Conclusion Violation de P1-1 ; Satisfaction ?quitable r?serv?e
QUATRI?ME SECTION
AFFAIRE CHIR? ET AUTRES c. ITALIE (No 4)
(Requ?te no 67196/01)
ARR?T
STRASBOURG
11 octobre 2005
D?FINITIF
11/01/2006
Cet arr?t deviendra d?finitif dans les conditions d?finies ? l?article 44 ? 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l?affaire Chir? et autres c. Italie (no 4),
La Cour europ?enne des Droits de l?Homme (quatri?me section), si?geant en une chambre compos?e de :
Sir Nicolas Bratza, pr?sident,
MM. J. Casadevall,
G. Bonello,
R. Maruste,
V. Zagrebelsky,
S. Pavlovschi,
J. Borrego Borrego, juges,
et de M. M. O?Boyle, greffier de section,
Apr?s en avoir d?lib?r? en chambre du conseil le 20 septembre 2005,
Rend l?arr?t que voici, adopt? ? cette derni?re date :
PROC?DURE
1. A l?origine de l?affaire se trouve une requ?te (no 67196/01) dirig?e contre la R?publique italienne et dont quatre ressortissants de cet Etat, M. L., D. , V. et E. C. (? les requ?rants ?), ont saisi la Cour le 15 mai 2000 en vertu de l?article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l?Homme et des Libert?s fondamentales (? la Convention ?).
2. Les requ?rants sont repr?sent?s par Me I., avocat ? Genova. Le gouvernement italien (? le Gouvernement ?) est repr?sent? par son agent, M. Braguglia, par son coagent, M. F. Crisafulli, et par son coagent adjoint, M. N. Lettieri.
3. Les requ?rants all?guaient une atteinte injustifi?e ? leur droit au respect de leurs biens.
4. La requ?te a ?t? attribu?e ? la premi?re section de la Cour (article 52 ? 1 du r?glement).
5. Par une d?cision du 28 janvier 2003, la chambre a d?clar? la requ?te partiellement irrecevable. Par une d?cision du 10 juin 2004, elle a d?clar? le restant de la requ?te partiellement recevable.
6. Tant les requ?rants que le Gouvernement ont d?pos? des observations ?crites sur le fond de l?affaire (article 59 ? 1 du r?glement).
7. Le 1er novembre 2004, la Cour a modifi? la composition de ses sections (article 25 ? 1 du r?glement). La pr?sente requ?te a ?t? attribu?e ? la quatri?me section ainsi remani?e (article 52 ? 1).
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L?ESP?CE
8. Les requ?rants, M. L., D., V. et E. C. sont des ressortissants italiens, n?s respectivement en 1933, 1934, 1965 et en 1962 et r?sidant ? G?nes et San Severo.
9. Les requ?rants ?taient propri?taires d?un terrain sis ? Poggio Imperiale (Foggia) et enregistr? au cadastre, feuille 14/a, parcelles 380, 381, 382.
10. Par un arr?t? du 30 janvier 1985, valant d?claration d?utilit? publique, la mairie de Poggio Imperiale d?cr?ta l?occupation d?urgence d?une partie du terrain des requ?rants, pour une p?riode maximale de cinq ans, en vue de son expropriation pour la construction d?un ouvrage public. Dans le d?lai d?occupation autoris?, l?administration devait exproprier le terrain.
11. En mars 1985, la mairie de Poggio Imperiale proc?da ? l?occupation mat?rielle du terrain et entama les travaux de construction.
12. Il ressort du dossier que cinq ans plus tard, ? l??ch?ance de l?occupation autoris?e, l?administration n?avait ni formalis? l?expropriation du terrain, ni proc?d? ? l?indemnisation.
13. Par un acte notifi? le 28 mai 1991, les requ?rants introduisirent une action en dommages-int?r?ts ? l?encontre de la ville de Poggio Imperiale devant le tribunal civil de Lucera. Les requ?rants all?guaient que, bien que les travaux de construction effectu?s sur leur terrain aient transform? celui-ci, aucun d?cret d?expropriation et aucune indemnisation n??taient intervenus. Se r?f?rant au principe de l?expropriation indirecte fix? par la Cour de cassation dans l?arr?t no 1464 du 26 f?vrier 1983, les requ?rants invitaient le tribunal ? d?clarer que la construction de la route avait ? un tel point transform? leur terrain qu?elle avait entra?n?e la perte irr?versible du bien. Les requ?rants r?clamaient des dommages-int?r?ts pour la perte du terrain ? concurrence de la valeur de celui-ci, en outre ils r?clamaient une r?paration pour la non jouissance du terrain pendant la p?riode d?occupation autoris?e.
14. Au cours du proc?s et plus pr?cis?ment, le 6 d?cembre 1995, une expertise fut d?pos?e au greffe. Il ressort de cette expertise que la transformation irr?versible du terrain avait eu lieu en 1988 et que les requ?rants avaient ?t? priv?s de leur bien ? cette date. L?expertise indiquait que la valeur v?nale du terrain en 1988 et index?e ?tait de 6 672 000 lires italiennes (ITL) (3 445, 80 EUR).
