déclaration d'utilité publique, un terrain transformé à la suite de la réalisation d'un ouvrage public est acquis au patrimoine de l'autorité qu l'a transformé ; des dommages-intérêts sont accordés en contrepartie. L'autorité peut acquérir un bien même lorsque le plan d'urbanisme ou la déclaration d'utilité publique ont été annulés. Le propriétaire peut demander au juge la restitution du terrain. L'autorité en cause peut s'y opposer. Lorsque le juge décide de ne pas ordonner la restitution du terrain, le propriétaire a droit à un dédommagement.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
48. Les requérants allèguent avoir été privés de leur terrain par l'effet de l'occupation de celui-ci et de la construction d'une route nationale, à défaut d'un décret d'expropriation et d'indemnisation. Selon eux, cette situation a porté atteinte à leur droit au respect de leurs biens garanti à l'article 1 du Protocole no 1, ainsi rédigé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
A. Thèses défendues devant la Cour
1. Les requérants
49. Les requérants font observer qu'ils ont perdu la disponibilité de leur terrain depuis 1977, soit à compter du moment où le terrain a été matériellement occupé. Cette situation est devenue définitive avec l'achèvement des travaux en août 1980. Les requérants considèrent que, dans ces circonstances, ils ont été en substance privés de leur bien. Ils requérants soulignent l'illégalité de cette situation, en l'absence d'un décret d'expropriation et au regard du principe de légalité de l'action administrative prévu à l'article 97 de la Constitution italienne.
50. Les requérants observent ensuite que pendant la période d'occupation autorisée, ils n'ont pu réclamer d'indemnité à défaut d'une offre d'indemnisation de la part des autorités. S'ils admettent avoir par la suite pu demander une telle indemnisation dans le cadre de la procédure qu'ils ont intentée devant le tribunal de Catanzaro, les requérants font observer qu'à ce jour, ils n'ont perçu aucune somme au titre d'indemnité pour la non jouissance du terrain pendant la période d'occupation autorisée.
51. S'agissant du dédommagement pour la perte de leur bien, les requérants soulignent qu'ils n'ont toujours pas reçu d'indemnisation.
52. En conclusion, les requérants demandent à la Cour de conclure à la violation de l'article 1 du Protocole no 1.
2. Le Gouvernement
53. Le Gouvernement fait observer que dans le cas d'espèce, il ne s'agit pas d'une occupation « sine titulo » depuis le début, mais d'une occupation qui a été initialement autorisée, dans le cadre d'une procédure administrative légitime et reposant sur une déclaration d'utilité publique. Selon lui, la période d'occupation autorisée a pris fin le 13 mars 1985.
54. Le Gouvernement admet que la procédure d'expropriation n'a pas été mise en œuvre dans les termes prévus par la loi, dans la mesure où aucun décret d'expropriation n'a été adopté.
55. A défaut d'un tel décret d'expropriation, les requérants auraient en tout état de cause été privés de leur bien par l'effet de la construction de l'ouvrage public et de la transformation irréversible du terrain que ce dernier a entraîné. Cette privation de bien, selon le Gouvernement, n'est que la conséquence du principe de l'expropriation indirecte, que le tribunal de Catanzaro, une fois qu'il prononcera son jugement, devrait appliquer.
56. Dans ces circonstances, l'arrêt du tribunal de Catanzaro n'aura qu'une valeur déclarative, en ce qu'il déclarera que les requérants devront se considérer comme ayant été privés de leur terrain au bénéfice de l'administration à compter de la date que le tribunal considérera comme la date où le terrain a été transformé de manière irréversible.La valeur de la décision du juge national a pour seule fonction de donner aux parties la sécurité juridique, à savoir la certitude que la privation de propriété a eu lieu lorsque les conditions sont remplies.
57. Le Gouvernement soutient que cette situation est conforme à l'article 1 du Protocole no 1.
58. Premièrement, il y aurait utilité publique, ce qui n'est pas remis en cause par les requérants.
59. Deuxièmement, la privation du bien telle que résultant de l'expropriation indirecte serait prévue par la loi.
60. A cet égard, le Gouvernement rappelle que la Cour, dans son arrêt Zubani c. Italie (arrêt du 7 août 1996, Recueil 1996-IV, §§ 45-46) avait examiné une affaire d'expropriation indirecte tombant sous le coup de la loi no 458 de 1988 (voir droit interne, paragraphe 37 ci-dessus) du point de vue du juste équilibre, estimant que, en ce qui concernait la loi en tant que telle, « le choix législatif visant à privilégier l'intérêt de la collectivité dans le cas d'expropriations ou d'occupations illégales de terrains est raisonnable : l'indemnisation intégrale des préjudices subis par les propriétaires concernés constitue une réparation suffisante... ». (Paragraphe 49 de l'arrêt Zubani).
