Conclusion Non-violation des art. 8, P1-1, et P4-2 ; Violation des art. 8, P1-3, et 13 ; Pr?judice moral – constat de violation suffisant ; Remboursement partiel frais et d?pens – proc?dure de la Convention
TROISI?ME SECTION
AFFAIRE CAMPAGNANO c. ITALIE
(Requ?te no 77955/01)
ARR?T
STRASBOURG
23 mars 2006
D?FINITIF
03/07/2006
Cet arr?t deviendra d?finitif dans les conditions d?finies ? l?article 44 ? 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l?affaire Campagnano c. Italie,
La Cour europ?enne des Droits de l?Homme (troisi?me section), si?geant en une chambre compos?e de :
MM. B.M. Zupančič, pr?sident,
L. Caflisch,
Mme M. Tsatsa-Nikolovska,
MM. V. Zagrebelsky,
E. Myjer,
David Th?r Bj?rgvinsson,
Mme I. Ziemele, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Apr?s en avoir d?lib?r? en chambre du conseil le 5 janvier et le 2 mars 2006,
Rend l?arr?t que voici, adopt? ? cette derni?re date :
PROC?DURE
1. A l?origine de l?affaire se trouve une requ?te (no 77955/01) dirig?e contre la R?publique italienne et dont une ressortissante de cet Etat, Mme E. C. (? la requ?rante ?), a saisi la Cour le 6 septembre 2001 en vertu de l?article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l?Homme et des Libert?s fondamentales (? la Convention ?).
2. La requ?rante a ?t? repr?sent?e devant la Cour par Me G. B., avocat ? B?n?vent. Le gouvernement italien (? le Gouvernement ?) a ?t? repr?sent? par son agent, M. I.M. Braguglia, par son coagent, M. F. Crisafulli, et par son coagent adjoint, M. N. Lettieri.
3. La requ?rante all?guait la violation des articles 8 et 10 de la Convention, 1 du Protocole no 1, 2 du Protocole no 4, 6 ? 1 et 13 de la Convention et 3 du Protocole no 1.
4. La requ?te a ?t? attribu?e ? la premi?re section de la Cour (article 52 ? 1 du r?glement). Au sein de celle-ci, la chambre charg?e d?examiner l?affaire (article 27 ? 1 de la Convention) a ?t? constitu?e conform?ment ? l?article 26 ? 1 du r?glement.
5. Par une d?cision du 13 mai 2004, la Cour a d?clar? la requ?te partiellement irrecevable et a d?cid? de communiquer au Gouvernement les griefs tir?s des articles 8 de la Convention, 1 du Protocole no 1, 2 du Protocole no 4, 13 de la Convention et 3 du Protocole no 1. Se pr?valant de l?article 29 ? 3, elle a d?cid? que seraient examin?s en m?me temps la recevabilit? et le bien-fond? de l?affaire.
6. Le 1er novembre 2004, la Cour a modifi? la composition de ses sections (article 25 ? 1 du r?glement). La pr?sente requ?te a ?t? attribu?e ? la troisi?me section remani?e en cons?quence (article 52 ? 1).
7. Tant la requ?rante que le Gouvernement ont d?pos? des observations ?crites sur le fond de l?affaire (article 59 ? 1 du r?glement).
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L?ESP?CE
8. La requ?rante est n?e en 1933 et r?side ? Amorosi (B?n?vent).
9. Par un jugement d?pos? le 30 juin 1997, le tribunal de B?n?vent pronon?a la faillite de sa soci?t?, un commerce de boissons, ainsi que sa faillite personnelle.
10. Le 15 octobre 1997, le syndic d?posa un rapport.
11. Le 9 avril 1998, le juge d?l?gu? (? le juge ?) v?rifia l??tat du passif de la faillite et, le 7 juin 1999, d?clara celui-ci judiciairement constat? (esecutivo).
12. Les 1er, 5 et 9 juillet 1999 respectivement, les soci?t?s C.D.O., C.C.C. et F.C. d?pos?rent une demande d?opposition ? l??tat du passif de la faillite.
13. A l?audience du 14 avril 2000, le juge ordonna la radiation du r?le, pour tardivet?, de l?action engag?e par la soci?t? F.C.
14. Le 18 d?cembre 2000, le syndic demanda au comit? des cr?anciers de s?exprimer sur la possibilit? de vendre deux camions en tr?s mauvais ?tat qui figuraient ? l?actif de la faillite.
15. Le 8 janvier 2001, le syndic pria le juge de d?clarer les camions non vendables (illiquidabili), afin de pouvoir clore la proc?dure.
16. Le 5 f?vrier 2001, le syndic d?posa le compte de gestion, que le juge approuva le 12 mars 2001.
17. Par une d?cision d?pos?e au greffe le 20 mars 2001, le juge cl?tura la proc?dure de faillite pour insuffisance de l?actif.
18. Cette d?cision fut affich?e au tribunal le 23 mars 2001. Elle devint d?finitive le 7 avril 2001.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
19. La loi sur la faillite (d?cret royal no 267 du 16 mars 1942) dispose notamment :
Article 26
? Dans un d?lai de trois jours ? compter de sa date d?adoption, la d?cision du juge d?l?gu? peut faire l?objet d?un recours (…) form? devant le tribunal par le syndic, le failli, le comit? des cr?anciers ou toute autre personne int?ress?e.
Le tribunal statue en chambre du conseil, par une d?cision motiv?e.
Le recours ne suspend pas l?ex?cution de la d?cision attaqu?e. ?
Article 36
? Les actes d?administration du syndic peuvent faire l?objet d?un recours form? devant le juge d?l?gu? par le failli ou toute autre personne int?ress?e ; le juge statue par une d?cision motiv?e.
Contre cette d?cision, il est possible de former dans le d?lai de trois jours un recours devant le tribunal. Celui-ci statue par une d?cision motiv?e, apr?s avoir entendu le syndic et le demandeur. ?
Article 42
? Le jugement d?claratif de faillite prive le failli de l?administration et de la disponibilit? des biens existants ? la date dudit jugement. (…) ?
