PREMI?RE SECTION
AFFAIRE CONDOMINIO PORTA RUFINA c. ITALIE
(Requ?te no 14346/05)
ARR?T
STRASBOURG
6 juin 2019
Cet arr?t est d?finitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l?affaire Condominio Porta Rufina c. Italie,
La Cour europ?enne des droits de l?homme (premi?re section), si?geant en un comit? compos? de :
Ale? Pejchal, pr?sident,
Tim Eicke,
Gilberto Felici, juges,
et de Renata Degener, greffi?re adjointe de section,
Apr?s en avoir d?lib?r? en chambre du conseil le 14 mai 2019,
Rend l?arr?t que voici, adopt? ? cette date :
PROC?DURE
1. ? l?origine de l?affaire se trouve une requ?te (no 14346/05) dirig?e contre la R?publique italienne et dont une soci?t? de droit italien, Condominio Porta Rufina (? la requ?rante ?), a saisi la Cour le 21 mars 2005 en vertu de l?article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l?homme et des libert?s fondamentales (? la Convention ?).
2. La requ?rante a ?t? repr?sent?e par Mes S. Ferrara et A. Ferrara, avocats ? B?n?vent. Le gouvernement italien (? le Gouvernement ?) a ?t? repr?sent? par ses anciens agents, M. I.M. Braguglia et Mme E. Spatafora, et ses anciens coagents, M. F. Crisafulli et Mme P. Accardo.
3. Le 9 octobre 2007, la requ?te a ?t? communiqu?e au Gouvernement.
4. Par une lettre du 24 janvier 2018, le Gouvernement s?est oppos? ? l?examen de la requ?te par un comit?. Apr?s avoir examin? l?objection du Gouvernement, la Cour l?a rejet?e.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L?ESP?CE
5. La requ?rante ?tait propri?taire d?un terrain, enregistr? au cadastre (feuille 47, parcelles 495 et 243), sur lequel ?tait b?ti un immeuble.
6. Par un arr?t? du 7 novembre 1989, la municipalit? de B?n?vent autorisa l?occupation d?urgence d?une partie du terrain, ? savoir 758 m?, en vue de la construction d?un parking public.
7. Les travaux de construction d?but?rent ? une date non pr?cis?e.
8. Par un acte du 3 avril 1994, la requ?rante saisit le tribunal de B?n?vent d?une action en dommages-int?r?ts dirig?e contre la municipalit? de B?n?vent et contre l?entreprise A., charg?e de la construction de l?ouvrage public. Elle all?guait que l?occupation de la partie du terrain susmentionn?e ?tait sans titre, et elle demandait un d?dommagement pour perte de propri?t? et une indemnit? d?occupation temporaire. Elle sollicitait ?galement un d?dommagement pour des d?g?ts occasionn?s ? l?immeuble ? la suite des travaux de construction.
9. Le tribunal ordonna une expertise technique.
10. L?expert rendit ses conclusions dans des rapports d?pos?s les 22 septembre 1999 et 11 f?vrier 2004. Il y mentionnait que les d?g?ts d?nonc?s par la requ?rante n?avaient pas ?t? caus?s par les travaux de construction de l?ouvrage public. En outre, il constatait que l?occupation de la partie du terrain litigieuse, qui avait d?but? le 13 janvier 1990, ?tait devenue sans titre le 13 janvier 1997. Il indiquait ensuite que la valeur v?nale du bien en litige ? la date d?expiration de la p?riode d?occupation l?gitime, soit le 13 janvier 1997, ?tait de 100 000 lires italiennes (ITL)/m? (soit 51,65 euros (EUR)/m?). Enfin, apr?s avoir appliqu? les crit?res de la loi no 662 de 1996, il pr?cisait que la valeur de la partie du bien litigieux concern?e directement par les travaux de construction, ? savoir 243 m?, ?tait de 50 105 ITL/m? (soit 25,88 EUR/m?), tandis que la valeur du restant du bien occup?, soit 515 m?, ?tait de 55 000 ITL/m? (soit 28,41 EUR/m?).
