Conclusion Non-lieu ? examiner l’exception pr?liminaire ; Violation de P1-1 ; Satisfaction ?quitable r?serv?e
PREMIERE SECTION
AFFAIRE CARLETTA c. ITALIE
(Requ?te no 63861/00)
ARR?T
STRASBOURG
15 juillet 2005
Cet arr?t deviendra d?finitif dans les conditions d?finies ? l’article 44 ? 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Carletta c. Italie,
La Cour europ?enne des Droits de l’Homme (premi?re section), si?geant en une chambre compos?e de :
M. C.L. Rozakis, pr?sident,
Mme F. Tulkens,
M. P. Lorenzen,
Mmes N. Vajić,
S. Botoucharova,
MM. V. Zagrebelsky,
K. Hajiyev, juges
et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Apr?s en avoir d?lib?r? en chambre du conseil le 23 juin 2005,
Rend l’arr?t que voici, adopt? ? cette derni?re date :
PROC?DURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requ?te (no 63861/00) dirig?e contre la R?publique italienne et dont un ressortissant de cet Etat, P. R. C. (? le requ?rant ?), a saisi la Cour le 18 novembre 2000 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libert?s fondamentales (? la Convention ?).
2. Le requ?rant est repr?sent? par Me L. C., avocat ? B?n?vent. Le gouvernement italien (? le Gouvernement ?) est repr?sent? par son agent, M. I. M. Braguglia, et par son coagent, M. F. Crisafulli.
3. Le requ?rant all?guait en particulier une atteinte injustifi?e ? son droit au respect de ses biens.
4. La requ?te a ?t? attribu?e ? la premi?re section de la Cour (article 52 ? 1 du r?glement). Au sein de celle-ci, la chambre charg?e d’examiner l’affaire (article 27 ? 1 de la Convention) a ?t? constitu?e conform?ment ? l’article 26 ? 1 du r?glement.
5. Par une d?cision du 5 septembre 2002, la chambre a d?clar? la requ?te partiellement irrecevable. Le 1er avril 2004, elle a d?clar? le restant de la requ?te recevable (article 54 ? 3 du r?glement).
6. Tant le requ?rant que le Gouvernement ont d?pos? des observations ?crites sur le fond de l’affaire (article 59 ? 1 du r?glement).
7. Le 1er novembre 2004, la Cour a modifi? la composition de ses sections (article 25 ? 1 du r?glement). La pr?sente requ?te a ?t? attribu?e ? la premi?re section ainsi remani?e (article 52 ? 1).
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESP?CE
8. Le requ?rant ?tait copropri?taire d’un terrain sis ? Fragneto l’Abate (B?n?vent) et enregistr? au cadastre, feuille 18, parcelles 51, 56, 63, 167 et feuille 20, parcelle 75.
9. Par un arr?t? du 7 ao?t 1979, le maire de Fragneto l’Abate autorisa l’occupation d’urgence du terrain, pour une p?riode maximale de cinq ans, en vue de son expropriation. En septembre 1979 il y eut occupation mat?rielle.
10. En ao?t 1982, un deuxi?me arr?t? autorisa l’occupation d’une autre partie de terrain. A une date non pr?cis?e, il y eut occupation mat?rielle.
11. Par un acte d’assignation notifi? le 8 f?vrier 1983, le requ?rant et le copropri?taire introduisirent devant le tribunal civil de B?n?vent un recours en dommages-int?r?ts ? l’encontre de la ville de Fragneto l’Abate. Ils all?guaient que l’occupation du terrain ?tait ill?gale, et que les travaux de construction d’une route s’?taient termin?s sans qu’il f?t proc?d? ? l’expropriation formelle du terrain et au paiement d’une indemnit?.
12. Au cours du proc?s le tribunal ordonna une expertise et plusieurs compl?ments d’expertise. Il ressort du dossier qu’une partie du terrain (148 m?tres carr?s) avait ?t? utilis?e pour la construction d’une route et qu’? une date non pr?cis?e elle avait donc ?t? irr?versiblement transform?e par l’ouvrage d’int?r?t public. Le m?tre carr? de cette partie de terrain ?tait ?valu? ? 20 000 ITL. Toutefois, vu l’entr?e en vigueur de la loi no 662 de 1996, l’indemnit? ? accorder ?tait plafonn?e ? 10 165 ITL le m?tre carr?. L’autre partie de terrain occup? (130 m?tres carr?s) n’avait pas ?t? transform?e de mani?re irr?versible ?tant donn? qu’elle avait servi pour poser des ?gouts.
13. Par un jugement d?pos? au greffe le 14 avril 2003, le tribunal de B?n?vent estima que l’occupation des parcelles litigieuses avait ?t? ill?gale.
14. Quant au terrain utilis? pour construire la route, le tribunal d?clara que les int?ress?s avaient ?t? priv?s de leur bien au moment et par l’effet de la transformation irr?versible de celui-ci. La date ? laquelle il y a eu transfert de propri?t? au b?n?fice de l’administration ne ressort pas du jugement. Le tribunal accorda une indemnit? de 1 528, 71 EUR, conform?ment aux estimations des experts et ? la loi no 662 de 1996.
15. Pour ce qui est de l’autre partie de terrain, le tribunal d?clara que les acteurs en ?taient encore propri?taires vu que le syst?me d’?gouts le traversant n’avait pas irr?versiblement transform? les lieux et avait seulement constitu? une servitude de passage. Le tribunal accorda un d?dommagement.
16. La somme globale due devait ?tre index?e et augment?e d’int?r?ts jusqu’au jour du paiement. Quant aux frais de proc?dure, le tribunal condamna l’administration ? les rembourser ? concurrence de 4 121, 19 EUR et ? verser cette somme dans les mains de l’avocat ayant repr?sent? le requ?rant.
