Conclusion Violation de P1-1 ; Non-lieu ? examiner l’art. 6-1 ; Satisfaction ?quitable r?serv?e
TROISI?ME SECTION
AFFAIRE RITA IPPOLITI c. ITALIE
(Requ?te no 162/04)
ARR?T
STRASBOURG
16 novembre 2006
D?FINITIF
16/02/2007
Cet arr?t deviendra d?finitif dans les conditions d?finies ? l’article 44 ? 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Rita Ippoliti c. Italie,
La Cour europ?enne des Droits de l’Homme (troisi?me section), si?geant en une chambre compos?e de :
MM. B.M. Zupančič, pr?sident,
J. Hedigan,
V. Zagrebelsky,
Mme A. Gyulumyan,
M. E. Myjer,
Mmes I. Ziemele,
I. Berro-Lefevre, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Apr?s en avoir d?lib?r? en chambre du conseil le 24 octobre 2006,
Rend l’arr?t que voici, adopt? ? cette date :
PROC?DURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requ?te (no 162/04) dirig?e contre la R?publique italienne et dont une ressortissante de cet ?tat, Mme Rita Ippoliti (? la requ?rante ?), a saisi la Cour le 1er d?cembre 2003 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libert?s fondamentales (? la Convention ?).
2. La requ?rante est repr?sent?e par Mes R. Baldassini et B. Forte, avocats ? Sora. Le gouvernement italien (? le Gouvernement ?) est repr?sent? par son agent, M. I. M. Braguglia, et par son coagent adjoint, M. N. Lettieri.
3. Le 15 mai 2005, la Cour a d?cid? de communiquer la requ?te au Gouvernement. Se pr?valant de l’article 29 ? 3 de la Convention, elle a d?cid? que seraient examin?s en m?me temps la recevabilit? et le bien-fond? de l’affaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESP?CE
4. La requ?rante est n?e en 1957 et r?side ? Ciampino.
5. Elle ?tait propri?taire d’un terrain constructible de 1 000 m?tres carr?s, sis ? Ciampino et enregistr? au cadastre, feuille 7, parcelle 59.
6. Par un arr?t? du 18 d?cembre 1981, le conseil r?gional (Giunta regionale) du Latium approuva le projet de construction d’habitations ? loyer mod?r? sur le terrain de la requ?rante.
7. Par un arr?t? du 25 mai 1984, le conseil municipal (Giunta municipale) de Ciampino autorisa le maire de la ville ? ordonner l’occupation d’urgence de ce terrain en vue de son expropriation, afin de proc?der aux travaux de construction.
8. Par un arr?t? du 29 octobre 1986, la municipalit? de Ciampino autorisa l’occupation d’urgence du terrain de la requ?rante, pour une p?riode maximale de cinq ans ? compter de l’occupation mat?rielle, en vue de son expropriation.
9. Entre-temps, le 19 novembre 1984, la municipalit? avait d?j? proc?d? ? l’occupation mat?rielle du terrain et avait entam? les travaux de construction.
10. Par un acte d’assignation notifi? le 26 juillet 1991, la requ?rante introduisit une action en dommages-int?r?ts ? l’encontre de la municipalit? de Ciampino devant le tribunal de Velletri. Elle faisait valoir que l’occupation du terrain ?tait ill?gale au motif qu’elle s’?tait poursuivie au – del? de la p?riode autoris?e, sans qu’il f?t proc?d? ? l’expropriation formelle et au paiement d’une indemnit?. Elle demandait une somme correspondant ? la valeur marchande du terrain, ainsi qu’une indemnit? d’occupation.
11. Au cours du proc?s, une expertise fut d?pos?e au greffe. Selon l’expert, les travaux de construction s’?taient termin?s le 2 octobre 1988 et la valeur marchande du terrain ? cette derni?re date ?tait de 160 000 000 ITL, soit 160 000 ITL le m?tre carr?.
