Conclusions: Violation de l’article 8 – Droit au respect de la vie priv?e et familiale (Article 8-1 – Respect de la vie familiale)
PREMI?RE SECTION
AFFAIRE STRUMIA c. ITALIE
(Requ?te no 53377/13)
ARR?T
STRASBOURG
23 juin 2016
Cet arr?t deviendra d?finitif dans les conditions d?finies ? l?article 44 ? 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l?affaire Strumia c. Italie,
La Cour europ?enne des droits de l?homme (premi?re section), si?geant en une chambre compos?e de :
Mirjana Lazarova Trajkovska, pr?sidente,
Ledi Bianku,
Guido Raimondi,
Kristina Pardalos,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Robert Spano,
Pauliine Koskelo, juges,
et de Abel Campos, greffier de section,
Apr?s en avoir d?lib?r? en chambre du conseil le 31 mai 2016,
Rend l?arr?t que voici, adopt? ? cette date :
PROC?DURE
1. ? l?origine de l?affaire se trouve une requ?te (no 53377/13) dirig?e contre la R?publique italienne et dont un ressortissant de cet ?tat, OMISSIS (? le requ?rant ?), a saisi la Cour le 2 ao?t 2013 en vertu de l?article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l?homme et des libert?s fondamentales (? la Convention ?).
2. Le requ?rant a ?t? repr?sent? par OMISSIS, avocat ? Pise. Le gouvernement italien (? le Gouvernement ?) a ?t? repr?sent? par son agente, Mme E. Spatafora.
3. Le 9 d?cembre 2014, la requ?te a ?t? communiqu?e au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L?ESP?CE
4. Du mariage du requ?rant avec N.R. naquit une enfant, S., le 11 septembre 2004. Le 1er mai 2007, N.R. quitta le domicile familial avec l?enfant et alla vivre chez sa famille ? Piombino. D?s son d?part, N.R. manifesta une forte opposition ? toute relation entre le requ?rant et S., ?g?e alors de trois ans. Une proc?dure civile a ?t? men?e (A) en parall?le ? deux proc?dures p?nales (B et C).
A. Proc?dure tendant ? l??tablissement des modalit?s d?exercice du droit de visite du requ?rant ? l??gard de sa fille
5. Le 21 mai 2007, N.R. saisit le tribunal pour enfants de Florence d?une demande d?adoption de mesures urgentes concernant S., sur le fondement de l?article 333 du code civil. Elle soutenait que sa fille ?tait victime de maltraitance de la part du requ?rant. Le 3 juillet 2007, N.R. d?posa une plainte contre le requ?rant pour violence sexuelle sur l?enfant.
6. Le requ?rant s?opposa ? cette demande, se plaignant que N.R. souhaitait l?interruption de tout contact entre lui et S. Il demanda au tribunal pour enfants d??tablir un calendrier de rencontres en milieu prot?g? au motif qu?il n?avait pas pu exercer son droit de visite jusque-l?.
7. Le 15 novembre 2007, le tribunal ordonna la tenue de rencontres en milieu prot?g? entre le requ?rant et sa fille.
8. Entre-temps, les 21 septembre, 1er octobre et 2 novembre 2007, le requ?rant, qui se plaignait d?un refus de N.R. de faire vacciner leur fille, avait saisi le tribunal pour enfants d?une demande visant ? ce que la vaccination de S. f?t ordonn?e.
9. Le 27 novembre 2007, le tribunal ordonna aux services sociaux de Pise d?organiser les rencontres en milieu prot?g? entre le requ?rant et S. et d??valuer les capacit?s parentales du requ?rant et de N.R.
10. Selon le rapport remis par les services sociaux le 18 f?vrier 2008, il existait un lien fort entre le requ?rant et S., celle-ci se montrant heureuse de rencontrer son p?re et de jouer avec lui. D?apr?s les services sociaux, il fallait intervenir de mani?re urgente afin de pr?server le lien entre S. et le requ?rant, en ?largissant le droit de visite de ce dernier, en raison d?une opposition de N.R. aux rencontres.
11. Entre-temps, en 2007, le requ?rant avait demand? la s?paration de corps et la garde exclusive de S. au tribunal de Pise.
12. Au cours de la premi?re audience devant le pr?sident du tribunal de Pise pour la proc?dure de s?paration de corps, tenue le 3 mars 2008, la question de la comp?tence du tribunal pour enfants de Florence fut soulev?e.
13. Le 12 mars 2008, les services sociaux d?pos?rent un rapport devant le tribunal pour enfants de Florence. Il ressortait de ce document que S. n?avait pas pu rencontrer son p?re en raison d?une opposition de N.R., qu?elle-m?me manifestait d?sormais un comportement hostile envers l?int?ress? et que N.R. n?aidait pas sa fille ? surmonter ses difficult?s avec celui-ci. Les services sociaux demandaient au tribunal l?adoption de mesures concr?tes afin de favoriser les relations entre le requ?rant et S.
14. Le 8 avril 2008, le tribunal pour enfants de Florence d?clara son incomp?tence. Il transf?ra le dossier au tribunal de Pise.
15. Le 11 avril 2008, une deuxi?me audience eut lieu devant le pr?sident du tribunal de Pise. Celui-ci chargea les services sociaux de Piombino d?organiser des rencontres en milieu prot?g? entre le p?re et sa fille et des rencontres en milieu non prot?g? entre les grands-parents paternels et l?enfant.
16. Ces prescriptions ne furent pas respect?es ; le requ?rant put rencontrer S. seulement ? quelques reprises dans des lieux publics.
17. Le 30 juin 2008, une troisi?me audience se d?roula devant le pr?sident du tribunal de Pise, lequel d?cida ? nouveau que S. devait rencontrer plus souvent son p?re et ses grands-parents paternels.
18. Eu ?gard aux difficult?s rencontr?es par le requ?rant dans l?exercice de son droit de visite, le 23 juillet 2008, le pr?sident du tribunal de Pise demanda aux services sociaux d?augmenter le nombre des rencontres.
19. Le 14 octobre 2008, il confia la garde de l?enfant conjointement aux deux parents et fixa sa r?sidence chez N.R. Selon le rapport des services sociaux, lors des rencontres, la m?re ?tait toujours pr?sente et S. avait une attitude hostile et agressive envers le requ?rant. D?apr?s les assistants sociaux, le comportement de N.R. d?notait l?intention de cette derni?re d?exclure le requ?rant de la vie de l?enfant.
20. Se trouvant toujours dans l?impossibilit? de rencontrer sa fille librement, le requ?rant demanda au tribunal de Pise d?intervenir et d?ordonner une expertise sur l??tat psychologique de S.
21. ? une date non pr?cis?e, le tribunal de Pise ordonna aux services sociaux de mener deux expertises, l?une portant sur l??tat psychologique de l?enfant et l?autre portant sur son ?tat de sant? afin de d?terminer si les vaccinations que la m?re refusait devaient ?tre pratiqu?es.
22. Entre-temps, N.R. avait d?pos? un recours aux fins de contestation de la d?cision du tribunal sur la garde de l?enfant. Le tribunal et la cour d?appel rejet?rent ce recours.
23. Le 4 f?vrier 2009, N.R. indiqua aux services sociaux que S. avait subi des attouchements sexuels de la part du requ?rant.
24. Le m?me jour, les services sociaux inform?rent le procureur de la R?publique de la situation de l?enfant.
25. Le 13 f?vrier 2009, ils demand?rent au juge de r?duire le nombre de rencontres en milieu prot?g? entre l?enfant et le requ?rant. Le juge d?cida de restreindre le droit de visite de ce dernier, portant le nombre de rencontres ? une par semaine, et imposa ? N.R. l?obligation de laisser l?enfant seule avec le p?re et les assistants sociaux lors de ces visites.
