TROISI?ME SECTION
AFFAIRE GODLEVSKAYA c. RUSSIE
(Requ?te no 58176/18)
ARR?T
Art 1 P1 ? Respect des biens ? Ill?galit? de la saisie-vente sans indemnisation, non encore ex?cut?e, des immeubles de la requ?rante ordonn?e judiciairement par suite de la condamnation p?nale de son ex-?poux
STRASBOURG
7 d?cembre 2021
Cet arr?t deviendra d?finitif dans les conditions d?finies ? l?article 44 ? 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l?affaire Godlevskaya c. Russie,
La Cour europ?enne des droits de l?homme (troisi?me section), si?geant en une Chambre compos?e de :
Georges Ravarani, pr?sident,
Georgios A. Serghides,
Dmitry Dedov,
Mar?a El?segui,
Anja Seibert-Fohr,
Andreas Z?nd,
Fr?d?ric Krenc, juges,
et de Milan Bla?ko, greffier de section,
Vu :
la requ?te (no 58176/18) dirig?e contre la F?d?ration de Russie et dont une ressortissante de cet ?tat, Mme Lyudmila Stepanovna Godlevskaya (? la requ?rante ?) a saisi la Cour en vertu de l?article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l?homme et des libert?s fondamentales (? la Convention ?) le 28 novembre 2018,
la d?cision de porter la requ?te ? la connaissance du gouvernement russe (? le Gouvernement ?),
les observations des parties,
Apr?s en avoir d?lib?r? en chambre du conseil le 9 novembre 2021,
Rend l?arr?t que voici, adopt? ? cette date :
INTRODUCTION
1. La pr?sente affaire concerne le droit au respect des biens garanti par l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention. La mesure litigieuse constitue une saisie-vente des biens immobiliers de la requ?rante ordonn?e judiciairement cons?cutivement ? la condamnation p?nale de son ex-?poux.
EN FAIT
2. La requ?rante est n?e en 1963 et r?side ? Moscou. Elle est repr?sent?e par Me D.Y. Simbirev, avocat.
3. Le Gouvernement est repr?sent? par le repr?sentant de la F?d?ration de Russie aupr?s de la Cour europ?enne des droits de l?homme. Au cours de l?affaire, cette fonction a ?t? assur?e successivement par M. M. Galperine, par M. A. Fedorov, puis par M. M. Vinogradov.
LE MARIAGE DE LA REQU?RANTE ET SES ACQUISITIONS IMMOBILI?RES
4. En 1996, la requ?rante ?pousa G. En 2004, elle obtint un poste de comptable d?une usine ? Iekaterinbourg (? l?usine ?). En 2006, G., qui y avait aussi ?t? employ?, fut nomm? directeur de l?usine. En 2009, la requ?rante et G. quitt?rent leurs fonctions respectives. La requ?rante acc?da par la suite ? des fonctions de direction dans d?autres soci?t?s.
5. Par un acte notari? du 4 f?vrier 2000, les ?poux conclurent un contrat de mariage les pla?ant sous le r?gime de la s?paration des biens. Selon ce contrat, tous les biens que chaque ?poux acquerrait apr?s cette date par ses moyens personnels seraient ses biens propres.
6. Entre 2011 et 2014, la requ?rante acheta deux appartements et un local (? les immeubles litigieux ? ; voir les d?tails ? l?annexe).
7. Le 14 d?cembre 2015, les ?poux divorc?rent par consentement mutuel. Le Gouvernement indique dans ses observations que G. est d?c?d? le 7 octobre 2020.
L?ENQU?TE P?NALE POUR D?TOURNEMENT DE FONDS ET LA SAISIE DES IMMEUBLES LITIGIEUX
8. Le 12 mai 2011, une enqu?te p?nale fut ouverte pour d?tournement des fonds de l?usine. ? l??t? 2015, G. fut mis en examen pour avoir d?tourn? les fonds de l?usine entre 2004 et 2009.
9. Par une d?cision du 4 octobre 2014, le tribunal du district Kirovski d?Iekaterinbourg rendit une d?cision de non-lieu pour cause de prescription de l?action publique relativement aux d?tournements de fonds suppos?ment commis entre 2004 et 2007. L?enqu?te p?nale se poursuivit quant aux faits suppos?ment commis post?rieurement ? cette p?riode, entre d?cembre 2007 et avril 2009.
10. Le 6 octobre 2015, l?usine se constitua partie civile.
11. Par une ordonnance du 12 f?vrier 2016, le tribunal du district Syssertski (r?gion de Sverdlovsk) autorisa la saisie provisoire (????????? ??????) des appartements et du local de la requ?rante, ? la demande de l?usine.
12. Il prit note du r?gime matrimonial de s?paration des biens (paragraphe 5 ci-dessus) mais constata que la valeur des biens de la requ?rante d?passait significativement le montant total des salaires cumul?s des deux ?poux ? l?usine et que les int?ress?s avaient refus? d?indiquer ? l?enqu?teur la provenance des fonds qui avaient permis ? la requ?rante d?acqu?rir les biens en question. Il tint compte ?galement du montant consid?rable des fonds suppos?ment d?tourn?s, et du fait que G. n?avait pas de biens propres. Il fonda son ordonnance sur l?existence de motifs plausibles de croire que les biens avaient ?t? obtenus au moyen d?agissements d?lictueux de la personne mise en examen, au sens de l?article 115 ? 3 du code de proc?dure p?nale (CPP), ainsi que sur l?article 230 du CPP (paragraphes 28 et 34 ci-dessous).