11. Par un jugement du 23 septembre 2004, d?pos? le 28 octobre 2004, le tribunal de B?n?vent d?clara que la propri?t? du bien litigieux, d?une superficie totale de 758 m?, avait ?t? acquise par la municipalit?. Selon lui, le transfert de propri?t? avait eu lieu par l?effet du principe de l?expropriation indirecte ? la date d?expiration de la p?riode d?occupation l?gitime d?termin?e par l?expert, soit le 13 janvier 1997. Le tribunal condamna la municipalit? ? payer ? la requ?rante la somme ?tablie par l?expert ? titre de d?dommagement, ? savoir 40 500 515 ITL (soit 20 916,77 EUR), cette somme devant ?tre r??valu?e et assortie d?int?r?ts ? compter de la date du 13 janvier 1997.
12. Le tribunal rejeta ensuite la demande de d?dommagement pour autant qu?elle concernait les d?g?ts occasionn?s ? l?immeuble, au motif que ceux-ci n?avaient pas ?t? caus?s par les travaux de construction de l?ouvrage public, et il se d?clara incomp?tent pour conna?tre de la demande d?indemnit? d?occupation.
13. Ce jugement acquit l?autorit? de la chose jug?e le 16 d?cembre 2004.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
14. Pour ce qui est du droit et de la pratique internes pertinents dans la pr?sente affaire, la Cour renvoie ? l?arr?t Messana c. Italie (no 26128/04, ?? 17-20, 9 f?vrier 2017).
EN DROIT
I. SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU R?LE DE LA REQU?TE EN VERTU DE L?ARTICLE 37 DE LA CONVENTION
15. Apr?s l??chec des tentatives de r?glement amiable, le 11 ao?t 2015, le Gouvernement a formul? une d?claration unilat?rale afin de r?soudre la question soulev?e par la requ?te. Il a invit? la Cour ? rayer celle-ci du r?le en application de l?article 37 de la Convention en contrepartie du versement d?une somme globale destin?e ? couvrir tout pr?judice mat?riel et moral, ainsi que les frais et d?pens, et de la reconnaissance de la violation de l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention.
16. Le 8 septembre 2015, la requ?rante a d?clar? qu?elle n??tait pas satisfaite des termes de la d?claration unilat?rale, compte tenu du montant offert.
17. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle, dans certaines circonstances, il peut ?tre indiqu? de rayer une requ?te du r?le en vertu de l?article 37 ? 1 c) de la Convention sur la base d?une d?claration unilat?rale du gouvernement d?fendeur m?me si le requ?rant souhaite que l?examen de l?affaire se poursuive. Ce seront toutefois les circonstances particuli?res de la cause qui permettront de d?terminer si la d?claration unilat?rale offre une base suffisante pour que la Cour conclue que le respect des droits de l?homme garantis par la Convention n?exige pas qu?elle poursuive l?examen de l?affaire au sens de l?article 37 ? 1 in fine (voir, parmi d?autres, Tahsin Acar c. Turquie (exceptions pr?liminaires) [GC], no 26307/95, ? 75, CEDH 2003 VI, et Melnic c. Moldova, no 6923/03, ? 14, 14 novembre 2006).
18. La Cour rappelle encore que, parmi les facteurs ? prendre en compte ? cet ?gard, figurent, entre autres, les concessions ?ventuellement formul?es par le gouvernement d?fendeur dans sa d?claration unilat?rale en ce qui concerne les all?gations de violation de la Convention. Dans cette hypoth?se, il faut alors d?terminer quelle est l?ampleur de ces concessions et quelles sont les modalit?s du redressement que le Gouvernement entend fournir au requ?rant. Quant ? ce dernier point, dans les cas o? il est possible d?effacer les cons?quences d?une violation all?gu?e (par exemple, dans certaines affaires de propri?t?) et o? le gouvernement d?fendeur se d?clare dispos? ? le faire, le redressement envisag? a davantage de chances d??tre tenu pour ad?quat aux fins d?une radiation de la requ?te (Tahsin Acar, pr?cit?, ? 76).