Article 48
? La correspondance adress?e au failli doit ?tre remise au syndic, qui a le droit de garder celle relative aux int?r?ts patrimoniaux. Le failli peut prendre connaissance de la correspondance. Le syndic doit garder le secret sur le contenu de la correspondance qui ne concerne pas les int?r?ts patrimoniaux. ?
Article 49
? Le failli ne peut quitter son lieu de r?sidence sans autorisation du juge d?l?gu? et il doit se pr?senter audit juge, au syndic ou au comit? des cr?anciers chaque fois qu?il est convoqu?, sauf si en raison d?un emp?chement l?gitime le juge l?autorise ? compara?tre par l?interm?diaire d?un repr?sentant.
Le juge peut faire amener le failli par la police s?il ne r?pond pas ? la convocation. ?
Article 50
? Le greffe de chaque tribunal tient un registre public o? sont consign?s les noms des faillis. Le nom d?un failli est ray? du registre apr?s jugement du tribunal. Le failli est soumis aux incapacit?s pr?vues par la loi tant que son nom n?a pas ?t? ray? du registre. ?
Article 119
? La cl?ture de la proc?dure de faillite est prononc?e par une d?cision motiv?e du tribunal (…)
Cette d?cision peut ?tre attaqu?e devant la cour d?appel dans les quinze jours suivant son affichage au tribunal (…) ?
Article 143
? La r?habilitation peut ?tre accord?e au failli :
1. qui a pay? int?gralement les cr?ances prises en compte dans la faillite, y compris les int?r?ts et les d?pens ;
2. qui a r?guli?rement ex?cut? le concordat de faillite, si le tribunal le juge digne de b?n?ficier d?une telle mesure, compte tenu des causes et des circonstances de la faillite, des conditions du concordat ainsi que du pourcentage retenu. La r?habilitation ne peut pas ?tre accord?e dans les cas o? le pourcentage fix? pour les cr?anciers chirographaires est inf?rieur ? 25 pour 100 (…) ;
3. qui a fait preuve d?une bonne conduite effective et constante pendant au moins cinq ans ? compter de la cl?ture de la faillite. ?
20. L?article 2, paragraphe 1, lettre a) du d?cret du pr?sident de la R?publique no 223 du 20 mars 1967, modifi? par la loi no 15 du 16 janvier 1992, pr?voit essentiellement la suspension de l?exercice des droits ?lectoraux du failli pendant la dur?e de la proc?dure de faillite et, en tout ?tat de cause, pendant une p?riode non sup?rieure ? cinq ans ? partir de la d?claration de faillite.
21. Le d?cret l?gislatif (decreto legislativo) no 5 du 9 janvier 2006, qui porte sur la r?forme de la loi sur la faillite, contient notamment les dispositions suivantes :
? Article 45 ? Remplacement de l?article 48 du d?cret royal no 267
du 16 mars 1942
L?article 48 du d?cret royal no 267 du 16 mars 1942 est remplac? par l?article qui suit :
? Article 48 (correspondance adress?e au failli) : L?entrepreneur d?clar? failli ainsi que les administrateurs ou les liquidateurs de soci?t?s ou ?tablissements faisant l?objet d?une proc?dure de faillite sont tenus de remettre au syndic toute correspondance, notamment ?lectronique, concernant les int?r?ts patrimoniaux [rapporti] faisant partie de la faillite. ?
Article 46 ? Remplacement de l?article 49 du d?cret royal no 267
du 16 mars 1942
L?article 49 du d?cret royal no 267 du 16 mars 1942 est remplac? par l?article qui suit :
? Article 49 (obligations du failli) : L?entrepreneur d?clar? failli ainsi que les administrateurs ou les liquidateurs de soci?t?s ou ?tablissements faisant l?objet d?une proc?dure de faillite sont tenus de signaler au syndic tout changement de r?sidence ou de domicile.
Si des informations ou ?claircissements s?av?rent n?cessaires pour la gestion de la proc?dure, les individus susmentionn?s doivent se pr?senter personnellement au juge d?l?gu?, au syndic ou au comit? des cr?anciers.
En cas d?emp?chement, le juge peut autoriser l?entrepreneur ou le repr?sentant l?gal de la soci?t? ou de l??tablissement objet de la proc?dure de faillite ? compara?tre par le biais d?un mandataire. ?
Article 47 ? Abrogation de l?article 50 du d?cret royal no 267
du 16 mars 1942
L?article 50 du d?cret royal no 267 du 16 mars 1942 est abrog?.
Article 152 ? Normes abrogatives en mati?re de restrictions personnelles
impos?es au failli
Les normes qui suivent sont abrog?es :
a) article 2, paragraphe 1, lettre a) (…) du d?cret du pr?sident de la R?publique no 223 du 20 mars 1967 ;
(…) ?
22. Selon la doctrine, l?institution de la faillite trouve ses origines dans le bas Moyen Age (XIIIe si?cle), ?poque ? laquelle le marchand (c?est-?-dire, au sens large, le commer?ant, l?entrepreneur, le banquier) ?tait au centre d?une nouvelle classe sociale. Dans ce contexte, o? l?int?r?t public co?ncidait parfois avec celui de la classe marchande, la faillite ?tait destin?e ? imposer au marchand insolvable des mesures vigoureuses. Ainsi, le failli faisait l?objet de sanctions p?nales (telles que le bannissement, l?arr?t et, parfois, la torture ou la peine de mort) ou civiles comme l?inscription de son nom dans un registre, l?application de marques infamantes (comme le port d?un b?ret vert), la perte de nationalit? et d?autres incapacit?s (A. Jorio, La crisi d?impresa, il fallimento, ed. Giuffr?, 2000, p. 364 ; S. Bonfatti et P.F. Censoni, Manuale di diritto fallimentare, ed. Cedam, 2004, pp. 1-2 et 72-73 ; L. Guglielmucci, Lezioni di diritto fallimentare, ed. G. Giappichelli Torino, 2004, p. 122).
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DES ARTICLES 8 DE LA CONVENTION (QUANT AU DROIT AU RESPECT DE LA CORRESPONDANCE), 1 DU PROTOCOLE No 1 ET 2 DU PROTOCOLE No 4
23. Invoquant les articles 8 de la Convention, 1 du Protocole no 1 et 2 du Protocole no 4, la requ?rante se plaint respectivement de la violation du droit au respect de sa correspondance et de ses biens, et d?nonce la limitation de sa libert? de circulation, notamment en raison de la dur?e de la proc?dure.