17. Il ressort du dossier que le requ?rant a d? engager en janvier 2004 une proc?dure d’ex?cution pour obtenir, en mai 2004, le paiement de l’indemnit? qui lui a ?t? accord?e.
18. Le jugement du tribunal de B?n?vent est devenu d?finitif le 30 mai 2004.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
A. L’occupation d’urgence d’un terrain
19. En droit italien, la proc?dure acc?l?r?e d’expropriation permet ? l’administration d’occuper un terrain et d’y construire avant l’expropriation. Une fois l’ouvrage ? r?aliser d?clar? d’utilit? publique et le projet de construction adopt?, l’administration peut d?cr?ter l’occupation d’urgence des zones ? exproprier pour une dur?e d?termin?e n’exc?dant pas cinq ans (article 20 de la loi no 865 de 1971). Ce d?cret devient caduc si l’occupation mat?rielle du terrain n’a pas lieu dans les trois mois suivant sa promulgation. Avant la fin de la p?riode d’occupation autoris?e, un d?cret d’expropriation formelle doit ?tre pris.
20. L’occupation autoris?e d’un terrain donne droit ? une indemnit? d’occupation. La Cour constitutionnelle a reconnu, dans son arr?t no 470 de 1990, un droit d’acc?s imm?diat ? un tribunal aux fins de r?clamer l’indemnit? d’occupation d?s que le terrain est mat?riellement occup?, sans besoin d’attendre que l’administration proc?de ? une offre d’indemnisation.
B. Le principe de l’expropriation indirecte (? occupazione acquisitiva ? ou ? accessione invertita ?)
21. Dans les ann?es 1970, plusieurs administrations locales proc?d?rent ? des occupations d’urgence de terrains qui ne furent pas suivies de d?crets d’expropriation. Les juridictions italiennes se trouv?rent confront?es ? des cas o? le propri?taire d’un terrain avait perdu de facto la disponibilit? de celui-ci en raison de l’occupation et de l’accomplissement de travaux de construction d’un ouvrage public. Restait ? savoir si, simplement par l’effet des travaux effectu?s, l’int?ress? avait perdu ?galement la propri?t? du terrain.
1. La jurisprudence avant l’arr?t no 1464 de 1983 de la Cour de cassation
22. La jurisprudence ?tait tr?s partag?e sur le point de savoir quels ?taient les effets de la construction d’un ouvrage public sur un terrain occup? ill?galement. Par occupation ill?gale, il faut entendre une occupation ill?gale ab initio, ou bien une occupation initialement autoris?e et devenue sans titre par la suite, le titre ?tant annul? ou bien l’occupation se poursuivant au-del? de l’?ch?ance autoris?e sans qu’un d?cret d’expropriation ne soit intervenu.
23. Selon une premi?re jurisprudence, le propri?taire du terrain occup? par l’administration ne perdait pas la propri?t? du terrain apr?s l’ach?vement de l’ouvrage public. Toutefois, il ne pouvait pas demander une remise en l’?tat du terrain et pouvait uniquement engager une action en dommages et int?r?ts pour occupation abusive, non soumise ? un d?lai de prescription puisque l’ill?galit? d?coulant de l’occupation ?tait permanente. L’administration pouvait ? tout moment adopter une d?cision formelle d’expropriation ; dans ce cas, l’action en dommages-int?r?ts se transformait en litige portant sur l’indemnit? d’expropriation et les dommages-int?r?ts n’?taient dus que pour la p?riode ant?rieure au d?cret d’expropriation pour la non-jouissance du terrain (voir, entre autres, les arr?ts de la Cour de cassation no 2341 de 1982, no 4741 de 1981, no 6452 et no 6308 de 1980).
24. Selon une deuxi?me jurisprudence, le propri?taire du terrain occup? par l’administration ne perdait pas la propri?t? du terrain et pouvait demander la remise en l’?tat, lorsque l’administration avait agi sans qu’il y ait utilit? publique (voir, par exemple, Cour de cassation, arr?t no 1578 de 1976, arr?t no 5679 de 1980).
25. Selon une troisi?me jurisprudence, le propri?taire du terrain occup? par l’administration perdait automatiquement la propri?t? du terrain au moment de la transformation irr?versible du bien, ? savoir au moment de l’ach?vement de l’ouvrage public. L’int?ress? avait le droit de demander des dommages-int?r?ts (voir l’arr?t no 3243 de 1979 de la Cour de cassation).
2. L’arr?t no 1464 de 1983 de la Cour de cassation
26. Par un arr?t du 16 f?vrier 1983, la Cour de cassation, statuant en chambres r?unies, r?solut le conflit de jurisprudence et adopta la troisi?me solution. Ainsi fut consacr? le principe de l’expropriation indirecte (accessione invertita ou occupazione acquisitiva). En vertu de ce principe, la puissance publique acquiert ab origine la propri?t? d’un terrain sans proc?der ? une expropriation formelle lorsque, apr?s l’occupation du terrain, et ind?pendamment de la l?galit? de l’occupation, l’ouvrage public a ?t? r?alis?. Lorsque l’occupation est ab initio sans titre, le transfert de propri?t? a lieu au moment de l’ach?vement de l’ouvrage public. Lorsque l’occupation du terrain a initialement ?t? autoris?e, le transfert de propri?t? a lieu ? l’?ch?ance de la p?riode d’occupation autoris?e. Dans le m?me arr?t, la Cour de cassation pr?cisa que, dans tous les cas d’expropriation indirecte, l’int?ress? a droit ? une r?paration int?grale, l’acquisition du terrain ayant eu lieu sans titre. Toutefois, cette r?paration n’est pas vers?e automatiquement ; il incombe ? l’int?ress? de r?clamer des dommages-int?r?ts. En outre, le droit ? r?paration est assorti du d?lai de prescription pr?vu en cas de responsabilit? d?lictuelle, ? savoir cinq ans, commen?ant ? courir au moment de la transformation irr?versible du terrain.