15. Par un jugement d?pos? au greffe le 16 novembre 2001, le tribunal de Lucera d?clara qu?? la suite de l?occupation du terrain, et au vu de la construction de la route, ouvrage r?pondant ? l?int?r?t public, le droit de propriet? des requ?rants avait ?t? neutalis? conform?ment au principe de l?expropriation indirecte. Il y avait donc lieu de considerer que la propriet? du terrain ?tait pass?e ab origine ? l?administration en 1995 ? savoir une fois le terrain irr?versiblement tranform?. Etant donn? que le transfert de propri?t? avait eu lieu dans le cadre d?une occupation de terrain devenu sans titre, les requ?rants avaient droit ? des dommages-int?r?ts. Le tribunal consid?ra qu?en raison de la nature du terrain et des constructions qui avaient ?t? b?ties sur le terrain, la loi no 662 de 1996 n??tait pas applicable. Par cons?quent, le tribunal accorda aux requ?rants une somme de 9 500 000 ITL pour la perte de la propri?t? du terrain et pour l?indemnit? de l?occupation temporaire, ? indexer ? partir de 1995.
16. Le jugement a acquis la force de la chose jug?e au plus tard en f?vrier 2003.
17. Il ressort du dossier que les requ?rants n?ont pas encore ?t? d?dommag?s.
18. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
a) L?occupation d?urgence d?un terrain
En droit italien, la proc?dure acc?l?r?e d?expropriation permet ? l?administration d?occuper un terrain et d?y construire avant l?expropriation. Une fois l?ouvrage ? r?aliser d?clar? d?utilit? publique et le projet de construction adopt?, l?administration peut d?cr?ter l?occupation d?urgence des zones ? exproprier pour une dur?e d?termin?e n?exc?dant pas cinq ans (article 20 de la loi no 865 de 1971). Ce d?cret devient caduc si l?occupation mat?rielle du terrain n?a pas lieu dans les trois mois suivant sa promulgation. Avant la fin de la p?riode d?occupation autoris?e, un d?cret d?expropriation formelle doit ?tre pris.
L?occupation autoris?e d?un terrain donne droit ? une indemnit? d?occupation. La Cour constitutionnelle a reconnu, dans son arr?t no 470 de 1990, un droit d?acc?s imm?diat ? un tribunal aux fins de r?clamer l?indemnit? d?occupation d?s que le terrain est mat?riellement occup?, sans besoin d?attendre que l?administration proc?de ? une offre d?indemnisation.
b) Le principe de l?expropriation indirecte (? occupazione acquisitiva ? ou ? accessione invertita ?)
Dans les ann?es 1970, plusieurs administrations locales proc?d?rent ? des occupations d?urgence de terrains qui ne furent pas suivies de d?crets d?expropriation. Les juridictions italiennes se trouv?rent confront?es ? des cas o? le propri?taire d?un terrain avait perdu de facto la disponibilit? de celui-ci en raison de l?occupation et de l?accomplissement de travaux de construction d?un ouvrage public. Restait ? savoir si, simplement par l?effet des travaux effectu?s, l?int?ress? avait perdu ?galement la propri?t? du terrain.
1. La jurisprudence avant l?arr?t no 1464 de 1983 de la Cour de cassation
La jurisprudence ?tait tr?s partag?e sur le point de savoir quels ?taient les effets de la construction d?un ouvrage public sur un terrain occup? ill?galement. Par occupation ill?gale, il faut entendre une occupation ill?gale ab initio, ou bien une occupation initialement autoris?e et devenue sans titre par la suite, le titre ?tant annul? ou bien l?occupation se poursuivant au-del? de l??ch?ance autoris?e sans qu?un d?cret d?expropriation ne soit intervenu.
Selon une premi?re jurisprudence, le propri?taire du terrain occup? par l?administration ne perdait pas la propri?t? du terrain apr?s l?ach?vement de l?ouvrage public. Toutefois, il ne pouvait pas demander une remise en l??tat du terrain et pouvait uniquement engager une action en dommages et int?r?ts pour occupation abusive, non soumise ? un d?lai de prescription puisque l?ill?galit? d?coulant de l?occupation ?tait permanente. L?administration pouvait ? tout moment adopter une d?cision formelle d?expropriation ; dans ce cas, l?action en dommages-int?r?ts se transformait en litige portant sur l?indemnit? d?expropriation et les dommages-int?r?ts n??taient dus que pour la p?riode ant?rieure au d?cret d?expropriation pour la non-jouissance du terrain (voir, entre autres, les arr?ts de la Cour de cassation no 2341 de 1982, no 4741 de 1981, no 6452 et no 6308 de 1980).
Selon une deuxi?me jurisprudence, le propri?taire du terrain occup? par l?administration ne perdait pas la propri?t? du terrain et pouvait demander la remise en l??tat, lorsque l?administration avait agi sans qu?il y ait utilit? publique (voir, par exemple, Cour de cassation, arr?t no 1578 de 1976, arr?t no 5679 de 1980).
Selon une troisi?me jurisprudence, le propri?taire du terrain occup? par l?administration perdait automatiquement la propri?t? du terrain au moment de la transformation irr?versible du bien, ? savoir au moment de l?ach?vement de l?ouvrage public. L?int?ress? avait le droit de demander des dommages-int?r?ts (voir l?arr?t no 3243 de 1979 de la Cour de cassation).