19. En l?esp?ce, quant au point de savoir s?il serait opportun de rayer la pr?sente requ?te sur la base de la d?claration unilat?rale du Gouvernement, la Cour rel?ve que le montant du d?dommagement offert est insuffisant par rapport aux sommes octroy?es par elle dans des affaires similaires en mati?re d?expropriation indirecte (Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction ?quitable) [GC], no 58858/00, 22 d?cembre 2009, Rivera et di Bonaventura c. Italie, no 63869/00, 14 juin 2011, De Caterina et autres c. Italie, no 65278/01, 28 juin 2011, et Macr? et autres c. Italie, no 14130/02, 12 juillet 2011).
20. Dans ces conditions, la Cour consid?re que la pr?sente d?claration unilat?rale ne constitue pas une base suffisante pour conclure que le respect des droits de l?homme garantis par la Convention n?exige pas la poursuite de l?examen de la requ?te (Messana, pr?cit?, ? 26).
21. En conclusion, la Cour rejette la demande du Gouvernement tendant ? la radiation de la requ?te du r?le en vertu de l?article 37 ? 1 c) de la Convention, et elle d?cide de poursuivre l?examen de l?affaire sur la recevabilit? et sur le fond.
II. SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DE L?ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 ? LA CONVENTION
22. La requ?rante se plaint d?avoir ?t? priv?e de la partie du terrain litigieuse d?une mani?re incompatible avec son droit au respect de ses biens garanti par l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention. Cette disposition est ainsi libell?e :
? Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut ?tre priv? de sa propri?t? que pour cause d?utilit? publique et dans les conditions pr?vues par la loi et les principes g?n?raux du droit international.
Les dispositions pr?c?dentes ne portent pas atteinte au droit que poss?dent les ?tats de mettre en vigueur les lois qu?ils jugent n?cessaires pour r?glementer l?usage des biens conform?ment ? l?int?r?t g?n?ral ou pour assurer le paiement des imp?ts ou d?autres contributions ou des amendes. ?
23. Le Gouvernement conteste cette th?se.
A. Sur la recevabilit?
24. Constatant que la requ?te n?est pas manifestement mal fond?e au sens de l?article 35 ? 3 a) de la Convention et qu?elle ne se heurte par ailleurs ? aucun autre motif d?irrecevabilit?, la Cour la d?clare recevable.
B. Sur le fond
1. Th?ses des parties
a) La requ?rante
25. La requ?rante indique qu?elle a ?t? priv?e de son bien en application du principe de l?expropriation indirecte, un m?canisme qui permet ? l?autorit? publique d?acqu?rir un bien, selon elle en toute ill?galit?. Elle estime que cela est inadmissible dans un ?tat de droit.
26. Elle all?gue en outre qu?elle n?a eu la certitude d?avoir perdu la propri?t? de son bien en application du principe susmentionn? qu?avec l?arr?t du tribunal de B?n?vent.
b) Le Gouvernement
27. Le Gouvernement prend acte de ce que la jurisprudence de la Cour, d?sormais consolid?e, conclut ? une incompatibilit? du m?canisme de l?expropriation indirecte avec le principe de l?galit?. Toutefois, ayant ?gard ? la d?cision de justice rendue en l?esp?ce, portant d?claration d?un transfert de propri?t? et assimilation de celui-ci ? un acte formel d?expropriation, il plaide que l?expropriation en question ne peut pas ?tre consid?r?e comme incompatible avec le droit au respect des biens et le principe de pr??minence du droit.
2. Appr?ciation de la Cour
a) Sur l?existence d?une ing?rence
28. La Cour renvoie ? sa jurisprudence constante relative ? la structure de l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention et aux trois normes distinctes que cette disposition contient (voir, parmi beaucoup d?autres, Sporrong et L?nnroth c. Su?de, 23 septembre 1982, ? 61, s?rie A no 52, Iatridis c. Gr?ce [GC], no 31107/96, ? 55, CEDH 1999 II, Immobiliare Saffi c. Italie [GC], no 22774/93, ? 44, CEDH 1999 V, Broniowski c. Pologne [GC], no 31443/96, ? 134, CEDH 2004 V, et Visti?? et Perepjolkins c. Lettonie [GC], no 71243/01, ? 93, 25 octobre 2012).
29. La Cour constate que les parties s?accordent pour dire qu?il y a eu une privation de propri?t? au sens de la deuxi?me phrase du premier alin?a de l?article 1 du Protocole no 1.