26. Le 12 mars 2009, N.R., agissant sans autorisation, fit examiner S. par un gyn?cologue afin de prouver que celle-ci avait subi des attouchements sexuels de la part du requ?rant. Le 2 avril 2009 N.R. d?posa alors une plainte p?nale.
27. Entre-temps, la tenue des rencontres avait ?t? difficile en raison du refus de S. de voir le requ?rant et de la pr?sence constante de N.R. lors des visites.
28. Le 12 juin 2009, le gyn?cologue consult? par N.R. attesta que S. avait subi des attouchements sexuels. Par cons?quent, une expertise m?dicale de S. fut ordonn?e.
29. Par la suite, dans un rapport du 10 juillet 2009, les services sociaux signal?rent au tribunal des difficult?s dans le d?roulement des rencontres. Ils demandaient au tribunal de suspendre celles-ci dans l?attente de l?aboutissement de l?enqu?te p?nale portant sur les attouchements sexuels all?gu?s.
30. Dans le cadre de l?enqu?te p?nale, une visite gyn?cologique fut fix?e en juillet 2009. N.R. ne pr?senta pas sa fille ? cet examen.
31. Le 13 ao?t 2009, le tribunal condamna N.R. au paiement d?une amende de 1 500 euros (EUR) pour avoir soumis sa fille ? l?examen gyn?cologique r?alis? en mars 2009.
32. Le 9 novembre 2009, l?enfant fut examin?e par le gyn?cologue nomm? par le tribunal. Selon le rapport d?pos? par ce m?decin, S. n?avait subi aucun attouchement sexuel.
33. Le 18 novembre 2009, le tribunal de Pise ordonna que S. f?t vaccin?e.
34. D?apr?s le requ?rant, le d?roulement des rencontres ?tait toujours difficile puisque, selon lui, S. ne voulait pas le voir et elle quittait la pi?ce o? se d?roulaient les visites quand il arrivait.
35. Le 7 janvier 2010, un rapport d?expertise psychologique fut remis au tribunal. L?expert concluait que le comportement de N.R. avait ?t? pr?judiciable ? S. puisqu?il aurait emp?ch? celle-ci d??tablir une relation avec le requ?rant. Il indiquait que les d?clarations de S. aux services sociaux ?taient le r?sultat d?une manipulation psychique exerc?e par la m?re. Il pr?cisait qu?il n?y avait pas encore en l?esp?ce de syndrome d?ali?nation parentale mais qu?il ?tait n?cessaire de mettre en place un soutien psychologique pour l?enfant. Il ajoutait que S. vivait toujours avec N.R. et que, par cons?quent, les mesures prises par le tribunal n??taient pas effectives. Il indiquait enfin que la solution consisterait en l?octroi de la garde de S. aux grands-parents paternels, parall?lement ? la mise en place du soutien psychologique pr?conis?.
36. Le 26 f?vrier 2010, le tribunal de Pise pronon?a la s?paration de corps entre le requ?rant et N.R. et confia la garde de S. aux deux parents conjointement. Il fixa toutefois la r?sidence principale de l?enfant chez N.R., apr?s avoir observ? que cette derni?re ?tait la personne de r?f?rence pour S. et que l?int?r?t de l?enfant ?tait de rester avec sa m?re. En outre, relevant que le p?re ?tait en mesure d?exercer son r?le parental et de comprendre les besoins de S., le tribunal ordonna l??largissement du droit de visite et d?h?bergement du requ?rant et, ? cet effet, il ?tablit un calendrier des rencontres. Enfin, le tribunal souligna que, en cas de non-respect de ces prescriptions par la m?re, la garde de l?enfant serait exclusivement confi?e au p?re.
37. Le requ?rant ne r?ussit pas ? exercer son droit de visite en raison du comportement de N.R., laquelle s?opposait ? tout contact entre lui et l?enfant.
38. Le 3 ao?t 2010, le requ?rant demanda l?ex?cution du jugement du tribunal de Pise. Par une d?cision du m?me jour, celui-ci accueillit sa demande et ?tablit que l?int?ress? pouvait solliciter l?aide de la police pour faire respecter son droit de visite tel qu?il avait ?t? d?termin? dans le jugement en question. Le tribunal enjoignit ? N.R. de respecter ses prescriptions.
39. N.R. interjeta appel du jugement en question et de la d?cision qui rendait celui-ci ex?cutoire.
40. Le 22 octobre 2010, le requ?rant saisit le tribunal pour enfants de Florence d?une demande de d?ch?ance de l?autorit? parentale de N.R. aux motifs qu?il ?tait dans l?impossibilit? d?exercer son droit de visite et que S. se trouvait dans une situation critique.
41. Par un arr?t du 12 novembre 2010, la cour d?appel de Florence r?forma le jugement du tribunal de Pise du 26 f?vrier 2010. Elle rappelait d?abord que N.R. avait d?pos? une plainte pour des abus sexuels qui n?avaient pas ?t? prouv?s, qu?elle avait ?t? sanctionn?e pour avoir soumis sa fille ? un examen gyn?cologique, qu?elle n?avait pas voulu faire vacciner celle-ci ? ce qui avait n?cessit? une intervention du tribunal ? et, enfin, qu?elle s??tait oppos?e aux rencontres entre le requ?rant et l?enfant. Toutefois, la cour d?appel estimait que l?octroi de la garde au p?re n??tait pas dans l?int?r?t de la mineure eu ?gard au lien tr?s ?troit existant entre celle-ci et sa m?re. Par cons?quent, elle confia la garde de l?enfant aux services sociaux et fixa la r?sidence principale de cette derni?re chez la m?re. En outre, elle d?cida la mise en place d?un soutien psychologique pour la mineure, octroya un droit de visite et d?h?bergement au requ?rant et ordonna aux services sociaux de surveiller le comportement des deux parents.
42. N.R. se pourvut en cassation, en contestant la motivation de l?arr?t du 12 novembre 2010.
43. Le 24 janvier 2011, les services sociaux d?pos?rent un rapport d??valuation portant sur les parents et la mineure devant la cour d?appel. Dans ce rapport, ils indiquaient que la situation avait empir? en raison d?une absence de collaboration de N.R. ? la psychoth?rapie et qu?un syndrome d?ali?nation parentale commen?ait ? se profiler. Les services sociaux soulignaient que S. vivait dans un environnement hostile au requ?rant et qu?il fallait par cons?quent la prot?ger.
44. Le 27 septembre 2011, apr?s avoir pris en compte la situation dans laquelle se trouvait l?enfant ? estim?e ?tre dangereuse pour celle-ci ? et le rapport d?pos? par les services sociaux, le tribunal pour enfants de Florence ordonna deux expertises, l?une portant sur la capacit? du requ?rant et de N.R. ? exercer leur r?le parental et l?autre sur l??tat de S., afin de d?terminer si celle-ci avait d?velopp? un syndrome d?ali?nation parentale.
45. N.R. s?opposa ? cette d?cision : elle d?posa un recours devant le tribunal pour enfants de Florence, lui demandant la reformulation des questions pos?es ? l?expert. Cette demande fut rejet?e.
46. N.R. interjeta appel, en sollicitant une suspension du travail de l?expert dans l?attente de la d?cision de la cour d?appel sur le fond de l?affaire.
47. Le 16 f?vrier 2012, le pr?sident de la cour d?appel de Florence fit droit ? la demande de N.R.
48. Par une d?cision du 4 avril 2012, la cour d?appel d?clara le recours de N.R. irrecevable ; l?expert put par cons?quent reprendre son travail.
