Conclusion Exception pr?liminaire rejet?e (tardivet?) ; Violation de P1-1
PREMI?RE SECTION
AFFAIRE SERRAO c. ITALIE
(Requ?te no 67198/01)
ARR?T
STRASBOURG
13 octobre 2005
D?FINITIF
13/01/2006
Cet arr?t deviendra d?finitif dans les conditions d?finies ? l’article 44 ? 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Serrao c. Italie,
La Cour europ?enne des Droits de l’Homme (premi?re section), si?geant en une chambre compos?e de :
MM. C.L. Rozakis, pr?sident,
P. Lorenzen,
Mmes N. Vajić,
S. Botoucharova,
M. V. Zagrebelsky,
Mme E. Steiner,
MM. K. Hajiyev, juges,
et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Apr?s en avoir d?lib?r? en chambre du conseil le 22 septembre 2005,
Rend l’arr?t que voici, adopt? ? cette derni?re date :
PROC?DURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requ?te (no 67198/01) dirig?e contre la R?publique italienne et dont un ressortissant de cet Etat, M. V. S. (? le requ?rant ?), a saisi la Cour le 6 juillet 2000 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libert?s fondamentales (? la Convention ?).
2. Le requ?rant est repr?sent? par Mme A. S., avocat ? Lamezia Terme. Le gouvernement italien (? le Gouvernement ?) est repr?sent? par son agent, M. I.M. Braguglia, et par son coagent, M. F. Crisafulli.
3. Le requ?rant all?guait une atteinte injustifi?e ? son droit au respect de ses biens.
4. La requ?te a ?t? attribu?e ? la premi?re section de la Cour (article 52 ? 1 du r?glement). Au sein de celle-ci, la chambre charg?e d’examiner l’affaire (article 27 ? 1 de la Convention) a ?t? constitu?e conform?ment ? l’article 26 ? 1 du r?glement.
5. Par une d?cision du 24 juin 2004, la chambre a joint au fond l’exception de non-?puisement des voies de recours internes soulev?e par le Gouvernement et a d?clar? la requ?te recevable (article 54 ? 3 du r?glement).
6. Tant le requ?rant que le Gouvernement ont d?pos? des observations ?crites sur le fond de l’affaire (article 59 ? 1 du r?glement). Toutefois, bien qu’il ait ?t? invit? ? le faire, le requ?rant n’a pas fait parvenir de demandes de satisfaction ?quitable dans le d?lai imparti.
7. Le 1er novembre 2004, la Cour a modifi? la composition de ses sections (article 25 ? 1 du r?glement). La pr?sente requ?te a ?t? attribu?e ? la premi?re section ainsi remani?e (article 52 ? 1).
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESP?CE
8. Le requ?rant est n? en 1931 et r?side ? Lamezia Terme. Il est propri?taire d’un terrain constructible sis ? Filadelfia (Catanzaro) et enregistr? au cadastre, feuille 29, parcelles 32, 33 et 107.
9. Par un arr?t? du 18 d?cembre 1978, le Pr?sident de la R?gion calabraise autorisa le bureau des habitations ? loyer mod?r? (? I.A.C.P. ?) ? occuper d’urgence une partie du terrain du requ?rant pour une p?riode maximale de cinq ans, en vue d’y construire des habitations.
10. Le 12 f?vrier 1979, il y eut occupation mat?rielle.
11. Par un acte d’assignation notifi? le 27 f?vrier 1984, le requ?rant introduisit devant le tribunal civil de Lamezia Terme une action en dommages-int?r?ts ? l’encontre de la ville de Filadelfia et du I.A.C.P. Il all?guait que bien que les travaux de construction fussent termin?s en 1982, aucun d?cret d’expropriation et aucune indemnisation n’?taient intervenus. En outre, il all?guait que l’occupation du terrain ?tait devenue sans titre.
12. La ville de Filadelfia ne se constitua pas dans la proc?dure.
13. L’expert nomm? par le tribunal indiqua que l’occupation du terrain avait concern? 5 430 m?tres carr?s et qu’elle ?tait devenue sans titre ? compter du 19 d?cembre 1984. La valeur du terrain ? cette ?poque ?tait de 50 000 ITL le m?tre carr?, soit de 271 500 000 ITL. L’expert indiqua enfin que les travaux de construction s’?taient termin?s le 5 janvier 1982.
14. Par un jugement du 18 janvier 2000, le tribunal de Lamezia Terme d?clara que l’occupation du terrain, initialement autoris?e, ?tait devenue ill?gale ? compter du 18 d?cembre 1984. Il constata que le terrain avait ?t? irr?versiblement transform? par la construction des immeubles. De ce fait, conform?ment au principe de l’expropriation indirecte (occupazione acquisitiva), le tribunal d?clara que la propri?t? du terrain ?tait pass?e ? l’administration au moment o? l’occupation avait cess? d’?tre l?gale. Il y avait lieu d’accorder une indemnisation. Celle-ci devait cependant ?tre plafonn?e conform?ment ? la loi no 662 de 1996. Par cons?quent, prenant l’?valuation de l’expert comme base de d?part du calcul de l’indemnit?, le tribunal condamna solidairement le I.A.C.P et la ville de Filadelfia rest?e contumace ? verser au requ?rant la somme de 149 325 000 ITL, index?e au jour du prononc?, plus int?r?ts.
15. Par un acte notifi? le 1er juin 2000, la ville de Filadelfia interjeta appel de cette d?cision devant la cour d’appel de Catanzaro. Elle all?guait qu’aucune responsabilit? ne pouvait lui ?tre attribu?e. Le requ?rant se constitua dans la proc?dure.