61. Le Gouvernement prend acte de ce que la jurisprudence de la Cour a par la suite connu une évolution, dans la mesure où, dans les deux cas suivant portant sur l'expropriation indirecte, elle a constaté une incompatibilité du mécanisme de l'expropriation indirecte avec le principe de légalité (Carbonara et Ventura c. Italie, no 24638/94, CEDH 2000-VI ; Belvedere Alberghiera srl c. Italie, no 31524/96, CEDH 2000-VI).
62. Selon le Gouvernement, le principe doit se considérer comme étant « prévu par la loi », même s'il a été élaboré par la jurisprudence dans un pays de « civil law » et non de « common law ».
63. A cet égard, le Gouvernement prend acte de ce que dans les deux arrêts précités, la Cour avait estimé inutile de juger in abstracto si le rôle qu'un principe jurisprudentiel, tel que celui de l'expropriation indirecte, occupe dans un système de droit continental est assimilable à celui occupé par des dispositions législatives (Carbonara, arrêt précité, § 64). La Cour avait observé que la jurisprudence italienne avait connu une évolution et qu'un principe jurisprudentiel ne lie pas les juridictions quant à son application (Carbonara et Ventura, arrêt précité, § 69).
64. Le Gouvernement soutient que décider du rôle de la jurisprudence en Italie revêt une grande importance dans ce type d'affaires. Selon le Gouvernement, la jurisprudence nationale ayant créé le principe de l'expropriation indirecte, ce principe doit être considéré comme faisant partie du droit positif à compter de l'arrêt de la Cour de cassation no 1464 de 1983. La jurisprudence ultérieure aurait confirmé ce principe et précisé certains aspects de son application. En outre, ce principe aurait été reconnu par la loi no 458 du 27 octobre 1988 (paragraphes 37-38 ci-dessus) et par la loi budgétaire no 662 de 1996 (paragraphe 41 ci-dessus).
65. En conclusion, selon le Gouvernement, à partir de 1983, les règles de l'expropriation indirecte étaient parfaitement claires et accessibles à tous les propriétaires de terrains.
66. S'agissant de la qualité de la loi, le Gouvernement demande à la Cour de revenir à la «jurisprudence Zubani » (paragraphe 60 ci-dessus) et de considérer que le mécanisme de l'expropriation indirecte, qui se fonde sur une déclaration d'illégalité de la part du juge, est conforme à l'article 1 du Protocole no 1.
67. A ce propos, le Gouvernement fait observer que le constat d'illégalité de la part du juge est l'élément qui conditionne le transfert au patrimoine public du bien illégalement occupé.
68. Le Gouvernement définit l'expropriation indirecte comme le résultat d'une interprétation systématique de principes existants, tendant à garantir que l'intérêt général prévale sur l'intérêt des particuliers, lorsque l'ouvrage public a été réalisé (transformation du terrain) et que celui-ci répond à l'utilité publique.
69. L'administration serait tenue de compenser le particulier. Cependant, selon le Gouvernement, cette indemnisation pourra être inférieure au préjudice subi par l'intéressé, et notamment à la valeur du terrain, vu que l'expropriation indirecte répond à un intérêt collectif et l'illégalité commise par l'administration ne concerne que la forme, à savoir un manquement aux règles qui président à la procédure administrative.
B. Sur l'observation de l'article 1 du Protocole no 1
70. La Cour rappelle que l'article 1 du Protocole no 1 contient trois normes distinctes : « la première, qui s'exprime dans la première phrase du premier alinéa et revêt un caractère général, énonce le principe du respect de la propriété ; la deuxième, figurant dans la seconde phrase du même alinéa, vise la privation de propriété et la soumet à certaines conditions ; quant à la troisième, consignée dans le second alinéa, elle reconnaît aux Etats le pouvoir, entre autres, de réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général (...). Il ne s'agit pas pour autant de règles dépourvues de rapport entre elles. La deuxième et la troisième ont trait à des exemples particuliers d'atteintes au droit de propriété ; dès lors, elles doivent s'interpréter à la lumière du principe consacré par la première » (voir, entre autres, James et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1986, série A no 98, pp. 29-30, § 37, lequel reprend en partie les termes de l'analyse que la Cour a développée dans son arrêt Sporrong et Lönnroth c. Suède du 23 septembre 1982, série A no 52, p. 24, § 61 ; voir aussi les arrêts Les saints monastères c. Grèce du 9 décembre 1994, série A no 301-A, p. 31, § 56, et Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 55, CEDH 1999-II).