2. L?arr?t no 1464 de 1983 de la Cour de cassation
Par un arr?t du 16 f?vrier 1983, la Cour de cassation, statuant en chambres r?unies, r?solut le conflit de jurisprudence et adopta la troisi?me solution. Ainsi fut consacr? le principe de l?expropriation indirecte (accessione invertita ou occupazione acquisitiva). En vertu de ce principe, la puissance publique acquiert ab origine la propri?t? d?un terrain sans proc?der ? une expropriation formelle lorsque, apr?s l?occupation du terrain, et ind?pendamment de la l?galit? de l?occupation, l?ouvrage public a ?t? r?alis?. Lorsque l?occupation est ab initio sans titre, le transfert de propri?t? a lieu au moment de l?ach?vement de l?ouvrage public. Lorsque l?occupation du terrain a initialement ?t? autoris?e, le transfert de propri?t? a lieu ? l??ch?ance de la p?riode d?occupation autoris?e. Dans le m?me arr?t, la Cour de cassation pr?cisa que, dans tous les cas d?expropriation indirecte, l?int?ress? a droit ? une r?paration int?grale, l?acquisition du terrain ayant eu lieu sans titre. Toutefois, cette r?paration n?est pas vers?e automatiquement ; il incombe ? l?int?ress? de r?clamer des dommages-int?r?ts. En outre, le droit ? r?paration est assorti du d?lai de prescription pr?vu en cas de responsabilit? d?lictuelle, ? savoir cinq ans, commen?ant ? courir au moment de la transformation irr?versible du terrain.
3. La jurisprudence apr?s l?arr?t no 1464 de 1983 de la Cour de cassation
a) La prescription
19. Dans un premier temps, la jurisprudence consid?rait qu?aucun d?lai de prescription ne trouvait ? s?appliquer, puisque l?occupation sans titre du terrain constituait un acte ill?gal continu. La Cour de cassation, dans son arr?t no 1464 de 1983, affirma que le droit ? r?paration ?tait soumis ? un d?lai de prescription de cinq ans. Par la suite, la premi?re section de la Cour de cassation affirma qu?un d?lai de prescription de dix ans devait s?appliquer (arr?ts no 7952 de 1991 et no 10979 de 1992). Par un arr?t du 22 novembre 1992, la Cour de cassation statuant en chambres r?unies a d?finitivement tranch? la question, estimant que le d?lai de prescription est de cinq ans et qu?il commence ? courir au moment de la transformation irr?versible du terrain.
b) L?arr?t no 188 de 1995 de la Cour constitutionnelle
20. Dans cet arr?t, la Cour constitutionnelle a jug? compatible avec la Constitution le principe de l?expropriation indirecte, dans la mesure o? ce principe est ancr? dans une disposition l?gislative, ? savoir l?article 2043 du code civil r?gissant la responsabilit? d?lictuelle. Selon cet arr?t, le fait que l?administration devienne propri?taire d?un terrain en tirant b?n?fice de son comportement ill?gal ne pose aucun probl?me sur le plan constitutionnel, puisque l?int?r?t public, ? savoir la conservation de l?ouvrage public, l?emporte sur l?int?r?t du particulier, et donc sur le droit de propri?t? de ce dernier. La Cour constitutionnelle a jug? compatible avec la Constitution l?application ? l?action en r?paration du d?lai de prescription de cinq ans, tel que pr?vu par l?article 2043 du code civil pour responsabilit? d?lictuelle.
c) Cas de non-application du principe de l?expropriation indirecte
21. Les d?veloppements de la jurisprudence montrent que le m?canisme par lequel la construction d?un ouvrage public entra?ne le transfert de propri?t? du terrain au b?n?fice de l?administration conna?t des exceptions.
22. Dans son arr?t no 874 de 1996, le Conseil d?Etat a affirm? qu?il n?y a pas d?expropriation indirecte lorsque les d?cisions de l?administration et le d?cret d?occupation d?urgence ont ?t? annul?s par les juridictions administratives ; si tel n??tait pas le cas, la d?cision judiciaire serait vid?e de substance.
23. Dans son arr?t no 1907 de 1997, la Cour de cassation statuant en chambres r?unies a affirm? que l?administration ne devient pas propri?taire d?un terrain lorsque les d?cisions qu?elle a adopt?es et la d?claration d?utilit? publique doivent ?tre consid?r?es comme nulles ab initio. Dans ce cas, l?int?ress? garde la propri?t? du terrain et peut demander la restitutio in integrum. Il peut, comme alternative, demander des dommages-int?r?ts. L?ill?galit? dans ces cas a un caract?re permanent et aucun d?lai de prescription ne trouve application.
24. Dans l?arr?t no 6515 de 1997, la Cour de cassation statuant en chambres r?unies a affirm? qu?il n?y a pas de transfert de propri?t? lorsque la d?claration d?utilit? publique a ?t? annul?e par les juridictions administratives. Dans ce cas, le principe de l?expropriation indirecte ne trouve donc pas ? s?appliquer. L?int?ress?, qui garde la propri?t? du terrain, a la possibilit? de demander la restitutio in integrum. L?introduction d?une demande en dommages-int?r?ts entra?ne une renonciation ? la restitutio in integrum. Le d?lai de prescription de cinq ans commence ? courir au moment o? la d?cision du juge administratif devient d?finitive.
25. Dans l?arr?t no 148 de 1998, la premi?re section de la Cour de cassation a suivi la jurisprudence des chambres r?unies et affirm? que le transfert de propri?t? par effet de l?expropriation indirecte n?a pas lieu lorsque la d?claration d?utilit? publique ? laquelle le projet de construction ?tait assorti a ?t? consid?r?e comme invalide ab initio.
26. Dans l?arr?t no 5902 de 2003, la Cour de cassation en chambres r?unies a r?affirm? qu?il n?y a pas de transfert de propri?t? en l?absence de d?claration d?utilit? publique valide.