30. La Cour doit donc rechercher si la privation d?nonc?e se justifie sous l?angle de cette disposition.
b) Sur le respect du principe de l?galit?
31. La Cour rappelle que l?article 1 du Protocole no 1 exige, avant tout et surtout, qu?une ing?rence de l?autorit? publique dans la jouissance du droit au respect des biens soit l?gale : la seconde phrase du premier alin?a de cet article n?autorise une privation de propri?t? que ? dans les conditions pr?vues par la loi ? ; le second alin?a reconna?t aux ?tats le droit de r?glementer l?usage des biens en mettant en vigueur des ? lois ?. De plus, la pr??minence du droit, l?un des principes fondamentaux d?une soci?t? d?mocratique, est inh?rente ? l?ensemble des articles de la Convention (Amuur c. France, 25 juin 1996, ? 50, Recueil des arr?ts et d?cisions 1996 III, et Iatridis, pr?cit?, ? 58).
32. La Cour renvoie ensuite ? sa jurisprudence en mati?re d?expropriation indirecte (voir, parmi d?autres, Belvedere Alberghiera S.r.l. c. Italie, no 31524/96, CEDH 2000-VI, Scordino c. Italie (no 3), no 43662/98, 17 mai 2005, et Velocci c. Italie, no 1717/03, 18 mars 2008) pour une r?capitulation des principes pertinents et pour un aper?u de sa jurisprudence en la mati?re, notamment en ce qui concerne la question du respect du principe de l?galit? dans ce type d?affaires.
33. En l?esp?ce, la Cour rel?ve que, en appliquant le principe de l?expropriation indirecte, les juridictions internes ont consid?r? que la requ?rante avait ?t? priv?e de son bien ? compter de la date de la cessation de la p?riode d?occupation l?gitime. Or elle estime que, en l?absence d?un acte formel d?expropriation, cette situation ne saurait ?tre consid?r?e comme ? pr?visible ?. En effet, ce n?est que par la d?cision judiciaire d?finitive que le principe de l?expropriation indirecte a ?t? effectivement appliqu? et que le transfert de propri?t? du bien concern? au b?n?fice des pouvoirs publics a ?t? ent?rin?. Par cons?quent, il y a eu m?connaissance du principe de la s?curit? juridique ? l??gard de la requ?rante concernant la privation de propri?t? de son bien, et ce jusqu?au 16 d?cembre 2004, date ? laquelle le jugement du tribunal de B?n?vent est devenu d?finitif.
34. La Cour observe ensuite que la situation en cause a permis ? l?administration de tirer parti d?une occupation de terrain ill?gale. En d?autres termes, l?administration a pu s?approprier la partie du terrain litigieuse au m?pris des r?gles r?gissant l?expropriation en bonne et due forme.
35. ? la lumi?re de ces consid?rations, la Cour estime que l?ing?rence litigieuse n?est pas compatible avec le principe de l?galit? et qu?elle a donc enfreint le droit au respect des biens de la requ?rante.
36. D?s lors, la Cour conclut qu?il y a eu violation de l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention.
III. SUR L?APPLICATION DE L?ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
37. Aux termes de l?article 41 de la Convention,
? Si la Cour d?clare qu?il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d?effacer qu?imparfaitement les cons?quences de cette violation, la Cour accorde ? la partie l?s?e, s?il y a lieu, une satisfaction ?quitable. ?
A. Dommage mat?riel
38. La requ?rante sollicite une somme de 2 416 985,81 euros (EUR), qui, selon elle, correspond ? la valeur v?nale actuelle du bien litigieux major?e d?une somme pour la plus value d?coulant de la construction de l?ouvrage public et d?une indemnit? pour la non-jouissance de ce bien pendant la p?riode d?occupation l?gitime.
39. Le Gouvernement conteste cette pr?tention.
40. La Cour rappelle que, dans l?affaire Guiso-Gallisay (pr?cit?e), elle a modifi? sa jurisprudence concernant les crit?res d?indemnisation dans les affaires d?expropriation indirecte : d?sormais, le montant de l?indemnit? ? octroyer doit correspondre ? la valeur pleine et enti?re du terrain au moment de la perte de la propri?t?, telle qu??tablie par l?expertise ordonn?e par la juridiction comp?tente au cours de la proc?dure interne, et, une fois d?duite la somme ?ventuellement octroy?e au niveau national, il doit ?tre actualis? pour compenser les effets de l?inflation et assorti d?int?r?ts susceptibles de compenser, au moins en partie, le long laps de temps qui s?est ?coul? depuis la d?possession du terrain ; par ailleurs, il y a lieu d??valuer la perte de chances ?ventuellement subie par la partie requ?rante.