24. Ces dispositions sont ainsi libell?es :
Article 8 de la Convention
? 1. Toute personne a droit au respect de sa (…) correspondance.
2. Il ne peut y avoir ing?rence d?une autorit? publique dans l?exercice de ce droit que pour autant que cette ing?rence est pr?vue par la loi et qu?elle constitue une mesure qui, dans une soci?t? d?mocratique, est n?cessaire ? la s?curit? nationale, ? la s?ret? publique, au bien-?tre ?conomique du pays, ? la d?fense de l?ordre et ? la pr?vention des infractions p?nales, ? la protection de la sant? ou de la morale, ou ? la protection des droits et libert?s d?autrui. ?
Article 1 du Protocole no 1
? Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut ?tre priv? de sa propri?t? que pour cause d?utilit? publique et dans les conditions pr?vues par la loi et les principes g?n?raux du droit international.
Les dispositions pr?c?dentes ne portent pas atteinte au droit que poss?dent les Etats de mettre en vigueur les lois qu?ils jugent n?cessaires pour r?glementer l?usage des biens conform?ment ? l?int?r?t g?n?ral ou pour assurer le paiement des imp?ts ou d?autres contributions ou des amendes. ?
Article 2 du Protocole no 4
? 1. Quiconque se trouve r?guli?rement sur le territoire d?un Etat a le droit d?y circuler librement et d?y choisir librement sa r?sidence.
2. Toute personne est libre de quitter n?importe quel pays, y compris le sien.
3. L?exercice de ces droits ne peut faire l?objet d?autres restrictions que celles qui, pr?vues par la loi, constituent des mesures n?cessaires, dans une soci?t? d?mocratique, ? la s?curit? nationale, ? la s?ret? publique, au maintien de l?ordre public, ? la pr?vention des infractions p?nales, ? la protection de la sant? ou de la morale, ou ? la protection des droits et libert?s d?autrui.
A. Sur la recevabilit?
25. Le Gouvernement soutient tout d?abord que la requ?rante a omis d??puiser les voies de recours internes. Les griefs qu?elle soul?ve ?tant li?s ? la dur?e de la proc?dure, l?int?ress?e aurait d?, selon lui, former un recours devant la cour d?appel comp?tente, conform?ment ? la loi Pinto.
26. Le Gouvernement fait en outre observer que, dans l?arr?t no 362 de 2003, la Cour de cassation, confirmant une d?cision de la cour d?appel de Venise relative ? un recours fond? sur la loi Pinto et portant sur la dur?e d?une proc?dure de faillite, a affirm? que ? le dommage moral est le r?sultat de la situation de malaise du demandeur due au maintien, au-del? du d?lai raisonnable de la proc?dure, du statut de failli et des limitations qui en d?coulent sur les plans de la libert? de circulation, des droits ?lectoraux et de la possibilit? d?exercer des professions lib?rales. La r?paration de ce dommage ne peut se faire qu?? travers une ?valuation ?quitable qui tienne compte non seulement de la dur?e de la proc?dure mais aussi de la nature particuli?re des droits de la personne totalement ou partiellement l?s?s ?.
27. La requ?rante soutient que les observations du Gouvernement ont ?t? pr?sent?es tardivement, au sens de l?article 38 du r?glement de la Cour.
28. La Cour rel?ve d?abord qu?elle a fix? au 9 ao?t 2004 un premier d?lai pour la pr?sentation des observations du Gouvernement. Ensuite, ? la demande de ce dernier, elle a prorog? ce d?lai jusqu?au 17 septembre 2004, date ? laquelle les observations du Gouvernement ont ?t? envoy?es.
29. Elle observe ensuite que, dans son arr?t no 362 de 2003, d?pos? au greffe le 14 janvier 2003, la Cour de cassation a pour la premi?re fois reconnu que la r?paration du dommage moral caus? par la dur?e d?une proc?dure de faillite doit tenir compte, entre autres, de la prolongation des incapacit?s d?coulant du statut de failli.
30. Par ailleurs, quant au grief tir? de l?article 1 du Protocole no 1, la Cour rappelle que dans l?affaire Mascolo c. Italie (d?c., no 68792/01, 16 octobre 2003) elle a estim? que la violation du droit de propri?t? ?tait ? strictement li?e ? la dur?e de la proc?dure, dont elle constitu[ait] une cons?quence indirecte ? et que c??tait donc ? probablement dans le cadre du m?me rem?de pr?vu par la loi Pinto que les requ?rants [pouvaient] faire valoir leurs all?gations concernant les r?percussions financi?res que la longueur excessive de la proc?dure [avait] eu sur leur droit de propri?t? ?. De plus, dans l?affaire Provvedi c. Italie (d?c., no 66644/01, 2 d?cembre 2004), la Cour a estim? que ? l?action fond?e sur la ? loi Pinto ? est une voie de recours dont les requ?rants doivent user (…) pour satisfaire ? l?article 35 ? 1 de la Convention non seulement pour les all?gations concernant l?article 6 ? 1 mais aussi pour celles relatives ? l?article 1 du Protocole no 1 ?.
31. La Cour rappelle avoir estim? que, ? partir du 14 juillet 2003, l?arr?t no 362 de 2003 ne pouvait plus ?tre ignor? du public et que c??tait ? compter de cette date qu?il fallait exiger des requ?rants qu?ils usent de ce recours aux fins de l?article 35 ? 1 de la Convention (Sgattoni c. Italie, no 77132/01, ? 48, 6 octobre 2005).
32. La Cour rel?ve que la d?cision de clore la proc?dure de faillite est devenue d?finitive le 7 avril 2001, c?est-?-dire quinze jours apr?s son affichage au tribunal, conform?ment ? l?article 119 de la loi sur la faillite. La requ?rante aurait pu introduire un recours fond? sur la loi Pinto au plus tard six mois apr?s, c?est-?-dire le 7 octobre 2001.