16. Il ressort du dossier que la proc?dure est toujours pendante en appel.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
a) L’occupation d’urgence d’un terrain
17. En droit italien, la proc?dure acc?l?r?e d’expropriation permet ? l’administration d’occuper un terrain et d’y construire avant l’expropriation. Une fois l’ouvrage ? r?aliser d?clar? d’utilit? publique et le projet de construction adopt?, l’administration peut d?cr?ter l’occupation d’urgence des zones ? exproprier pour une dur?e d?termin?e n’exc?dant pas cinq ans (article 20 de la loi no 865 de 1971). Ce d?cret devient caduc si l’occupation mat?rielle du terrain n’a pas lieu dans les trois mois suivant sa promulgation. Avant la fin de la p?riode d’occupation autoris?e, un d?cret d’expropriation formelle doit ?tre pris.
18. L’occupation autoris?e d’un terrain donne droit ? une indemnit? d’occupation. La Cour constitutionnelle a reconnu, dans son arr?t no 470 de 1990, un droit d’acc?s imm?diat ? un tribunal aux fins de r?clamer l’indemnit? d’occupation d?s que le terrain est mat?riellement occup?, sans besoin d’attendre que l’administration proc?de ? une offre d’indemnisation.
b) Le principe de l’expropriation indirecte (? occupazione acquisitiva ? ou ? accessione invertita ?)
19. Dans les ann?es 1970, plusieurs administrations locales proc?d?rent ? des occupations d’urgence de terrains qui ne furent pas suivies de d?crets d’expropriation. Les juridictions italiennes se trouv?rent confront?es ? des cas o? le propri?taire d’un terrain avait perdu de facto la disponibilit? de celui-ci en raison de l’occupation et de l’accomplissement de travaux de construction d’un ouvrage public. Restait ? savoir si, simplement par l’effet des travaux effectu?s, l’int?ress? avait perdu ?galement la propri?t? du terrain.
1. La jurisprudence avant l’arr?t no 1464 de 1983 de la Cour de cassation
20. La jurisprudence ?tait tr?s partag?e sur le point de savoir quels ?taient les effets de la construction d’un ouvrage public sur un terrain occup? ill?galement. Par occupation ill?gale, il faut entendre une occupation ill?gale ab initio, ou bien une occupation initialement autoris?e et devenue sans titre par la suite, le titre ?tant annul? ou bien l’occupation se poursuivant au-del? de l’?ch?ance autoris?e sans qu’un d?cret d’expropriation ne soit intervenu.
21. Selon une premi?re jurisprudence, le propri?taire du terrain occup? par l’administration ne perdait pas la propri?t? du terrain apr?s l’ach?vement de l’ouvrage public. Toutefois, il ne pouvait pas demander une remise en l’?tat du terrain et pouvait uniquement engager une action en dommages et int?r?ts pour occupation abusive, non soumise ? un d?lai de prescription puisque l’ill?galit? d?coulant de l’occupation ?tait permanente. L’administration pouvait ? tout moment adopter une d?cision formelle d’expropriation ; dans ce cas, l’action en dommages-int?r?ts se transformait en litige portant sur l’indemnit? d’expropriation et les dommages-int?r?ts n’?taient dus que pour la p?riode ant?rieure au d?cret d’expropriation pour la non-jouissance du terrain (voir, entre autres, les arr?ts de la Cour de cassation no 2341 de 1982, no 4741 de 1981, no 6452 et no 6308 de 1980).
22. Selon une deuxi?me jurisprudence, le propri?taire du terrain occup? par l’administration ne perdait pas la propri?t? du terrain et pouvait demander la remise en l’?tat, lorsque l’administration avait agi sans qu’il y ait utilit? publique (voir, par exemple, Cour de cassation, arr?t no 1578 de 1976, arr?t no 5679 de 1980).
23. Selon une troisi?me jurisprudence, le propri?taire du terrain occup? par l’administration perdait automatiquement la propri?t? du terrain au moment de la transformation irr?versible du bien, ? savoir au moment de l’ach?vement de l’ouvrage public. L’int?ress? avait le droit de demander des dommages-int?r?ts (voir l’arr?t no 3243 de 1979 de la Cour de cassation).
2. L’arr?t no 1464 de 1983 de la Cour de cassation
24. Par un arr?t du 16 f?vrier 1983, la Cour de cassation, statuant en chambres r?unies, r?solut le conflit de jurisprudence et adopta la troisi?me solution. Ainsi fut consacr? le principe de l’expropriation indirecte (accessione invertita ou occupazione acquisitiva). En vertu de ce principe, la puissance publique acquiert ab origine la propri?t? d’un terrain sans proc?der ? une expropriation formelle lorsque, apr?s l’occupation du terrain, et ind?pendamment de la l?galit? de l’occupation, l’ouvrage public a ?t? r?alis?. Lorsque l’occupation est ab initio sans titre, le transfert de propri?t? a lieu au moment de l’ach?vement de l’ouvrage public. Lorsque l’occupation du terrain a initialement ?t? autoris?e, le transfert de propri?t? a lieu ? l’?ch?ance de la p?riode d’occupation autoris?e. Dans le m?me arr?t, la Cour de cassation pr?cisa que, dans tous les cas d’expropriation indirecte, l’int?ress? a droit ? une r?paration int?grale, l’acquisition du terrain ayant eu lieu sans titre. Toutefois, cette r?paration n’est pas vers?e automatiquement ; il incombe ? l’int?ress? de r?clamer des dommages-int?r?ts. En outre, le droit ? r?paration est assorti du d?lai de prescription pr?vu en cas de responsabilit? d?lictuelle, ? savoir cinq ans, commen?ant ? courir au moment de la transformation irr?versible du terrain.