13. Le 20 juillet 2016, la cour r?gionale de Sverdlovsk rejeta l?appel de la requ?rante et confirma l?ordonnance de saisie.
LA CONDAMNATION DE G., L?ORDONNANCE DE SAISIE?VENTE DES BIENS DE LA REQU?RANTE ET LE REJET DES RECOURS DE L?INT?RESS?E
14. La requ?rante t?moigna ? d?charge au proc?s p?nal de G.
15. Par un jugement du 13 novembre 2017, le tribunal du district Syssertski d?clara G. coupable de deux faits de d?tournement de fonds commis entre 2007 et 2009, pour un montant de 42 441 148 roubles (RUB). Le jugement ne renfermait aucun constat relatif ? l?utilisation et au devenir des fonds d?tourn?s. Le tribunal condamna G. ? deux ans d?emprisonnement avec sursis, et accueillit l?action civile de l?usine. Notant que les immeubles litigieux avaient ?t? acquis pendant le mariage de G. ? au nom ? de la requ?rante, il en ordonna la saisie-vente au profit de l?usine, au visa de l?article 299 ? 11 du CPP (paragraphe 34 ci-dessous), aux fins de la r?paration du pr?judice mat?riel (???????? ????????? ? ???? ?????????? ????????????? ??????) caus? par le d?tournement.
16. La requ?rante fit appel du jugement. Elle produisit des ?l?ments relatifs ? son patrimoine et ? ses revenus provenant d?autres sources que son salaire ? l?usine (documents relatifs notamment ? la cession d?actions de l?usine, ? la vente d?autres biens immeubles et de v?hicules, ainsi qu?au recouvrement de diff?rentes cr?ances). Elle pr?cisait quels fonds elle avait investis dans quels achats.
17. Par un arr?t du 30 mai 2018, la cour r?gionale de Sverdlovsk rejeta l?appel de la requ?rante et confirma le jugement du 13 novembre 2017.
18. Tout en admettant, sur la base des ?l?ments produits par la requ?rante, que le patrimoine et les revenus de celle-ci ?taient suffisants pour lui permettre d?acqu?rir les immeubles litigieux, elle consid?ra que cette circonstance ne prouvait pas de fa?on univoque (?????????? ??????? ??????????? ?????) que la requ?rante e?t utilis? exclusivement des fonds licites pour ces acquisitions. Elle observa ?galement que le d?tournement des fonds et les acquisitions litigieuses avaient eu lieu l?un comme l?autre pendant le mariage.
19. La cour r?gionale s?appuya sur l?article 115 ? 3 du CPP et l?article 45 ? 2 du code de la famille (paragraphe 34 ci-dessous). L?article 115 ? 3 du CPP concernait la saisie des biens de tiers au proc?s en cas de raisons plausibles de croire que ces biens avaient ?t? obtenus au moyen d?agissements d?lictueux. ? cet ?gard, la cour r?gionale consid?ra qu?en l?esp?ce ? les biens [des tiers] ainsi saisis pouvaient faire l?objet d?une saisie-vente ? (?? ???????????? ? ????????? ??????? ????????? ????? ???? ???????? ?????????). Eu ?gard ? l?article 45 ? 2 du code de la famille, elle jugea qu?en l?esp?ce le contrat de mariage n?avait d?effet qu?entre les ?poux et ne faisait pas obstacle ? la r?paration du pr?judice de la victime au moyen de la saisie-vente des biens communs acquis pendant le mariage.
20. Enfin, tout en reconnaissant que la proc?dure p?nale ?tait dirig?e contre G. et non contre la requ?rante et que celle-ci n?y ?tait ni accus?e ni d?fenderesse civile, la cour r?gionale nota que la requ?rante ? n?avait pas tent? de d?fendre ses droits au civil pendant la dur?e de la saisie ?.
21. Le 22 ao?t 2018, les huissiers saisirent les immeubles litigieux en ex?cution du jugement de condamnation. Cependant, la proc?dure d?ex?cution forc?e fut suspendue d?octobre 2018 ? f?vrier 2020, ? la demande de la requ?rante, pendant l?examen en justice de ses actions en mainlev?e des saisies (voir infra). ? la date du 18 ao?t 2021, la Cour n?a pas ?t? inform?e d?une ?ventuelle vente des immeubles de la requ?rante.
22. La requ?rante s??tait ?galement pourvue en cassation contre le jugement de condamnation. Le 18 octobre 2018, un juge unique de la cour r?gionale de Sverdlovsk rejeta le pourvoi. Il souligna qu?il n?y avait dans le dossier aucune preuve que les fonds d?tourn?s par G. n?aient pas ?t? utilis?s pour l?acquisition des immeubles litigieux, lesquels avaient ?t? achet?s apr?s que G. eut commis les d?lits en cause. Le 14 janvier 2019, un juge unique de la Cour supr?me de Russie rejeta un autre pourvoi en cassation de la requ?rante.