27. Il convient de comparer cette jurisprudence avec la loi no 458 de 1988 (voir ?? 28-29 ci-dessous) et avec le R?pertoire des dispositions sur l?expropriation, entr? en vigueur le 30 juin 2003 (voir ?? 37-38 ci-dessous).
4. La loi no458 du 27 octobre 1988
28. Aux termes de l?article 3 de cette loi, ? Le propri?taire d?un terrain, utilis? pour la construction de b?timents publics et de logements sociaux, a droit ? la r?paration du dommage subi, ? la suite d?une expropriation d?clar?e ill?gale par une d?cision pass?e en force de chose jug?e, mais ne peut pr?tendre ? la restitution de son bien. Il a ?galement droit, en plus de la r?paration du dommage, aux sommes dues en raison de la d?pr?ciation mon?taire et ? celles mentionn?es ? l?article 1224 ? 2 du code civil et ceci ? compter du jour de l?occupation ill?gale ?.
29. Interpr?tant l?article 3 de la loi de 1988, la Cour constitutionnelle, dans son arr?t du 12 juillet 1990 (n? 384), a consid?r? : ? Par la disposition attaqu?e, le l?gislateur, entre l?int?r?t des propri?taires des terrains – obtenir en cas d?expropriation ill?gale la restitution des terrains – et l?int?r?t public – concr?tis? par la destination de ces biens ? des finalit?s de constructions r?sidentielles publiques ? des conditions favorables ou conventionn?es – a donn? la priorit? ? ce dernier int?r?t ?.
5. Le montant de la r?paration en cas d?expropriation indirecte
30. Selon la jurisprudence de 1983 de la Cour de cassation en mati?re d?expropriation indirecte, une r?paration int?grale du pr?judice subi, sous forme de dommages-int?r?ts pour la perte du terrain, ?tait due ? l?int?ress? en contrepartie de la perte de propri?t? qu?entra?ne l?occupation ill?gale.
31. La loi budg?taire de 1992 (article 5 bis du d?cret-loi no 333 du 11 juillet 1992) modifia cette jurisprudence, dans le sens que le montant d? en cas d?expropriation indirecte ne pouvait d?passer le montant de l?indemnit? pr?vue pour le cas d?une expropriation formelle. Par l?arr?t no 369 de 1996, la Cour constitutionnelle d?clara inconstitutionnelle cette disposition.
32. En vertu de la loi budg?taire no 662 de 1996, qui fit suite ? la disposition d?clar?e inconstitutionnelle, l?indemnisation int?grale ne peut ?tre accord?e pour une occupation de terrain ayant eu lieu avant le 30 septembre 1996. Dans cette optique, l?indemnisation ?quivaut au montant de l?indemnit? pr?vue pour le cas d?une expropriation formelle, dans l?hypoth?se la plus favorable au propri?taire, moyennant une augmentation de 10 %.
33. Par l?arr?t no 148 du 30 avril 1999, la Cour constitutionnelle a jug? une telle indemnit? compatible avec la Constitution. Toutefois, dans le m?me arr?t, la Cour a pr?cis? qu?une indemnit? int?grale, ? concurrence de la valeur v?nale du terrain, peut ?tre r?clam?e lorsque l?occupation et la privation du terrain n?ont pas eu lieu pour cause d?utilit? publique.
6. La jurisprudence apr?s les arr?ts de la Cour du 30 mai 2000 dans les affaires Belvedere Alberghiera et Carbonara et Ventura
34. Par les arr?ts no 5902 et 6853 de 2003, la Cour de cassation en chambres r?unies s?est ? nouveau prononc?e sur le principe de l?expropriation indirecte, en faisant r?f?rence aux deux arr?ts de la Cour pr?cit?s.
35. Au vu du constat de violation de l?article 1 du protocole no 1 dans les affaires ci-dessus, la Cour de cassation a affirm? que le principe de l?expropriation indirecte joue un r?le important dans le cadre du syst?me juridique italien et qu?il est compatible avec la Convention.
36. Plus sp?cifiquement, la Cour de cassation ? apr?s avoir analys? l?histoire du principe de l?expropriation indirecte – a dit qu?au vu de l?uniformit? de la jurisprudence en la mati?re, le principe de l?expropriation indirecte doit ?tre consid?r? comme ?tant pleinement ? pr?visible ? ? compter de 1983. De ce fait, l?expropriation indirecte doit ?tre consid?r?e comme ?tant respectueuse du principe de l?galit?. S?agissant des occupations de terrain ayant lieu sans d?claration d?utilit? publique, la Cour de cassation a affirm? que celles-ci ne sont pas aptes ? transf?rer la propri?t? du bien ? l?Etat. Quant ? l?indemnisation, la Cour de cassation a affirm? que, m?me si elle est inf?rieure au pr?judice subi par l?int?ress?, et notamment ? la valeur du terrain, l?indemnisation due en cas d?expropriation indirecte est suffisante pour garantir un ? juste ?quilibre ? entre les exigences de l?int?r?t g?n?ral de la communaut? et les imp?ratifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l?individu.