3. La jurisprudence apr?s l’arr?t no 1464 de 1983 de la Cour de cassation
a) La prescription
25. Dans un premier temps, la jurisprudence consid?rait qu’aucun d?lai de prescription ne trouvait ? s’appliquer, puisque l’occupation sans titre du terrain constituait un acte ill?gal continu. La Cour de cassation, dans son arr?t no 1464 de 1983, affirma que le droit ? r?paration ?tait soumis ? un d?lai de prescription de cinq ans. Par la suite, la premi?re section de la Cour de cassation affirma qu’un d?lai de prescription de dix ans devait s’appliquer (arr?ts no 7952 de 1991 et no 10979 de 1992). Par un arr?t du 22 novembre 1992, la Cour de cassation statuant en chambres r?unies a d?finitivement tranch? la question, estimant que le d?lai de prescription est de cinq ans et qu’il commence ? courir au moment de la transformation irr?versible du terrain.
b) L’arr?t no 188 de 1995 de la Cour constitutionnelle
26. Dans cet arr?t, la Cour constitutionnelle a jug? compatible avec la Constitution le principe de l’expropriation indirecte, dans la mesure o? ce principe est ancr? dans une disposition l?gislative, ? savoir l’article 2043 du code civil r?gissant la responsabilit? d?lictuelle. Selon cet arr?t, le fait que l’administration devienne propri?taire d’un terrain en tirant b?n?fice de son comportement ill?gal ne pose aucun probl?me sur le plan constitutionnel, puisque l’int?r?t public, ? savoir la conservation de l’ouvrage public, l’emporte sur l’int?r?t du particulier, et donc sur le droit de propri?t? de ce dernier. La Cour constitutionnelle a jug? compatible avec la Constitution l’application ? l’action en r?paration du d?lai de prescription de cinq ans, tel que pr?vu par l’article 2043 du code civil pour responsabilit? d?lictuelle.
c) Cas de non-application du principe de l’expropriation indirecte
27. Les d?veloppements de la jurisprudence montrent que le m?canisme par lequel la construction d’un ouvrage public entra?ne le transfert de propri?t? du terrain au b?n?fice de l’administration conna?t des exceptions.
28. Dans son arr?t no 874 de 1996, le Conseil d’Etat a affirm? qu’il n’y a pas d’expropriation indirecte lorsque les d?cisions de l’administration et le d?cret d’occupation d’urgence ont ?t? annul?s par les juridictions administratives ; si tel n’?tait pas le cas, la d?cision judiciaire serait vid?e de substance.
29. Dans son arr?t no 1907 de 1997, la Cour de cassation statuant en chambres r?unies a affirm? que l’administration ne devient pas propri?taire d’un terrain lorsque les d?cisions qu’elle a adopt?es et la d?claration d’utilit? publique doivent ?tre consid?r?es comme nulles ab initio. Dans ce cas, l’int?ress? garde la propri?t? du terrain et peut demander la restitutio in integrum. Il peut, comme alternative, demander des dommages-int?r?ts. L’ill?galit? dans ces cas a un caract?re permanent et aucun d?lai de prescription ne trouve application.
30. Dans l’arr?t no 6515 de 1997, la Cour de cassation statuant en chambres r?unies a affirm? qu’il n’y a pas de transfert de propri?t? lorsque la d?claration d’utilit? publique a ?t? annul?e par les juridictions administratives. Dans ce cas, le principe de l’expropriation indirecte ne trouve donc pas ? s’appliquer. L’int?ress?, qui garde la propri?t? du terrain, a la possibilit? de demander la restitutio in integrum. L’introduction d’une demande en dommages-int?r?ts entra?ne une renonciation ? la restitutio in integrum. Le d?lai de prescription de cinq ans commence ? courir au moment o? la d?cision du juge administratif devient d?finitive.
31. Dans l’arr?t no 148 de 1998, la premi?re section de la Cour de cassation a suivi la jurisprudence des chambres r?unies et affirm? que le transfert de propri?t? par effet de l’expropriation indirecte n’a pas lieu lorsque la d?claration d’utilit? publique ? laquelle le projet de construction ?tait assorti a ?t? consid?r?e comme invalide ab initio.
32. Dans l’arr?t no 5902 de 2003, la Cour de cassation en chambres r?unies a r?affirm? qu’il n’y a pas de transfert de propri?t? en l’absence de d?claration d’utilit? publique valide.
33. Il convient de comparer cette jurisprudence avec la loi no 458 de 1988 et avec le R?pertoire des dispositions sur l’expropriation, entr? en vigueur le 30 juin 2003.
4. La loi no458 du 27 octobre 1988
34. Aux termes de l’article 3 de cette loi, ? Le propri?taire d’un terrain, utilis? pour la construction de b?timents publics et de logements sociaux, a droit ? la r?paration du dommage subi, ? la suite d’une expropriation d?clar?e ill?gale par une d?cision pass?e en force de chose jug?e, mais ne peut pr?tendre ? la restitution de son bien. Il a ?galement droit, en plus de la r?paration du dommage, aux sommes dues en raison de la d?pr?ciation mon?taire et ? celles mentionn?es ? l’article 1224 ? 2 du code civil et ceci ? compter du jour de l’occupation ill?gale ?.
