Conclusion Violation de P1-1 ; Non-lieu ? examiner l’art. 6-1 ; Satisfaction ?quitable r?serv?e
TROISI?ME SECTION
AFFAIRE JANES CARRAT? c. ITALIE
(Requ?te no 68585/01)
ARR?T
STRASBOURG
3 ao?t 2006
D?FINITIF
03/11/2006
Cet arr?t deviendra d?finitif dans les conditions d?finies ? l?article 44 ? 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l?affaire Janes Carrat? c. Italie,
La Cour europ?enne des Droits de l?Homme (troisi?me section), si?geant en une chambre compos?e de :
MM. B.M. Zupančič, pr?sident,
C. B?rsan,
V. Zagrebelsky,
Mme A. Gyulumyan,
MM. E. Myjer,
David Th?r Bj?rgvinsson,
Mme I. Ziemele, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Apr?s en avoir d?lib?r? en chambre du conseil le 11 juillet 2006,
Rend l?arr?t que voici, adopt? ? cette date :
PROC?DURE
1. A l?origine de l?affaire se trouve une requ?te (no 68585/01) dirig?e contre la R?publique italienne et dont un ressortissant de cet ?tat, M. F. J. C. (? le requ?rant ?), a saisi la Cour le 26 novembre 1999 en vertu de l?article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l?Homme et des Libert?s fondamentales (? la Convention ?).
2. Le requ?rant est repr?sent? par Me A. J. C., avocat ? Naples. Le gouvernement italien (? le Gouvernement ?) est repr?sent? par son agent, M. I. M. Braguglia, par son coagent, M. F. Crisafulli, et par son coagent adjoint, M. N. Lettieri.
3. Le 6 mai 2004, la Cour (premi?re section) a d?clar? la requ?te partiellement irrecevable et a d?cid? de communiquer les griefs tir?s des articles 1 du Protocole no 1 et 6 ? 1 de la Convention (?quit? de la proc?dure) au Gouvernement. Se pr?valant de l?article 29 ? 3 de la Convention, elle a d?cid? que seraient examin?s en m?me temps la recevabilit? et le bien-fond? de l?affaire.
4. Le 1er novembre 2004, la Cour a modifi? la composition de ses sections (article 25 ? 1 du r?glement). La pr?sente requ?te a ?t? attribu?e ? la troisi?me section ainsi remani?e (article 52 ? 1).
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L?ESP?CE
5. Le requ?rant est n? en 1944 et r?sidant ? Naples.
6. A.J.C., p?re du requ?rant, ?tait propri?taire d?un terrain constructible sis ? Montoro Inferiore (Avellino) et enregistr? au cadastre, feuille 16, parcelles 192, 193, 273 et 516.
7. Par un arr?t? du 5 d?cembre 1981, le conseil r?gional (Giunta regionale) de Campanie approuva le projet de construction d?habitations ? loyer mod?r? sur le terrain d?A.J.C.
8. Par un arr?t? du 29 juillet 1985, la municipalit? de Montoro Inferiore autorisa l?occupation d?une partie du terrain d?A.J.C., ? savoir 3 363 m?tres carr?s, pour une p?riode maximale de cinq ans ? compter de la date d?occupation mat?rielle, en vue de son expropriation pour cause d?utilit? publique, afin de proc?der ? la construction des habitations ? loyer mod?r?.
9. Le 8 janvier 1986, l?administration municipale proc?da ? l?occupation mat?rielle du terrain et entama ensuite les travaux de construction.
10. Par un acte d?assignation notifi? le 28 octobre 1991, A.J.C. assigna la municipalit? de Montoro Inferiore devant le tribunal d?Avellino. Il faisait valoir que l?occupation ?tait ill?gale, ?tant donn? que celle-ci s??tait poursuivie au-del? de la p?riode autoris?e, sans qu?il f?t proc?d? ? l?expropriation formelle et au paiement d?une indemnit?.
11. Par un acte du 24 janvier 1992, la municipalit? se constitua dans la proc?dure et demanda l?appel en garantie de l?institut autonome de gestion des habitations ? loyer mod?r? (? I.A.C.P. ?).
12. Le tribunal fit droit ? cette demande mais l?I.A.C.P. ne se constitua pas dans la proc?dure.
13. Au cours de la proc?dure, une expertise r?dig?e le 22 octobre 1992 fut d?pos?e au greffe. Selon l?expert, la valeur marchande du terrain ?tait de 76 000 ITL le m?tre carr? en 1988 et de 98 040 ITL le m?tre carr? en 1992.