12. Par un jugement d?pos? au greffe le 7 avril 2003, le tribunal statua que le d?lai d’occupation autoris?e, prolong? au sens de la l?gislation en vigueur dans la mati?re, avait pris fin le 29 mars 1993. A compter de cette derni?re date, la requ?rante devait ?tre consid?r?e comme ayant ?t? priv?e de son terrain en application du principe de l’expropriation indirecte. A la lumi?re de ces consid?rations, le tribunal condamna la municipalit? ? verser ? la requ?rante un d?dommagement calcul? aux termes de la loi budg?taire no 662 de 1996, entre-temps entr?e en vigueur, ? savoir 63 373,96 EUR, plus int?r?ts et r??valuation ? compter du 29 mai 1993. En outre, le tribunal condamna la municipalit? ? verser ? la requ?rante une indemnit? d’occupation, ? savoir 34 803,59 EUR, assortie d’int?r?ts et r??valuation ? compter du 29 mai 1993.
13. Il ressort du dossier que ce jugement acquit force de chose jug?e le 6 juin 2003.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
14. Le droit et la pratique internes pertinents se trouvent d?crits dans l’arr?t Serrao c. Italie (no 67198/01, 13 octobre 2005).
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
15. La requ?rante all?gue avoir ?t? priv?e de son terrain dans des circonstances incompatibles avec l’article 1 du Protocole no 1, ainsi libell? :
? Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut ?tre priv? de sa propri?t? que pour cause d’utilit? publique et dans les conditions pr?vues par la loi et les principes g?n?raux du droit international.
Les dispositions pr?c?dentes ne portent pas atteinte au droit que poss?dent les ?tats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent n?cessaires pour r?glementer l’usage des biens conform?ment ? l’int?r?t g?n?ral ou pour assurer le paiement des imp?ts ou d’autres contributions ou des amendes. ?
A. Sur la recevabilit?
16. Le Gouvernement soul?ve une exception de non-?puisement des voies de recours internes, faisant valoir que la requ?rante aurait d? interjeter appel du jugement du tribunal de Velletri.
17. La requ?rante s’oppose ? l’exception du Gouvernement.
18. La Cour rappelle qu’elle a rejet? une exception semblable dans les affaires Giacobbe et autres c. Italie (no 16041/02, 15 d?cembre 2005), Grossi c. Italie, (no 18791/03, 6 juillet 2006), Ucci c. Italie (no 213/04, 22 juin 2006), Lo Bue c. Italie (no 12912/04, 13 juillet 2006) et Zaffuto c. Italie (no 12894/04, 13 juillet 2006). Elle n’aper?oit aucun motif de d?roger ? ses pr?c?dentes conclusions et rejette donc l’exception en question.
19. La Cour constate que le grief n’est pas manifestement mal fond? au sens de l’article 35 ? 3 de la Convention. Elle rel?ve par ailleurs que celui-ci ne se heurte ? aucun autre motif d’irrecevabilit?. Il convient donc de le d?clarer recevable.
B. Sur le fond
1. Th?ses des parties
a) Le Gouvernement
20. Le Gouvernement fait observer que, dans le cas d’esp?ce, il s’agit d’une occupation de terrain dans le cadre d’une proc?dure administrative reposant sur une d?claration d’utilit? publique. Il admet que la proc?dure d’expropriation n’a pas ?t? mise en ?uvre dans les termes pr?vus par la loi, dans la mesure o? aucun arr?t? d’expropriation n’a ?t? adopt?.
21. Premi?rement, il y aurait utilit? publique, ce qui n’a pas ?t? remis en cause par les juridictions nationales.
22. Deuxi?mement, la privation du bien telle que r?sultant de l’expropriation indirecte serait ? pr?vue par la loi ?. Selon le Gouvernement, le principe de l’expropriation indirecte doit ?tre consid?r? comme faisant partie du droit positif ? compter au plus tard de l’arr?t de la Cour de cassation no 1464 de 1983. La jurisprudence ult?rieure aurait confirm? ce principe et pr?cis? certains aspects de son application et, en outre, ce principe aurait ?t? reconnu par la loi no 458 du 27 octobre 1988 et par la loi budg?taire no 662 de 1996.
23. Le Gouvernement en conclut qu’? partir de 1983, les r?gles de l’expropriation indirecte ?taient parfaitement pr?visibles, claires et accessibles ? tous les propri?taires de terrains.