3. La jurisprudence apr?s l’arr?t no 1464 de 1983 de la Cour de cassation
a) La prescription
27. Dans un premier temps, la jurisprudence consid?rait qu’aucun d?lai de prescription ne trouvait ? s’appliquer, puisque l’occupation sans titre du terrain constituait un acte ill?gal continu. La Cour de cassation, dans son arr?t no 1464 de 1983, affirma que le droit ? r?paration ?tait soumis ? un d?lai de prescription de cinq ans. Par la suite, la premi?re section de la Cour de cassation affirma qu’un d?lai de prescription de dix ans devait s’appliquer (arr?ts no 7952 de 1991 et no 10979 de 1992). Par un arr?t du 22 novembre 1992, la Cour de cassation statuant en chambres r?unies a d?finitivement tranch? la question, estimant que le d?lai de prescription est de cinq ans et qu’il commence ? courir au moment de la transformation irr?versible du terrain.
b) L’arr?t no 188 de 1995 de la Cour constitutionnelle
28. Dans cet arr?t, la Cour constitutionnelle a jug? compatible avec la Constitution le principe de l’expropriation indirecte, dans la mesure o? ce principe est ancr? dans une disposition l?gislative, ? savoir l’article 2043 du code civil r?gissant la responsabilit? d?lictuelle. Selon cet arr?t, le fait que l’administration devienne propri?taire d’un terrain en tirant b?n?fice de son comportement ill?gal ne pose aucun probl?me sur le plan constitutionnel, puisque l’int?r?t public, ? savoir la conservation de l’ouvrage public, l’emporte sur l’int?r?t du particulier, et donc sur le droit de propri?t? de ce dernier. La Cour constitutionnelle a jug? compatible avec la Constitution l’application ? l’action en r?paration du d?lai de prescription de cinq ans, tel que pr?vu par l’article 2043 du code civil pour responsabilit? d?lictuelle.
c) Cas de non-application du principe de l’expropriation indirecte
29. Les d?veloppements de la jurisprudence montrent que le m?canisme par lequel la construction d’un ouvrage public entra?ne le transfert de propri?t? du terrain au b?n?fice de l’administration conna?t des exceptions.
30. Dans son arr?t no 874 de 1996, le Conseil d’Etat a affirm? qu’il n’y a pas d’expropriation indirecte lorsque les d?cisions de l’administration et le d?cret d’occupation d’urgence ont ?t? annul?s par les juridictions administratives ; si tel n’?tait pas le cas, la d?cision judiciaire serait vid?e de substance.
31. Dans son arr?t no 1907 de 1997, la Cour de cassation statuant en chambres r?unies a affirm? que l’administration ne devient pas propri?taire d’un terrain lorsque les d?cisions qu’elle a adopt?es et la d?claration d’utilit? publique doivent ?tre consid?r?es comme nulles ab initio. Dans ce cas, l’int?ress? garde la propri?t? du terrain et peut demander la restitutio in integrum. Il peut, comme alternative, demander des dommages-int?r?ts. L’ill?galit? dans ces cas a un caract?re permanent et aucun d?lai de prescription ne trouve application.
32. Dans l’arr?t no 6515 de 1997, la Cour de cassation statuant en chambres r?unies a affirm? qu’il n’y a pas de transfert de propri?t? lorsque la d?claration d’utilit? publique a ?t? annul?e par les juridictions administratives. Dans ce cas, le principe de l’expropriation indirecte ne trouve donc pas ? s’appliquer. L’int?ress?, qui garde la propri?t? du terrain, a la possibilit? de demander la restitutio in integrum. L’introduction d’une demande en dommages-int?r?ts entra?ne une renonciation ? la restitutio in integrum. Le d?lai de prescription de cinq ans commence ? courir au moment o? la d?cision du juge administratif devient d?finitive.
33. Dans l’arr?t no 148 de 1998, la premi?re section de la Cour de cassation a suivi la jurisprudence des chambres r?unies et affirm? que le transfert de propri?t? par effet de l’expropriation indirecte n’a pas lieu lorsque la d?claration d’utilit? publique ? laquelle le projet de construction ?tait assorti a ?t? consid?r?e comme invalide ab initio.
34. Dans l’arr?t no 5902 de 2003, la Cour de cassation en chambres r?unies a r?affirm? qu’il n’y a pas de transfert de propri?t? en l’absence de d?claration d’utilit? publique valide.
35. Il convient de comparer cette jurisprudence avec la loi no 458 de 1988 (voir ?? 36-37 ci-dessous) et avec le R?pertoire des dispositions sur l’expropriation, entr? en vigueur le 30 juin 2003 (voir ?? 45-46 ci-dessous).
4. La loi no458 du 27 octobre 1988
36. Aux termes de l’article 3 de cette loi, ? Le propri?taire d’un terrain, utilis? pour la construction de b?timents publics et de logements sociaux, a droit ? la r?paration du dommage subi, ? la suite d’une expropriation d?clar?e ill?gale par une d?cision pass?e en force de chose jug?e, mais ne peut pr?tendre ? la restitution de son bien. Il a ?galement droit, en plus de la r?paration du dommage, aux sommes dues en raison de la d?pr?ciation mon?taire et ? celles mentionn?es ? l’article 1224 ? 2 du code civil et ceci ? compter du jour de l’occupation ill?gale ?.