14. Par un jugement d?pos? au greffe le 4 novembre 1994, le tribunal d?Avellino jugea qu?A.J.C. devait se consid?rer comme priv? de son terrain en vertu du principe de l?expropriation indirecte ? compter du 8 janvier 1991, ? savoir de la date d?expiration du d?lai d?occupation autoris?e. En outre, le tribunal d?clara que l?I.A.C.P. ne pouvait pas ?tre consid?r? responsable du dommage subi par A.J.C. en raison de la perte de son terrain.
15. A la lumi?re de ces consid?rations, le tribunal condamna la municipalit? ? verser ? A.J.C. un d?dommagement correspondant ? la valeur marchande du terrain au 8 janvier 1991, ? savoir 269 040 000 ITL, plus int?r?ts.
16. De plus, le tribunal condamna la municipalit? ? verser ? A.J.C. les sommes de 67 260 000 ITL, plus int?r?ts, ? titre d?indemnit? d?occupation et de 335 635 000 ITL, plus int?r?ts, ? titre de d?dommagement pour la perte de valeur de la partie restante du terrain.
17. Le 14 d?cembre 1994, A.J.C. d?c?da.
18. Le 2 janvier 1995, la municipalit? interjeta appel du jugement du tribunal d?Avellino devant la cour d?appel de Naples.
19. Par un acte du 24 avril 1995, le requ?rant, fils d?A.J.C., se constitua dans la procedure devant la cour d?appel de Naples.
20. Par un arr?t d?pos? au greffe le 17 avril 1998, la cour d?appel de Naples confirma que la propri?t? du terrain litigieux avait ?t? transf?r?e ? la municipalit? en vertu du principe de l?expropriation indirecte ? compter du 8 janvier 1991.
21. Toutefois, compte tenu de l?entr?e en vigueur de la loi no 662 de 1996, la cour d?appel r?duisit ? 127 817 822 ITL le montant du d?dommagement d? au requ?rant en raison de la perte du terrain et ? 150 866 182 ITL le montant du d?dommagement pour la perte de valeur de la partie restante du terrain. Quant ? l?indemnit? d?occupation, la cour d?appel confirma le jugement du tribunal.
22. A la lumi?re de ces consid?rations, la cour d?appel condamna la municipalit? et l?I.A.C.P. ? verser au requ?rant une somme ?gale aux d?dommagements pour la perte du terrain et pour la perte de valeur de la partie restante du terrain, calcul?s aux termes de la loi no 662 de 1996 et index?s au jour du prononc?, ? savoir 381 908 572 ITL, plus int?r?ts. En outre, la cour d?appel condamna la municipalit? ? verser au requ?rant la somme de 67 260 000 ITL, plus int?r?ts, ? titre d?indemnit? d?occupation.
23. Cet arr?t acquit force de chose jug?e le 2 juillet 1999.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
24. Le droit interne pertinent se trouve d?crit dans l?arr?t Serrao c. Italie (no 67198/01, 13 octobre 2005).
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DE L?ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
25. Le requ?rant all?gue avoir ?t? priv? de son terrain dans des circonstances incompatibles avec l?article 1 du Protocole no 1, ainsi libell? :
? Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut ?tre priv? de sa propri?t? que pour cause d?utilit? publique et dans les conditions pr?vues par la loi et les principes g?n?raux du droit international.
Les dispositions pr?c?dentes ne portent pas atteinte au droit que poss?dent les ?tats de mettre en vigueur les lois qu?ils jugent n?cessaires pour r?glementer l?usage des biens conform?ment ? l?int?r?t g?n?ral ou pour assurer le paiement des imp?ts ou d?autres contributions ou des amendes. ?
A. Sur la recevabilit?
26. Le Gouvernement soutient que la requ?te est tardive, ?tant donn? que le d?lai de six mois pr?vu ? l?article 35 de la Convention aurait commenc? ? courir soit le 1er janvier 1997, date de l?entr?e en vigueur de la loi no 662 de 1996, soit le 30 avril 1999, date du d?p?t au greffe de l?arr?t de la Cour constitutionnelle no 148 de 1999, par lequel cette derni?re juridiction a confirm? la l?galit? de cette loi. A l?appui de ses all?gations, le Gouvernement cite l?affaire Miconi c. Italie (Miconi c. Italie (d?c.), no 66432/01, 6 mai 2004).