LES ACTIONS EN MAINLEV?E DES SAISIES
23. Apr?s que la condamnation de G. fut devenue d?finitive, la requ?rante engagea trois actions en mainlev?e des saisies (?? ???????????? ????????? ?? ??????) de ses biens immobiliers devant les tribunaux territorialement comp?tents. Elle arguait que les immeubles concern?s ?taient ses biens propres en vertu du contrat de mariage qu?elle avait conclu avec son ?poux, qu?elle les avait achet?s sur ses fonds personnels, et que le jugement de condamnation n?avait pas ?tabli que G. e?t investi les fonds d?tourn?s dans l?achat de ces immeubles litigieux.
24. Les juridictions saisies rejet?rent ces actions (dates et d?tails en annexe), principalement pour trois motifs :
i) elles consid?r?rent que le jugement de condamnation avait ?tabli la provenance ill?gale des fonds utilis?s pour l?acquisition des immeubles litigieux et que, d?s lors, la mesure qui en privait la requ?rante ?tait l?gale et fond?e sur l?article 45 ? 2 du code de la famille, et que l?int?ress?e ne pouvait pas remettre en cause devant les juridictions civiles l?autorit? de la chose jug?e par les juridictions p?nales ;
ii) elles souscrivirent aux conclusions auxquelles ?taient parvenues les juridictions p?nales dans le jugement de condamnation et dans l?arr?t d?appel quant ? l?inopposabilit? aux tiers du contrat de mariage, quant au patrimoine propre de la requ?rante, quant ? la l?galit? de la saisie-vente des biens au regard de l?article 115 ? 3 du CPP et quant au fait que la requ?rante n?avait pas saisi les juridictions civiles pendant la proc?dure p?nale pour faire valoir ses droits (paragraphes 18-20 ci-dessus) ;
iii) elles estim?rent qu?il aurait fallu d?terminer d?abord la masse matrimoniale et la part revenant ? chacun des ?poux, et partager les biens en nature entre l?un et l?autre, ce qui n?avait pas ?t? fait en l?esp?ce.
25. En particulier, le tribunal du district Oktiabrski d?Iekaterinbourg (voir l?annexe) examina les ?l?ments que la requ?rante avait produits pour d?montrer qu?elle avait c?d? des actions de l?usine afin de financer l?achat du local. Il conclut que, compte tenu des dates respectives de la cession des actions (juin 2013) et de l?acquisition du local (d?cembre 2014), il n??tait pas prouv? ? de fa?on univoque et fiable ? (?????????? ? ??????????) que la seconde e?t ?t? financ?e par le produit de la premi?re. Il consid?ra par ailleurs que l?ordonnance de saisie-vente des biens prononc?e dans le cadre du jugement de condamnation, ?tant une d?cision de justice ex?cutoire rev?tue de l?autorit? de la chose jug?e, constituait en elle-m?me un obstacle ? la mainlev?e de la saisie par les juridictions civiles.
26. La cour r?gionale de Sverdlovsk confirma en appel le jugement du tribunal du district Oktiabrski, ajoutant que la requ?rante n?avait pas produit d??l?ments suffisants pour d?montrer ce qu?il ?tait advenu du produit de la cession des actions entre juin 2013 et d?cembre 2014, et que ? pendant cette m?me p?riode [2013-2014], l??poux de la demanderesse commettait les infractions [pour lesquelles il avait ?t? condamn?] ?.
LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
LES DISPOSITIONS INTERNES PERTINENTES TELLES QU?INTERPR?T?ES PAR LES JURIDICTIONS SUPR?MES
Les dispositions pertinentes du code de proc?dure p?nale interpr?t?es par la Cour constitutionnelle
27. L?article 115 du CPP r?glemente les saisies des biens (????????? ??????) dans le cadre d?une proc?dure p?nale. Selon l?article 115 ? 1 du CPP, la saisie des biens de la personne mise en examen ainsi que du d?fendeur civil peut ?tre ordonn?e pour assurer l?ex?cution d?un jugement de condamnation dans sa partie concernant l?action civile, l?imposition d?une amende, ou encore la confiscation des biens en tant que sanction pour certains d?lits, le d?tournement des fonds ne faisant pas partie de ces d?lits. Selon l?article 115 ? 3, la saisie des biens des personnes tierces peut ?tre ordonn?e s?il y a des motifs plausibles de croire que ces biens ont ?t? obtenus au moyen d?agissements d?lictueux de la personne mise en examen, ou qu?ils ont servi ou ?taient destin?s ? servir notamment comme instrument du d?lit ou ? financer un groupe criminel organis? ou certaines autres activit?s d?lictueuses.
28. Selon l?article 230 ? 2 du CPP, le tribunal peut rendre en amont d?un jugement de condamnation, ? la demande de la victime, de la partie civile ou du minist?re public, une ordonnance destin?e ? assurer l?ex?cution de la partie du jugement concernant la r?paration du pr?judice ou la confiscation.
29. L?article 299 ? 1 du CPP renferme une liste exhaustive de ? questions ? qu?un tribunal doit trancher dans un jugement de condamnation ou de relaxe. Ces questions concernent notamment l?action civile (article 299 ? 1, alin?a 10), la possible confiscation des biens dont il a ?t? d?montr? qu?ils ont une provenance d?lictueuse ou constituent un instrument du d?lit p?nal (article 299 ? 1, alin?a 10.1), ainsi que ? le sort des biens saisis ? (article 299 ? 1, alin?a 11).