35. Interpr?tant l’article 3 de la loi de 1988, la Cour constitutionnelle, dans son arr?t du 12 juillet 1990 (n? 384), a consid?r? : ? Par la disposition attaqu?e, le l?gislateur, entre l’int?r?t des propri?taires des terrains – obtenir en cas d’expropriation ill?gale la restitution des terrains – et l’int?r?t public – concr?tis? par la destination de ces biens ? des finalit?s de constructions r?sidentielles publiques ? des conditions favorables ou conventionn?es – a donn? la priorit? ? ce dernier int?r?t ?.
5. Le montant de la r?paration en cas d’expropriation indirecte
36. Selon la jurisprudence de 1983 de la Cour de cassation en mati?re d’expropriation indirecte, une r?paration int?grale du pr?judice subi, sous forme de dommages-int?r?ts pour la perte du terrain, ?tait due ? l’int?ress? en contrepartie de la perte de propri?t? qu’entra?ne l’occupation ill?gale.
37. La loi budg?taire de 1992 (article 5 bis du d?cret-loi no 333 du 11 juillet 1992) modifia cette jurisprudence, dans le sens que le montant d? en cas d’expropriation indirecte ne pouvait d?passer le montant de l’indemnit? pr?vue pour le cas d’une expropriation formelle. Par l’arr?t no 369 de 1996, la Cour constitutionnelle d?clara inconstitutionnelle cette disposition.
38. En vertu de la loi budg?taire no 662 de 1996, qui fit suite ? la disposition d?clar?e inconstitutionnelle, l’indemnisation int?grale ne peut ?tre accord?e pour une occupation de terrain ayant eu lieu avant le 30 septembre 1996. Dans cette optique, l’indemnisation ?quivaut au montant de l’indemnit? pr?vue pour le cas d’une expropriation formelle, dans l’hypoth?se la plus favorable au propri?taire, moyennant une augmentation de 10 %.
39. Par l’arr?t no 148 du 30 avril 1999, la Cour constitutionnelle a jug? une telle indemnit? compatible avec la Constitution. Toutefois, dans le m?me arr?t, la Cour a pr?cis? qu’une indemnit? int?grale, ? concurrence de la valeur v?nale du terrain, peut ?tre r?clam?e lorsque l’occupation et la privation du terrain n’ont pas eu lieu pour cause d’utilit? publique.
6. La jurisprudence apr?s les arr?ts de la Cour du 30 mai 2000 dans les affaires Belvedere Alberghiera et Carbonara et Ventura
40. Par les arr?ts no 5902 et 6853 de 2003, la Cour de cassation en chambres r?unies s’est ? nouveau prononc?e sur le principe de l’expropriation indirecte, en faisant r?f?rence aux deux arr?ts de la Cour pr?cit?s.
41. Au vu du constat de violation de l’article 1 du protocole no 1 dans les affaires ci-dessus, la Cour de cassation a affirm? que le principe de l’expropriation indirecte joue un r?le important dans le cadre du syst?me juridique italien et qu’il est compatible avec la Convention.
42. Plus sp?cifiquement, la Cour de cassation ? apr?s avoir analys? l’histoire du principe de l’expropriation indirecte – a dit qu’au vu de l’uniformit? de la jurisprudence en la mati?re, le principe de l’expropriation indirecte doit se consid?rer comme ?tant pleinement ? pr?visible ? ? compter de 1983. De ce fait, l’expropriation indirecte doit ?tre consid?r?e comme ?tant respectueuse du principe de l?galit?. S’agissant des occupations de terrain ayant lieu sans d?claration d’utilit? publique, la Cour de cassation a affirm? que celles-ci ne sont pas aptes ? transf?rer la propri?t? du bien ? l’Etat. Quant ? l’indemnisation, la Cour de cassation a affirm? que, m?me si elle est inf?rieure au pr?judice subi par l’int?ress?, et notamment ? la valeur du terrain, l’indemnisation due en cas d’expropriation indirecte est suffisante pour garantir un ? juste ?quilibre ? entre les exigences de l’int?r?t g?n?ral de la communaut? et les imp?ratifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu.
43. Saisi d’un recours en ex?cution d’une d?cision judiciaire d?finitive annulant la d?claration d’utilit? publique concernant une proc?dure d’expropriation, vu la demande de la partie requ?rante tendant ? obtenir la restitution du terrain entre-temps occup? et transform?, le Conseil d’Etat, dans son arr?t no 2/2005 du 29 avril 2005 rendu en s?ance pl?ni?re, s’est prononc? sur le point de savoir si la transformation irr?versible dudit terrain ? la suite de la construction de l’ouvrage ? public ? pouvait constituer une raison de droit emp?chant la restitution du terrain. Le Conseil d’Etat a r?pondu par la n?gative. Ce faisant, il a :
a) reconnu que le principe jurisprudentiel de l’expropriation indirecte est d?faillant quant au besoin de s?curit? juridique, en ce qui concerne entre autres le point de savoir ? quelle date l’ouvrage public doit ?tre consid?r? comme ? r?alis? ? et donc ? quelle date il y a eu transfert de propri?t? au b?n?fice de l’Etat ;
b) rendu hommage ? la jurisprudence de la Cour, et notamment ? l’arr?t Belvedere Alberghiera Srl c. Italie, en affirmant que, face ? une demande en restitution d’un bien ill?galement occup? et transform?, l’ouvrage r?alis? par les autorit?s publiques ne peut pas, en tant que tel, constituer un obstacle absolu ? la restitution ;
c) interpr?t? l’article 43 du R?pertoire (paragraphe 45 ci-dessous) dans le sens o? la non-restitution d’un terrain ne peut ?tre admise que dans des cas exceptionnels, ? savoir lorsque l’administration invoque un int?r?t public particuli?rement marqu? ? la conservation de l’ouvrage ;
d) affirm?, dans ce contexte, que l’expropriation indirecte ne saurait constituer une alternative (? una mera alternativa ?) ? une proc?dure d’expropriation en bonne et due forme.