27. Le requ?rant s?oppose ? la th?se du Gouvernement.
28. La Cour rappelle qu?elle a rejet? des exceptions semblables dans les affaires Serrao c. Italie (no 67198/01, 13 octobre 2005) et Binotti c. Italie (no 2) (no 71603/01, 13 octobre 2005). De surcro?t, elle consid?re que, conform?ment ? sa jurisprudence (Carbonara et Ventura c. Italie, no 24638/94, CEDH 2000-VI, ? 69, et Donati c. Italie, no 63242/00, d?cision du 13 mai 2004 et ?galement dans l?arr?t, ? 62), ce n?est que par la d?cision d?finitive ? en l?esp?ce l?arr?t de la cour d?appel d?pos? au greffe le 17 avril 1998 et devenu d?finitif le 2 juillet 1999 ? que le principe de l?expropriation indirecte doit passer pour effectivement appliqu?. D?s lors, le d?lai de six mois a commenc? ? courir ? cette date. Il s?ensuit que l?exception ne saurait ?tre retenue.
29. La Cour constate que le grief n?est pas manifestement mal fond? au sens de l?article 35 ? 3 de la Convention. Elle rel?ve par ailleurs que celui-ci ne se heurte ? aucun autre motif d?irrecevabilit?. Il convient donc de le d?clarer recevable.
B. Sur le fond
1. Th?ses des parties
a) Le Gouvernement
30. Le Gouvernement fait observer que, dans le cas d?esp?ce, il s?agit d?une occupation de terrain dans le cadre d?une proc?dure administrative reposant sur une d?claration d?utilit? publique. Il admet que la proc?dure d?expropriation n?a pas ?t? mise en ?uvre dans les termes pr?vus par la loi, dans la mesure o? aucun arr?t? d?expropriation n?a ?t? adopt?.
31. Premi?rement, il y aurait utilit? publique, ce qui n?a pas ?t? remis en cause par les juridictions nationales.
32. Deuxi?mement, la privation du bien telle que r?sultant de l?expropriation indirecte serait ? pr?vue par la loi ?. Selon le Gouvernement, le principe de l?expropriation indirecte doit ?tre consid?r? comme faisant partie du droit positif ? compter au plus tard de l?arr?t de la Cour de cassation no 1464 de 1983. La jurisprudence ult?rieure aurait confirm? ce principe et pr?cis? certains aspects de son application et, en outre, ce principe aurait ?t? reconnu par la loi no 458 du 27 octobre 1988 et par la loi budg?taire no 662 de 1996.
33. Le Gouvernement en conclut qu?? partir de 1983, les r?gles de l?expropriation indirecte ?taient parfaitement pr?visibles, claires et accessibles ? tous les propri?taires de terrains.
34. Le Gouvernement rappelle que dans l?affaire Forrer-Niedenthal c. Allemagne (arr?t du 20 f?vrier 2003), la Cour a consid?r? une loi allemande de 1997 comme suffisante, malgr? son impr?visibilit? manifeste, pour fournir une base l?gale aux d?cisions qui avaient priv? la requ?rante de toute protection contre l?atteinte port?e ? sa propri?t?. Il demande ? la Cour de suivre la m?me approche pour la pr?sente affaire.
35. S?agissant de la qualit? de la loi, le Gouvernement reconna?t que le fait qu?un arr?t? d?expropriation n?ait pas ?t? prononc? est en soi un manquement aux r?gles qui pr?sident ? la proc?dure administrative.
36. Toutefois, compte tenu de ce que le terrain a ?t? transform? de mani?re irr?versible par la construction d?un ouvrage d?utilit? publique, la restitution du terrain n?est plus possible.
37. Le Gouvernement d?finit l?expropriation indirecte comme le r?sultat d?une interpr?tation syst?matique par les juges de principes existants, tendant ? garantir que l?int?r?t g?n?ral l?emporte sur l?int?r?t des particuliers, lorsque l?ouvrage public a ?t? r?alis? (transformation du terrain) et qu?il r?pond ? l?utilit? publique.
38. Quant ? l?exigence de garantir un juste ?quilibre entre le sacrifice impos? aux particuliers et la compensation octroy?e ? ceux-ci, le Gouvernement reconna?t que l?administration est tenue d?indemniser les int?ress?s.