33. Compte tenu des consid?rations qui pr?c?dent, la Cour observe que, ? cette date, la requ?rante n?aurait pas pu se plaindre efficacement des incapacit?s d?coulant de la mise en faillite, notamment en raison de la dur?e de la proc?dure. La Cour estime donc que cette exception du Gouvernement doit ?tre rejet?e (Sgattoni, pr?cit?, ?? 44-49).
34. La Cour constate que cette partie de la requ?te n?est pas manifestement mal fond?e au sens de l?article 35 ? 3 de la Convention. Par ailleurs, elle ne se heurte ? aucun autre motif d?irrecevabilit?. Il convient donc de la d?clarer recevable.
B. Sur le fond
35. Le Gouvernement estime que les restrictions du droit au respect des biens et de la correspondance de la requ?rante ainsi que de sa libert? de circulation sont des mesures proportionn?es ? la n?cessit? de prot?ger les cr?anciers.
36. Le Gouvernement observe qu?en tout ?tat de cause la proc?dure de faillite a dur? trois ans et neuf mois, et que cette dur?e ne peut pas ?tre jug?e excessive.
37. La requ?rante consid?re que la requ?te ne porte pas sur la dur?e de la proc?dure mais sur le d?faut de proportionnalit? de l?ing?rence de l?Etat dans son droit au respect de sa correspondance et de ses biens et dans sa libert? de circulation, notamment en raison de la proc?dure.
38. La Cour rel?ve que la proc?dure de faillite a d?but? le 30 juin 1997 et s?est termin?e le 20 mars 2001, date du d?p?t au greffe de la d?cision de clore la proc?dure. Elle a donc dur? plus de trois ans et huit mois. De l?avis de la Cour, cette dur?e n?a pas entra?n? la rupture de l??quilibre ? m?nager entre l?int?r?t g?n?ral touchant au remboursement des cr?anciers et l?int?r?t de la requ?rante li? au respect de sa correspondance, de ses biens et de sa libert? de circulation, compte tenu notamment du fait que l?on ne peut d?celer aucun retard des autorit?s judiciaires dans le traitement de l?affaire (voir, mutatis mutandis, Luordo c. Italie, no 32190/96, CEDH 2003-IX et Sgattoni, pr?cit?, ?? 63-65).
39. Partant, il n?y a pas eu violation des articles 8 de la Convention (quant au droit au respect de la correspondance), 1 du Protocole no 1 et 2 du Protocole no 4.
II. SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DE L?ARTICLE 3 DU PROTOCOLE No 1
40. La requ?rante se plaint de la restriction de ses droits ?lectoraux, arguant qu?il s?agit d?une mesure r?pressive et anachronique, d?pourvue de justification l?gitime et visant ? punir et marginaliser le failli. Elle invoque l?article 3 du Protocole no 1, ainsi libell? :
? Les Hautes Parties contractantes s?engagent ? organiser, ? des intervalles raisonnables, des ?lections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l?opinion du peuple sur le choix du corps l?gislatif. ?
A. Sur la recevabilit?
41. La Cour constate que ce grief n?est pas manifestement mal fond? au sens de l?article 35 ? 3 de la Convention. Elle rel?ve par ailleurs qu?il ne se heurte ? aucun autre motif d?irrecevabilit?. Il convient donc de le d?clarer recevable.
B. Sur le fond
42. Le Gouvernement soutient que les Etats jouissent d?une large marge d?appr?ciation pour ?tablir les conditions entourant les droits ?lectoraux garantis ? l?article 3 du Protocole no 1 et que, de toute mani?re, la limitation en question a une dur?e de cinq ans ? partir de la d?claration de faillite.
43. La requ?rante consid?re que la restriction des droits ?lectoraux du failli repose sur l?id?e que celui-ci est p?nalement responsable de sa faillite. Cette mesure, qui n?a d?autre but que de sanctionner le failli, appara?t aujourd?hui antid?mocratique et repr?sente une atteinte ? la dignit? humaine du failli.
44. La Cour rappelle que l?article 3 du Protocole no 1 implique les droits subjectifs de vote et d??ligibilit? (Mathieu-Mohin et Clerfayt c. Belgique, arr?t du 2 mars 1987, s?rie A no 113, p. 23, ? 51), qu?elle juge cruciaux pour l??tablissement et le maintien des fondements d?une v?ritable d?mocratie r?gie par l??tat de droit (Hirst c. Royaume-Uni (no 2) [GC], no 74025/01, ? 58, CEDH 2005-IX). Elle r?it?re ?galement que, pour importants qu?ils soient, ces droits ne sont pas cependant absolus. Dans leurs ordres juridiques respectifs, les Etats contractants entourent les droits de vote et d??ligibilit? de conditions auxquelles l?article 3 ne met en principe pas obstacle. Ils jouissent en la mati?re d?une large marge d?appr?ciation, mais il appartient ? la Cour de statuer en dernier ressort sur l?observation des exigences du Protocole no 1 ; il lui faut s?assurer que lesdites conditions ne r?duisent pas les droits dont il s?agit au point de les atteindre dans leur substance m?me et de les priver de leur effectivit?, qu?elles poursuivent un but l?gitime et que les moyens employ?s ne se r?v?lent pas disproportionn?s (Gitonas et autres c. Gr?ce, arr?t du 1er juillet 1997, Recueil des arr?ts et d?cisions 1997-IV, ? 39, Aziz c. Chypre, no 69949/01, ? 25, CEDH 2004-V, et Hirst, pr?cit?, ? 62).
45. En l?esp?ce, la Cour rel?ve que la mesure litigieuse est pr?vue par la loi, ? savoir l?article 2, paragraphe 1, lettre a) du d?cret du pr?sident de la R?publique no 223 du 20 mars 1967 ? modifi? par la loi no 15 du 16 janvier 1992 ?, qui pr?voit essentiellement la suspension des droits ?lectoraux du failli pendant la dur?e de la proc?dure de faillite et, en tout ?tat de cause, pendant une p?riode non sup?rieure ? cinq ans ? partir de la d?claration de faillite.
46. De toute ?vidence, cette mesure a constitu? une ing?rence dans les droits ?lectoraux de la requ?rante garantis ? l?article 3 du Protocole no 1.