71. La Cour note que les parties s'accordent pour dire qu'il y a eu « privation de propriété ».
72. Elle note à cet égard que pour les requérants il y a eu perte de disponibilité totale si bien qu'elle revient en substance à une expropriation (paragraphe 49 ci-dessus).
73. Pour le Gouvernement (paragraphes 55, 56 et 67 ci-dessus), les requérants doivent se considérer comme ayant été privés de leur bien à compter du moment où celui-ci a été irréversiblement transformé, même si d'un point de vue formel, ils restent propriétaires, et ce jusqu'au prononcé d'un jugement déclarant le transfert de propriété au bénéfice de l'Etat.
74. La Cour rappelle que, pour déterminer s'il y a eu privation de biens au sens de la deuxième « norme », il faut non seulement examiner s'il y a eu dépossession ou expropriation formelle, mais encore regarder au-delà des apparences et analyser la réalité de la situation litigieuse. La Convention visant à protéger des droits « concrets et effectifs », il importe de rechercher si ladite situation équivalait à une expropriation de fait (Sporrong et Lönnroth, arrêt précité, pp. 24-25, § 63).
75. Elle rappelle que l'article 1 du Protocole no 1 exige, avant tout et surtout, qu'une ingérence de l'autorité publique dans la jouissance du droit au respect des biens soit légale. La prééminence du droit, l'un des principes fondamentaux d'une société démocratique, est inhérente à l'ensemble des articles de la Convention (Iatridis, arrêt précité, § 58). Le principe de légalité signifie l'existence de normes de droit interne suffisamment accessibles, précises et prévisibles (Hentrich c. France, arrêt du 22 septembre 1994, série A no 296-A, pp. 19-20, § 42, Lithgow et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 8 juillet 1986, série A no 102, p. 47, § 110).
76. En tout état de cause, la Cour est appelée à vérifier si la manière dont le droit interne est interprété et appliqué produit des effets conformes aux principes de la Convention.
77. La Cour constate qu'en l'espèce les requérants ont perdu la disponibilité de la partie de terrain qui a été occupée en 1977 et qui a été transformée par la construction de la route s'étant terminée en août 1980 (paragraphe 16 ci-dessus). Les parties s'accordent pour dire que l'occupation du terrain est devenue illégale par la suite, le début de la période d'illégalité se situant pour les requérants en 1984 (paragraphe 13 ci-dessus) et en 1985 pour le Gouvernement (paragraphe 83 ci-dessus).
78. A défaut d'un acte formel de transfert de propriété, et à défaut d'un jugement national déclarant qu'un tel transfert doit se considérer comme ayant eu lieu (paragraphe 56 ci-dessus ; voir aussi Carbonara et Ventura, arrêt précité, § 80), la Cour estime que la perte de toute disponibilité du terrain en cause, combinée avec l'impossibilité jusqu'ici de remédier à la situation incriminée a engendré des conséquences assez graves pour que les requérants aient subi une expropriation de fait incompatible avec leur droit au respect de leurs biens (Papamichalopoulos et autres c. Grèce, arrêt du 24 juin 1993, série A no 260-B, § 45) et non conforme au principe de prééminence du droit.
79. En conclusion, il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
80. Les requérants allèguent que l'impossibilité pour eux de réclamer une indemnité pour non jouissance du terrain pendant la période initiale d'occupation, à savoir lorsque le terrain était occupé légalement, a entravé leur droit d'accès à un tribunal.
81. L'article 6 § 1 dispose : qui, dans ses parties pertinentes, dispose :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...), par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ».
A. Sur l'exception préliminaire du Gouvernement
82. Dans ses observations sur le fond, le Gouvernement a soulevé une exception tirée du non respect du délai de six mois soutient que les requérants auraient dû soulever le grief tiré d'une atteinte à leur droit d'accès à un tribunal dans un délai de six mois commençant à courir depuis la fin de l'occupation légale, à savoir depuis 1985.