49. Le 20 novembre 2012, un rapport d?expertise psychologique fut r?dig? et remis au tribunal pour enfants de Florence. Selon ce rapport, la famille se trouvait dans une situation de ? triangle pervers ? dans laquelle pr?valaient le d?nigrement et le rejet du parent injustement accus? d?attouchements sexuels (voir paragraphes 66-70 ci-dessous). D?apr?s les psychologues, N.R. avait une attitude d?fensive tr?s rigide. Toujours selon eux, la mineure ?tait quant ? elle victime d?un abus ?motionnel et, par ailleurs, le lien symbiotique existant entre elle et sa m?re l?emp?chait d?avoir un d?veloppement ad?quat et compromettait ainsi l??volution de ses relations avec le requ?rant.
50. Par cons?quent, les experts conseillaient une reprise imm?diate des contacts entre S. et le requ?rant afin de pr?server le d?veloppement de l?enfant.
Ils pr?conisaient aussi le suivi d?une th?rapie psychologique par N.R. afin de normaliser le lien entre celle-ci et sa fille. Le rapport concluait en sugg?rant le placement de S. chez ses grands-parents paternels pour permettre ? l?enfant de se rapprocher de son p?re et d??tablir des relations plus ?quilibr?es avec sa m?re. ? d?faut, selon les psychologues, la seule solution ?tait de d?choir la m?re de son autorit? parentale.
51. Le 22 janvier 2013, le procureur demanda au tribunal pour enfants de Florence de d?cider le placement de l?enfant chez ses grands-parents et de pr?voir des rencontres en milieu prot?g? avec les deux parents.
52. Par une d?cision du 16 avril 2013, le tribunal pour enfants constata tout d?abord que S. ne pouvait ni grandir ni franchir toutes les ?tapes du d?veloppement librement. Selon le tribunal, la situation durait depuis trop longtemps et les dangers pour S. ?taient tr?s ?lev?s. Le tribunal d?cida toutefois de ne pas d?choir la m?re de son autorit? parentale, et ce afin de ne pas traumatiser l?enfant, et il ordonna que celle-ci demeur?t chez sa m?re et qu?elle f?t suivie par des psychologues et les services sociaux afin de permettre une restauration de la relation avec le p?re. Il enjoignit ? N.R. de respecter ces prescriptions : ? d?faut, celle-ci serait d?chue de son autorit? parentale et l?enfant ferait l?objet d?un placement. En outre, le tribunal demanda aux services sociaux de r?diger un rapport dans les six mois. Aucune indication quant aux rencontres avec le requ?rant ne fut donn?e.
53. ? une date non pr?cis?e, le requ?rant interjeta appel de cette d?cision.
54. Selon un rapport des services sociaux de 2013, plusieurs rencontres eurent lieu entre le requ?rant et l?enfant. D?apr?s ce rapport, le requ?rant avait tent? de donner un cadeau ? sa fille ? l?occasion de son anniversaire mais n?y ?tait pas parvenu, et ce en d?pit de la coop?ration de la m?re, et, ? cette occasion, l?enfant avait commenc? ? crier et demand? ? partir.
55. Entre octobre 2013 et janvier 2014, quelques rencontres eurent lieu, mais l?enfant ne parlait jamais spontan?ment de son p?re.
56. Par une d?cision du 25 f?vrier 2014, la cour d?appel confirma tout d?abord sa comp?tence, contest?e par N.R., en raison entre autres de la gravit? de la situation de l?enfant, qui perdurait depuis longtemps.
Elle se pencha ensuite sur ladite situation. Elle relevait ainsi que, apr?s les deux rencontres de 2008, la mineure avait commenc? ? refuser de voir le requ?rant et ? utiliser un langage tr?s agressif ? son ?gard. Elle notait ?galement que, d?apr?s l?expert mandat? en 2010, l?enfant ?tait en situation de d?tresse ?motionnelle. Elle observait aussi que les diff?rents experts nomm?s par les juridictions n?avaient pas pu rencontrer l?enfant seule en raison d?une opposition de la m?re et que cette derni?re avait d?velopp? un lien symbiotique avec l?enfant et avait projet? ses peurs et ses angoisses sur celle-ci. Elle relevait enfin que, selon un autre expert, l?enfant ?tait entrav?e dans son d?veloppement psychique.
57. La cour d?appel ordonna par cons?quent aux services sociaux de prendre des mesures dans l?int?r?t de l?enfant, y compris de proc?der ? l??loignement de la mineure du domicile de la m?re si n?cessaire. Elle d?cida aussi de suspendre l?autorit? parentale de la m?re, jugeant que cette derni?re n??tait pas capable d?assurer ? sa fille un d?veloppement psychique ad?quat en raison de la manipulation qu?elle exer?ait sur celle-ci et de la d?n?gation constante de la figure paternelle ? laquelle elle se livrait. Selon la cour d?appel, la suspension de l?autorit? parentale de la m?re ?tait une mesure suffisante pour permettre aux services sociaux de prendre soin de l?enfant. En sus de la suspension de l?autorit? parentale de la m?re, la cour d?appel d?cida l?organisation de rencontres entre le requ?rant et sa fille.
58. N.R. se pourvut en cassation contre la d?cision de la cour d?appel.
59. De son c?t?, le requ?rant d?posa un nouveau recours devant le tribunal pour enfants afin de demander la d?ch?ance de l?autorit? parentale de N.R.
60. Le tribunal pour enfants entendit le requ?rant et N.R. lors de l?audience du 10 juin 2014.
61. Il entendit l?enfant le 24 octobre 2014. Celle-ci d?clara qu?elle ne voulait pas parler avec son p?re et qu?elle se souvenait d??pisodes traumatisants de son enfance.
62. Un rapport des services sociaux faisant ?tat de la situation de l?enfant entre septembre 2014 et janvier 2015 fut d?pos? devant le tribunal pour enfants. Il ressortait de ce rapport que la mineure avait accept? la psychoth?rapie mais refus? de voir son p?re, que les deux seules rencontres qui avaient eu lieu en d?cembre 2014 et janvier 2015 s??taient d?roul?es difficilement ? cause de la r?action de rejet manifest?e par l?enfant vis-?-vis du requ?rant et que les services sociaux pr?conisaient d?intensifier les rencontres et les s?ances de psychoth?rapie.
63. Un autre rapport fut d?pos? le 10 mars 2015, indiquant qu?une seule rencontre avait eu lieu et que la m?re y avait assist?. Selon ce rapport, pendant cette rencontre, l?enfant avait demand? en sanglotant ? son p?re qu?il s?excus?t aupr?s d?elle pour les abus qu?elle aurait subis ?tant plus jeune.
Entre mars et avril 2015, neuf rencontres eurent lieu, en pr?sence de la m?re, au cours desquelles l?enfant put rencontrer ses grands-parents paternels.
64. Le 31 juillet 2015, les services sociaux signal?rent au tribunal pour enfants que la situation avait soudainement chang?. La derni?re rencontre dat?e du 20 juillet 2015 se serait d?roul?e de mani?re d?sastreuse : l?enfant aurait refus? tout contact avec ses grands-parents et son p?re, et elle n?aurait pas voulu descendre de la voiture pour rencontrer ceux-ci. Selon les psychologues, la meilleure solution pour l?enfant consisterait en son placement dans un institut, afin de la soustraire ? l?influence maternelle et de rem?dier ? l?impossibilit? pour la m?re de prot?ger et d?accompagner sa fille dans le processus de rapprochement avec le p?re.
65. Dans l?intervalle, par une ordonnance du 25 f?vrier 2015, la Cour de cassation avait rejet? le pourvoi introduit par N.R. contre l?arr?t rendu le 25 f?vrier 2014 par la cour d?appel de Florence.