Par ailleurs, d?autres incapacit?s personnelles d?coulent de la limitation des droits ?lectoraux, comme par exemple l?impossibilit? d?occuper des emplois dans la fonction publique.
47. En outre, la Cour note que l?exercice des droits ?lectoraux de la requ?rante a ?t? suspendu du 30 juin 1997 au 30 juin 2002 et que les ?lections du 13 mai 2001 ont eu lieu pendant cette p?riode.
48. Quant au but poursuivi par cette mesure, la Cour rappelle que, contrairement ? d?autres dispositions de la Convention, l?article 3 du Protocole no 1 ne pr?cise ni ne limite les buts qu?une restriction doit viser. Une grande vari?t? de buts peuvent donc se trouver compatibles avec lui (voir Hirst, pr?cit?, ? 74 et, par exemple, Podkolzina c. Lettonie, no 46726/99, ? 33, CEDH 2002-II).
La Cour rel?ve ?galement que, dans l?affaire Hirst (pr?cit?, ? 74), la Grande Chambre de la Cour a constat? que la restriction du droit de vote des d?tenus pouvait passer pour viser ? pr?venir le crime, renforcer le sens civique et le respect de l??tat de droit.
La Cour tient ? souligner que la proc?dure de faillite dont il est question rel?ve non pas du droit p?nal mais du droit civil. De ce fait, toute notion de dol ou de fraude commis par la personne d?clar?e faillie est ?trang?re aux faits de l?esp?ce, sans quoi on tomberait dans l?hypoth?se du d?lit de banqueroute simple ou frauduleuse, r?gie par les articles 216 et 217 de la loi sur la faillite. La Cour observe en outre que la limitation des droits ?lectoraux du failli poursuit une finalit? de caract?re essentiellement afflictif en visant ? d?valoriser et punir l?int?ress? en tant qu?individu indigne et couvert d?infamie pour la seule raison qu?il a fait l?objet d?une proc?dure de faillite civile.
49. Au vu de ces consid?rations, la Cour estime que la mesure pr?vue par l?article 2 du d?cret du pr?sident de la R?publique no 223 du 20 mars 1967 n?a pour but que de diminuer le failli et qu?elle constitue un bl?me moral pour celui-ci, du seul fait de son insolvabilit? et ind?pendamment de toute culpabilit? (voir, mutatis mutandis, Sabou et Pircalab c. Roumanie, no 46572/99, ? 48, 28 septembre 2004). Ladite mesure ne poursuit donc pas un objectif l?gitime. Par ailleurs, la Cour souligne que, loin d??tre un privil?ge, voter constitue un droit garanti par la Convention (voir Hirst, pr?cit?, ? 75).
Cette conclusion dispense la Cour de v?rifier en l?esp?ce si les moyens employ?s pour atteindre le but poursuivi se r?v?lent disproportionn?s.
Il y a donc eu violation de l?article 3 du Protocole no 1.
III. SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DE L?ARTICLE 8 DE LA CONVENTION, QUANT AU DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIV?E
50. Invoquant l?article 8 de la Convention, la requ?rante se plaint d?une atteinte ? son droit au respect de la vie priv?e dans la mesure o?, en raison de l?inscription de son nom dans le registre des faillis, elle ne peut exercer aucune activit? professionnelle ou commerciale. En outre, elle d?nonce le fait que, selon l?article 143 de la loi sur la faillite, la r?habilitation, qui met fin aux incapacit?s personnelles, ne peut ?tre demand?e que cinq ans apr?s la cl?ture de la proc?dure de faillite.
51. L?article 8 de la Convention est ainsi libell? :
? 1. Toute personne a droit au respect de sa vie priv?e (…).
2. Il ne peut y avoir ing?rence d?une autorit? publique dans l?exercice de ce droit que pour autant que cette ing?rence est pr?vue par la loi et qu?elle constitue une mesure qui, dans une soci?t? d?mocratique, est n?cessaire ? la s?curit? nationale, ? la s?ret? publique, au bien-?tre ?conomique du pays, ? la d?fense de l?ordre et ? la pr?vention des infractions p?nales, ? la protection de la sant? ou de la morale, ou ? la protection des droits et libert?s d?autrui. ?
A. Sur la recevabilit?
52. La Cour constate que ce grief n?est pas manifestement mal fond? au sens de l?article 35 ? 3 de la Convention. Elle rel?ve par ailleurs qu?il ne se heurte ? aucun autre motif d?irrecevabilit?. Il convient donc de le d?clarer recevable.
B. Sur le fond
1. Applicabilit? de l?article 8 de la Convention
53. La Cour fait observer que la vie priv?e ? englobe le droit pour l?individu de nouer et d?velopper des relations avec ses semblables, y compris dans le domaine professionnel et commercial ? (C. c. Belgique, no 21794/93 ? 25, CEDH 1996-III). Elle consid?re ?galement que l?article 8 de la Convention ? prot?ge (…) le droit au d?veloppement personnel et le droit d??tablir et entretenir des rapports avec d?autres ?tres humains et le monde ext?rieur ? (Pretty c. Royaume-Uni, no 2346/02, ? 61, CEDH 2002-III) et que la notion de ? vie priv?e ? n?exclut pas en principe les activit?s de nature professionnelle ou commerciale. D?ailleurs, apr?s tout, c?est dans leur travail que les gens nouent un grand nombre de relations avec le monde ext?rieur (Niemietz c. Allemagne, arr?t du 16 d?cembre 1992, s?rie A no 251-B, ? 29). La Cour rappelle enfin avoir d?clar? r?cemment qu?une interdiction g?n?rale d?occuper un emploi dans le secteur priv? porte atteinte ? la ? vie priv?e ? (Sidabras et D?iautas c. Lituanie, nos 55480/00 et 59330/00, ? 47, CEDH 2004-VIII), compte tenu notamment de l?article 1 ? 2 de la Charte sociale europ?enne, entr?e en vigueur en Italie le 1er septembre 1999, aux termes duquel ? En vue d?assurer l?exercice effectif du droit au travail, les Parties s?engagent (…) ? prot?ger de fa?on efficace le droit pour le travailleur de gagner sa vie par un travail librement entrepris ?.