30. Dans un arr?t du 17 avril 2019 (no 18-P), la Cour constitutionnelle a rappel? son interpr?tation constante de plusieurs dispositions du CPP. Selon cette interpr?tation, la saisie de biens prononc?e sur la base de l?article 115 du CPP est une mesure temporaire qui doit prendre fin au plus tard lors du prononc? du jugement de condamnation ou de relaxe ; la r?paration du pr?judice mat?riel caus? par un d?lit p?nal ne repr?sente pas une finalit? publique (r?pressive) mais priv?e ; et la saisie des biens d?un tiers ? cette fin ne peut intervenir que si ce tiers a ?t? appel? en qualit? de d?fendeur civil ? la proc?dure p?nale. Dans le m?me arr?t, la Cour constitutionnelle a aussi rappel? le principe de l?galit?, en vertu duquel les d?cisions de justice ? y compris les d?cisions rendues sur une action civile ? doivent avoir une base l?gale, ?tre motiv?es et reposer sur des preuves.
31. Dans ce m?me arr?t, la Cour constitutionnelle a en outre indiqu? que la question de la base l?gale d?une ?ventuelle ali?nation des biens de tiers (? ???????? ?????????? ????????????? ?????????) aux fins de l?indemnisation des victimes du d?lit p?nal ne figurait pas parmi les questions ? trancher dans le jugement de condamnation en vertu de l?article 299 du CPP (paragraphe 29 ci-dessous) et n??tait pas non plus vis?e dans les autres dispositions du CPP.
32. Enfin, elle a sugg?r? au l?gislateur de cr?er, pour les cas o?, dans le jugement de condamnation, le tribunal accueille l?action civile et conclut par un raisonnement motiv? que les biens de tiers appartiennent en r?alit? ? la personne condamn?e (??? ??????????? ??????????? ?????????????? ????????? ????, ??????????? ?????????? ????????), une possibilit? l?gale de convertir la saisie p?nale des biens en une saisie civile, accompagn?e des garanties proc?durales appropri?es pour les possesseurs des biens en question.
Les dispositions pertinentes des codes civil et de la famille
33. Selon l?article 256 du code civil, les biens acquis par les ?poux pendant le mariage sont leurs biens communs, ? moins qu?un contrat de mariage ne les place sous un autre r?gime matrimonial. Chaque ?poux r?pond de ses obligations dans la limite de ses biens propres et de sa part dans les biens communs.
34. Selon les articles 36 et 37 du code de la famille, les biens propres ? un ?poux tombent dans la masse commune s?il est ?tabli en justice que, pendant le mariage, des am?liorations consid?rables (gros travaux, reconstruction, r?am?nagement, etc.) ont ?t? apport?es ? ces biens avec des fonds de la communaut? ou des fonds propres ? l?autre ?poux.
35. Selon l?article 45 du m?me code, les dettes personnelles d?un ?poux ne peuvent ?tre recouvr?es que sur les biens propres de cet ?poux. Si les biens propres ne suffisent pas pour le recouvrement, le cr?ancier peut, par une action en s?paration des biens, exiger la soustraction d?une part des biens de la communaut? des ?poux. Selon le paragraphe 2 de cet article, s?il est ?tabli dans un jugement de condamnation rendu au p?nal qu?un bien commun aux ?poux a ?t? acquis ou revaloris? au moyen de fonds provenant de l?activit? d?lictueuse de l?un des ?poux, ce bien peut ?tre ali?n? en entier ou, le cas ?ch?ant, en partie.
36. Les articles 40 ? 46 du code de la famille r?gissent le contrat de mariage. Selon l?article 46, chaque ?poux doit aviser ses cr?anciers de toute modification de son r?gime matrimonial. ? d?faut, le contrat de mariage est inopposable aux cr?anciers.
Autres dispositions internes pertinentes
37. Aux termes de l?article 69 de la loi f?d?rale no 229-FZ du 2 octobre 2007 relative aux proc?dures d?ex?cution, la saisie-vente (????????? ?????????) des biens d?un d?biteur consiste ? saisir les biens d?un d?biteur, afin soit de les vendre et de verser le produit de la vente au cr?ancier, soit de les transf?rer (?????????????? ????????) directement au cr?ancier.
38. Les autres dispositions internes pertinentes ainsi que leur interpr?tation par les juridictions supr?mes, sont expos?es dans les arr?ts Bokova c. Russie (no 27879/13, ?? 29-38, 16 avril 2019) et OOO Avrora Maloetazhnoe Stroitelstvo c. Russie (no 5738/18, ?? 33-42 et 46, 7 avril 2020).
LA PRATIQUE JUDICIAIRE RESSORTANT DES D?CISIONS COMMUNIQU?ES PAR LE GOUVERNEMENT
39. Le Gouvernement a produit trois jugements dont il ressort que les juridictions ont accueilli des actions en mainlev?e de saisies. Dans deux premi?res affaires, il s?agissait d??poux mari?s sans contrat de mariage. Dans la troisi?me affaire, les juridictions russes avaient constat? que les ?poux ?taient mari?s sous un r?gime de s?paration des biens et que l??poux demandant la mainlev?e avait acquis les biens litigieux avant le d?but de l?activit? illicite de son conjoint.