37. Interpr?tant l’article 3 de la loi de 1988, la Cour constitutionnelle, dans son arr?t du 12 juillet 1990 (n? 384), a consid?r? : ? Par la disposition attaqu?e, le l?gislateur, entre l’int?r?t des propri?taires des terrains – obtenir en cas d’expropriation ill?gale la restitution des terrains – et l’int?r?t public – concr?tis? par la destination de ces biens ? des finalit?s de constructions r?sidentielles publiques ? des conditions favorables ou conventionn?es – a donn? la priorit? ? ce dernier int?r?t ?.
5. Le montant de la r?paration en cas d’expropriation indirecte
38. Selon la jurisprudence de 1983 de la Cour de cassation en mati?re d’expropriation indirecte, une r?paration int?grale du pr?judice subi, sous forme de dommages-int?r?ts pour la perte du terrain, ?tait due ? l’int?ress? en contrepartie de la perte de propri?t? qu’entra?ne l’occupation ill?gale.
39. La loi budg?taire de 1992 (article 5 bis du d?cret-loi no 333 du 11 juillet 1992) modifia cette jurisprudence, dans le sens que le montant d? en cas d’expropriation indirecte ne pouvait d?passer le montant de l’indemnit? pr?vue pour le cas d’une expropriation formelle. Par l’arr?t no 369 de 1996, la Cour constitutionnelle d?clara inconstitutionnelle cette disposition.
40. En vertu de la loi budg?taire no 662 de 1996, qui fit suite ? la disposition d?clar?e inconstitutionnelle, l’indemnisation int?grale ne peut ?tre accord?e pour une occupation de terrain ayant eu lieu avant le 30 septembre 1996. Dans cette optique, l’indemnisation ?quivaut au montant de l’indemnit? pr?vue pour le cas d’une expropriation formelle, dans l’hypoth?se la plus favorable au propri?taire, moyennant une augmentation de 10 %.
41. Par l’arr?t no 148 du 30 avril 1999, la Cour constitutionnelle a jug? une telle indemnit? compatible avec la Constitution. Toutefois, dans le m?me arr?t, la Cour a pr?cis? qu’une indemnit? int?grale, ? concurrence de la valeur v?nale du terrain, peut ?tre r?clam?e lorsque l’occupation et la privation du terrain n’ont pas eu lieu pour cause d’utilit? publique.
6. La jurisprudence apr?s les arr?ts de la Cour du 30 mai 2000 dans les affaires Belvedere Alberghiera et Carbonara et Ventura
42. Par les arr?ts no 5902 et 6853 de 2003, la Cour de cassation en chambres r?unies s’est ? nouveau prononc?e sur le principe de l’expropriation indirecte, en faisant r?f?rence aux deux arr?ts de la Cour pr?cit?s.
43. Au vu du constat de violation de l’article 1 du protocole no 1 dans les affaires ci-dessus, la Cour de cassation a affirm? que le principe de l’expropriation indirecte joue un r?le important dans le cadre du syst?me juridique italien et qu’il est compatible avec la Convention.
44. Plus sp?cifiquement, la Cour de cassation ? apr?s avoir analys? l’histoire du principe de l’expropriation indirecte – a dit qu’au vu de l’uniformit? de la jurisprudence en la mati?re, le principe de l’expropriation indirecte doit se consid?rer comme ?tant pleinement ? pr?visible ? ? compter de 1983. De ce fait, l’expropriation indirecte doit ?tre consid?r?e comme ?tant respectueuse du principe de l?galit?. S’agissant des occupations de terrain ayant lieu sans d?claration d’utilit? publique, la Cour de cassation a affirm? que celles-ci ne sont pas aptes ? transf?rer la propri?t? du bien ? l’Etat. Quant ? l’indemnisation, la Cour de cassation a affirm? que, m?me si elle est inf?rieure au pr?judice subi par l’int?ress?, et notamment ? la valeur du terrain, l’indemnisation due en cas d’expropriation indirecte est suffisante pour garantir un ? juste ?quilibre ? entre les exigences de l’int?r?t g?n?ral de la communaut? et les imp?ratifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu.
7. Le R?pertoire des dispositions l?gislatives et r?glementaires en mati?re d’expropriation pour cause d’utilit? publique (ci apr?s ? le R?pertoire)
45. Le 30 juin 2003 est entr? en vigueur le D?cret Pr?sidentiel no 327 du 8 juin 2001, modifi? par le D?cret l?gislatif no 302 du 27 d?cembre 2002, et qui r?git la proc?dure d’expropriation. Le R?pertoire codifie les dispositions et la jurisprudence existantes en la mati?re. En particulier, il codifie le principe de l’expropriation indirecte. Le R?pertoire, qui ne s’applique pas aux cas d’occupation survenus ant?rieurement ? 1996 et ne s’applique donc pas en l’esp?ce, s’est substitu?, ? partir de son entr?e en vigueur, ? l’ensemble de la l?gislation la jurisprudence pr?c?dente en mati?re d’expropriation.
46. A son article 43, le R?pertoire pr?voit qu’en l’absence d’un d?cret d’expropriation, ou en l’absence de d?claration d’utilit? publique, un terrain transform? ? la suite de la r?alisation d’un ouvrage public est acquis au patrimoine de l’autorit? qui l’a transform? ; des dommages-int?r?ts sont accord?s en contrepartie. L’autorit? peut acqu?rir un bien m?me lorsque le plan d’urbanisme ou la d?claration d’utilit? publique ont ?t? annul?s. Le propri?taire peut demander au juge la restitution du terrain. L’autorit? en cause peut s’y opposer. Lorsque le juge d?cide de ne pas ordonner la restitution du terrain, le propri?taire a droit ? un d?dommagement.
EN DROIT
I. SUR L’EXCEPTION PR?LIMINAIRE DU GOUVERNEMENT
47. Dans ses observations sur la recevabilit?, le Gouvernement avait soulev? une exception tir?e du non ?puisement des voies de recours internes au motif que la proc?dure nationale ?tait pendante devant le tribunal de B?n?vent de sorte qu’il n’y avait pas encore de jugement interne d?finitif.