Par ailleurs, ? la suite du pourvoi form? par N.R. contre l?arr?t prononc? le 12 novembre 2010 par la cour d?appel de Florence (voir paragraphe 41), par une ordonnance du 22 avril 2015, la Cour de cassation avait renvoy? l?affaire pour un examen en audience publique. Il ressort du dossier que cette proc?dure est actuellement pendante.
B. Proc?dures p?nales ? l?encontre du requ?rant
66. Comme indiqu?e ci-dessus, le 3 juillet 2007, N.R. porta ? l?encontre du requ?rant des accusations de violences sexuelles, maltraitance et enl?vement.
67. Le 4 mai 2012, le tribunal acquitta le requ?rant.
68. N.R. fit appel de ce jugement. Par un arr?t du 20 juillet 2015, la cour d?appel de Florence rejeta le recours de N.R. comme ?tant manifestement mal fond?, et elle acquitta le requ?rant.
69. Dans l?intervalle, le 2 avril 2009, N.R. avait d?pos? une plainte pour attouchements sexuels sur sa fille.
70. Le 23 f?vrier 2011, le juge charg? des investigations pr?liminaires avait class? la plainte sans suite.
C. Proc?dure p?nale ? l?encontre de N.R.
71. Il ressort du dossier que, suite ? une plainte d?pos?e par le requ?rant en 2013 et d?apr?s une enqu?te approfondie, N.R. avait s?rieusement entrav? le d?veloppement psychologique de sa fille et affect? la relation de celle-ci avec son p?re.
Pour ces raisons, N.R. fut renvoy?e en jugement pour les d?lits de non respect d?une d?cision judiciaire (article 388 du code p?nal) et de maltraitance familiale ou sur mineur (article 572 ? 1 du code p?nal).
72. La premi?re audience eut lieu le 6 juillet 2015. La proc?dure est actuellement pendante.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
73. Une partie du droit interne pertinent se trouve d?crite dans l?arr?t Errico c. Italie, no 29768/05, ?? 23-26, 24 f?vrier 2009.
74. Le d?cret l?gislatif no 154 du 28 d?cembre 2013 a introduit dans le code civil des nouvelles dispositions relatives ? l?exercice de l?autorit? parentale ? la suite d?une s?paration, d?un divorce ou de l?annulation d?un mariage. Ces dispositions s?appliquent ?galement dans le cadre des litiges concernant des enfants n?s hors mariage.
75. Aux termes de l?article 337ter, en cas de s?paration, l?autorit? parentale est exerc?e par les deux parents. Le juge peut modifier les modalit?s de garde et prendre acte des diff?rents accords intervenus entre les parties. Le juge peut ?tablir les modalit?s de garde et le montant de la pension alimentaire.
76. Selon l?article 337quater, le juge peut confier la garde des enfants ? l?un des parents lorsqu?il estime que l?attribution de la garde ? l?autre parent est contraire ? l?int?r?t de l?enfant. Chacun des parents peut ?galement demander ? tout moment la garde exclusive. Le parent qui a la garde exclusive de l?enfant exerce ?galement l?autorit? parentale exclusive. Sauf indication contraire, les d?cisions qui pr?sentent un int?r?t majeur pour les enfants sont prises conjointement par les parents.
Le parent qui n?a pas la garde a le droit et le devoir de veiller ? l??ducation des enfants. Il peut saisir le juge quand il estime que des d?cisions contraires ? l?int?r?t des enfants sont prises.
77. Selon l?article 337quinquies, les parents peuvent ? tout moment demander la r?vision des modalit?s concernant la garde des enfants et l?attribution de l?autorit? parentale.
78. Aux termes de l?article 337octies, avant de prendre les d?cisions mentionn?es ? l?article 337ter, le juge peut admettre des moyens de preuves et utiliser l?avis d?un expert. Il peut ?galement : 1) proc?der ? l?audition d?un enfant ?g? de douze ans ou plus jeune et ce en fonction de sa capacit? de discernement ; 2) diff?rer, apr?s avoir obtenu le consentement des parties, l?adoption des d?cisions mentionn?es ? l?article 337ter et ordonner aux parties de suivre une proc?dure de m?diation familiale afin de parvenir ? un accord dans l?int?r?t moral et mat?riel des enfants.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DE L?ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
79. Le requ?rant se plaint d?une violation de son droit au respect de sa vie familiale au motif qu?il n?a pas pu exercer pleinement son droit de visite pendant sept ans, et ce malgr? l?existence de plusieurs d?cisions du tribunal de Pise, de la cour d?appel de Florence et du tribunal pour enfants de Florence fixant les conditions d?exercice de ce droit. Il reproche aux juridictions internes de ne pas avoir mis en place des mesures qui lui auraient permis de pr?server le lien avec sa fille et d?avoir, par cons?quent, laiss? le temps ? son ex-?pouse de dresser l?enfant contre lui. Il d?nonce une inertie des autorit?s face au comportement de N.R., all?guant que celles-ci n?ont pas d?ploy? d?efforts ni pris de mesures provisoires pour lui permettre d?exercer son droit de visite et emp?cher l?ali?nation parentale qui aurait ?t? observ?e chez sa fille. Il invoque les articles 8 et 14 de la Convention au motif qu?il serait discrimin? par les juridictions en tant que p?re.
80. Ma?tresse de la qualification juridique des faits de la cause, la Cour estime appropri? d?examiner les griefs soulev?s par la requ?rante uniquement sous l?angle de l?article 8, lequel exige que le processus d?cisionnel d?bouchant sur des mesures d?ing?rence soit ?quitable et respecte, comme il se doit, les int?r?ts prot?g?s par cette disposition (Moretti et Benedetti c. Italie, no 16318/07, ? 27, 27 avril 2010 ; Havelka et autres c. R?publique tch?que, no 23499/06, ?? 34-35, 21 juin 2007 ; Kutzner c. Allemagne, no 46544/99, ? 56, CEDH 2002-I ; Wallov? et Walla c. R?publique tch?que, no 23848/04, ? 47, 26 octobre 2006).
L?article 8 de la Convention est ainsi libell? :
? 1. Toute personne a droit au respect de sa vie priv?e et familiale (…)
2. Il ne peut y avoir ing?rence d?une autorit? publique dans l?exercice de ce droit que pour autant que cette ing?rence est pr?vue par la loi et qu?elle constitue une mesure qui, dans une soci?t? d?mocratique, est n?cessaire ? la s?curit? nationale, ? la s?ret? publique, au bien ?tre ?conomique du pays, ? la d?fense de l?ordre et ? la pr?vention des infractions p?nales, ? la protection de la sant? ou de la morale, ou ? la protection des droits et libert?s d?autrui. ?
81. Le Gouvernement conteste les all?gations du requ?rant.
A. Objections pr?liminaires
82. Le Gouvernement estime que la requ?te est irrecevable au motif que le requ?rant n?aurait pas respect? l?article 47 du r?glement, tel que modifi? en 2013 et en vigueur depuis janvier 2014. Il affirme que la Cour n?a pas ?t? r?guli?rement saisie au regard de l?article 47 pr?cit? aux motifs que le requ?rant n?a pas ?puis? les voies de recours internes et qu?il n?a pas non plus fourni les informations et les documents pertinents concernant les recours exerc?s par lui.
83. Le requ?rant s?oppose ? la th?se du Gouvernement.
84. La Cour note que le Gouvernement n?a pas indiqu? en quoi le requ?rant n?aurait pas respect? les instructions ?nonc?es ? l?article 47 du r?glement. Elle rappelle ?galement que les conditions plus strictes pour l?introduction d?une requ?te ne sont exig?es qu?? partir du 1er janvier 2014 par le nouvel article 47 de son r?glement. En l?esp?ce, elle constate que la requ?te a ?t? introduite le 2 ao?t 2013 et que, par cons?quent, il n?y a aucune raison de consid?rer que le requ?rant n?a pas respect? les conditions requises par l?article 47 tel qu?en vigueur ? l??poque des faits (Oliari et autres c. Italie, nos 18766/11 et 36030/11, ?? 67-68, 21 juillet 2015 et Bondavalli c. Italie, no 35532/12, ? 52, 17 novembre 2015).