7. Le R?pertoire des dispositions l?gislatives et r?glementaires en mati?re d’expropriation pour cause d’utilit? publique (ci apr?s ? le R?pertoire)
44. Le 30 juin 2003 est entr? en vigueur le D?cret Pr?sidentiel no 327 du 8 juin 2001, modifi? par le D?cret l?gislatif no 302 du 27 d?cembre 2002, et qui r?git la proc?dure d’expropriation. Le R?pertoire codifie les dispositions et la jurisprudence existantes en la mati?re. En particulier, il codifie le principe de l’expropriation indirecte. Le R?pertoire, qui ne s’applique pas aux cas d’occupation survenus ant?rieurement ? 1996 et ne s’applique donc pas en l’esp?ce, s’est substitu?, ? partir de son entr?e en vigueur, ? l’ensemble de la l?gislation la jurisprudence pr?c?dente en mati?re d’expropriation.
45. A son article 43, le R?pertoire pr?voit qu’en l’absence d’un d?cret d’expropriation, ou en l’absence de d?claration d’utilit? publique, un terrain transform? ? la suite de la r?alisation d’un ouvrage public est acquis au patrimoine de l’autorit? qui l’a transform? ; des dommages-int?r?ts sont accord?s en contrepartie. L’autorit? peut acqu?rir un bien m?me lorsque le plan d’urbanisme ou la d?claration d’utilit? publique ont ?t? annul?s. Le propri?taire peut demander au juge la restitution du terrain. L’autorit? en cause peut s’y opposer. Lorsque le juge d?cide de ne pas ordonner la restitution du terrain, le propri?taire a droit ? un d?dommagement.
EN DROIT
I. SUR L’EXCEPTION PR?LIMINAIRE DU GOUVERNEMENT
46. Le Gouvernement excipe de la tardivet? de la requ?te, dans la mesure o? le requ?rant se plaint qu’? l’issue de la proc?dure l’indemnit? qu’il pourra obtenir sera calcul?e en fonction de la loi no 662 de 1996. Selon lui, le d?lai de six mois pr?vu ? l’article 35 de la Convention a commenc? ? courir au moment de l’entr?e en vigueur de la loi no 662 du 23 d?cembre 1996. A l’appui de ses all?gations, le Gouvernement cite l’affaire Miconi c. Italie (d?c.), no 66432/01, 6 mai 2004.
47. Le requ?rant demande le rejet de l’exception.
48. La Cour note que deux exceptions de tardivet? du Gouvernement ont d?j? ?t? rejet?es lors de la d?cision sur la recevabilit? du 24 juin 2004 et que, dans son raisonnement, elle a estim? que les effets de l’occupation du terrain du requ?rant s’analysent en une situation continue, qui, dans le cas d’esp?ce, n’a pas encore pris fin.
49. Dans la mesure o? l’exception pr?liminaire se r?f?re sp?cifiquement ? la question de l’indemnisation et pourrait ?tre consid?r?e comme ?tant nouvelle, la Cour rappelle qu’aux termes de l’article 55 de son r?glement, ? Si la Partie contractante d?fenderesse entend soulever une exception d’irrecevabilit?, elle doit le faire, pour autant que la nature de l’exception et les circonstances le permettent, dans les observations ?crites ou orales sur la recevabilit? de la requ?te (…) ?. Or, il ressort du dossier que cette condition ne se trouve pas remplie en l’esp?ce. Il y a donc forclusion.
50. En tout ?tat de cause, s’il est vrai que la loi no 662 de 1996 a ?tabli des crit?res de calcul pour l’indemnit? ? verser en cas d’expropriation indirecte, il est ?galement vrai que ni en 1996, ni d’ailleurs ? pr?sent, le requ?rant ne disposait d’un jugement faisant ?tat d?finitivement du transfert de propri?t? au b?n?fice de l’administration en vertu du principe de l’expropriation indirecte, et d?clarant en m?me temps que le requ?rant avait droit ? une r?paration. Dans ces circonstances, le requ?rant ne pouvait pas conclure ? l’applicabilit? d’une telle loi. Du surcro?t, le requ?rant ne pouvait imaginer quelle serait l’estimation de la valeur de son terrain faite par les juges nationaux et quelles seraient les cons?quences financi?res d?coulant de l’application concr?te de cette loi ? son cas.
51. A la lumi?re de ces consid?rations, la Cour estime qu’il y a lieu de rejeter l’exception du Gouvernement.
II. SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
52. Le requ?rant soutient avoir ?t? priv? de son terrain par l’effet de l’occupation de celui-ci et de la construction d’immeubles, ? d?faut d’un d?cret d’expropriation et d’indemnisation. Selon lui, cette situation a port? atteinte ? son droit au respect de ses biens garanti ? l’article 1 du Protocole no 1, ainsi r?dig? :
? Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut ?tre priv? de sa propri?t? que pour cause d’utilit? publique et dans les conditions pr?vues par la loi et les principes g?n?raux du droit international.