37. Saisi d?un recours en ex?cution d?une d?cision judiciaire d?finitive annulant la d?claration d?utilit? publique concernant une proc?dure d?expropriation, vu la demande de la partie requ?rante tendant ? obtenir la restitution du terrain entre-temps occup? et transform?, le Conseil d?Etat, dans son arr?t no 2/2005 du 29 avril 2005 rendu en s?ance pl?ni?re, s?est prononc? sur le point de savoir si la transformation irr?versible dudit terrain ? la suite de la construction de l?ouvrage ? public ? pouvait constituer une raison de droit emp?chant la restitution du terrain. Le Conseil d?Etat a r?pondu par la n?gative. Ce faisant, il a :
a) reconnu que le principe jurisprudentiel de l?expropriation indirecte est d?faillant quant au besoin de s?curit? juridique, en ce qui concerne entre autres le point de savoir ? quelle date l?ouvrage public doit ?tre consid?r? comme ? r?alis? ? et donc ? quelle date il y a eu transfert de propri?t? au b?n?fice de l?Etat ;
b) rendu hommage ? la jurisprudence de la Cour, et notamment ? l?arr?t Belvedere Alberghiera Srl c. Italie, en affirmant que, face ? une demande en restitution d?un bien ill?galement occup? et transform?, l?ouvrage r?alis? par les autorit?s publiques ne peut pas, en tant que tel, constituer un obstacle absolu ? la restitution ;
c) interpr?t? l?article 43 du R?pertoire (paragraphe 46 ci-dessous) dans le sens o? la non-restitution d?un terrain ne peut ?tre admise que dans des cas exceptionnels, ? savoir lorsque l?administration invoque un int?r?t public particuli?rement marqu? ? la conservation de l?ouvrage ;
d) affirm?, dans ce contexte, que l?expropriation indirecte ne saurait constituer une alternative (? una mera alternativa ?) ? une proc?dure d?expropriation en bonne et due forme.
7. Le R?pertoire des dispositions l?gislatives et r?glementaires en mati?re d?expropriation pour cause d?utilit? publique (ci apr?s ? le R?pertoire)
38. Le 30 juin 2003 est entr? en vigueur le D?cret Pr?sidentiel no 327 du 8 juin 2001, modifi? par le D?cret l?gislatif no 302 du 27 d?cembre 2002, et qui r?git la proc?dure d?expropriation. Le R?pertoire codifie les dispositions et la jurisprudence existantes en la mati?re. En particulier, il codifie le principe de l?expropriation indirecte. Le R?pertoire, qui ne s?applique pas aux cas d?occupation survenus ant?rieurement ? 1996 et ne s?applique donc pas en l?esp?ce, s?est substitu?, ? partir de son entr?e en vigueur, ? l?ensemble de la l?gislation la jurisprudence pr?c?dente en mati?re d?expropriation.
39. A son article 43, le R?pertoire pr?voit qu?en l?absence d?un d?cret d?expropriation, ou en l?absence de d?claration d?utilit? publique, un terrain transform? ? la suite de la r?alisation d?un ouvrage public est acquis au patrimoine de l?autorit? qui l?a transform? ; des dommages-int?r?ts sont accord?s en contrepartie. L?autorit? peut acqu?rir un bien m?me lorsque le plan d?urbanisme ou la d?claration d?utilit? publique ont ?t? annul?s. Le propri?taire peut demander au juge la restitution du terrain. L?autorit? en cause peut s?y opposer. Lorsque le juge d?cide de ne pas ordonner la restitution du terrain, le propri?taire a droit ? un d?dommagement.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DE L?ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
40. Les requ?rants soutiennent avoir ?t? priv?s de leur terrain dans des circonstances incompatibles avec l?article 1 du protocole no 1, ainsi libell? :
? Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut ?tre priv? de sa propri?t? que pour cause d?utilit? publique et dans les conditions pr?vues par la loi et les principes g?n?raux du droit international.
Les dispositions pr?c?dentes ne portent pas atteinte au droit que poss?dent les Etats de mettre en vigueur les lois qu?ils jugent n?cessaires pour r?glementer l?usage des biens conform?ment ? l?int?r?t g?n?ral ou pour assurer le paiement des imp?ts ou d?autres contributions ou des amendes. ?
A. Th?ses d?fendues devant la Cour
1. Les requ?rants
41. Les requ?rants demandent ? la Cour de d?clarer que l?expropriation du terrain n?est pas conforme au principe de l?galit?. Se r?f?rant aux arr?ts Belvedere Alberghiera c. Italie (no 31524/96, CEDH 2000-VI) et Carbonara et Ventura c. Italie (no 24638/94, CEDH 2000-VI), les requ?rants observent que l?expropriation indirecte est un m?canisme qui permet ? l?autorit? publique d?acqu?rir un bien en toute ill?galit?.
42. Les requ?rants d?noncent un manque de clart?, pr?visibilit? et pr?cision des principes et des dispositions appliqu?s ? leur cas au motif qu?un principe jurisprudentiel, tel que celui de l?expropriation indirecte, ne suffit pas ? satisfaire au principe de l?galit?.
43. Enfin, quant ? l?indemnisation, les requ?rants observent que, si dans le cas d?esp?ce la loi budg?taire no 662 de 1996 n?a pas ?t? appliqu?e, le tribunal leur a reconnu une somme correspondant ? la valeur du terrain au moment de l?occupation et n?a pas tenu compte des crit?res ?tablis par la Cour Europ?enne dans les arr?t Carbonara et Ventura c. Italie et Belvedere Alberghiera c. Italie. De surcro?t ils font valoir qu?ils n?ont pas encore re?u cette somme de la part de l?administration.
44. En conclusion, les requ?rants demandent ? la Cour de conclure ? la violation de l?article 1 du Protocole no1.
2. Le Gouvernement
45. Le Gouvernement affirme que dans le cas d?esp?ce les requ?rants ont ?t? d?dommag?s ? hauteur de la valeur v?nale du terrain conform?ment aux principes ?tablis dans l?arr?t Zubani c. Italie (arr?t du 7 ao?t 1996, Recueil 1996-IV, ?? 45-46).