39. Compte tenu de ce que l?expropriation indirecte r?pond ? un int?r?t collectif et que l?ill?galit? commise par l?administration ne concerne que la forme, ? savoir un manquement aux r?gles qui pr?sident ? la proc?dure administrative, l?indemnisation peut ?tre inf?rieure au pr?judice subi.
40. La fixation du montant de l?indemnit? en cause rentre dans la marge d?appr?ciation laiss?e aux ?tats pour fixer une indemnisation qui soit raisonnablement en rapport avec la valeur du bien. Le Gouvernement rappelle en outre que l?indemnit? telle que plafonn?e par la loi budg?taire no 662 de 1996 est en tout cas sup?rieure ? celle qui aurait ?t? accord?e si l?expropriation avait ?t? r?guli?re.
41. A la lumi?re de ces consid?rations et en se r?f?rant notamment aux affaires OGIS-Institut Stanislas, OGEC Saint-Pie X et Blanche de Castille et autres c. France (nos 42219/98 et 54563/00, 27 mai 2004) et B?ck c. Finlande (no 37598/97, 20 juillet 2004), le Gouvernement conclut que le juste ?quilibre a ?t? respect? et que la situation d?nonc?e est compatible ? tous points de vue avec l?article 1 du Protocole no 1.
b) Le requ?rant
42. Le requ?rant s?oppose ? la th?se du Gouvernement.
43. Il fait observer que l?expropriation indirecte est un m?canisme qui permet ? l?autorit? publique d?acqu?rir un bien en toute ill?galit?.
44. Le requ?rant d?nonce un manque de clart?, pr?visibilit? et pr?cision des principes et des dispositions appliqu?s ? son cas au motif qu?un principe jurisprudentiel, tel que celui de l?expropriation indirecte, ne suffit pas ? satisfaire au principe de l?galit?.
2. Appr?ciation de la Cour
a) Sur l?existence d?une ing?rence
45. La Cour rappelle que, pour d?terminer s?il y a eu ? privation de biens ?, il faut non seulement examiner s?il y a eu d?possession ou expropriation formelle, mais encore regarder au-del? des apparences et analyser la r?alit? de la situation litigieuse. La Convention visant ? prot?ger des droits ? concrets et effectifs ?, il importe de rechercher si ladite situation ?quivalait ? une expropriation de fait (Sporrong et L?nnroth c. Su?de, arr?t du 23 septembre 1982, s?rie A no 52, pp. 24-25, ? 63).
46. La Cour rel?ve que, en appliquant le principe de l?expropriation indirecte, les juridictions internes ont consid?r? le requ?rant comme ?tant priv? de son bien ? compter de la date d?expiration du d?lai d?occupation autoris?e. A d?faut d?un acte formel d?expropriation, le constat d?ill?galit? de la part du juge est l??l?ment qui consacre le transfert au patrimoine public du bien occup?. Dans ces circonstances, la Cour conclut que l?arr?t de la cour d?appel de Naples a eu pour effet de priver le requ?rant de son bien au sens de la deuxi?me phrase de l?article 1 du Protocole no 1 (Carbonara et Ventura pr?cit?, ? 61, et Brumărescu c. Roumanie [GC], no 28342/95, ? 77, CEDH 1999-VII).
47. Pour ?tre compatible avec l?article 1 du Protocole no 1, une telle ing?rence doit ?tre op?r?e ? pour cause d?utilit? publique ? et ? dans les conditions pr?vues par la loi et les principes g?n?raux de droit international ?. L?ing?rence doit m?nager un ? juste ?quilibre ? entre les exigences de l?int?r?t g?n?ral de la communaut? et les imp?ratifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l?individu (Sporrong et L?nnroth, pr?cit?, p. 26, ? 69). En outre, la n?cessit? d?examiner la question du juste ?quilibre ? ne peut se faire sentir que lorsqu?il s?est av?r? que l?ing?rence litigieuse a respect? le principe de l?galit? et n??tait pas arbitraire ? (Iatridis c. Gr?ce [GC], no 31107/96, ? 58, CEDH 1999-II, et Beyeler c. Italie [GC], no 33202/96, ? 107, CEDH 2000-I).
48. D?s lors, la Cour n?estime pas opportun de fonder son raisonnement sur le simple constat qu?une r?paration int?grale en faveur du requ?rant n?a pas eu lieu (Carbonara et Ventura, pr?cit?, ? 62).
b) Sur le respect du principe de l?galit?