Les dispositions pr?c?dentes ne portent pas atteinte au droit que poss?dent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent n?cessaires pour r?glementer l’usage des biens conform?ment ? l’int?r?t g?n?ral ou pour assurer le paiement des imp?ts ou d’autres contributions ou des amendes. ?
A. Th?ses d?fendues devant la Cour
1. Le requ?rant
53. Le requ?rant fait observer qu’il a perdu la disponibilit? de son terrain en 1979, soit ? compter du moment o? le terrain a ?t? mat?riellement occup?, et que cette situation est devenue d?finitive avec l’ach?vement des travaux en janvier 1982. Le requ?rant consid?re que, dans ces circonstances, il a ?t? en substance priv? de son bien et souligne l’ill?galit? de cette situation, en l’absence d’un d?cret d’expropriation.
54. Quant ? la proc?dure engag?e en 1984 devant les juridictions civiles, celle-ci est toujours pendante. Ainsi, il n’a pas encore obtenu une d?cision statuant d?finitivement sur la situation d?nonc?e et sur son droit ? r?paration. En l’absence d’un tel jugement d?finitif, cette situation s’analyse en une situation d’ill?galit? continue, source d’incertitude et d’impr?visibilit?. A cet ?gard, le requ?rant fait valoir que le principe jurisprudentiel de l’expropriation indirecte ne peut pas ?tre consid?r? en tant que tel comme ?tant ? pr?vu par la loi ?. D?s lors, l’ill?galit? commise par l’administration ne constitue pas seulement un manquement aux r?gles qui pr?sident ? la proc?dure administrative, mais aussi une violation substantielle de son droit de propri?t?.
55. Quant au d?dommagement, le requ?rant all?gue qu’il ne pourra en tout cas recevoir qu’une indemnit? largement inf?rieure au pr?judice subi, ?tant donn? la loi budg?taire no 662 de 1996.
2. Le Gouvernement
56. Le Gouvernement excipe du non ?puisement des voies de recours internes, au motif que la proc?dure nationale est pendante devant la cour d’appel de Catanzaro de sorte qu’il n’y a pas encore de jugement interne d?finitif. Il serait donc pr?matur? de juger sur la situation d?nonc?e, m?me si le juge national appel? ? statuer en la mati?re ne fait que prendre acte d’une situation qui s’est d?j? consolid?e et d?clarer qu’il y a eu expropriation indirecte. A cet ?gard le Gouvernement soutient qu’une d?cision nationale d?finitive a pour seule fonction de donner aux parties la s?curit? juridique, ? savoir la certitude que la privation de propri?t? a eu lieu lorsque les conditions sont remplies.
57. En l’esp?ce, bien que la proc?dure soit encore pendante, la question de savoir si le requ?rant a ?t? priv? de son bien en vertu de l’expropriation indirecte pourrait ?tre consid?r?e comme ayant ?t? d?j? r?solue par le juge de premi?re instance, qui a d?clar? le requ?rant comme priv? de son bien ? compter de la date o? l’occupation est devenue sans titre. Selon le Gouvernement, sur ce point il y a res judicata, vu que le recours en appel a ?t? d?pos? par l’administration et que le requ?rant s’est born? ? se constituer partie dans la proc?dure d’appel. Le Gouvernement observe que les points en litige en appel portent sur la question de savoir qui est responsable de la situation d?nonc?e et dans quelle mesure il doit y avoir ? r?paration ?. De ce point de vue, il n’y aurait donc toujours pas eu d’?puisement des voies de recours internes.
58. En m?me temps, le Gouvernement soutient qu’il est inutile pour le requ?rant de poursuivre la proc?dure vu que la loi budg?taire plafonnant les indemnit?s s’appliquera au cas d’esp?ce. Le Gouvernement ajoute que si le requ?rant avait all?gu? l’absence d’utilit? publique en plus de l’ill?galit? de l’occupation, il ?chapperait au plafond pr?vu pour l’indemnit?. De ce point de vue, il n’y aurait pas non plus d’?puisement des voies de recours internes.
59. Le Gouvernement fait ensuite observer que dans le cas d’esp?ce, il ne s’agit pas d’une occupation ? sine titulo ? depuis le d?but, mais d’une occupation qui a ?t? initialement autoris?e, dans le cadre d’une proc?dure administrative l?gitime reposant sur une d?claration d’utilit? publique.
60. Le Gouvernement admet que la proc?dure d’expropriation n’a pas ?t? mise en ?uvre dans les termes pr?vus par la loi, dans la mesure o? aucun d?cret d’expropriation n’a ?t? adopt?. A d?faut d’un tel d?cret d’expropriation, le requ?rant aurait en tout ?tat de cause ?t? priv? de son bien par l’effet de la construction de l’ouvrage public et de la transformation irr?versible du terrain que cette derni?re a entra?n?. Cette privation de bien, selon le Gouvernement, n’est que la cons?quence du principe de l’expropriation indirecte, que les juridictions nationales doivent appliquer.
61. Le Gouvernement soutient que cette situation est conforme ? l’article 1 du Protocole no 1.
62. Premi?rement, il y aurait utilit? publique.
63. Deuxi?mement, la privation du bien telle que r?sultant de l’expropriation indirecte serait pr?vue par la loi. A cet ?gard, le Gouvernement rappelle que la Cour, dans son arr?t Zubani c. Italie (arr?t du 7 ao?t 1996, Recueil 1996-IV, ?? 45-46) avait examin? une affaire d’expropriation indirecte tombant sous le coup de la loi no 458 de 1988 du point de vue du juste ?quilibre, estimant que, en ce qui concernait la loi en tant que telle, ? le choix l?gislatif visant ? privil?gier l’int?r?t de la collectivit? dans le cas d’expropriations ou d’occupations ill?gales de terrains est raisonnable : l’indemnisation int?grale des pr?judices subis par les propri?taires concern?s constitue une r?paration suffisante … ? (arr?t Zubani pr?cit?, ? 49).