46. Le Gouvernement fait observer que les requ?rants ont ?t? priv?s de leur bien par l?effet de la construction de l?ouvrage d?int?r?t public et de la transformation irr?versible du terrain que ce dernier a entra?n?. Cette privation de bien, selon le Gouvernement, n?est que la cons?quence du principe de l?expropriation indirecte, que les juridictions nationales, dans leurs d?cisions, ont appliqu?.
47. En m?me temps, le Gouvernement soutient que, dans le cas o? la Cour prononcerait une violation de l?article 1 du Protocole no 1, le r?sultat serait un conflit potentiel entre jugements reconnaissant aux requ?rants deux sommes au m?me titre. Une telle situation constituerait une violation du principe de subsidiarit?.
48. S?agissant du montant du d?dommagement reconnu aux requ?rants, le Gouvernement affirme que l??valuation de ce d?dommagement a ?t? faite par un juge national et rappelle que l?application et l?interpr?tation du droit interne sont en principe r?serv?es ? la comp?tence des juridictions nationales.
49. Quant au retard dans le versement de l?indemnisation accord? par le tribunal en raison de la dur?e de la proc?dure, le Gouvernement observe qu?il s?agit d?une question qui rel?ve de l?article 6 ? 1 de la Convention et non de l?article 1 du Protocole no1.
B. Sur l?observation de l?article 1 du Protocole no 1
1. Sur l?existence d?une ing?rence
50. La Cour rappelle que, pour d?terminer s?il y a eu ? privation de biens ?, il faut non seulement examiner s?il y a eu d?possession ou expropriation formelle, mais encore regarder au-del? des apparences et analyser la r?alit? de la situation litigieuse. La Convention visant ? prot?ger des droits ? concrets et effectifs ?, il importe de rechercher si ladite situation ?quivalait ? une expropriation de fait (Sporrong et L?nnroth c. Su?de, arr?t du 23 septembre 1982, s?rie A no 52, pp. 24-25, ? 63).
51. La Cour rel?ve que, en appliquant le principe de l?expropriation indirecte, le tribunal de Lucera a consid?r? les requ?rants comme ?tant priv?s de leur bien ? compter du moment o? le terrain a ?t? irr?versiblement transform? par les travaux publics. A d?faut d?un acte formel d?expropriation, le constat d?ill?galit? de la part du juge est l??l?ment qui consacre le transfert au patrimoine public du bien occup?. Dans ces circonstances, la Cour conclut que le jugement du tribunal de Lucera a eu pour effet de priver les requ?rants de leur bien au sens de la deuxi?me phrase de l?article 1 du Protocole no 1 (Carbonara et Ventura, pr?cit?, ? 61 ; Brumărescu c. Roumanie [GC], no 28342/95, ? 77, CEDH 1999-VII).
52. Pour ?tre compatible avec l?article 1 du Protocole no 1 une telle ing?rence doit ?tre op?r?e ? pour cause d?utilit? publique ? et ? dans les conditions pr?vues par la loi et les principes g?n?raux de droit international ?. L?ing?rence doit m?nager un ? juste ?quilibre ? entre les exigences de l?int?r?t g?n?ral de la communaut? et les imp?ratifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l?individu (Sporrong et L?nnroth, pr?cit?, p. 26, ? 69). En outre, la n?cessit? d?examiner la question du juste ?quilibre ? ne peut se faire sentir que lorsqu?il s?est av?r? que l?ing?rence litigieuse a respect? le principe de l?galit? et n??tait pas arbitraire ? (Iatridis c. Gr?ce [GC], no 31107/96, ? 58, CEDH 1999-II ; Beyeler c. Italie [GC], no 33202/96, ? 107, CEDH 2000-I).
53. D?s lors, la Cour n?estime pas opportun de fonder son raisonnement sur le simple constat qu?une r?paration int?grale en faveur des requ?rants n?a pas eu lieu (Carbonara, pr?cit?, ? 62).
2. Sur le respect du principe de l?galit?
54. L?article 1 du Protocole no 1 exige, avant tout et surtout, qu?une ing?rence de l?autorit? publique dans la jouissance du droit au respect des biens soit l?gale. La pr??minence du droit, l?un des principes fondamentaux d?une soci?t? d?mocratique, est inh?rente ? l?ensemble des articles de la Convention (Iatridis pr?cit?, ? 58). Le principe de l?galit? signifie l?existence de normes de droit interne suffisamment accessibles, pr?cises et pr?visibles (Hentrich c. France, arr?t du 22 septembre 1994, s?rie A no 296-A, pp. 19-20, ? 42, et Lithgow et autres c. Royaume-Uni, arr?t du 8 juillet 1986, s?rie A no 102, p. 47, ? 110).
55. Dans l?arr?t Belvedere Alberghiera srl et dans l?arr?t Carbonara et Ventura pr?cit?s, la Cour n?avait pas estim? utile de juger in abstracto si le r?le qu?un principe jurisprudentiel, tel que celui de l?expropriation indirecte, occupe dans un syst?me de droit continental est assimilable ? celui occup? par des dispositions l?gislatives, ce qui compte ?tant ? en tout ?tat de cause ? que la base l?gale r?ponde aux crit?res de pr?visibilit?, accessibilit? et pr?cision ?nonc?s plus haut. La Cour est toujours convaincue que l?existence en tant que telle d?une base l?gale ne suffit pas ? satisfaire au principe de l?galit? et estime utile de se pencher sur la question de la qualit? de la loi.