85. Partant, il convient donc de ne pas tenir compte des arguments du Gouvernement sur ce point.
B. Sur la recevabilit?
1. Th?ses des parties
86. Le Gouvernement excipe du non-?puisement des voies de recours internes. Il affirme ? cet ?gard que, au moment de l?introduction de la requ?te, le pourvoi en cassation contre l?arr?t de la cour d?appel de Florence du 12 novembre 2010 portant sur la garde de l?enfant ?tait encore pendant et que le recours qui aurait ?t? introduit par le requ?rant devant le tribunal pour enfants de Florence ?tait ?galement pendant.
Le Gouvernement, qui indique que les d?cisions du tribunal pour enfants peuvent toujours ?tre modifi?es, pr?cise qu?il faut pour cela des ?l?ments nouveaux. Or, selon lui, pareils ?l?ments faisaient d?faut en l?esp?ce.
87. Se r?f?rant au principe de subsidiarit?, le Gouvernement affirme que le requ?rant aurait d? ?puiser toutes les voies de recours internes avant de saisir la Cour.
88. Le requ?rant conteste l?exception du Gouvernement. Il fait observer qu?il se plaint d?un d?faut de protection de l??tat concernant sa fille. Il indique ?galement que le pourvoi en cassation contre l?arr?t de la cour d?appel a ?t? introduit par N.R. et que l?audience y aff?rente a ?t? fix?e quatre ans apr?s. Il ajoute que la proc?dure de s?paration est toujours pendante huit ans apr?s son introduction. De plus, il affirme que la proc?dure devant le tribunal pour enfants de Florence relative ? une suspension de l?autorit? parentale est une proc?dure de juridiction gracieuse (? volontaria giurisdizione ?). Il indique aussi que toutes les d?cisions lui ont ?t? favorables et qu?il n?avait aucun int?r?t ? les attaquer. Il pr?cise en outre, d?une part, que ces d?cisions concernaient des situations relatives ? des droits subjectifs et, d?autre part, qu?elles n?avaient aucun caract?re d?cisoire et qu?elles n?avaient pas acquis l?autorit? de la chose jug?e au motif qu?elles ?taient toujours susceptibles d??tre modifi?es.
2. Appr?ciation de la Cour
89. La Cour note tout d?abord que les griefs du requ?rant portent sur la question de la mise en ?uvre du droit de visite selon les modalit?s fix?es par plusieurs d?cisions et l?inertie all?gu?e des autorit?s face au comportement de N.R., et non sur le jugement de s?paration de corps. Elle remarque en outre que le pourvoi en cassation est pendant depuis quatre ans. Par cons?quent, eu ?gard ?galement ? l?incidence dans ce genre d?affaires de l??coulement du temps ? celui ci pouvant avoir des cons?quences irr?m?diables pour les relations entre l?enfant et celui des parents qui ne vit pas avec lui (Lombardo c. Italie, no 25704/11, 29 janvier 2013, et Nicol? Santilli c. Italie, no 51930/10, 17 d?cembre 2013) ?, elle estime que le volet de l?exception de non ?puisement des voies de recours portant sur le recours en cassation n?est pas pertinent.
90. Ensuite, la Cour rappelle que les d?cisions du tribunal pour enfants portant notamment sur le droit de visite ne rev?tent pas un caract?re d?finitif et qu?elles peuvent, d?s lors, ?tre modifi?es ? tout moment en fonction des ?v?nements li?s ? la situation en cause. Ainsi, l??volution de la proc?dure interne est la cons?quence du caract?re non d?finitif des d?cisions du tribunal pour enfants portant sur le droit de visite. Par ailleurs, la Cour note en l?esp?ce que le requ?rant all?gue qu?il n?a pas ?t? en mesure d?exercer pleinement son droit de visite depuis 2007 et qu?il a introduit sa requ?te devant elle le 2 ao?t 2013 apr?s avoir saisi ? plusieurs reprises le tribunal pour enfants qui s??tait prononc? sur son droit. Elle observe que le requ?rant avait ? sa disposition cette voie de recours interne pour se plaindre de l?interruption des contacts avec sa fille (Lombardo, pr?cit?, ? 63, et Nicol? Santilli, pr?cit?, ? 46).
91. Compte tenu de ces ?l?ments, la Cour estime que le requ?rant a ?puis? les voies de recours disponibles et qu?il y a lieu de rejeter l?exception soulev?e par le Gouvernement.
92. Constatant que la requ?te n?est pas manifestement mal fond?e au sens de l?article 35 ? 3 a) de la Convention et qu?elle ne se heurte par ailleurs ? aucun autre motif d?irrecevabilit?, la Cour la d?clare recevable.
C. Sur le fond
1. Th?ses des parties
93. Le requ?rant indique qu?en 2008 les services sociaux ont signal? que l?enfant avait une attitude positive ? son ?gard et qu?elle ?tait heureuse de jouer avec lui. Il ajoute que, d?une part, ? partir de 2009, l?enfant a continu? ? vivre chez sa m?re et qu?elle n?a plus voulu le voir ? cause d?une manipulation exerc?e par cette derni?re, laquelle aurait ?t? certifi?e par les diff?rents experts mandat?s par les tribunaux et tol?r?e par ceux-ci, et que, d?autre part, les derni?res m?diations n?ont pas permis de r?soudre la situation. Il pr?cise ? cet ?gard que les juridictions ont estim? utile de laisser l?enfant vivre chez sa m?re, et ce en d?pit de la teneur des rapports des services sociaux qui auraient fait ?tat de la manipulation exerc?e sur la mineure.
94. En outre, le requ?rant ajoute que les juridictions internes ont d?cid? de ne pas d?choir la m?re de l?autorit? parentale, alors que son droit de visite n?aurait pas ?t? respect? depuis plusieurs ann?es. Il affirme que l??coulement du temps a eu des cons?quences tr?s graves pour sa relation avec S., relation qui se trouverait d?sormais compromise. Selon le requ?rant, la rupture des contacts avec S., suivie d?une limitation de son droit de visite qui aurait r?sult? d?une non-tenue des rencontres, a rendu impossible l??tablissement d?une relation p?re-fille stable.
95. Indiquant que la derni?re d?cision prise en 2014 a confi? la garde de l?enfant aux services sociaux et ?tabli la r?sidence principale de la mineure chez N.R., le requ?rant d?plore que cette derni?re ait pu continuer ce qu?il qualifie d?? ?uvre de destruction de la figure paternelle ? et que les juridictions n?aient pu que ? constater les d?g?ts ?.
96. Par ailleurs, le requ?rant soutient qu?aucune mesure emp?chant une ali?nation parentale n?a ?t? mise en place par les tribunaux depuis 2008 et que la d?cision de 2010 qui lui avait attribu? la garde de l?enfant conjointement avec son ex ?pouse n?a pas ?t? ex?cut?e.
97. Le requ?rant affirme que, pendant une certaine p?riode, les services sociaux n?ont pas organis? les rencontres en milieu prot?g? de mani?re syst?matique. Il ajoute que les experts nomm?s par les tribunaux ont eux-m?mes soulign? ? plusieurs reprises que la m?re avait comme objectif de dresser l?enfant contre lui ? ce qui serait ressorti de son comportement ? et qu?elle nuisait au d?veloppement psychique de celle-ci. Il ajoute que son ex-?pouse avait d?pos? plainte pour abus sexuels et qu?il a ?t? acquitt?. Aux dires du requ?rant, nonobstant tous ces ?l?ments qui auraient d?montr? l?inimiti? de N.R. ? son ?gard, les juridictions ont continu? ? maintenir la r?sidence de l?enfant chez la m?re, laissant ainsi la mineure dans un environnement que l?int?ress? qualifie d?hostile ? son ?gard, et ne lui ont octroy? que le b?n?fice de rencontres en milieu prot?g? qui ne se seraient pas d?roul?es correctement.