64. Le Gouvernement prend acte de ce que la jurisprudence de la Cour a par la suite connu une ?volution, dans la mesure o?, dans les deux cas suivant portant sur l’expropriation indirecte, elle a constat? une incompatibilit? du m?canisme de l’expropriation indirecte avec le principe de l?galit? (Carbonara et Ventura c. Italie, no 24638/94, CEDH 2000-VI ; Belvedere Alberghiera S.r.l. c. Italie, no 31524/96, CEDH 2000-VI).
65. Selon le Gouvernement, le principe de l’expropriation indirecte doit se consid?rer comme ?tant ? pr?vu par la loi ?, m?me s’il a ?t? ?labor? par la jurisprudence dans un pays de ? civil law ? et non de ? common law ?. A cet ?gard, il prend acte de ce que dans les deux arr?ts pr?cit?s, la Cour avait estim? inutile de juger in abstracto si le r?le qu’un principe jurisprudentiel, tel que celui de l’expropriation indirecte, occupe dans un syst?me de droit continental est assimilable ? celui occup? par des dispositions l?gislatives (arr?t Carbonara pr?cit?, ? 64). La Cour avait observ? que la jurisprudence italienne avait connu une ?volution et qu’un principe jurisprudentiel ne lie pas les juridictions quant ? son application (arr?t Carbonara pr?cit?, ? 69).
66. Le Gouvernement soutient que d?cider du r?le de la jurisprudence en Italie rev?t une grande importance dans ce type d’affaires. Selon lui, la jurisprudence ?tablissant le principe de l’expropriation indirecte doit ?tre consid?r?e comme faisant partie du droit positif ? compter de l’arr?t de la Cour de cassation no 1464 de 1983. La jurisprudence ult?rieure aurait confirm?e ce principe et pr?cis? certains aspects de son application. En outre, ce principe aurait ?t? reconnu par la loi no 458 du 27 octobre 1988.
67. En conclusion, selon le Gouvernement, ? partir de 1983, les r?gles de l’expropriation indirecte ?taient parfaitement claires et accessibles ? tous les propri?taires de terrains.
68. S’agissant de la qualit? de la loi, le Gouvernement demande ? la Cour de revenir ? la ? jurisprudence Zubani ? et de consid?rer que le m?canisme de l’expropriation indirecte, qui se fonde sur une d?claration d’ill?galit? de la part du juge, est conforme ? l’article 1 du Protocole no 1.
69. A ce propos, le Gouvernement fait observer que le constat d’ill?galit? de la part du juge est l’?l?ment qui conditionne le transfert au patrimoine public du bien ill?galement occup?.
70. Le Gouvernement d?finit l’expropriation indirecte comme le r?sultat d’une interpr?tation syst?matique par le juge de principes existants, tendant ? garantir la supr?matie de l’int?r?t g?n?ral sur l’int?r?t des particuliers, lorsque l’ouvrage public a ?t? r?alis? (transformation du terrain) et que celui-ci r?pond ? l’utilit? publique.
71. Troisi?mement, le juste ?quilibre serait respect?. Selon la jurisprudence de 1983 de la Cour de cassation en mati?re d’expropriation indirecte, l’administration est tenue d’indemniser int?gralement le particulier en contrepartie des irr?gularit?s commises. Cependant, le Gouvernement soutient que l’indemnisation ? accorder peut ?tre inf?rieure au pr?judice subi par l’int?ress?, vu que l’expropriation indirecte r?pond ? un int?r?t collectif et que l’ill?galit? commise par l’administration ne concerne que la forme, ? savoir un manquement aux r?gles qui pr?sident ? la proc?dure administrative. En outre, il estime que l’expropriation indirecte est avantageuse pour l’int?ress? puisque l’indemnit? telle que plafonn?e par la loi no 662 de 1996 est en tout cas sup?rieure ? celle qui aurait ?t? accord?e si l’expropriation avait ?t? r?guli?re.
72. A la lumi?re de ces consid?rations, le Gouvernement conclut que la situation d?nonc?e est compatible avec l’article 1 du Protocole no 1.
B. Sur l’observation de l’article 1 du Protocole no 1
73. La Cour rappelle d’embl?e qu’elle a joint au fond l’exception du Gouvernement tir?e du non-?puisement des voies de recours internes et note que la proc?dure devant les juridictions internes est toujours pendante en deuxi?me instance.
74. Les parties s’accordent pour dire qu’il y a eu ? privation de propri?t? ?.
75. Pour le requ?rant il y a eu perte de disponibilit? totale du terrain sans d?cret d’expropriation ni indemnisation si bien qu’elle revient en substance ? une expropriation de fait.
76. Pour le Gouvernement, le requ?rant doit se consid?rer comme ayant ?t? priv? de son bien ? compter du moment o? celui-ci a ?t? irr?versiblement transform? ou, en tout cas, ? partir du moment retenu par le tribunal de Lamezia comme moment du transfert de propri?t?.