EN DROIT
SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DE L?ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 ? LA CONVENTION
40. La requ?rante soutient que la saisie-vente de ses immeubles ordonn?e en raison de la condamnation p?nale de son ex-?poux a emport? violation ? son ?gard du droit au respect des biens prot?g? par l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention. Cette disposition est ainsi libell?e :
? Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut ?tre priv? de sa propri?t? que pour cause d?utilit? publique et dans les conditions pr?vues par la loi et les principes g?n?raux du droit international.
Les dispositions pr?c?dentes ne portent pas atteinte au droit que poss?dent les ?tats de mettre en vigueur les lois qu?ils jugent n?cessaires pour r?glementer l?usage des biens conform?ment ? l?int?r?t g?n?ral ou pour assurer le paiement des imp?ts ou d?autres contributions ou des amendes. ?
Sur la recevabilit?
41. Constatant que la requ?te n?est pas manifestement mal fond?e ni irrecevable pour un autre motif vis? ? l?article 35 de la Convention, la Cour la d?clare recevable.
Sur le fond
Th?ses des parties
a) La requ?rante
42. La requ?rante soutient que l?ordonnance de saisie-vente de ses biens n??tait pas l?gale. Elle argue que, si le droit russe permet la confiscation de biens, mesure qui ne serait pas en jeu en l?esp?ce, il ne permet pas d?ali?ner les biens d?une personne dans le but de prot?ger les int?r?ts des victimes d?une autre personne ou des parties civiles ? un proc?s auquel elle n?est pas partie. La requ?rante affirme que les immeubles litigieux ?taient ses biens propres puisqu?elle les avait acquis alors qu?elle ?tait mari?e sous le r?gime de la s?paration des biens. ? ce dernier ?gard, elle soutient que le r?gime matrimonial du couple, adopt? longtemps avant le d?but des faits p?nalement r?pr?hensibles reproch?s ? G. et l?acquisition des immeubles litigieux, ?tait opposable aux tiers, le contrat de mariage n?ayant pas ?t? annul? en justice. Arguant que tous les biens des ?poux, y compris leurs biens futurs, avaient d?j? ?t? partag?s en 2000, elle conteste la conclusion des juridictions civiles selon laquelle il ?tait encore n?cessaire au moment de leur d?cision de d?terminer la masse matrimoniale et de partager les biens en nature.
43. Ainsi selon la requ?rante, tout en lui demandant de prouver la lic?it? de la provenance des fonds ? ce qu?elle aurait fait ? suffisance ?, les tribunaux ont de toute fa?on appliqu? une pr?somption irr?fragable d?illic?it? de ces fonds pour la seule raison qu?elle avait acquis les biens litigieux alors qu?elle ?tait mari?e avec la personne condamn?e.
b) Le Gouvernement
44. Le Gouvernement soutient que l?ing?rence dont se plaint la requ?rante a une base l?gale. ? l?appui de cette th?se, il explique qu?en vertu d?une pratique judiciaire bien ?tablie concernant les saisies, si les pi?ces du dossier d?montrent que les biens dont la saisie est demand?e appartiennent en r?alit? (?????????? ???????????) ? la personne poursuivie et non au tiers qui en est officiellement le propri?taire, le tribunal autorise la saisie sur la base de l?article 115 du CPP. Il ajoute qu?en pareil cas les biens peuvent ?tre non seulement saisis mais aussi ali?n?s.
45. Il ressort ?galement des observations du Gouvernement, en substance, que les biens de personnes qui ne sont pas parties au proc?s peuvent faire l?objet d?une saisie-vente s?il est ?tabli : i) qu?ils appartiennent exclusivement ? la personne p?nalement condamn?e, et/ou ii) qu?ils ont ?t? acquis ou revaloris?s par des fonds provenant des activit?s illicites de la personne p?nalement condamn?e. Il affirme que tel ?tait le cas en l?esp?ce.
46. Il souscrit par ailleurs aux conclusions des juges nationaux quant ? l?inopposabilit? aux tiers du contrat de mariage conclu entre la requ?rante et G. et quant ? la n?cessit? de d?terminer toute la masse matrimoniale et de faire un partage des biens en nature. Il produit quelques exemples de pratique judiciaire en mati?re de mainlev?es des saisies de biens (paragraphe 35 ci-dessus).
47. Enfin, le Gouvernement soutient que l?ing?rence visait un but l?gitime, ? savoir la protection des droits de la victime, partie civile au proc?s, et qu?elle y ?tait proportionn?e. ? cet ?gard, il argue que les juges ont examin? et rejet? les arguments de la requ?rante quant ? la lic?it? des fonds qui avaient servi ? l?acquisition des biens immobiliers.