24. A cet ?gard, le Gouvernement rappelle que la jurisprudence de la Cour a reconnu que la notion de loi comprend les principes g?n?raux ?nonc?s ou impliqu?s par elle (Winterwerp c. Pays-Bas, arr?t du 24 octobre 1979, s?rie A no 33, Kruslin c. France, arr?t du 24 avril 1990, s?rie A no 176-A, Huvig c. France, arr?t du 24 avril 1990, s?rie A no 176-B Maestri c. Italie [GC], no 39748/98, CEDH 2004-I, et N.F. c. Italie, no 37119/97, CEDH 2001-IX) ainsi que du droit non ?crit (Sunday Times c. Royaume-Uni (no 1), arr?t du 26 avril 1979, s?rie A no 30).
25. Il s’ensuit que la jurisprudence consolid?e de la Cour de cassation ne saurait ?tre exclue de la notion de loi au sens de la Convention.
26. Le Gouvernement rappelle que dans l’affaire Forrer-Niedenthal c. Allemagne (no 47316/99, 20 f?vrier 2003), la Cour a consid?r? une loi allemande de 1997 comme suffisante, malgr? son impr?visibilit? manifeste, pour fournir une base l?gale aux d?cisions qui ont priv? la requ?rante de toute protection contre l’atteinte port?e ? sa propri?t?. Il demande ? la Cour de suivre la m?me approche pour la pr?sente affaire.
27. S’agissant de la qualit? de la loi, le Gouvernement reconna?t que le fait qu’un arr?t? d’expropriation n’ait pas ?t? prononc? est en soi un manquement aux r?gles qui pr?sident ? la proc?dure administrative.
28. Toutefois, compte tenu de ce que le terrain a ?t? transform? de mani?re irr?versible par la construction d’un ouvrage d’utilit? publique, la restitution du terrain n’est plus possible.
29. Le Gouvernement d?finit l’expropriation indirecte comme le r?sultat d’une interpr?tation syst?matique par les juges de principes existants, tendant ? garantir que l’int?r?t g?n?ral l’emporte sur l’int?r?t des particuliers, lorsque l’ouvrage public a ?t? r?alis? (transformation du terrain) et qu’il r?pond ? l’utilit? publique.
30. Quant ? l’exigence de garantir un juste ?quilibre entre le sacrifice impos? aux particuliers et la compensation octroy?e ? ceux-ci, le Gouvernement reconna?t que l’administration est tenue d’indemniser les int?ress?s.
31. Compte tenu de ce que l’expropriation indirecte r?pond ? un int?r?t collectif et que l’ill?galit? commise par l’administration ne concerne que la forme, ? savoir un manquement aux r?gles qui pr?sident ? la proc?dure administrative, l’indemnisation peut ?tre inf?rieure au pr?judice subi.
32. La fixation du montant de l’indemnit? en cause rentre dans la marge d’appr?ciation laiss?e aux ?tats pour fixer une indemnisation qui soit raisonnablement en rapport avec la valeur du bien. Le Gouvernement rappelle en outre que l’indemnit? telle que plafonn?e par la loi budg?taire no 662 de 1996 est en tout cas sup?rieure ? celle qui aurait ?t? accord?e si l’expropriation avait ?t? r?guli?re.
33. A la lumi?re de ces consid?rations et en se r?f?rant notamment ? l’affaire OGIS-Institut Stanislas, OGEC Saint-Pie X et Blanche de Castille et autres c. France (nos 42219/98 et 54563/00, 27 mai 2004), le Gouvernement conclut que le juste ?quilibre a ?t? respect? et que la situation d?nonc?e est compatible ? tous points de vue avec l’article 1 du Protocole no 1.
b) La requ?rante
34. La requ?rante s’oppose ? la th?se du Gouvernement.
35. Elle fait observer que l’expropriation indirecte est un m?canisme qui permet ? l’autorit? publique d’acqu?rir un bien en toute ill?galit?.
36. La requ?rante d?nonce un manque de clart?, pr?visibilit? et pr?cision des principes et des dispositions appliqu?s ? son cas au motif qu’un principe jurisprudentiel, tel que celui de l’expropriation indirecte, ne suffit pas ? satisfaire au principe de l?galit?.