77. La Cour rappelle que, pour d?terminer s’il y a eu privation de biens au sens de la deuxi?me phrase du premier alin?a de l’article 1 du Protocole no 1, il faut non seulement examiner s’il y a eu d?possession ou expropriation formelle, mais encore regarder au-del? des apparences et analyser la r?alit? de la situation litigieuse. La Convention visant ? prot?ger des droits ? concrets et effectifs ?, il importe de rechercher si ladite situation ?quivalait ? une expropriation de fait (Sporrong et L?nnroth c. Su?de, arr?t du 23 septembre 1982, s?rie A no 52, pp. 24-25, ? 63).
78. Elle rappelle que l’article 1 du Protocole no 1 exige, avant tout et surtout, qu’une ing?rence de l’autorit? publique dans la jouissance du droit au respect des biens soit l?gale. La pr??minence du droit, l’un des principes fondamentaux d’une soci?t? d?mocratique, est inh?rente ? l’ensemble des articles de la Convention (Iatridis c. Gr?ce [GC], no 31107/96, ? 58, CEDH 1999-II). Le principe de l?galit? signifie l’existence de normes de droit interne suffisamment accessibles, pr?cises et pr?visibles (Hentrich c. France, arr?t du 22 septembre 1994, s?rie A no 296-A, pp. 19-20, ? 42, et Lithgow et autres c. Royaume-Uni, arr?t du 8 juillet 1986, s?rie A no 102, p. 47, ? 110).
79. La Cour reste convaincue que l’existence, en tant que telle, d’une base l?gale ne suffit pas ? satisfaire au principe de l?galit? et estime utile de se pencher sur la question de la qualit? de la loi.
80. La Cour prend note de l’?volution jurisprudentielle qui a conduit ? l’?laboration du principe de l’expropriation indirecte. Elle rel?ve ?galement que ce principe a ?t? transpos? dans des textes de loi, tels que la loi no 458 de 1988, et, tout derni?rement, dans le R?pertoire des dispositions en mati?re d’expropriation. Ceci ?tant, la Cour ne perd pas de vue les applications contradictoires relev?es dans l’historique de la jurisprudence, et note ?galement des contradictions entre la jurisprudence et les textes de loi ?crits susmentionn?s. Ce point de vue a d’ailleurs ?t? adopt? par le Conseil d’Etat (paragraphe 43 ci-dessus) qui, dans son arr?t no 2 de 2005 rendu en s?ance pl?ni?re, a reconnu que le principe jurisprudentiel de l’expropriation indirecte n’a jamais donn? lieu ? une r?glementation stable, compl?te et pr?visible.
81. En outre, la Cour constate que, dans tous les cas, l’expropriation indirecte tend ? ent?riner une situation de fait d?coulant des ill?galit?s commises par l’administration, tend ? r?gler les cons?quences pour le particulier et l’administration, et permet ? cette derni?re de tirer b?n?fice de son comportement ill?gal. Que ce soit en vertu d’un principe jurisprudentiel ou d’un texte de loi comme l’article 43 du R?pertoire, l’expropriation indirecte ne saurait donc constituer une alternative ? une expropriation en bonne et due forme (voir, sur ce point ?galement, la position du Conseil d’Etat, au paragraphe 43 ci-dessus).
82. En tout ?tat de cause, la Cour est appel?e ? v?rifier si la mani?re dont le droit interne est interpr?t? et appliqu? produit des effets conformes aux principes de la Convention.
83. La Cour constate qu’en l’esp?ce le requ?rant a perdu la disponibilit? du terrain qui a ?t? occup? en 1979 et qui a ?t? transform? de mani?re irr?versible en 1982. Selon le tribunal de Lamezia l’occupation est devenue sans titre ? compter du 18 d?cembre 1984 et, ? cette m?me date, le requ?rant a ?t? priv? de son bien. La proc?dure, pendante en appel, concerne notamment la question de savoir si la ville de Filadelfia peut ?tre tenue pour responsable de la situation d?nonc?e.
84. A d?faut d’un acte formel de transfert de propri?t?, et ? d?faut d’un jugement national d?clarant qu’un tel transfert doit se consid?rer comme ayant eu lieu (Carbonara et Ventura c. Italie, pr?cit?, ? 80) et ?claircissant une fois pour toutes les circonstances exactes de celui-ci, la Cour estime que la perte de toute disponibilit? du terrain en question, combin?e avec l’impossibilit? jusqu’? ici de rem?dier ? la situation incrimin?e a engendr? des cons?quences assez graves pour que le requ?rant ait subi une expropriation de fait incompatible avec son droit au respect de ses biens (arr?t Papamichalopoulos et autres c. Gr?ce, arr?t du 24 juin 1993, s?rie A no 260-B, ? 45) et non conforme au principe de pr??minence du droit.
85. En conclusion, l’exception tir?e du non-?puisement des voies de recours internes jointe au fond ne saurait ?tre retenue et il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
86. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
? Si la Cour d?clare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les cons?quences de cette violation, la Cour accorde ? la partie l?s?e, s’il y a lieu, une satisfaction ?quitable. ?
87. Le requ?rant n’a pas formul? de demandes de satisfaction ?quitable dans le d?lai imparti.
88. Dans ces circonstances, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’accorder de sommes au titre de la satisfaction ?quitable.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, ? l’UNANIMIT?,
1. Rejette l’exception pr?liminaire du Gouvernement ;
2. Rejette l’exception de non ?puisement jointe au fond ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 ;
Fait en fran?ais, puis communiqu? par ?crit le 13 octobre 2005 en application de l’article 77 ?? 2 et 3 du r?glement.
S?ren Nielsen Christos Rozakis
Greffier Pr?sident
ARR?T SERRAO c. ITALIE
ARR?T SERRAO c. ITALIE