98. En outre, le requ?rant se plaint que les services sociaux aient permis ? la m?re d??tre pr?sente lors des rencontres et aient r?duit la fr?quence de celles-ci ? une par semaine au lieu de deux. Il ajoute que sa fille a refus? de lui adresser la parole au cours de toutes ces rencontres. Il indique que la cour d?appel avait ordonn? aux services sociaux d??loigner l?enfant du domicile de N.R. au cas o? cette derni?re n?aurait pas respect? pas son droit de visite et que, en d?pit de cette d?cision, rien n?a ?t? fait afin de prot?ger l?enfant.
99. Le requ?rant se plaint ?galement d?une inex?cution des d?cisions prises initialement par les juridictions et de celles prononc?es par la suite. Il reproche aux juges d?avoir laiss? la r?sidence principale de l?enfant chez la m?re et d?avoir permis ? celle-ci de nuire au d?veloppement de l?enfant, et ce en d?pit des avis de plusieurs experts, du caract?re fallacieux des accusations d?abus sexuels port?es ? son encontre par N.R., de la suspension de l?autorit? parentale de cette derni?re et de l?apparition d?un syndrome d?ali?nation parentale qui aurait ?t? observ? chez l?enfant.
100. Le requ?rant conclut que les d?cisions critiqu?es n?ont pas ?t? prises dans l?int?r?t de l?enfant, car celle-ci se trouverait d?sormais dans une situation tr?s difficile et conna?trait un ? blocage dans son ?volution ?, comme cela aurait ?t? soulign? par l?expert d?sign? par le tribunal.
101. Le Gouvernement conteste la th?se du requ?rant. Il affirme que les autorit?s ont pris toutes les mesures n?cessaires pour pr?server la relation entre le requ?rant et l?enfant et qu?elles ont tenu compte ? cet effet de la situation de tension existant entre les parents. Les juridictions se seraient ainsi conduites avec diligence.
102. Se r?f?rant aux arr?ts Nuutinen c. Finlande (no 32842/96, CEDH 2000 VIII) et Glass c. Royaume-Uni (no 61827/00, CEDH 2004 II), le Gouvernement indique que l?article 8 de la Convention ne saurait autoriser un parent ? faire prendre des mesures pr?judiciables ? la sant? et au d?veloppement de l?enfant. ? cet ?gard, il est d?avis que rien ne peut ?tre reproch? aux autorit?s : celles-ci auraient agi dans l?int?r?t de l?enfant. Le Gouvernement pr?cise que cette derni?re se trouvait d?j? en 2008 dans une situation difficile en raison des tensions existant entre les parents et de la plainte pour abus sexuels d?pos?e par N.R.
103. Selon le Gouvernement, eu ?gard en particulier ? l??tat psychologique de l?enfant et ? l?opposition de cette derni?re ? toute rencontre avec son p?re, on ne saurait reprocher ? l??tat d?avoir maintenu la r?sidence de l?enfant chez N.R. et d?avoir fix? les modalit?s d?exercice du droit de visite du requ?rant selon un r?gime de rencontres en milieu prot?g?.
104. De plus, aux yeux du Gouvernement, toutes les exigences proc?durales ont ?t? respect?es : au cours de la proc?dure, le requ?rant aurait eu la possibilit? de pr?senter tous les arguments en faveur de l?octroi d?un droit de visite et aurait aussi eu acc?s ? toutes les informations pertinentes ayant fond? les d?cisions des tribunaux.
105. Le Gouvernement indique que, en 2010, les juridictions ont pris en consid?ration les difficult?s relationnelles entre le p?re et l?enfant et qu?elles n?ont ainsi pas voulu octroyer au requ?rant la garde exclusive de la mineure pour ne pas aggraver l??tat psychologique de cette derni?re. Toutefois, les juridictions auraient toujours ?uvr? en faveur d?un rapprochement entre le requ?rant et l?enfant. ? cet ?gard, des mesures de m?diation et le suivi d?une psychoth?rapie par l?enfant auraient ?t? ordonn?s.
106. Le Gouvernement affirme que les juridictions n?ont pas attribu? la garde au requ?rant, en d?pit du comportement de la m?re, afin de prot?ger l?enfant et qu?elles ont agi de la sorte exclusivement dans l?int?r?t de cette derni?re.
107. Le Gouvernement soutient que, m?me si le syst?me italien ne pr?voit pas de mesures qui auraient permis d?imposer une ex?cution de la d?cision portant sur le droit de visite du requ?rant ? N.R., cette derni?re a ?t? soumise au paiement d?une amende pour avoir fait passer une visite gyn?cologique ? l?enfant, emp?ch? les contacts avec le p?re et exerc? des pressions psychologiques sur l?enfant. De plus, il fait observer qu?une proc?dure p?nale est pendante contre N.R.
108. Le Gouvernement estime que le requ?rant a pu avoir des contacts avec sa fille gr?ce aux services sociaux et que, si les visites ne se sont pas d?roul?es correctement, c?est en raison du refus de l?enfant de voir l?int?ress?. D?apr?s lui, les autorit?s ne pouvaient pas forcer l?enfant ? rencontrer son p?re.
109. Le Gouvernement soutient en conclusion que les autorit?s ont agi exclusivement dans l?int?r?t de l?enfant, et ce, selon lui, apr?s avoir proc?d? ? une mise en balance de tous les int?r?ts en jeu. Il invite la Cour ? rejeter la requ?te comme ?tant manifestement mal fond?e.
2. Appr?ciation de la Cour
a) Principes g?n?raux
110. Comme la Cour l?a rappel? ? maintes reprises, si l?article 8 de la Convention a essentiellement pour objet de pr?munir l?individu contre les ing?rences arbitraires des pouvoirs publics, il ne se contente pas de commander ? l??tat de s?abstenir de pareilles ing?rences : ? cet engagement plut?t n?gatif peuvent s?ajouter des obligations positives inh?rentes ? un respect effectif de la vie priv?e ou familiale. Celles-ci peuvent impliquer l?adoption de mesures visant au respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux, dont la mise en place d?un arsenal juridique ad?quat et suffisant pour assurer les droits l?gitimes des int?ress?s ainsi que le respect des d?cisions judiciaires, ou des mesures sp?cifiques appropri?es (voir, mutatis mutandis, Zawadka c. Pologne, n? 48542/99, ? 53, 23 juin 2005). Cet arsenal doit permettre ? l??tat d?adopter des mesures propres ? r?unir le parent et son enfant, y compris en cas de conflit opposant les deux parents (voir, mutatis mutandis, Ignaccolo-Zenide c. Roumanie, n? 31679/96, ? 108, CEDH 2000 I, Sylvester c. Autriche, nos 36812/97 et 40104/98, ? 68, 24 avril 2003, Zav?el c. R?publique tch?que, n? 14044/05, ? 47, 18 janvier 2007, et Mihailova c. Bulgarie, no 35978/02, ? 80, 12 janvier 2006). La Cour rappelle aussi que les obligations positives ne se limitent pas ? veiller ? ce que l?enfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui, mais qu?elles englobent ?galement l?ensemble des mesures pr?paratoires permettant de parvenir ? ce r?sultat (voir, mutatis mutandis, Kosmopoulou c. Gr?ce, n? 60457/00, ? 45, 5 f?vrier 2004, Amanalachioai c. Roumanie, no 4023/04, ? 95, 26 mai 2009, Ignaccolo Zenide, pr?cit?, ?? 105 et 112, et Sylvester, pr?cit?, ? 70).