49. La Cour renvoie ? sa jurisprudence en mati?re d?expropriation indirecte (Belvedere Alberghiera S.r.l. c. Italie, no 31524/96, CEDH 2000-VI, et Carbonara et Ventura c. Italie, no 24638/94, CEDH 2000-VI ; parmi les arr?ts plus r?cents, voir Acciardi et Campagna c. Italie, no 41040/98, 19 mai 2005, Pasculli c. Italie, no 36818/97, 17 mai 2005, Scordino c. Italie (no 3), no 43662/98, 17 mai 2005, Serrao c. Italie, no 67198/01, 13 octobre 2005, La Rosa et Alba c. Italie (no 1), no 58119/00, 11 octobre 2005, et Chir? c. Italie (no 4), no 67196/01, 11 octobre 2005), selon laquelle l?expropriation indirecte m?conna?t le principe de l?galit? au motif qu?elle n?est pas apte ? assurer un degr? suffisant de s?curit? juridique et qu?elle permet en g?n?ral ? l?administration de passer outre les r?gles fix?es en mati?re d?expropriation. En effet, dans tous les cas, l?expropriation indirecte vise ? ent?riner une situation de fait d?coulant des ill?galit?s commises par l?administration, ? r?gler les cons?quences pour le particulier et pour l?administration, au b?n?fice de celle-ci.
50. Dans la pr?sente affaire, la Cour rel?ve qu?en appliquant le principe de l?expropriation indirecte, les juridictions italiennes ont consid?r? le requ?rant comme priv? de son bien ? compter du moment o? l?occupation avait cess? d??tre autoris?e, les conditions d?ill?galit? de l?occupation et d?int?r?t public de l?ouvrage construit ?tant r?unies. Or, en l?absence d?un acte formel d?expropriation, la Cour estime que cette situation ne saurait ?tre consid?r?e comme ? pr?visible ?, puisque ce n?est que par la d?cision judiciaire d?finitive que l?on peut consid?rer le principe de l?expropriation indirecte comme ayant effectivement ?t? appliqu? et que l?acquisition du terrain au patrimoine public a ?t? consacr?e. Par cons?quent, le requ?rant n?a eu la ? s?curit? juridique ? concernant la privation du terrain que le 2 juillet 1999, date ? laquelle l?arr?t de la cour d?appel de Naples est devenu d?finitif.
51. La Cour observe ensuite que la situation en cause a permis ? l?administration de tirer parti d?une occupation de terrain ill?gale. En d?autres termes, l?administration a pu s?approprier du terrain au m?pris des r?gles r?gissant l?expropriation en bonne et due forme, et, entre autres, sans qu?une indemnit? soit mise en parall?le ? la disposition de l?int?ress?.
52. S?agissant de l?indemnit?, la Cour constate que l?application r?troactive de la loi no 662 de 1996 au cas d?esp?ce a eu pour effet de priver le requ?rant de la possibilit? d?obtenir r?paration du pr?judice subi.
53. A la lumi?re de ces consid?rations, la Cour estime que l?ing?rence litigieuse n?est pas compatible avec le principe de l?galit? et qu?elle a donc enfreint le droit au respect des biens du requ?rant.
54. D?s lors, il y a eu violation de l?article 1 du Protocole no 1.
II. SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DE L?ARTICLE 6 ? 1 DE LA CONVENTION
55. Le requ?rant all?gue que l?adoption et l?application de la loi no 662 du 23 d?cembre 1996 ? sa proc?dure constitue une ing?rence l?gislative contraire ? son droit ? un proc?s ?quitable tel que garanti par l?article 6 ? 1 de la Convention, qui, en ses passages pertinents, dispose :
? Toute personne a droit ? ce que sa cause soit entendue ?quitablement (…) par un tribunal (…), qui d?cidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caract?re civil (…) ?
56. Le Gouvernement conteste cette th?se et observe que la loi litigieuse n?a pas ?t? adopt?e pour influencer le d?nouement de la proc?dure intent?e par le requ?rant. En outre, l?application de cette loi n?aurait pas eu de r?percussions n?gatives pour le requ?rant. Il en conclut que l?application de la disposition litigieuse ? la cause du requ?rant ne soul?ve aucun probl?me au regard de la Convention. A l?appui de ses th?ses, le Gouvernement se r?f?re sp?cifiquement aux arr?ts Forrer-Niedenthal c. Allemagne (no 47316/99, 20 f?vrier 2003), OGIS-Institut Stanislas, OGEC Saint-Pie X et Blanche de Castille et autres c. France (nos 42219/98 et 54563/00, 27 mai 2004) et B?ck c. Finlande (no 37598/97, CEDH 2004-VIII).