54. En l?esp?ce, la Cour rel?ve que l?inscription du nom d?une personne dans le registre des faillis implique une s?rie d?incapacit?s personnelles pr?vues par la loi, telles que l?impossibilit? d??tre nomm? tuteur (article 350 du code civil), l?interdiction d??tre nomm? administrateur ou syndic d?une soci?t? commerciale ou coop?rative (articles 2382, 2399, 2417 et 2516 du code civil), l?exclusion ex lege de l?associ? d?une soci?t? (articles 2288, 2293 et 2318 du code civil), l?incapacit? d?exercer la profession de syndic (article 393 du code civil), d?agent de change (article 57 de la loi no 272 de 1913), d?auditeur des comptes (article 5 du d?cret royal no 228 de 1937), d?arbitre (article 812 du code de proc?dure civile). D?autres incapacit?s d?coulent du fait que le failli, comme il ne jouit plus pleinement de ses droits civils, ne peut ?tre inscrit au tableau de certains ordres professionnels (par exemple des avocats, des notaires ou des conseillers commerciaux). De l?avis de la Cour, pareilles incapacit?s, en influant sur la possibilit? pour la requ?rante de d?velopper des relations avec le monde ext?rieur, tiennent ? n?en pas douter ? la sph?re de la vie priv?e de celle-ci (voir, mutatis mutandis, Sidabras et D?iautas, pr?cit?, ? 48). L?article 8 de la Convention est donc applicable en l?esp?ce.
2. Observation de l?article 8 de la Convention
55. Le Gouvernement soutient que les incapacit?s r?sultant de l?inscription du nom du failli dans le registre des faillis concernent uniquement l?exercice des fonctions de tuteur, l?administration d?une soci?t? et certains emplois publics. Il est en fait souhaitable qu?une personne qui n?a pas ?t? r?habilit?e, et qui donc n?en est pas digne (meritevole), ne se charge pas de la gestion des biens d?autrui. Dans cet esprit, la r?habilitation n?est accord?e par le juge qu?? condition que les informations recueillies par la police judiciaire soient positives et qu?il n?y ait pas de condamnations ou de proc?s ? l?encontre du failli.
56. La requ?rante affirme que l?inscription de son nom dans le registre des faillis et les obstacles ? l?octroi de la r?habilitation sont des mesures disproportionn?es ? l?objectif que repr?sente la protection des cr?anciers. En effet, ladite inscription et les nombreuses incapacit?s qui en d?coulent trouvent leurs racines dans la Renaissance, ?poque ? laquelle la d?claration de faillite avait un caract?re essentiellement p?nal.
57. La Cour rel?ve que, pour se concilier avec le paragraphe 2 de l?article 8, une ing?rence dans l?exercice d?un droit garanti par celui-ci doit ?tre ? pr?vue par la loi ?, ?tre inspir?e par un ou des buts l?gitimes d?apr?s ce paragraphe et ?tre ? n?cessaire, dans une soci?t? d?mocratique ?, ? la poursuite de ce ou ces buts (Dudgeon c. Royaume-Uni, arr?t du 22 octobre 1981, s?rie A no 45, ? 43).
58. Compte tenu des consid?rations qui pr?c?dent, la Cour observe que les incapacit?s en question constituent de toute ?vidence une ing?rence dans le droit au respect de la vie priv?e de la requ?rante, et constate que cette ing?rence est pr?vue par la loi, ? savoir l?article 50 de la loi sur la faillite ainsi que la l?gislation sp?ciale, dont une partie est pr?sent?e ci-dessus.
59. Pour ce qui est du but poursuivi, la Cour exprime des doutes quant ? la l?gitimit? de cette l?gislation sp?ciale, la plupart des incapacit?s mentionn?es ayant la nature d?une sanction ? caract?re moral, comme le Gouvernement l?admet implicitement.
60. En m?me temps, la Cour reconna?t que certaines incapacit?s poursuivent le but consistant ? prot?ger les droits d?autrui. Cela est le cas, par exemple, de l?exclusion ex lege de l?associ? failli d?une soci?t?, mesure dont le but est de pr?server la soci?t? in bonis des effets de l?insolvabilit? personnelle de l?associ? (voir arr?t de la Cour de cassation no 75 de 1991).
61. La Cour consid?re que le caract?re abondant de la l?gislation sp?ciale en la mati?re rend difficile l?analyse exhaustive des objectifs de chaque incapacit?.
62. M?me ? supposer que les objectifs de l?article 50 de la loi sur la faillite et de la l?gislation sp?ciale dans ce domaine ne soient pas ill?gitimes, il faut que l?ing?rence en cause soit ? n?cessaire dans une soci?t? d?mocratique ?, au sens de l?article 8 ? 2 de la Convention.
63. La Cour note que les incapacit?s en question ne sont pas le r?sultat d?une d?cision judiciaire, mais une cons?quence automatique de la mise en faillite.
De plus, ? la diff?rence de certaines incapacit?s visant ? prot?ger les cr?anciers de la faillite (telles que la limitation du droit au respect des biens, de la correspondance ou de la libert? de circulation), qui d?butent avec la d?claration de faillite et se terminent avec la cl?ture de la proc?dure, les incapacit?s d?coulant de l?inscription du nom du failli dans le registre ne cessent qu?une fois obtenue l?annulation de cette inscription.
64. Cette annulation a lieu avec la r?habilitation civile, laquelle, au-del? des hypoth?ses de paiement int?gral des cr?ances et d?ex?cution r?guli?re du concordat de faillite, ne peut ?tre demand?e que par le failli ayant fait preuve d?une ? bonne conduite effective et constante ? pendant au moins cinq ans ? compter de la cl?ture de la proc?dure (article 143 de la loi sur la faillite).
Dans cette derni?re hypoth?se, qui correspond au cas de la requ?rante, il ne s?agit pas de prot?ger les cr?anciers de la faillite, mais plut?t de r?parer le pr?judice caus? par la faillite au bien public. En effet, par l?expression ? bonne conduite ? il faut entendre un comportement moralement correct du failli envers la soci?t? (voir La crisi d?impresa, il fallimento, pr?cit?, p. 748).