48. Dans ses observations sur le fond, le Gouvernement prend note de ce que le tribunal de B?n?vent a prononc? un jugement qui est entre-temps devenu d?finitif.
49. La Cour rappelle que, dans sa d?cision sur la recevabilit? du 1er avril 2004, elle a d?cid? de joindre au fond l’exception du Gouvernement. Vu que la proc?dure engag?e par le requ?rant s’est par la suite termin?e, dans la mesure o? le jugement rendu par le tribunal de B?n?vent est devenu d?finitif le 30 mai 2004, il ne s’impose pas de se prononcer sur l’exception du Gouvernement.
II. SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
50. Le requ?rant soutient avoir ?t? priv? de son terrain dans des circonstances incompatibles avec l’article 1 du Protocole no 1, ainsi libell? :
? Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut ?tre priv? de sa propri?t? que pour cause d’utilit? publique et dans les conditions pr?vues par la loi et les principes g?n?raux du droit international.
Les dispositions pr?c?dentes ne portent pas atteinte au droit que poss?dent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent n?cessaires pour r?glementer l’usage des biens conform?ment ? l’int?r?t g?n?ral ou pour assurer le paiement des imp?ts ou d’autres contributions ou des amendes. ?
A. Th?ses d?fendues devant la Cour
1. Le requ?rant
51. Se r?f?rant ? l’arr?t Carbonara et Ventura c. Italie (no 24638/94, CEDH 2000-VI) et ? l’arr?t Belvedere Alberghiera s.r.l. c. Italie (no 31524/96, CEDH-VI), le requ?rant observe que l’application du principe de l’expropriation indirecte ? son cas n’est pas conforme au principe de la pr??minence du droit.
52. A cet ?gard, le requ?rant fait observer que le terrain litigieux a ?t? occup? et transform? sans qu’un d?cret d’expropriation n’ait ?t? adopt?. Ce n’est que parce qu’il a intent? une proc?dure en dommages-int?r?ts devant les juridictions nationales qu’il peut obtenir une d?cision judiciaire d?clarant l’ill?galit? de l’occupation et qui a comme cons?quence de le d?clarer en m?me temps priv? de son bien r?troactivement, ? partir du moment o? le terrain a ?t? transform?. Ce constat d’ill?galit? ne saurait ?tre remis en cause par le fait que, devant les juridictions nationales, il n’a pas demand? la restitution du terrain, vu notamment que cette restitution serait consid?r?e comme juridiquement impossible.
53. Quant ? l’indemnisation, qui d?pend ?galement de l’initiative de la personne concern?e, le requ?rant soutient que celle-ci n’est pas apte ? r?parer l’ill?galit? commise.
2. Le Gouvernement
54. Le Gouvernement fait observer que dans le cas d’esp?ce, il s’agit d’une occupation de terrain dans le cadre d’une proc?dure administrative reposant sur une d?claration d’utilit? publique. Le Gouvernement admet que la proc?dure d’expropriation n’a pas ?t? mise en ?uvre dans les termes pr?vus par la loi, dans la mesure o? aucun d?cret d’expropriation n’a ?t? adopt?.
55. A d?faut d’un tel d?cret, le Gouvernement soutient qu’il ?tait impossible de savoir si le requ?rant ?tait ou non encore propri?taire du bien. Il ?tait donc essentiel d’avoir une d?cision nationale d?finitive qui dissipe une foi pour toute l’incertitude qui caract?rise ce type de situation, et notamment le cas d’esp?ce, qui manque de clart?. En m?me temps, le Gouvernement soutient que le jugement du tribunal de B?n?vent n’a qu’une valeur d?clarative, l’expropriation indirecte ?tant un m?canisme automatique de perte de propri?t?. Par son jugement, le juge national ne ferait que prendre acte d’une situation accomplie et se limiterait ? d?clarer que le requ?rant doit se consid?rer comme ?tant priv? de son bien au b?n?fice de l’administration ? compter de la date que le tribunal consid?re comme la date o? le terrain a ?t? transform? de mani?re irr?versible.
56. Le Gouvernement soutient que cette situation est conforme ? l’article 1 du Protocole no 1.
57. Premi?rement, il y aurait utilit? publique, ce qui n’est pas remis en cause par le requ?rant.
58. Deuxi?mement, la privation du bien telle que r?sultant de l’expropriation indirecte serait ? pr?vue par la loi ?.
59. A cet ?gard, le Gouvernement rappelle que la Cour, dans son arr?t Zubani c. Italie (arr?t du 7 ao?t 1996, Recueil 1996-IV) avait examin? une affaire d’expropriation indirecte tombant sous le coup de la loi no 458 de 1988 (paragraphe 36 ci-dessus) du point de vue du juste ?quilibre, estimant que, en ce qui concernait la loi en tant que telle, ? le choix l?gislatif visant ? privil?gier l’int?r?t de la collectivit? dans le cas d’expropriations ou d’occupations ill?gales de terrains est raisonnable : l’indemnisation int?grale des pr?judices subis par les propri?taires concern?s constitue une r?paration suffisante… ?. (Paragraphe 49 de l’arr?t Zubani).
60. Le Gouvernement prend acte de ce que la jurisprudence de la Cour a par la suite connu une ?volution, dans la mesure o?, dans les deux cas suivant portant sur l’expropriation indirecte, elle a constat? une incompatibilit? du m?canisme de l’expropriation indirecte avec le principe de l?galit? (Carbonara et Ventura c. Italie, no 24638/94, CEDH 2000-VI ; Belvedere Alberghiera srl c. Italie, no 31524/96, CEDH 2000-VI).