56. La Cour prend note de l??volution jurisprudentielle qui a conduit ? l??laboration du principe de l?expropriation indirecte. Elle rel?ve ?galement que ce principe a ?t? transpos? dans des textes de loi, tels que la loi no 458 de 1988, la loi no 662 de 1996 et, tout derni?rement, dans le R?pertoire des dispositions en mati?re d?expropriation. Ceci ?tant, la Cour ne perd pas de vue les applications contradictoires qui ont lieu dans l?historique de la jurisprudence. Ce point de vue a d?ailleurs ?t? adopt? par le Conseil d?Etat (paragraphe 37 ci-dessus) qui, dans son arr?t no 2 de 2005 rendu en s?ance pl?ni?re, a reconnu que l?expropriation indirecte n?a jamais donn? lieu ? une r?glementation stable, compl?te et pr?visible.
57. La Cour rel?ve ?galement des contradictions entre la jurisprudence et les textes de loi ?crits susmentionn?s. A titre d?exemple, la Cour note que s?il est vrai que la jurisprudence a exclu, ? compter de 1996-1997, que l?expropriation indirecte puisse s?appliquer lorsque la d?claration d?utilit? publique a ?t? annul?e, il est ?galement vrai que le R?pertoire a tout derni?rement pr?vu qu?en l?absence de d?claration d?utilit? publique, tout terrain peut ?tre acquis au patrimoine public, si le juge d?cide de ne pas ordonner la restitution du terrain occup? et transform? par l?administration.
58. A vu de ces ?l?ments, la Cour n?exclut pas que le risque d?un r?sultat impr?visible ou arbitraire pour les int?ress?s subsiste.
59. La Cour note ensuite que le m?canisme de l?expropriation indirecte permet en g?n?ral ? l?administration de passer outre les r?gles fix?es en mati?re d?expropriation, avec le risque d?un r?sultat impr?visible ou arbitraire pour les int?ress?s, qu?il s?agisse d?une ill?galit? depuis le d?but ou d?une ill?galit? survenue par la suite. En effet, dans tous les cas, l?expropriation indirecte tend ? ent?riner une situation de fait d?coulant des ill?galit?s commises par l?administration, ? r?gler les cons?quences pour le particulier et pour l?administration, au b?n?fice de celle-ci. Que ce soit en vertu d?un principe jurisprudentiel ou d?un texte de loi comme l?article 43 du R?pertoire, l?expropriation indirecte ne saurait donc constituer une alternative ? une expropriation en bonne et due forme (voir, sur ce point ?galement, l?opinion du Conseil d?Etat, au paragraphe 37 ci-dessus).
60. A cet ?gard, la Cour note que l?expropriation indirecte permet ? l?administration d?occuper un terrain et de le transformer irr?versiblement, de telle sorte qu?il soit consid?r? comme acquis au patrimoine public, sans qu?en parall?le un acte formel d?clarant le transfert de propri?t? ne soit adopt?. En l?absence d?un acte formalisant l?expropriation et intervenant au plus tard au moment o? le propri?taire a perdu toute disponibilit? du bien, l??l?ment qui permettra de transf?rer au patrimoine public le bien occup? et d?atteindre une s?curit? juridique est le constat d?ill?galit? de la part du juge, valant d?claration de transfert de propri?t?. Il incombe ? l?int?ress? -qui continue d??tre formellement propri?taire – de solliciter du juge comp?tent une d?cision constatant, le cas ?ch?ant, l?ill?galit? assortie de la r?alisation d?un ouvrage d?int?r?t public, conditions n?cessaires pour qu?il soit d?clar? r?troactivement priv? de son bien.
61. Au vu de ces ?l?ments, la Cour estime que le m?canisme de l?expropriation indirecte n?est pas apte ? assurer un degr? suffisant de s?curit? juridique.
62. La Cour note ensuite que l?expropriation indirecte permet en outre ? l?administration d?occuper un terrain et de le transformer sans pour autant verser d?indemnit? en m?me temps. L?indemnit? doit ?tre r?clam?e par l?int?ress? et cela dans un d?lai de prescription de cinq ans, commen?ant ? compter de la date ? laquelle le juge estime que la transformation irr?versible du terrain a eu lieu. Ceci peut entra?ner des cons?quences n?fastes pour l?int?ress?, et rendre vain tout espoir de r?paration (Carbonara et Ventura, pr?cit?, ? 71).
63. La Cour rel?ve enfin que le m?canisme de l?expropriation indirecte permet ? l?administration de tirer parti de son comportement ill?gal, et que le prix ? payer n?est que de 10% plus ?lev? que dans le cas d?une expropriation en bonne et due forme. Selon la Cour, cette situation n?est pas de nature ? favoriser la bonne administration des proc?dures d?expropriation et ? pr?venir des ?pisodes d?ill?galit?.
64. En tout ?tat de cause, la Cour est appel?e ? v?rifier si la mani?re dont le droit interne est interpr?t? et appliqu? produit des effets conformes aux principes de la Convention.