Le Gouvernement justifie le fait de ne pas avoir soulevé cette exception avant la décision sur la recevabilité par la difficulté de saisir le grief des requérants avant que ceux-ci ne le précisent dans leurs observations en réplique.
83. La Cour estime en premier lieu que cette exception est tardive, dans la mesure où le Gouvernement aurait pu la soulever après les observations en réplique des requérants et avant la décision sur la recevabilité.
84. En deuxième lieu, la Cour observe qu'en 1985, les requérants ont saisi le tribunal de Catanzaro d'une demande d'indemnisation pour la période d'occupation légale du terrain et que la procédure est pendante.
85. A la lumière de ces considérations, la Cour estime que l'exception du Gouvernement doit être écartée.
B. Sur le bien-fondé du grief
86. Dans ses observations sur la recevabilité, le Gouvernement avait soulevé une exception d'irrecevabilité tirée du non épuisement de voies de recours internes, au motif que le recours pendant devant le tribunal de Catanzaro portait également sur la question de l'indemnité pour la période d'occupation légale.
Sur le fond, le Gouvernement admet qu'à l'époque de l'occupation autorisée du terrain litigieux, et avant l'arrêt de la Cour constitutionnelle no 470 de 1990 (paragraphe 20 ci-dessus), il n'y avait pas d'accès immédiat à un tribunal aux fins de réclamer l'indemnité d'occupation. Le Gouvernement fait observer que les requérants ont pu en tout cas saisir un tribunal de leur demande d'indemnisation. Il soutient que les requérants ont supporté une restriction non déraisonnable de leur droit d'accès à un tribunal, et l'essence même de leur droit serait restée intacte.
87. Dans sa décision sur la recevabilité, la Cour a estimé que le problème de l'épuisement des voies de recours internes se confond avec le fond de l'affaire puisque le grief tiré de l'article 6 de la Convention concerne précisément l'entrave à l'accès à un tribunal. Elle a donc joint cette question au fond.
88. Or, la Cour considère que les griefs des requérants soulevés sous l'angle du droit d'accès à un tribunal se confondent avec ceux tirés de l'article 1 du Protocole no 1, dans la mesure où les requérants ont fait valoir à ce titre l'impossibilité pour eux de protéger leurs intérêts patrimoniaux pendant la période concernée.
89. Eu égard à la conclusion formulée au paragraphe 79, elle n'estime pas nécessaire de les examiner séparément sous l'angle de l'article 6 § 1 de la Convention.
III. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
90. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
91. Les requérants sollicitent le versement d'une indemnité de 1 029 324, 60 EUR au titre du préjudice matériel, somme qui résulte de la différence entre la valeur du terrain litigieux et la somme qu'ils pourraient éventuellement percevoir au mieux au titre d'indemnisation sur le plan national, au cas où le tribunal accueillerait leur demande.
92. S'agissant des frais devant les juridictions nationales, les requérants réclament d'ores et déjà 20 000 EUR. En outre ils demandent le remboursement des frais encourus devant la Cour sans toutefois chiffrer leurs prétentions.
93. Le Gouvernement fait observer qu'en l'absence d'un jugement national, il n'est pas loisible à la Cour de procéder à l'évaluation du préjudice matériel et des frais de procédure. La somme réclamée par les requérants serait en tout cas excessive. Le Gouvernement fait ensuite observer que les requérants ne sollicitent aucune somme au titre du préjudice moral. Quant aux frais de la procédure à Strasbourg, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Cour.
94. La Cour estime que la question de l'application de l'article 41 ne se trouve pas en état. En conséquence, elle la réserve et fixera la procédure ultérieure, compte tenu de la possibilité que le Gouvernement et les requérants parviennent à un accord.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l'UNANIMITÉ,
1. Rejette, l'exception préliminaire du Gouvernement ;
2. Dit, qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 ;
3. Dit, qu'il ne s'impose pas d'examiner le grief des requérants sur le terrain de l'article 6 § 1 de la Convention ;
4. Dit que la question de l'application de l'article 41 de la Convention ne se trouve pas en état ;
en conséquence,
a) la réserve en entier ;
b) invite le Gouvernement et les requérants à lui adresser par écrit, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, leurs observations sur cette question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir ;
c) réserve la procédure ultérieure et délègue le président de la chambre le soin de la fixer au besoin.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 mai 2005 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago Quesada Christos Rozakis
Greffier adjoint Président
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