61. Selon le Gouvernement, le principe doit se consid?rer comme ?tant ? pr?vu par la loi ?, m?me s’il a ?t? ?labor? par la jurisprudence dans un pays de ? civil law ? et non de ? common law ?.
62. A cet ?gard, il prend acte de ce que dans les deux arr?ts pr?cit?s, la Cour avait estim? inutile de juger in abstracto si le r?le qu’un principe jurisprudentiel, tel que celui de l’expropriation indirecte, occupe dans un syst?me de droit continental est assimilable ? celui occup? par des dispositions l?gislatives (Carbonara et Ventura, pr?cit?, ? 64). La Cour avait observ? que la jurisprudence italienne avait connu une ?volution et qu’un principe jurisprudentiel ne lie pas les juridictions quant ? son application (Carbonara et Ventura, pr?cit?, ? 69).
63. Le Gouvernement soutient que d?cider du r?le de la jurisprudence en Italie rev?t une grande importance dans ce type d’affaires. Selon le Gouvernement, la jurisprudence nationale ayant cr?? le principe de l’expropriation indirecte, ce principe doit ?tre consid?r? comme faisant partie du droit positif ? compter de l’arr?t de la Cour de cassation no 1464 de 1983. La jurisprudence ult?rieure aurait confirm? ce principe et pr?cis? certains aspects de son application. En outre, ce principe aurait ?t? reconnu par la loi no 458 du 27 octobre 1988 et par la loi budg?taire no 662 de 1996.
64. En conclusion, selon le Gouvernement, ? partir de 1983, les r?gles de l’expropriation indirecte ?taient parfaitement claires et accessibles ? tous les propri?taires de terrains.
65. S’agissant de la qualit? de la loi, le Gouvernement demande ? la Cour de revenir ? la ?jurisprudence Zubani ? et de consid?rer que le m?canisme de l’expropriation indirecte, qui se fonde sur une d?claration d’ill?galit? de la part du juge, est conforme ? l’article 1 du Protocole no 1.
66. A ce propos, le Gouvernement fait observer que le constat d’ill?galit? de la part du juge est l’?l?ment qui conditionne le transfert au patrimoine public du bien ill?galement occup?.
67. Le Gouvernement d?finit l’expropriation indirecte comme le r?sultat d’une interpr?tation syst?matique de principes existants, tendant ? garantir que l’int?r?t g?n?ral pr?vale sur l’int?r?t des particuliers, lorsque l’ouvrage public a ?t? r?alis? (transformation du terrain) et que celui-ci r?pond ? l’utilit? publique.
68. L’administration serait tenue de compenser le particulier. Cependant, selon le Gouvernement, cette indemnisation peut ?tre inf?rieure au pr?judice subi par l’int?ress?, et notamment ? la valeur du terrain, vu que l’expropriation indirecte r?pond ? un int?r?t collectif et l’ill?galit? commise par l’administration ne concerne que la forme, ? savoir un manquement aux r?gles qui pr?sident ? la proc?dure administrative. En outre, le Gouvernement observe que l’indemnit? telle que plafonn?e par la loi no 662 de 1996 est en tout cas sup?rieure ? celle qui aurait ?t? accord?e si l’expropriation avait ?t? r?guli?re.
69. A la lumi?re de ces consid?rations, le Gouvernement conclut que le juste ?quilibre a ?t? respect?.
B. Sur l’observation de l’article 1 du Protocole no 1
1. Sur l’existence d’une ing?rence
70. La Cour rappelle que, pour d?terminer s’il y a eu ? privation de biens ?, il faut non seulement examiner s’il y a eu d?possession ou expropriation formelle, mais encore regarder au-del? des apparences et analyser la r?alit? de la situation litigieuse. La Convention visant ? prot?ger des droits ? concrets et effectifs ?, il importe de rechercher si ladite situation ?quivalait ? une expropriation de fait (Sporrong et L?nnroth c. Su?de, arr?t du 23 septembre 1982, s?rie A no 52, pp. 24-25, ? 63).
71. La Cour rel?ve que, en appliquant le principe de l’expropriation indirecte, le tribunal de B?n?vent a consid?r? le requ?rant comme ?tant priv? de son bien ? compter du moment o? le terrain a ?t? irr?versiblement transform? par les travaux publics. A d?faut d’un acte formel d’expropriation, le constat d’ill?galit? de la part du juge est l’?l?ment qui consacre le transfert au patrimoine public du bien occup?. Dans ces circonstances, la Cour conclut que le jugement du tribunal de B?n?vent a eu pour effet de priver le requ?rant de son bien au sens de la deuxi?me phrase de l’article 1 du Protocole no 1 (Carbonara et Ventura, pr?cit?, ? 61 ; Brumărescu c. Roumanie [GC], no 28342/95, ? 77, CEDH 1999-VII).
72. Pour ?tre compatible avec l’article 1 du Protocole no 1 une telle ing?rence doit ?tre op?r?e ? pour cause d’utilit? publique ? et ? dans les conditions pr?vues par la loi et les principes g?n?raux de droit international ?. L’ing?rence doit m?nager un ? juste ?quilibre ? entre les exigences de l’int?r?t g?n?ral de la communaut? et les imp?ratifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu (Sporrong et L?nnroth, pr?cit?, p. 26, ? 69). En outre, la n?cessit? d’examiner la question du juste ?quilibre ? ne peut se faire sentir que lorsqu’il s’est av?r? que l’ing?rence litigieuse a respect? le principe de l?galit? et n’?tait pas arbitraire ? (Iatridis c. Gr?ce [GC], no 31107/96, ? 58, CEDH 1999-II; Beyeler c. Italie [GC], no 33202/96, ? 107, CEDH 2000-I).
73. D?s lors, la Cour n’estime pas opportun de fonder son raisonnement sur le simple constat qu’une r?paration int?grale en faveur du requ?rant n’a pas eu lieu (Carbonara, pr?cit?, ? 62).