65. Dans la pr?sente affaire, la Cour rel?ve qu?en appliquant le principe de l?expropriation indirecte, les juridictions italiennes ont consid?r? les requ?rants priv?s de leur bien ? compter du moment o? les travaux de construction de l?ouvrage public ont irr?versiblement transform? les lieux, les conditions d?ill?galit? de l?occupation et d?int?r?t public de l?ouvrage construit ?tant r?unies. Or, en l?absence d?un acte formel d?expropriation, la Cour estime que cette situation ne saurait ?tre consid?r?e comme ? pr?visible ?, puisque ce n?est que par la d?cision d?finitive ? le jugement du tribunal de Lucera ayant acquis force de chose jug?e ? que l?on peut consid?rer le principe de l?expropriation indirecte comme ayant effectivement ?t? appliqu? et que l?acquisition du terrain au patrimoine public a ?t? sanctionn?e. Par cons?quent, les requ?rants n?ont eu la ? s?curit? juridique ? concernant la privation du terrain qu?? partir de f?vrier 2003, date ? laquelle le jugement du tribunal de Lucera est devenu d?finitif.
66. La Cour observe ensuite que la situation en cause a permis ? l?administration de tirer parti d?une occupation de terrain ill?gale. En d?autres termes, l?administration a pu s?approprier le terrain au m?pris des r?gles r?gissant l?expropriation en bonne et due forme, et, entre autres, sans qu?une indemnit? soit mise en parall?le ? la disposition des int?ress?s.
67. A la lumi?re de ces consid?rations, la Cour estime que l?ing?rence litigieuse n?est pas compatible avec le principe de l?galit? et qu?elle a donc enfreint le droit au respect des biens des requ?rants.
68. D?s lors, il y a eu violation de l?article 1 du Protocole no 1.
69. SUR L?APPLICATION DE L?ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
70. Aux termes de l?article 41 de la Convention,
? Si la Cour d?clare qu?il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d?effacer qu?imparfaitement les cons?quences de cette violation, la Cour accorde ? la partie l?s?e, s?il y a lieu, une satisfaction ?quitable. ?
71. Les requ?rants sollicitent le versement d?une indemnit? de
8 796,00 EUR au titre de pr?judice mat?riel pour la perte du terrain, somme qui correspond ? la valeur du terrain litigieux r??valu?e et assortie d?int?r?ts plus les dommages d?coulant de la non jouissance du terrain. Etant donn? qu?ils n?ont pas encore per?u le d?dommagement accord? par le tribunal, les requ?rants demandent que cette somme soit liquid?e sans tenir compte de la somme d?j? octroy?e par le tribunal.
72. De plus, les requ?rants sollicitent le versement de la somme de 35 000,00 EUR au titre de pr?judice mat?riel pour chacun requ?rant.
73. Le Gouvernement rappelle que dans le cas d?esp?ce le tribunal n?a pas fait application de la loi budg?taire no662 de 1996 et que donc rien n?est d? aux requ?rants au titre des dommages mat?riels et d?indemnit? d?occupation.
74. Toutefois, au cas o? la Cour parviendrait ? une conclusion diff?rente, le Gouvernement demande de prendre en consid?ration la somme accord?e par les juridictions internes
75. Quant au dommage moral, le Gouvernement fait valoir que celui-ci d?pend de la dur?e excessive de la proc?dure devant les juridictions nationales. Par cons?quent, le Gouvernement soutient que le versement d?une quelconque somme au titre d?indemnisation du dommage moral est subordonn? ? l??puisement du rem?de Pinto.
76. En outre, le Gouvernement rappelle que cinq recours ont ?t? introduits par les m?mes requ?rants. Il s?ensuit que la Cour devrait proc?der ? une ?valuation unique des dommages moraux relatifs ? ces cinq recours. En tout ?tat de cause, le Gouvernement estime que la somme r?clam?e par les requ?rants serait en tout cas excessive.
77. Les requ?rants demandent les sommes de 6 256, 00 EUR au titre de remboursement des frais encourus devant les juridictions nationales et de 19 278, 00 EUR au titre de remboursement des frais encourus devant la Cour.
78. Le Gouvernement estime qu?aucun remboursement ne doit ?tre reconnu aux requ?rants au motif qu?ils ont eu gain de cause et que les frais de la proc?dure ont ?t? pay?s par l?administration.
79. De plus, le Gouvernement rappelle que la proc?dure interne a ?t? introduite contre l?administration et non contre l?Etat, lequel ne devrait pas ?tre condamn? ? rembourser les frais d?une proc?dure ? laquelle il n??tait pas partie.
80. La Cour estime que la question de l?application de l?article 41 ne se trouve pas en ?tat. En cons?quence, elle la r?serve et fixera la proc?dure ult?rieure, compte tenu de la possibilit? que le Gouvernement et les requ?rants parviennent ? un accord.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, ? l?UNANIMIT?,
1. Dit qu?il y a eu violation de l?article 1 du Protocole no 1 ;
2. Dit que la question de l?application de l?article 41 de la Convention ne se trouve pas en ?tat ; en cons?quence,
a) la r?serve en entier ;
b) invite le Gouvernement et les requ?rants ? lui adresser par ?crit, dans les trois mois ? compter du jour o? l?arr?t sera devenu d?finitif conform?ment ? l?article 44 ? 2 de la Convention, leurs observations sur cette question et notamment ? lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir ;
c) r?serve la proc?dure ult?rieure et d?l?gue au pr?sident de la chambre le soin de la fixer au besoin.
Fait en fran?ais, puis communiqu? par ?crit le 11 octobre 2005 en application de l?article 77 ?? 2 et 3 du r?glement.
Michael O?Boyle Nicolas Bratza
Greffier Pr?sident
ARR?T CHIR? ET AUTRES c. ITALIE (N? 4)
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