2. Appr?ciation de la Cour
a) Sur l’existence d’une ing?rence
37. La Cour rappelle que, pour d?terminer s’il y a eu ? privation de biens ?, il faut non seulement examiner s’il y a eu d?possession ou expropriation formelle, mais encore regarder au-del? des apparences et analyser la r?alit? de la situation litigieuse. La Convention visant ? prot?ger des droits ? concrets et effectifs ?, il importe de rechercher si ladite situation ?quivalait ? une expropriation de fait (Sporrong et L?nnroth c. Su?de, arr?t du 23 septembre 1982, s?rie A no 52, pp. 24-25, ? 63).
38. La Cour rel?ve que, en appliquant le principe de l’expropriation indirecte, le tribunal a consid?r? la requ?rante comme ?tant priv?e de son bien ? compter de la date d’expiration du d?lai d’occupation autoris?e. A d?faut d’un acte formel d’expropriation, le constat d’ill?galit? de la part du juge est l’?l?ment qui consacre le transfert au patrimoine public du bien occup?. Dans ces circonstances, la Cour conclut que le jugement du tribunal de Velletri a eu pour effet de priver la requ?rante de son bien au sens de la deuxi?me phrase de l’article 1 du Protocole no 1 (Carbonara et Ventura c. Italie, no 24638/94, ? 61, CEDH 2000-VI, et Brumărescu c. Roumanie [GC], no 28342/95, ? 77, CEDH 1999-VII).
39. Pour ?tre compatible avec l’article 1 du Protocole no 1, une telle ing?rence doit ?tre op?r?e ? pour cause d’utilit? publique ? et ? dans les conditions pr?vues par la loi et les principes g?n?raux de droit international ?. L’ing?rence doit m?nager un ? juste ?quilibre ? entre les exigences de l’int?r?t g?n?ral de la communaut? et les imp?ratifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu (Sporrong et L?nnroth, pr?cit?, p. 26, ? 69). En outre, la n?cessit? d’examiner la question du juste ?quilibre ? ne peut se faire sentir que lorsqu’il s’est av?r? que l’ing?rence litigieuse a respect? le principe de l?galit? et n’?tait pas arbitraire ? (Iatridis c. Gr?ce [GC], no 31107/96, ? 58, CEDH 1999-II, et Beyeler c. Italie [GC], no 33202/96, ? 107, CEDH 2000-I).
40. D?s lors, la Cour n’estime pas opportun de fonder son raisonnement sur le simple constat qu’une r?paration int?grale en faveur de la requ?rante n’a pas eu lieu (Carbonara et Ventura, pr?cit?, ? 62).
b) Sur le respect du principe de l?galit?
41. La Cour renvoie ? sa jurisprudence en mati?re d’expropriation indirecte (Belvedere Alberghiera S.r.l. c. Italie, no 31524/96, CEDH 2000-VI, et Carbonara et Ventura c. Italie, pr?cit? ; parmi les arr?ts plus r?cents, voir Acciardi et Campagna c. Italie, no 41040/98, 19 mai 2005, Pasculli c. Italie, no 36818/97, 17 mai 2005, Scordino c. Italie (no 3), no 43662/98, 17 mai 2005, Serrao c. Italie, no 67198/01, 13 octobre 2005, La Rosa et Alba c. Italie (no 1), no 58119/00, 11 octobre 2005, et Chir? c. Italie (no 4), no 67196/01, 11 octobre 2005), selon laquelle l’expropriation indirecte m?conna?t le principe de l?galit? au motif qu’elle n’est pas apte ? assurer un degr? suffisant de s?curit? juridique et qu’elle permet en g?n?ral ? l’administration de passer outre les r?gles fix?es en mati?re d’expropriation. En effet, dans tous les cas, l’expropriation indirecte vise ? ent?riner une situation de fait d?coulant des ill?galit?s commises par l’administration, ? r?gler les cons?quences pour le particulier et pour l’administration, au b?n?fice de celle-ci.