41. En l?esp?ce, la Cour note que, d?apr?s les juridictions nationales, la requ?rante a perdu la propri?t? du bien litigieux le 13 janvier 1997 (paragraphe 11 ci-dessus). Il ressort de l?expertise ordonn?e par le tribunal de B?n?vent que, ? cette date, la valeur de ce bien, dont le prix au m?tre carr? ?tait de 51,65 EUR (paragraphe 10 ci dessus), ?tait de 39 150 EUR. Compte tenu de ces ?l?ments, la Cour estime raisonnable d?accorder ? la requ?rante 36 100 EUR.
42. Quant ? la perte de chances subie ? la suite de la d?possession du bien en cause, la Cour consid?re qu?il y a lieu de prendre en consid?ration le pr?judice d?coulant de l?indisponibilit? de ce bien pendant la p?riode comprise entre le d?but de l?occupation l?gitime (13 janvier 1990) et le moment de la perte de propri?t? (13 janvier 1997) (paragraphe 10 ci dessus). Aussi la Cour estime t-elle raisonnable d?accorder ? la requ?rante 8 400 EUR pour la perte de chances.
B. Dommage moral
43. La requ?rante sollicite 100 000 EUR pour pr?judice moral.
44. Le Gouvernement conteste cette demande.
45. La Cour estime que le sentiment d?impuissance et de frustration que la requ?rante a d? ?prouver face ? la d?possession ill?gale de son bien a caus? ? l?int?ress?e un pr?judice moral qu?il y a lieu de r?parer de mani?re ad?quate.
46. Compte tenu des circonstances de l?esp?ce, et statuant en ?quit?, la Cour alloue ? la requ?rante 5 000 EUR ? titre de dommage moral.
C. Frais et d?pens
47. Notes d?honoraires ? l?appui, la requ?rante demande ?galement 53 585,53 EUR pour les frais et d?pens engag?s devant la Cour.
48. Le Gouvernement conteste cette pr?tention.
49. La Cour ne doute pas de la n?cessit? d?engager des frais, mais elle consid?re que les sommes revendiqu?es ? ce titre sont excessives et que, d?s lors, il n?y a lieu de les rembourser qu?en partie seulement.
50. Compte tenu des circonstances de la cause, la Cour juge raisonnable d?allouer ? la requ?rante un montant de 5 000 EUR pour l?ensemble des frais expos?s.
D. Int?r?ts moratoires
51. La Cour juge appropri? de calquer le taux des int?r?ts moratoires sur le taux d?int?r?t de la facilit? de pr?t marginal de la Banque centrale europ?enne major? de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, ? L?UNANIMIT?,
1. D?clare la requ?te recevable ;
2. Dit qu?il y a eu violation de l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention ;
3. Dit
a) que l??tat d?fendeur doit verser ? la requ?rante, dans les trois mois, les sommes suivantes :
i. 44 500 EUR (quarante-quatre mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant ?tre d? ? titre d?imp?t, pour dommage mat?riel,
ii. 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant ?tre d? ? titre d?imp?t, pour dommage moral,
iii. 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant ?tre d? par la requ?rante ? titre d?imp?t, pour frais et d?pens,
b) qu?? compter de l?expiration dudit d?lai et jusqu?au versement, ces montants seront ? majorer d?un int?r?t simple ? un taux ?gal ? celui de la facilit? de pr?t marginal de la Banque centrale europ?enne applicable pendant cette p?riode, augment? de trois points de pourcentage ;
4. Rejette la demande de satisfaction ?quitable pour le surplus.
Fait en fran?ais, puis communiqu? par ?crit le 6 juin 2019, en application de l?article 77 ?? 2 et 3 du r?glement de la Cour.
Renata Degener Ale? Pejchal