Le r?tablissement des capacit?s personnelles de la requ?rante d?pend donc d?un jugement d?ordre essentiellement moral sur la dignit? de celle-ci.
65. Tout en rappelant que la proc?dure de faillite dont il est question rel?ve non pas du droit p?nal mais du droit civil, la Cour note qu?elle a d?j? constat? la violation de l?article 8 de la Convention, quant au droit au respect de la vie familiale, en raison de l?application automatique et absolue d?une peine accessoire ? ? savoir l?interdiction d?exercer les droits parentaux ? ? toute personne purgeant une peine de prison, sans aucun contr?le des tribunaux (voir Sabou et Pircalab, pr?cit?, ? 48).
En outre, dans l?affaire Hirst (pr?cit?, ? 82), la Cour a condamn? la mesure consistant ? priver les d?tenus du droit de vote au motif qu?elle constituait une restriction globale, automatique et indiff?renci?e d?un droit consacr? par la Convention.
Enfin, la Cour rappelle l?affaire P.G. c. Italie (no 22716/93, rapport de la Commission du 26 juin 1996), concernant la mise en faillite d?une soci?t? de fait existant entre un p?re et son fils, mineur ? l??poque. Dans son rapport, la Commission a conclu ? la violation de l?article 8 de la Convention, quant au droit au respect de la vie priv?e de l?enfant. Elle a estim? que le fait que le tribunal ait rejet? la demande de r?habilitation form?e par celui-ci uniquement parce que la p?riode de cinq ans apr?s la cl?ture de la proc?dure ne s??tait pas ?coul?e constituait une ing?rence disproportionn?e au but que repr?sentait la protection des cr?anciers. La Commission estimait que le tribunal aurait d? prendre en compte les circonstances particuli?res de l?affaire, notamment le fait que le requ?rant ?tait alors mineur et que son p?re g?rait l?entreprise par la suite d?clar?e en faillite.
66. La Cour estime donc qu?en raison du caract?re automatique de l?inscription du nom du failli dans le registre et de l?absence d??valuation et de contr?le juridictionnels quant ? l?application des incapacit?s en d?coulant, ainsi que du d?lai d?obtention de la r?habilitation, l?ing?rence pr?vue ? l?article 50 de la loi sur la faillite dans le droit au respect de la vie priv?e de la requ?rante n?est pas ? n?cessaire dans une soci?t? d?mocratique ?, au sens de l?article 8 ? 2 de la Convention.
Il y a donc eu violation de l?article 8 de la Convention.
IV. SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DE L?ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
67. Invoquant l?article 13 de la Convention, la requ?rante se plaint de ne pas avoir dispos? d?un recours effectif pour se plaindre des incapacit?s patrimoniales et personnelles qui l?ont frapp?e pendant toute la proc?dure de faillite et qui restent en vigueur jusqu?? l?obtention de la r?habilitation. L?article 13 est ainsi libell? :
? Toute personne dont les droits et libert?s reconnus dans la (…) Convention ont ?t? viol?s, a droit ? l?octroi d?un recours effectif devant une instance nationale, alors m?me que la violation aurait ?t? commise par des personnes agissant dans l?exercice de leurs fonctions officielles. ?
A. Sur la recevabilit?
68. Selon le Gouvernement, la requ?rante aurait pu, en vertu de l?article 18 de la loi sur la faillite, former un recours en opposition au jugement d?clarant sa faillite, et contester ainsi les incapacit?s patrimoniales et personnelles qui en d?coulaient. Elle aurait pu ?galement exercer un recours fond? sur l?article 26 ou l?article 36 de la loi sur la faillite.
69. La requ?rante soutient que le recours en opposition ne constitue pas un rem?de efficace pour se plaindre de la restriction prolong?e des capacit?s personnelles et patrimoniales du failli.
70. La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante, l?article 13 de la Convention exige un recours interne pour les seuls griefs que l?on peut estimer ? d?fendables ? au regard de la Convention. Il garantit l?existence en droit interne d?un recours permettant de s?y pr?valoir en substance des droits et libert?s de la Convention tels qu?ils peuvent s?y trouver consacr?s. Cette disposition exige donc un recours interne habilitant ? l?instance nationale comp?tente ? ? conna?tre du contenu du grief fond? sur la Convention et ? offrir le redressement appropri?. Le recours doit ?tre ? effectif ? en pratique comme en droit (voir Soering c. Royaume-Uni, arr?t du 7 juillet 1989, s?rie A no 161, ? 120, et Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95, ? 67, CEDH 2000-V).
71. Quant ? la partie du grief concernant la limitation prolong?e du droit au respect de la correspondance (article 8 de la Convention), du droit au respect des biens (article 1 du Protocole no 1), et de la libert? de circulation (article 2 du Protocole no 4), la Cour rappelle avoir conclu ? la non-violation. Partant, elle estime que, puisqu?il ne s?agit pas de griefs ? d?fendables ? au regard de la Convention, cette partie de la requ?te doit ?tre rejet?e pour d?faut manifeste de fondement, en vertu de l?article 35 ?? 3 et 4 de la Convention.
72. Quant au volet du grief portant sur les incapacit?s personnelles qui r?sultent de l?inscription du nom du failli dans le registre des faillis et qui sont maintenues jusqu?? l?obtention de la r?habilitation civile, la Cour constate qu?il n?est pas manifestement mal fond? au sens de l?article 35 ? 3 de la Convention. Elle rel?ve par ailleurs qu?il ne se heurte ? aucun autre motif d?irrecevabilit?. Il convient donc de le d?clarer recevable.
B. Sur le fond
73. La Cour rappelle qu?elle a conclu ? la violation de l?article 8 de la Convention quant au droit au respect de la vie priv?e de la requ?rante, en raison de la limitation de ses capacit?s personnelles d?coulant de l?inscription de son nom dans le registre des faillis et perdurant jusqu?? l?obtention de la r?habilitation civile. Ce grief rev?t donc sans conteste un caract?re ? d?fendable ? au regard de la Convention. D?s lors, la requ?rante ?tait en droit de b?n?ficier d?un recours interne effectif au sens de l?article 13 de la Convention.