42. Dans la pr?sente affaire, la Cour rel?ve qu’en appliquant le principe de l’expropriation indirecte, le tribunal a consid?r? la requ?rante comme priv?e de son bien ? compter du moment o? l’occupation avait cess? d’?tre autoris?e, les conditions d’ill?galit? de l’occupation et d’int?r?t public de l’ouvrage construit ?tant r?unies. Or, en l’absence d’un acte formel d’expropriation, la Cour estime que cette situation ne saurait ?tre consid?r?e comme ? pr?visible ?, puisque ce n’est que par la d?cision judiciaire d?finitive que l’on peut consid?rer le principe de l’expropriation indirecte comme ayant effectivement ?t? appliqu? et que l’acquisition du terrain au patrimoine public a ?t? consacr?e. Par cons?quent, la requ?rante n’a eu la ? s?curit? juridique ? concernant la privation du terrain que le 6 juin 2003, date ? laquelle le jugement du tribunal de Velletri a acquis force de chose jug?e.
43. La Cour observe ensuite que la situation en cause a permis ? l’administration de tirer parti d’une occupation de terrain ill?gale. En d’autres termes, l’administration a pu s’approprier du terrain au m?pris des r?gles r?gissant l’expropriation en bonne et due forme, et, entre autres, sans qu’une indemnit? soit mise en parall?le ? la disposition de l’int?ress?e.
44. S’agissant de l’indemnit?, la Cour constate que l’application r?troactive de la loi no 662 de 1996 au cas d’esp?ce a eu pour effet de priver la requ?rante de la possibilit? d’obtenir r?paration du pr?judice subi.
45. A la lumi?re de ces consid?rations, la Cour estime que l’ing?rence litigieuse n’est pas compatible avec le principe de l?galit? et qu’elle a donc enfreint le droit au respect des biens de la requ?rante.
46. D?s lors, il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1.
II. SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DE L’ARTICLE 6 ? 1 DE LA CONVENTION
47. La requ?rante se plaint de l’adoption et de l’application de la loi no 662 du 23 d?cembre 1996 ? sa proc?dure. Le grief a ?t? communiqu? sous l’angle de l’article 6 ? 1 de la Convention, qui, en ses passages pertinents, dispose :
? Toute personne a droit ? ce que sa cause soit entendue ?quitablement (…) par un tribunal (…), qui d?cidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caract?re civil (…) ?
A. Sur la recevabilit?
48. En voie principale, le Gouvernement soutient que la requ?te est tardive, ?tant donn? que le d?lai de six mois pr?vu ? l’article 35 de la Convention aurait commenc? ? courir le 1er janvier 1997, date de l’entr?e en vigueur de la loi no 662 de 1996. A l’appui de ses all?gations, le Gouvernement cite l’affaire Miconi c. Italie (Miconi c. Italie (d?c.), no 66432/01, 6 mai 2004).
49. A titre subsidiaire, le Gouvernement fait observer que, dans le cas o? l’on consid?rait que la loi en question ne d?ploierait pas ses effets en l’absence d’une application judiciaire dans le cas concret, en l’esp?ce une telle application n’a pas eu lieu par le biais de tous les rem?des internes possibles. D?s lors, la requ?rante n’aurait pas ?puis? les voies de recours qui lui ?taient ouvertes en droit interne.
50. La requ?rante s’oppose ? la th?se du Gouvernement.
51. Quant ? l’exception de tardivit?, la Cour rappelle qu’elle a rejet? des exceptions semblables dans les affaires Serrao c. Italie (no 67198/01, 13 octobre 2005) et Binotti c. Italie (no 2) (no 71603/01, 13 octobre 2005). Elle n’aper?oit aucun motif de s’?carter de ses pr?c?dentes conclusions et rejette donc l’exception du Gouvernement
52. S’agissant de l’exception de non-?puisement des voies de recours internes, la Cour estime, ? la lumi?re de l’ensemble des arguments des parties, que celle-ci est ?troitement li?e au fond du grief et d?cide de la joindre au fond.