2. Sur le respect du principe de l?galit?
74. L’article 1 du Protocole no 1 exige, avant tout et surtout, qu’une ing?rence de l’autorit? publique dans la jouissance du droit au respect des biens soit l?gale. La pr??minence du droit, l’un des principes fondamentaux d’une soci?t? d?mocratique, est inh?rente ? l’ensemble des articles de la Convention (Iatridis pr?cit?, ? 58). Le principe de l?galit? signifie l’existence de normes de droit interne suffisamment accessibles, pr?cises et pr?visibles (Hentrich c. France, arr?t du 22 septembre 1994, s?rie A no 296-A, pp. 19-20, ? 42, et Lithgow et autres c. Royaume-Uni, arr?t du 8 juillet 1986, s?rie A no 102, p. 47, ? 110).
75. Dans l’arr?t Belvedere Alberghiera srl et dans l’arr?t Carbonara et Ventura pr?cit?s, la Cour n’avait pas estim? utile de juger in abstracto si le r?le qu’un principe jurisprudentiel, tel que celui de l’expropriation indirecte, occupe dans un syst?me de droit continental est assimilable ? celui occup? par des dispositions l?gislatives, ce qui compte ?tant ? en tout ?tat de cause ? que la base l?gale r?ponde aux crit?res de pr?visibilit?, accessibilit? et pr?cision ?nonc?s plus haut. La Cour est toujours convaincue que l’existence en tant que telle d’une base l?gale ne suffit pas ? satisfaire au principe de l?galit? et estime utile de se pencher sur la question de la qualit? de la loi.
76. La Cour prend note de l’?volution jurisprudentielle qui a conduit ? l’?laboration du principe de l’expropriation indirecte. Elle rel?ve ?galement que ce principe a ?t? transpos? dans des textes de loi, tels que la loi no 458 de 1988, la loi no 662 de 1996 et, tout derni?rement, dans le R?pertoire des dispositions en mati?re d’expropriation. Ceci ?tant, la Cour ne perd pas de vue les applications contradictoires qui ont lieu dans l’historique de la jurisprudence, et rel?ve ?galement des contradictions entre la jurisprudence et les textes de loi ?crits susmentionn?s.
77. A titre d’exemple, la Cour note que s’il est vrai que la jurisprudence a exclu, ? compter de 1996-1997, que l’expropriation indirecte puisse s’appliquer lorsque la d?claration d’utilit? publique a ?t? annul?e (paragraphes 29-34 ci-dessus), il est ?galement vrai que le R?pertoire a tout derni?rement pr?vu (paragraphe 46) qu’en l’absence de d?claration d’utilit? publique, tout terrain peut ?tre acquis au patrimoine public, si le juge d?cide de ne pas ordonner la restitution du terrain occup? et transform? par l’administration.
78. A vu de ces ?l?ments, la Cour n’exclut pas que le risque d’un r?sultat impr?visible ou arbitraire pour les int?ress?s subsiste.
79. La Cour note ensuite que le m?canisme de l’expropriation indirecte permet en g?n?ral ? l’administration de passer outre les r?gles fix?es en mati?re d’expropriation, avec le risque d’un r?sultat impr?visible ou arbitraire pour les int?ress?s, qu’il s’agisse d’une ill?galit? depuis le d?but ou d’une ill?galit? survenue par la suite.
80. A cet ?gard, la Cour note que l’expropriation indirecte permet ? l’administration d’occuper un terrain et de le transformer irr?versiblement, de telle sorte qu’il soit consid?r? comme acquis au patrimoine public, sans qu’en parall?le un acte formel d?clarant le transfert de propri?t? ne soit adopt?. En l’absence d’un acte formalisant l’expropriation et intervenant au plus tard au moment o? le propri?taire a perdu toute disponibilit? du bien, l’?l?ment qui permettra de transf?rer au patrimoine public le bien occup? et d’atteindre une s?curit? juridique est le constat d’ill?galit? de la part du juge, valant d?claration de transfert de propri?t?. Il incombe ? l’int?ress? -qui continue d’?tre formellement propri?taire – de solliciter du juge comp?tent une d?cision constatant, le cas ?ch?ant, l’ill?galit? assortie de la r?alisation d’un ouvrage d’int?r?t public, conditions n?cessaires pour qu’il soit d?clar? r?troactivement priv? de son bien.
81. Au vu de ces ?l?ments, la Cour estime que le m?canisme de l’expropriation indirecte n’est pas apte ? assurer un degr? suffisant de s?curit? juridique.
82. La Cour note ensuite que l’expropriation indirecte permet en outre ? l’administration d’occuper un terrain et de le transformer sans pour autant verser d’indemnit? en m?me temps. L’indemnit? doit ?tre r?clam?e par l’int?ress? et cela dans un d?lai de prescription de cinq ans, commen?ant ? compter de la date ? laquelle le juge estime que la transformation irr?versible du terrain a eu lieu. Ceci peut entra?ner des cons?quences n?fastes pour l’int?ress?, et rendre vain tout espoir de r?paration (Carbonara et Ventura, pr?cit?, ? 71).
83. La Cour rel?ve enfin que le m?canisme de l’expropriation indirecte permet ? l’administration de tirer parti de son comportement ill?gal, et que le prix ? payer n’est que de 10 % plus ?lev? que dans le cas d’une expropriation en bonne et due forme (paragraphe 40 ci-dessus). Selon la Cour, cette situation n’est pas de nature ? favoriser la bonne administration des proc?dures d’expropriation et ? pr?venir des ?pisodes d’ill?galit?.
84. En tout ?tat de cause, la Cour est appel?e ? v?rifier si la mani?re dont le droit interne est interpr?t? et appliqu? produit des effets conformes aux principes de la Convention.