Appr?ciation de la Cour
a) Sur l?existence de biens et d?une ing?rence dans le droit de la requ?rante, et sur la r?gle applicable
48. La Cour observe que le contrat de mariage pla?ant la requ?rante et G. sous le r?gime de la s?paration des biens n?a ?t? ni contest?, ni annul?, ni r?sili?, que l?int?ress?e a achet? les immeubles litigieux et les a fait enregistrer ? son nom, et qu?elle en est propri?taire au sens du droit russe. Elle consid?re donc, sans pr?judice de la question distincte de la provenance des fonds qui ont permis ces acquisitions, que ces immeubles sont les ? biens ? de la requ?rante au sens de l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention.
49. Une saisie-vente, quoique non encore ex?cut?e, s?analyse en une ing?rence ? relevant de la r?glementation de l?usage des biens ? dans le droit de la requ?rante au respect de ses biens, au sens du second alin?a de l?article 1 du Protocole no 1 (Bokova c. Russie, no 27879/13, ? 51, 16 avril 2019). Il convient d?s lors de d?terminer si cette ing?rence r?pond aux exigences de cette disposition.
b) Sur la l?galit? de l?ing?rence
50. La Cour rappelle que toute mesure d?ing?rence dans le droit au respect des biens doit avoir une base l?gale en droit interne (G.I.E.M. S.R.L. et autres c. Italie [GC], nos 1828/06 et 2 autres, ? 292, 28 juin 2018) et ne pas ?tre arbitraire (Visti?? et Perepjolkins c. Lettonie [GC], no 71243/01, ? 69, 25 octobre 2012). La l?galit? constitue une condition primordiale de la compatibilit? avec l?article 1 du Protocole no 1 d?une ing?rence dans un droit prot?g? par cette disposition (B?l?n? Nagy c. Hongrie [GC], no 53080/13, ? 112, 13 d?cembre 2016), et implique que les normes de droit interne soient suffisamment accessibles, pr?cises et pr?visibles dans leur application afin de pr?venir des atteintes arbitraires de la puissance publique (Leki? c. Slov?nie [GC], no 36480/07, ? 95, 11 d?cembre 2018). ? cet ?gard, m?me si la Cour ne peut que dans une certaine mesure appr?cier les faits et examiner les conclusions des instances internes (Na?t-Liman c. Suisse [GC], no 51357/07, ? 116, 15 mars 2018), le principe de l?galit? lui commande de v?rifier si la mani?re dont les juridictions internes ont appliqu? le droit national a produit des effets conformes aux principes de la Convention (Lelas c. Croatie, no 55555/08, ? 76, 20 mai 2010, avec les r?f?rences qui y sont cit?es).
51. En l?esp?ce, la mesure contest?e n?est pas une confiscation d?armes ou du produit d?une activit? criminelle, au sens de l?article 104.1 du code p?nal russe (voir OOO Avrora Maloetazhnoe Stroitelstvo c. Russie, no 5738/18, ?? 40-41, 7 avril 2020). La requ?rante n?a pas non plus ?t? appel?e ? l?affaire comme d?fenderesse civile, c?est-?-dire qu?elle n?a pas ?t? d?clar?e civilement responsable du pr?judice caus? par un d?lit p?nal (ibidem, ? 46). Enfin, les immeubles litigieux n?ont pas ?t? qualifi?s de preuves dans l?affaire p?nale, au sens des articles 81 et 82 du CPP (voir OOO KD-Konsalting c. Russie, no 54184/11, ?? 30-32, 29 mai 2018). Ainsi, et les parties ne pr?tendent d?ailleurs pas le contraire, aucune de ces dispositions ne pouvait constituer une base l?gale pour l?ing?rence.
52. En l?occurrence, pour justifier la mesure contest?e ? une saisie-vente ordonn?e dans le cadre d?un proc?s p?nal aux fins de la r?paration du pr?judice mat?riel caus? ? la victime et partie civile ?, les juridictions russes ont invoqu? diff?rentes dispositions : les articles 115 ? 3 et 299 ? 11 du CPP et l?article 45 du code de la famille (paragraphes 15 et 19 ci-dessus).
53. Gardant ? l?esprit que la mesure litigieuse constitue une ing?rence grave, visant ? la privation d?finitive sans indemnisation de biens d?une personne qui n?a pas ?t? accus?e d?avoir commis une infraction ni a fortiori condamn?e, la Cour examinera successivement chacune de ces dispositions invoqu?es afin de v?rifier si le droit interne offrait une base l?gale r?pondant aux exigences de la s?curit? juridique inh?rentes ? l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention.
54. Tout d?abord, en ce qui concerne l?article 115 ? 3 du CPP, elle observe d?embl?e que cette disposition r?git les seules mesures temporaires de saisie (????????? ??????), et non les saisies-ventes qui emportent la privation d?finitive des biens concern?s (????????? ?????????). Ainsi, elle ne peut souscrire aux conclusions des juridictions russes (voir, en particulier, paragraphe 19 ci-dessus), ni ? la th?se du Gouvernement selon laquelle la saisie-vente pouvait ?tre ordonn?e sur le m?me fondement qu?une saisie temporaire. En effet, une telle analogie ne ressort ni du libell? des dispositions l?gales ni de la jurisprudence interne produite devant la Cour. Il ressort au contraire de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle qu?une saisie ordonn?e sur le fondement de l?article 115 du CPP n?a qu?un caract?re temporaire (paragraphe 31 ci-dessus) et ne peut subsister apr?s le jugement de condamnation ou de relaxe qui est devenu d?finitif, ainsi que la Cour l?a constat? ? plusieurs reprises (voir, derni?rement, par exemple, OOO SK Stroykompleks et autres c. Russie, nos 7896/15 et 48168/17, ?? 56 et 73 in fine, 17 d?cembre 2019).