B. Sur le fond
1. Th?ses des parties
53. Le Gouvernement observe que la loi litigieuse n’a pas ?t? adopt?e pour influencer le d?nouement de la proc?dure intent?e par la requ?rante. En outre, l’application de cette loi n’aurait pas eu de r?percussions n?gatives pour la requ?rante. Il en conclut que l’application de la disposition litigieuse ? la cause de la requ?rante ne soul?ve aucun probl?me au regard de la Convention. A l’appui de ses th?ses, le Gouvernement se r?f?re notamment aux arr?ts Forrer-Niedenthal c. Allemagne (pr?cit?), OGIS-Institut Stanislas, OGEC Saint-Pie X et Blanche de Castille et autres c. France (pr?cit?) et B?ck c. Finlande (no 37598/97, CEDH 2004-VIII).
54. La requ?rante conteste la th?se du Gouvernement.
2. Appr?ciation de la Cour
55. La Cour vient de constater, sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1, que la situation d?nonc?e par la requ?rante n’est pas conforme au principe de l?galit? (paragraphes 42 ? 46 ci-dessus). Eu ?gard aux motifs ayant amen? la Cour ? ce constat de violation, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner s’il y a eu, en l’esp?ce, violation de l’article 6 ? 1 (voir, a contrario, Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, ?? 103-104 et ?? 132-133, CEDH 2006-).
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
56. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
? Si la Cour d?clare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les cons?quences de cette violation, la Cour accorde ? la partie l?s?e, s’il y a lieu, une satisfaction ?quitable. ?
57. A titre de pr?judice mat?riel, la requ?rante sollicite le versement de 126 746 EUR, ainsi que d’une indemnit? d’occupation ? ?valuer sur la base des int?r?ts sur la somme de 63 373 EUR.
58. De plus, la requ?rante demande une indemnisation pour non – jouissance du terrain, sans toutefois chiffrer celle-ci, et une indemnit? correspondant ? la plus-value apport?e au terrain par les ouvrages publics construits sur celui-ci.
59. A titre de pr?judice moral, la requ?rante demande la somme de 20 000 EUR.
60. Enfin, la requ?rante demande le remboursement des frais encourus dans la proc?dure devant la Cour, ? concurrence de 10 000 EUR, taxe sur la valeur ajout?e (TVA) et contributions ? la caisse de pr?voyance des avocats (CPA) en sus.
61. Quant au pr?judice mat?riel, le Gouvernement conteste les modalit?s de calcul du dommage mat?riel employ?es dans les arr?ts sur la satisfaction ?quitable Belvedere Alberghiera S.r.l. c. Italie (no 31524/96, 30 octobre 2003) et Carbonara et Ventura c. Italie (no 24638/94, 11 d?cembre 2003) et estime qu’en tout ?tat de cause la somme r?clam?e par la requ?rante est excessive, compte tenu du d?dommagement reconnu par le tribunal.
62. S’agissant du dommage moral, le Gouvernement fait valoir que la somme r?clam?e par la requ?rante est excessive.
63. Quant aux frais de proc?dure, le Gouvernement soutient que la requ?rante n’a pas ?tay? sa demande et qu’en tout ?tat de cause la somme r?clam?e est excessive.
64. La Cour estime que la question de l’application de l’article 41 en ce qui concerne le constat de violation de l’article 1 du Protocole no 1 ne se trouve pas en ?tat. En cons?quence, elle la r?serve et fixera la proc?dure ult?rieure, compte tenu de la possibilit? que le Gouvernement et la requ?rante parviennent ? un accord.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, ? L’UNANIMIT?,
1. D?clare la requ?te recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 ;
3. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner au fond le grief tir? de l’article 6 ? 1 de la Convention ;
4. Dit que la question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouve pas en ?tat ;
en cons?quence,
a) la r?serve en entier ;
b) invite le Gouvernement et la requ?rante ? lui adresser par ?crit, dans les trois mois ? compter du jour o? l’arr?t sera devenu d?finitif conform?ment ? l’article 44 ? 2 de la Convention, leurs observations sur cette question et notamment ? lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir ;
c) r?serve la proc?dure ult?rieure et d?l?gue au pr?sident de la chambre le soin de la fixer au besoin.
Fait en fran?ais, puis communiqu? par ?crit le 16 novembre 2006 en application de l’article 77 ?? 2 et 3 du r?glement.
Vincent Berger Bo?tjan M. Zupančič
Greffier Pr?sident
ARR?T RITA IPPOLITI c. ITALIE
ARR?T RITA IPPOLITI c. ITALIE