85. Dans la pr?sente affaire, la Cour rel?ve qu’en appliquant le principe de l’expropriation indirecte, les juridictions italiennes ont consid?r? le requ?rant priv? de son bien ? compter du moment o? les travaux de construction d’une route ont irr?versiblement transform? les lieux, les conditions d’ill?galit? de l’occupation et d’int?r?t public de l’ouvrage construit ?tant r?unies. Or, en l’absence d’un acte formel d’expropriation, la Cour estime que cette situation ne saurait ?tre consid?r?e comme ? pr?visible ?, puisque ce n’est que par la d?cision d?finitive ? le jugement du tribunal de B?n?vent ayant acquis force de chose jug?e ? que l’on peut consid?rer le principe de l’expropriation indirecte comme ayant effectivement ?t? appliqu? et que l’acquisition du terrain au patrimoine public a ?t? sanctionn?e. Par cons?quent, le requ?rant n’a eu la ? s?curit? juridique ? concernant la privation du terrain que le 30 mai 2004, date ? laquelle le jugement du tribunal de B?n?vent est devenu d?finitif.
86. La Cour observe ensuite que la situation en cause a permis ? l’administration de tirer parti d’une occupation de terrain ill?gale. En d’autres termes, l’administration a pu s’approprier le terrain au m?pris des r?gles r?gissant l’expropriation en bonne et due forme, et, entre autres, sans qu’une indemnit? soit mise en parall?le ? la disposition de l’int?ress?.
87. S’agissant de l’indemnit?, la Cour constate que l’application r?troactive de la loi budg?taire no 662 de 1996 au cas d’esp?ce a eu pour effet de priver le requ?rant d’une r?paration int?grale du pr?judice subi.
88. A la lumi?re de ces consid?rations, la Cour estime que l’ing?rence litigieuse n’est pas compatible avec le principe de l?galit? et qu’elle a donc enfreint le droit au respect des biens du requ?rant.
89. D?s lors, il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
90. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
? Si la Cour d?clare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les cons?quences de cette violation, la Cour accorde ? la partie l?s?e, s’il y a lieu, une satisfaction ?quitable. ?
91. Le requ?rant sollicite la restitution du terrain, ce qui selon lui constituerait la forme de r?paration id?ale. A d?faut de restitution, le requ?rant demande ? la Cour de nommer un expert qui puisse ?valuer le pr?judice subi. En tout ?tat de cause, le requ?rant estime que la somme ? accorder au titre du pr?judice mat?riel devra ?tre largement sup?rieure ? celle retenue par le tribunal de B?n?vent.
92. Le requ?rant demande ensuite 110 000 EUR au titre du pr?judice moral.
93. S’agissant des frais devant les juridictions nationales, le requ?rant r?clame le remboursement de 103 903, 22 EUR. Quant aux frais expos?s dans la proc?dure devant la Cour, le requ?rant demande le remboursement de 37 302, 85 EUR, dont 35 796, 72 pour honoraires, hors TVA et hors contributions ? la caisse de pr?voyance des avocats (CPA).
94. Le Gouvernement observe pr?liminairement que le requ?rant n’est pas fond? ? demander une satisfaction ?quitable, vu qu’il n’a pas interjet? appel du jugement du tribunal de B?n?vent pour contester les sommes accord?es. En outre, le Gouvernement observe que le requ?rant ?tait copropri?taire ? 50 % du terrain litigieux. Selon lui, le requ?rant ne pourra avoir que la moiti? de la somme ?tablie au titre de la satisfaction ?quitable.
95. S’agissant sp?cifiquement du pr?judice mat?riel, le Gouvernement soutient que les pr?tentions du requ?rant sont excessives et ne s’appuient sur aucun ?l?ment objectif. La seule somme ? laquelle le requ?rant peut aspirer est 375, 87 EUR (somme devant ?tre index?e), somme qui correspond au 50 % de la diff?rence entre le montant accord? par le tribunal et la valeur du terrain telle qu’?valu?e par les experts au cours de la proc?dure nationale.
96. Quant au pr?judice moral, le Gouvernement trouve excessif le montant r?clam? et s’en remet ? la sagesse de la Cour.
97. S’agissant des frais de la proc?dure interne, le Gouvernement souligne que les frais de la proc?dure devant le tribunal de B?n?vent ont ?t? rembours?s directement ? l’avocat qui a repr?sent? le requ?rants.
98. Enfin, pour les frais expos?s dans la proc?dure ? Strasbourg, le Gouvernement s’en remet ? la sagesse de la Cour.
99. La Cour estime que la question de l’application de l’article 41 ne se trouve pas en ?tat. En cons?quence, elle la r?serve et fixera la proc?dure ult?rieure, compte tenu de la possibilit? que le Gouvernement et les requ?rants parviennent ? un accord.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, ? L’UNANIMIT?,
1. Dit, qu’il n’y a pas lieu d’examiner, l’exception pr?liminaire du Gouvernement ;
2. Dit, qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 ;
3. Dit, que la question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouve pas en ?tat ; en cons?quence,
a) la r?serve en entier ;
b) invite le Gouvernement et le requ?rant ? lui adresser par ?crit, dans le d?lai de trois mois ? compter du jour o? l’arr?t sera devenu d?finitif conform?ment ? l’article 44 ? 2 de la Convention, leurs observations sur cette question et notamment ? lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir ;
c) r?serve la proc?dure ult?rieure et d?l?gue le pr?sident de la chambre le soin de la fixer au besoin.
Fait en fran?ais, puis communiqu? par ?crit le 15 juillet 2005 en application de l’article 77 ?? 2 et 3 du r?glement.
S?ren Nielsen Christos Rozakis
Greffier Pr?sident
ARR?T CARLETTA c. ITALIE
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