57. La Cour rel?ve que ce grief est li? ? celui examin? ci-dessus et doit donc aussi ?tre d?clar? recevable.
58. La Cour vient de constater, sous l?angle de l?article 1 du Protocole no 1, que la situation d?nonc?e par le requ?rant n?est pas conforme au principe de l?galit?. Eu ?gard aux motifs ayant amen? la Cour ? ce constat de violation (paragraphes 52 ? 54 ci-dessus), la Cour estime qu?il n?y a pas lieu d?examiner s?il y a eu, en l?esp?ce, violation de l?article 6 ? 1 (voir, a contrario, Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, ?? 103-104 et ?? 132 – 133, CEDH 2006).
III. SUR L?APPLICATION DE L?ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
59. Aux termes de l?article 41 de la Convention,
? Si la Cour d?clare qu?il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d?effacer qu?imparfaitement les cons?quences de cette violation, la Cour accorde ? la partie l?s?e, s?il y a lieu, une satisfaction ?quitable. ?
60. A titre de pr?judice mat?riel, le requ?rant sollicite le versement d?une somme ?gale ? la valeur v?nale actuelle du terrain, augment?e de la plus- value apport?e au terrain par l?existence de l?ouvrage public, ? savoir 2 500 000 EUR.
61. A titre subsidiaire, le requ?rant demande une somme ?gale ? la diff?rence entre le montant reconnu par le tribunal d?Avellino, r??valu? et assorti d?int?r?ts, et la somme obtenue ? la suite de l?arr?t de la cour d?appel de Naples.
62. S?agissant du pr?judice moral, le requ?rant sollicite le versement de 100 000 EUR.
63. Enfin, le requ?rant demande 79 282,76 EUR pour les frais de proc?dure devant la Cour.
64. Quant au pr?judice mat?riel, le Gouvernement soutient que la valeur marchande du terrain devrait ?tre calcul?e par rapport au moment du transfert de propri?t? et il fait valoir qu?aucune somme n?est due au requ?rant ? titre de plus-value apport?e au terrain par l?ouvrage public y r?alis?.
65. A titre subsidiaire, le Gouvernement fait valoir que la Cour devrait fonder son appr?ciation sue la diff?rence entre la valeur marchande du bien estim?e par l?expert commis d?office par le juge national et la somme liquid?e par ce dernier aux termes de la loi no 662 de 1996.
66. S?agissant du pr?judice moral et des frais de proc?dure, le Gouvernement estime que les sommes demand?es par le requ?rant sont excessives et s?en remet ? la sagesse de la Cour.
67. La Cour estime que la question de l?application de l?article 41 ne se trouve pas en ?tat. En cons?quence, elle la r?serve et fixera la proc?dure ult?rieure, compte tenu de la possibilit? que le Gouvernement et le requ?rant parviennent ? un accord.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, ? L?UNANIMIT?,
1. D?clare la requ?te recevable ;
2. Dit qu?il y a eu violation de l?article 1 du Protocole no 1 ;
3. Dit qu?il n?y a pas lieu d?examiner le grief tir? de l?article 6 ? 1 de la Convention ;
4. Dit que la question de l?application de l?article 41 de la Convention ne se trouve pas en ?tat ;
en cons?quence,
a) la r?serve en entier ;
b) invite le Gouvernement et le requ?rant ? lui adresser par ?crit, dans les trois mois ? compter du jour o? l?arr?t sera devenu d?finitif conform?ment ? l?article 44 ? 2 de la Convention, leurs observations sur cette question et notamment ? lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir ;
c) r?serve la proc?dure ult?rieure et d?l?gue le pr?sident de la chambre le soin de la fixer au besoin.
Fait en fran?ais, puis communiqu? par ?crit le 3 ao?t 2006 en application de l?article 77 ?? 2 et 3 du r?glement.
Vincent Berger Bo?tjan M. Zupančič
Greffier Pr?sident
ARR?T JANES CARRAT? c. ITALIE
ARR?T JANES CARRAT? c. ITALIE