74. La Cour rel?ve que le recours en opposition au jugement d?clarant la faillite, r?gi par l?article 18 de la loi sur la faillite, pr?voit la possibilit? pour le failli de saisir le tribunal dans les quinze jours suivant la prise de connaissance effective du jugement en question, afin d?en contester la l?gitimit? et d?en obtenir la r?vocation. De l?avis de la Cour, ce recours ne constitue pas un rem?de efficace pour se plaindre de la limitation des capacit?s personnelles qui perdure jusqu?? l?obtention de la r?habilitation civile, compte tenu notamment du d?lai pr?vu pour son introduction (voir Neroni c. Italie, no 7503/02, ? 35, 22 avril 2004).
75. De surcro?t, la Cour observe que l?article 26 de la loi sur la faillite pr?voit certes la possibilit? pour le failli de former un recours devant le tribunal ; toutefois, un tel recours ne peut porter que sur les d?cisions du juge d?l?gu? et ne peut de ce fait constituer un rem?de efficace contre le maintien des incapacit?s du failli, cons?quence directe non pas d?une d?cision du juge d?l?gu? mais du jugement d?clarant la faillite ou de l?inscription du nom du failli dans le registre des faillis.
Quant ? l?article 36 de la loi sur la faillite, il pr?voit la possibilit? de saisir le juge d?l?gu? pour se plaindre des actes d?administration du syndic. Cependant, la Cour observe que ce recours concerne les activit?s d?administration du patrimoine du failli accomplies par le syndic jusqu?? la vente des biens et la satisfaction des cr?anciers. Il ne peut donc en aucun cas ?tre de nature ? rem?dier ? la prolongation des incapacit?s du failli (Bottaro c. Italie, no 56298/00, ? 45, 17 juillet 2003, et Ceteroni et Magri c. Italie, requ?tes nos 22461/93 et 22465/93, d?cision de la Commission du 17 octobre 1994).
76. Par ailleurs, la Cour rappelle avoir constat? la violation de l?article 13 de la Convention ? raison de l?absence, en droit interne, d?un recours effectif permettant de se plaindre du contr?le prolong? de la correspondance du failli (voir Bottaro, pr?cit?, ?? 41-46).
77. Au vu de ce qui pr?c?de, la Cour conclut qu?il y a eu violation de l?article 13 de la Convention.
V. SUR L?APPLICATION DE L?ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
78. Aux termes de l?article 41 de la Convention,
? Si la Cour d?clare qu?il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d?effacer qu?imparfaitement les cons?quences de cette violation, la Cour accorde ? la partie l?s?e, s?il y a lieu, une satisfaction ?quitable. ?
A. Dommage
79. La requ?rante pr?sente une expertise ?valuant le pr?judice mat?riel ? 25 847,05 euros (EUR), somme correspondant au salaire minimum (pensione sociale) que l?int?ress?e aurait d? percevoir depuis la date de la d?claration de faillite. Elle demande aussi 500 000 EUR pour dommage moral.
80. Le Gouvernement conteste ces pr?tentions.
81. N?apercevant pas de lien de causalit? entre les violations constat?es et le dommage mat?riel all?gu?, la Cour rejette la premi?re demande. Quant au pr?judice moral, elle estime que, eu ?gard ? l?ensemble des circonstances de l?affaire, les constats de violation figurant dans le pr?sent arr?t fournissent en soi une satisfaction ?quitable suffisante.
B. Frais et d?pens
82. La requ?rante demande 19 979, 39 EUR pour les frais et d?pens expos?s devant la Cour, ainsi que 1 757, 55 EUR pour les frais d?expertise.
83. Le Gouvernement s?oppose ? ces pr?tentions.
84. Selon la jurisprudence de la Cour, un requ?rant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et d?pens que dans la mesure o? se trouvent ?tablis leur r?alit?, leur n?cessit? et le caract?re raisonnable de leur taux. En l?esp?ce, compte tenu des ?l?ments en sa possession et des crit?res susmentionn?s, la Cour estime raisonnable la somme de 2 000 EUR au titre des frais et d?pens pour la proc?dure devant la Cour et l?accorde ? la requ?rante.
C. Int?r?ts moratoires
85. La Cour juge appropri? de baser le taux des int?r?ts moratoires sur le taux d?int?r?t de la facilit? de pr?t marginal de la Banque centrale europ?enne major? de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, ? L?UNANIMIT?,
1. D?clare la requ?te recevable quant aux griefs tir?s des articles 8 de la Convention, 1 du Protocole no 1, 2 du Protocole no 4, 3 du Protocole no 1 et, quant aux incapacit?s personnelles r?sultant de l?inscription du nom du failli dans le registre des faillis, 13 de la Convention, et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu?il n?y a pas eu violation de l?article 8 de la Convention (quant au droit au respect de la correspondance), de l?article 1 du Protocole no 1 et de l?article 2 du Protocole no 4 ;
3. Dit qu?il y a eu violation des articles 8 de la Convention (quant au droit au respect de la vie priv?e), 3 du Protocole no 1 et 13 de la Convention ;
4. Dit que les constats de violation constituent en soi une satisfaction ?quitable suffisante pour le pr?judice moral subi par la requ?rante ;
5. Dit
a) que l?Etat d?fendeur doit verser ? la requ?rante, dans les trois mois ? compter du jour o? l?arr?t sera devenu d?finitif conform?ment ? l?article 44 ? 2 de la Convention, 2 000 EUR (deux mille euros) pour frais et d?pens, plus tout montant pouvant ?tre d? ? titre d?imp?t ;
b) qu?? compter de l?expiration dudit d?lai et jusqu?au versement, ce montant sera ? majorer d?un int?r?t simple ? un taux ?gal ? celui de la facilit? de pr?t marginal de la Banque centrale europ?enne applicable pendant cette p?riode, augment? de trois points de pourcentage ;
6. Rejette la demande de satisfaction ?quitable pour le surplus.
Fait en fran?ais, puis communiqu? par ?crit le 23 mars 2006 en application de l?article 77 ?? 2 et 3 du r?glement.
Vincent Berger Bo?tjan M. Zupančič
Greffier Pr?sident
ARR?T CAMPAGNANO c. ITALIE
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