55. Ensuite, se tournant vers l?article 299 ? 1 du CPP, la Cour constate que celui-ci renferme une liste de ? questions ? que le tribunal doit trancher lorsqu?il rend un jugement de condamnation ou de relaxe. Si l?alin?a 11 de l?article 299 ? 1 oblige le tribunal ? se prononcer sur le sort des biens saisis (paragraphe 29 ci-dessus), il ne peut ?tre consid?r?, en tant que tel, comme constituant une base l?gale suffisamment claire et pr?visible au regard de l?article 1 du Protocole no 1 pour justifier la saisie-vente.
56. En effet, le Gouvernement n?a jamais soutenu que l?expression ? se prononcer sur le sort des biens ? puisse ?tre comprise comme autorisant le transfert de propri?t? des biens. Il ressort ?galement, de l?arr?t de la Cour constitutionnelle du 17 avril 2019 que l?article 299 CPP ne peut pas servir de base l?gale ? une saisie-vente de biens appartenant ? des tiers aux fins de l?indemnisation de victimes d?un d?lit p?nal (paragraphe 32 ci-dessus). Par ailleurs, cette disposition n?a pas ?t? retenue par la cour r?gionale dans l?arr?t d?appel confirmant la condamnation p?nale de G. (paragraphes 17-19 ci-dessus). R?it?rant qu?il incombe au premier chef aux autorit?s nationales d?interpr?ter le droit interne (par exemple, Zubac c. Croatie [GC], no 40160/12, ? 81, 5 avril 2018), la Cour estime qu?en l?esp?ce elle n?a aucune raison de s??carter de la lecture de la l?gislation interne par les juridictions nationales.
57. Quant ? l?article 45 ? 2 du code de la famille, la Cour note qu?il permet de proc?der ? une saisie-vente des biens, totale ou partielle, si un jugement de condamnation p?nale ?tablit qu?un bien commun aux ?poux a ?t? acquis ou revaloris? au moyen de fonds provenant de l?activit? illicite de l?un des ?poux (paragraphe 35 ci-dessus). Cet article pouvait donc constituer une base l?gale pour l?ing?rence ? deux conditions, cumulatives : i) la mesure devait viser des biens communs aux ?poux ; ii) il fallait qu?un jugement de condamnation p?nale ?tablisse que ces biens communs avaient ?t? acquis ou revaloris?s au moyen de fonds provenant de l?activit? d?lictueuse. Or, il n?a pas ?t? d?montr? que ces conditions se trouvaient r?unies dans le cas de la requ?rante.
58. Concernant la premi?re de ces conditions, la Cour rel?ve que la saisie-vente litigieuse concerne un bien propre de la requ?rante et non un bien commun aux ?poux. Sur ce point, elle observe que ni les dispositions pertinentes du code civil et du code de la famille ni les exemples de pratique interne fournis par le Gouvernement (paragraphes 33-36 et 39 ci-dessus) ne permettent de conclure ? l?inopposabilit? ? la partie civile au proc?s p?nal de G. du contrat de mariage sign? plusieurs ann?es avant les achats immobiliers et les activit?s illicites en cause.
59. Certes, les biens propres de la requ?rante pouvaient, conform?ment ? l?article 37 du code de la famille, tomber dans la masse commune s?il ?tait ?tabli en justice que, pendant le mariage, des am?liorations consid?rables y avaient ?t? apport?es gr?ce ? des fonds de la communaut? ou ? des fonds propres ? son ?poux. Toutefois, cette disposition concerne l?apport d?? am?liorations consid?rables ? aux biens et non leur acquisition en elle?m?me, et, ? aucun moment dans la pr?sente affaire, cet article 37 n?a ?t? invoqu? ni a fortiori appliqu?.
60. De surcro?t, s?agissant de la seconde condition pos?e par l?article 45 ? 2 du code de la famille ? ? savoir l??tablissement dans le jugement de condamnation p?nale de l?acquisition des biens au moyen des fonds d?tourn?s par G. ?, la Cour observe que les juridictions p?nales ont admis que le patrimoine propre de la requ?rante ?tait suffisant pour lui permettre d?acheter les immeubles litigieux, et qu?elles n?ont jamais ?tabli que les fonds d?tourn?s avaient servi ? financer ces acquisitions (paragraphes 15 et 18 ci-dessus).
61. Partant, la Cour ne peut consid?rer que l?article 45 ? 2 du code de la famille soit propre ? constituer une base l?gale suffisante pour fonder l?ing?rence litigieuse dans la pr?sente affaire.