111. La Cour rappelle ?galement que le fait que les efforts des autorit?s ont ?t? vains ne m?ne pas automatiquement ? la conclusion que l??tat a manqu? aux obligations positives qui d?coulent pour lui de l?article 8 de la Convention (Nicol? Santilli, pr?cit? ? 67). En effet, l?obligation pour les autorit?s nationales de prendre des mesures afin de r?unir l?enfant et le parent avec lequel il ne vit pas n?est pas absolue, et la compr?hension et la coop?ration de l?ensemble des personnes concern?es constituent toujours un facteur important. Si les autorit?s nationales doivent s?efforcer de faciliter pareille collaboration, une obligation pour elles de recourir ? la coercition en la mati?re ne saurait ?tre que limit?e : il leur faut tenir compte des int?r?ts et des droits et libert?s de ces m?mes personnes, et notamment des int?r?ts sup?rieurs de l?enfant et des droits que conf?re l?article 8 de la Convention ? celui-ci (Volesk? c. R?publique tch?que, no 63267/00, ? 118, 29 juin 2004). La plus grande prudence s?impose lorsqu?il s?agit de recourir ? la coercition en ce domaine d?licat (Mitrova et Savik c. l?ex-R?publique yougoslave de Mac?doine, no 42534/09, ? 77, 11 f?vrier 2016, Reigado Ramos c. Portugal, no 73229/01, ? 53, 22 novembre 2005). Le point d?cisif consiste donc ? savoir si, en l?esp?ce, les autorit?s nationales ont pris, pour faciliter les visites entre le requ?rant et sa fille, toutes les mesures n?cessaires que l?on pouvait raisonnablement exiger d?elles (Nuutinen, pr?cit?, ? 128).
b) Application de ces principes ? la pr?sente esp?ce
112. Se tournant vers les faits de la pr?sente cause, la Cour note d?embl?e qu?il n?est pas contest? en l?esp?ce que le lien entre le requ?rant et sa fille rel?ve de la vie familiale au sens de l?article 8 de la Convention.
113. En outre, elle estime que devant les circonstances qui lui sont soumises sa t?che consiste ? examiner si les autorit?s nationales ont pris toutes les mesures que l?on pouvait raisonnablement exiger d?elles pour maintenir les liens entre le requ?rant et sa fille (Bondavalli, pr?cit? ? 75,) et ? examiner la mani?re dont les autorit?s sont intervenues pour faciliter l?exercice du droit de visite du requ?rant tel que d?fini par les d?cisions de justice (Hokkanen c. Finlande, 23 septembre 1994, ? 58, s?rie A no 299 A, et Kuppinger c. Allemagne, no 62198/11, ? 105, 15 janvier 2015). Elle rappelle aussi, que, dans une affaire de ce type, le caract?re ad?quat d?une mesure se juge ? la rapidit? de sa mise en ?uvre (Piazzi, pr?cit? ? 58) pour ?viter que l??coulement du temps puisse avoir ? lui seul, des cons?quences sur la relation d?un parent avec son enfant.
114. La Cour rel?ve que, ? partir de 2007, le requ?rant n?a cess? de demander au tribunal l?organisation de rencontres avec sa fille, mais qu?il n?a pu exercer son droit de visite que de mani?re tr?s limit?e en raison de l?opposition de la m?re de l?enfant.
115. ? cet ?gard, elle constate que, d?j? en 2008, dans leur premier rapport, les experts ont observ? qu?il existait un lien tr?s fort entre le requ?rant et sa fille et, notamment, qu?il fallait intervenir de mani?re urgente pour prot?ger celle-ci. Le rapport suivant, dat? ?galement de 2008, a mis l?accent sur les difficult?s du p?re ? avoir acc?s ? l?enfant et a soulign? que N.R. n?aidait pas sa fille ? ?tablir une relation ?quilibr?e avec l?int?ress?. Les experts ont ainsi sugg?r? au tribunal de prendre des mesures concr?tes afin de favoriser les relations entre le requ?rant et S. Par ailleurs, la Cour note que, ? plusieurs reprises, les tribunaux ont ordonn? aux services sociaux d?organiser les rencontres (paragraphes 9, 11 et 17 ci-dessus) et ? la m?re de respecter leurs d?cisions (paragraphe 36 ci-dessus). Toutefois, les rencontres entre le requ?rant et sa fille ont ?t? r?duites en nombre et leur organisation a ?t? difficile. La proc?dure p?nale men?e ? l?encontre de N.R., entre autres pour non-respect d?une d?cision judiciaire, est toujours pendante.
116. La Cour note ensuite que l?expert mandat? par le tribunal en 2010 a soulign? que le comportement de N.R. avait emp?ch? l?enfant d??tablir un rapport avec son p?re ? ce qui avait d?j? ?t? mentionn? dans les conclusions des rapports d?expertise ?tablis en 2008 ? et qu?il a sugg?r? au tribunal de confier la garde de l?enfant aux grands-parents paternels. Le requ?rant a d?nonc? ? plusieurs reprises le comportement de N.R. et a demand? aux juridictions de lui confier la garde de l?enfant afin de prot?ger celle-ci de l?influence de la m?re. Si la cour d?appel a confi?, en novembre 2010, la garde de l?enfant aux services sociaux, elle a, toutefois, maintenu la r?sidence principale de la mineure chez la m?re.
117. La Cour note ?galement que, par la suite, les rapports d??valuation et d?expertise d?pos?s en 2011 et 2012 ont ?tabli que l?enfant vivait dans un environnement hostile ? son p?re et ?tait victime d?un abus ?motionnel de la part de sa m?re et qu?ils ont sugg?r? son placement chez les grands parents paternels. Cette derni?re proposition a ?t? r?it?r?e ?galement par le procureur en janvier 2013. Or, m?me si, dans sa d?cision du 25 f?vrier 2014, la cour d?appel a octroy? aux services sociaux le pouvoir d??loigner l?enfant du domicile de sa m?re ? si n?cessaire ? (paragraphe 57 ci-dessus), ni cette juridiction ni le tribunal pour enfants, qui s??tait prononc? en avril 2013, n?ont ordonn? un changement de la r?sidence principale de l?enfant.
118. La Cour observe que la situation a ainsi perdur? jusqu?au 2013. En effet, six ans apr?s la s?paration de ses parents, l?enfant, qui, faute de v?ritable relation avec son p?re, continuait ? vivre dans un environnement hostile ? ce dernier, refusait m?me de lui parler. Selon les derniers rapports d?pos?s par les services sociaux, tout contact entre le requ?rant et l?enfant s?av?re, par ailleurs, impossible.
119. Par cons?quent, la Cour constate que la seule solution maintenant envisageable, selon le dernier rapport des psychologues, serait celle d?un placement en institut afin de soustraire l?enfant ? l?influence maternelle.
120. La Cour rappelle qu?il ne lui appartient pas de substituer son appr?ciation ? celle des autorit?s nationales comp?tentes quant aux mesures qui auraient d? ?tre prises, car ces autorit?s sont en principe mieux plac?es pour proc?der ? une telle ?valuation, en particulier parce qu?elles sont en contact direct avec le contexte de l?affaire et les parties impliqu?es (Reigado Ramos, pr?cit?, ? 53). Pour autant, elle ne peut en l?esp?ce ignorer les faits pr?c?demment expos?s (paragraphes 114-119 ci-dessus). Le requ?rant a essay? d??tablir des contacts avec sa fille depuis 2007, et, en d?pit des nombreuses expertises et ?valuations en sa faveur (qui mettaient en lumi?re l?influence n?faste de son ex-?pouse et la n?cessit? d?intervenir afin de pr?server le lien avec sa fille), les juridictions n?ont pas trouv? de solution. L?int?ress? n?a pu exercer son droit de visite que de mani?re tr?s limit?e en raison de l?opposition de la m?re de l?enfant, et celle-ci a ainsi pu dresser la mineure contre lui et faire ?chouer tout projet de rapprochement envisag?.