62. Eu ?gard ? ce qui pr?c?de, la position adopt?e par la Cour dans l?arr?t Bokova (pr?cit?) ne peut ?tre transpos?e dans le pr?sent cas d?esp?ce. Dans l?affaire Bokova, la Cour avait estim?, en l?absence d?observations particuli?res des parties et avant que la Cour constitutionnelle ne livr?t son interpr?tation de l?article 299 du CPP, que cette disposition pouvait constituer une base l?gale pour une saisie-vente de biens d?une personne tierce ? la proc?dure p?nale. Cependant, les circonstances de cette affaire ?taient diff?rentes de celles dont la Cour a pr?sentement ? conna?tre. En effet, dans l?affaire Bokova, le bien ayant fait l?objet de la saisie-vente ?tait tomb? dans la masse commune car il avait ?t? ?tabli au p?nal que ce bien avait b?n?fici? de certains investissements provenant des activit?s d?lictueuses du mari de la requ?rante, et pouvait d?s lors ?tre partiellement ali?n? en vertu de l?article 45 ? 2 du code de la famille (ibidem, ?? 45 et 53). Or, tel n?est pas le cas dans la pr?sente affaire.
63. En l?esp?ce, le Gouvernement n?ayant cit? aucune autre disposition susceptible de fonder la saisie-vente relative aux immeubles de la requ?rante, la Cour conclut que cette mesure ?tait d?pourvue de base l?gale (voir, mutatis mutandis, Frizen c. Russie, no 58254/00, ?? 34-37, 24 mars 2005). Partant, il y a eu violation de l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention. Cette conclusion rend superflu l?examen du respect des autres exigences de cet article et des autres arguments des parties.
SUR L?APPLICATION DE L?ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
64. Aux termes de l?article 41 de la Convention :
? Si la Cour d?clare qu?il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d?effacer qu?imparfaitement les cons?quences de cette violation, la Cour accorde ? la partie l?s?e, s?il y a lieu, une satisfaction ?quitable. ?
Dommage
65. La requ?rante demande 5 000 euros (EUR) au titre du dommage moral qu?elle estime avoir subi, ainsi que 3 780 000 roubles en r?paration du manque ? gagner caus?, selon elle, par l?impossibilit? de mettre en location l?un des appartements objet de la saisie-vente.
66. Le Gouvernement demande la Cour de rejeter ces demandes, qu?il estime excessives et non ?tay?es.
67. La Cour rejette d?embl?e la demande concernant le manque ? gagner, qui n?est ?tay?e par aucun ?l?ment. En revanche, elle estime que la requ?rante, qui a subi une ing?rence d?pourvue de base l?gale dans son droit au respect de ses biens (paragraphe 63 ci-dessus), a ?prouv? du fait de cette violation un certain pr?judice moral. Statuant en ?quit?, elle lui alloue 5 000 EUR ? ce titre, plus tout montant pouvant ?tre d? ? titre d?imp?t sur cette somme. Elle juge appropri? de calquer le taux des int?r?ts moratoires sur le taux d?int?r?t de la facilit? de pr?t marginal de la Banque centrale europ?enne major? de trois points de pourcentage.
Frais et d?pens
68. La requ?rante r?clame 21 263 EUR au titre des honoraires factur?s par Me Simbirev pour la proc?dure men?e devant les juridictions internes. Cette somme recouvre la repr?sentation et l?assistance de la requ?rante, au taux horaire de 120 EUR, et les frais de voyage et de s?jour de l?avocat ? Iekaterinbourg. Pour les honoraires relatifs ? la proc?dure men?e devant la Cour, la requ?rante r?clame 1 600 EUR.
69. Le Gouvernement prie la Cour de rejeter l?ensemble de ces demandes.
70. Selon la jurisprudence de la Cour, un requ?rant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et d?pens que dans la mesure o? se trouvent ?tablis leur r?alit?, leur n?cessit? et le caract?re raisonnable de leur taux. En l?esp?ce, la Cour constate que la requ?rante n?a produit aucun contrat la liant ? Me Simbirev ni aucun autre document montrant qu?elle f?t juridiquement tenue de payer les sommes r?clam?es. Dans ces conditions, la Cour ne peut conclure ? la r?alit? des frais dont le remboursement est demand?. Partant, cette demande doit ?tre rejet?e (Merabishvili c. G?orgie [GC], no 72508/13, ?? 372-373, 28 novembre 2017).
PAR CES MOTIFS, LA COUR, ? L?UNANIMIT?,
D?clare la requ?te recevable ;
Dit qu?il y a eu violation de l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention ;
Dit
a) que l??tat d?fendeur doit verser ? la requ?rante, dans les trois mois ? compter du jour o? l?arr?t sera devenu d?finitif conform?ment ? l?article 44 ? 2 de la Convention, 5 000 EUR (cinq mille euros), ? convertir dans la monnaie de l??tat d?fendeur, au taux applicable ? la date du r?glement, plus tout montant pouvant ?tre d? par la requ?rante ? titre d?imp?t sur cette somme, pour dommage moral ;
b) qu?? compter de l?expiration dudit d?lai et jusqu?au versement, ce montant sera ? majorer d?un int?r?t simple ? un taux ?gal ? celui de la facilit? de pr?t marginal de la Banque centrale europ?enne applicable pendant cette p?riode, augment? de trois points de pourcentage ;
Rejette le surplus de la demande de satisfaction ?quitable.
Fait en fran?ais, puis communiqu? par ?crit le 7 d?cembre 2021, en application de l?article 77 ?? 2 et 3 du r?glement.
Milan Bla?ko Georges Ravarani
Greffier Pr?sident