121. Certes, la Cour reconna?t que les autorit?s ?taient confront?es en l?esp?ce ? une situation tr?s difficile qui d?coulait notamment des tensions existant entre les parents de l?enfant. Elle admet que la non-r?alisation du droit de visite du requ?rant ?tait imputable surtout au refus manifeste de la m?re, puis ? celui de l?enfant, programm? par cette derni?re. Cependant, un manque de coop?ration entre les parents s?par?s ne peut dispenser les autorit?s comp?tentes de mettre en ?uvre tous les moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Nicol? Santilli, pr?cit?, ? 74 ; Lombardo, pr?cit?, ? 91 ; et Zav?el, pr?cit?, ? 52).
122. En effet, les autorit?s n?ont pas fait preuve de la diligence qui s?imposait en l?esp?ce et sont rest?es en de?? de ce qu?on pouvait raisonnablement attendre d?elles. En particulier, les juridictions internes n?ont pas pris les mesures appropri?es pour cr?er les conditions n?cessaires ? la pleine r?alisation du droit de visite du p?re de l?enfant (Bondavalli, pr?cit? ? 81, Macready c. R?publique tch?que, nos 4824/06 et 15512/08, ? 66, 22 avril 2010, et Piazzi, pr?cit?, ? 61). Elles n?ont pas pris, d?s le d?but de la s?paration quand l?enfant avait seulement trois ans et avait une attitude positive vis-?-vis du requ?rant, des mesures utiles visant ? l?instauration de contacts effectifs et elles ont ensuite tol?r? pendant environ huit ans que la m?re, par son comportement, emp?ch?t l??tablissement d?une v?ritable relation entre le requ?rant et l?enfant. La Cour rel?ve que le d?roulement de la proc?dure devant le tribunal fait plut?t appara?tre une s?rie de mesures automatiques et st?r?otyp?es, telles que des demandes successives de renseignements et une d?l?gation du suivi de la famille aux services sociaux assortie de l?obligation pour ceux-ci de faire respecter le droit de visite du requ?rant (Lombardo, pr?cit? ? 92, et Piazzi, pr?cit?, ? 61). Ainsi, la Cour estime-t-elle que les autorit?s ont laiss? se consolider une situation de fait install?e au m?pris des d?cisions judiciaires.
123. Au final, si les tribunaux ont ?t? inspir?s dans leurs d?marches par l?int?r?t de la mineure d?ment ?tabli (Zav?el, pr?cit?, ? 53), l?objectif poursuivi par eux n?a pas ?t? atteint : huit ans apr?s la s?paration de ses parents, l?enfant n?a aucune relation avec son p?re et la seule solution envisageable consisterait en son placement en institut.
124. Eu ?gard ? ce qui pr?c?de et nonobstant la marge d?appr?ciation de l??tat d?fendeur en la mati?re, la Cour consid?re que les autorit?s nationales n?ont pas d?ploy? les efforts ad?quats et suffisants pour faire respecter le droit de visite du requ?rant et qu?elles ont m?connu le droit de l?int?ress? au respect de sa vie familiale.
125. Partant, il y a eu violation de l?article 8 de la Convention.
II. SUR L?APPLICATION DE L?ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
126. Aux termes de l?article 41 de la Convention,
? Si la Cour d?clare qu?il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d?effacer qu?imparfaitement les cons?quences de cette violation, la Cour accorde ? la partie l?s?e, s?il y a lieu, une satisfaction ?quitable. ?
A. Dommage
127. Le requ?rant r?clame 250 000 euros (EUR) pour le pr?judice moral qu?il dit avoir subi du fait de l?impossibilit? de nouer une relation avec sa fille. Selon lui, ce montant repr?sente, en outre, le total des sommes qu?il aurait vers?es aux avocats et aux psychiatres intervenus dans les proc?dures internes.
128. Le Gouvernement combat cette pr?tention.
129. La Cour estime que les demandes du requ?rant concernant les frais d?avocat et psychiatres doivent ?tre examin?s dans le cadre des frais et d?pens (paragraphes 125-128 ci-dessous). En revanche, quant au dommage moral que le requ?rant affirme avoir subi, en tenant compte des circonstances de l?esp?ce et du constat de la rupture des relations entre le requ?rant et son enfant, la Cour consid?re que l?int?ress? a subi un pr?judice moral qui ne saurait ?tre r?par? par le seul constat de violation de l?article 8 de la Convention. La somme r?clam?e ? ce titre est, toutefois, exag?r?e. Eu ?gard ? l?ensemble des ?l?ments se trouvant en sa possession et statuant en ?quit?, comme le veut l?article 41 de la Convention, la Cour alloue ? l?int?ress? 15 000 EUR de ce chef.
B. Frais et d?pens
130. Le requ?rant demande le remboursement des sommes pay?es aux avocats et aux psychologues devant les juridictions internes sans toutefois les chiffrer et sans pr?senter les ?l?ments permettant de les calculer de mani?re pr?cise. En outre, sans pr?senter de justificatif ? l?appui de sa demande, le requ?rant r?clame la somme de 25 000 EUR pour les frais et d?pens engag?s devant la Cour.
131. Le Gouvernement conteste cette demande.
132. Selon la jurisprudence de la Cour, un requ?rant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et d?pens que dans la mesure o? se trouvent ?tablis leur r?alit?, leur n?cessit? et le caract?re raisonnable de leur taux. En outre, lorsque la Cour constate une violation de la Convention, elle n?accorde au requ?rant le paiement des frais et d?pens qu?il a expos?s devant les juridictions nationales que dans la mesure o? ils ont ?t? engag?s pour pr?venir ou faire corriger par celles-ci ladite violation. La Cour note que la demande de remboursement des frais et d?pens engag?s devant les juridictions internes ainsi que devant la Cour n?est pas suffisamment d?taill?e, ni accompagn?e des justificatifs pertinents. Elle rejette donc la demande formul?e par le requ?rant ? ce titre.
C. Int?r?ts moratoires
133. La Cour juge appropri? de calquer le taux des int?r?ts moratoires sur le taux d?int?r?t de la facilit? de pr?t marginal de la Banque centrale europ?enne major? de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, ? L?UNANIMIT?,
1. D?clare la requ?te recevable ;
2. Dit qu?il y a eu violation de l?article 8 de la Convention ;
3. Dit
a) que l??tat d?fendeur doit verser au requ?rant, dans les trois mois ? compter du jour o? l?arr?t sera devenu d?finitif conform?ment ? l?article 44 ? 2 de la Convention, 15 000 EUR (quinze mille euros) plus tout montant pouvant ?tre d? ? titre d?imp?t, pour dommage moral ;
b) qu?? compter de l?expiration dudit d?lai et jusqu?au versement, ce montant sera ? majorer d?un int?r?t simple ? un taux ?gal ? celui de la facilit? de pr?t marginal de la Banque centrale europ?enne applicable pendant cette p?riode, augment? de trois points de pourcentage ;
4. Rejette la demande de satisfaction ?quitable pour le surplus.
Fait en fran?ais, puis communiqu? par ?crit le 23 juin 2016, en application de l?article 77 ?? 2 et 3 du r?glement.
Abel Campos Mirjana Lazarova Trajkovska
Greffier Pr?sidente