TROISI?ME SECTION
AFFAIRE BAYKIN ET AUTRES c. RUSSIE
(Requ?te no 45720/17)
ARR?T
Art 1 P 1 ? R?glementer l?usage des biens ? Absence de base l?gale claire et pr?visible pour une injonction de d?molir une maison situ?e ? proximit? d?un ol?oduc
STRASBOURG
11 f?vrier 2020
Cet arr?t deviendra d?finitif dans les conditions d?finies ? l?article 44 ? 2 de la Convention .Il peut subir des retouches de forme.
En l?affaire Baykin et autres c. Russie,
La Cour europ?enne des droits de l?homme (troisi?me section), si?geant en une Chambre compos?e de :
Paul Lemmens, pr?sident,
Georgios A. Serghides,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Helen Keller,
Dmitry Dedov,
Alena Pol??kov?,
Erik Wennerstr?m, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,
Apr?s en avoir d?lib?r? en chambre du conseil le 21 janvier 2020,
Rend l?arr?t que voici, adopt? ? cette date :
PROC?DURE
1. ? l?origine de l?affaire se trouve une requ?te (no 45720/17) dirig?e contre la F?d?ration de Russie et dont trois ressortissants de cet ?tat, MM. Stanislav Anatolyevich Baykin (? le premier requ?rant ?), Anatoliy Timpofeyevich Baykin (? le deuxi?me requ?rant ?) et Mme Larisa Nikolayevna Baykina (? la troisi?me requ?rante ?), ont saisi la Cour le 17 juin 2017 en vertu de l?article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l?homme et des libert?s fondamentales (? la Convention ?).
2. Le gouvernement russe (? le Gouvernement ?) a ?t? repr?sent? par M. M. Galperine, repr?sentant de la F?d?ration de Russie aupr?s de la Cour europ?enne des droits de l?homme.
3. Les requ?rants all?guaient en particulier que leur droit au respect de leurs biens et de leur domicile avait ?t? m?connu.
4. Le 3 septembre 2018, les griefs tir?s de l?article 8 de la Convention et de l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention ont ?t? communiqu?s au Gouvernement et la requ?te a ?t? d?clar?e irrecevable pour le surplus conform?ment ? l?article 54 ? 3 du r?glement de la Cour.
EN FAIT
LES CIRCONSTANCES DE L?ESP?CE
5. Le premier requ?rant est le fils du deuxi?me requ?rant et de la troisi?me requ?rante. Il est n? en 1982 et r?side ? Dubovaya Roshcha (district Ramenski, r?gion de Moscou). Le deuxi?me requ?rant et la troisi?me requ?rante sont n?s respectivement en 1942 et 1950 et r?sident ? Safonovsko?e (district Ramenski, r?gion de Moscou).
Les informations relatives ? l?ol?oduc dans le district Ramenski
6. Depuis 1974, un ol?oduc (????????? ????????????? ???????????????????) souterrain est en service dans la r?gion de Moscou. L?axe de l?ol?oduc, qui est de la classe III (paragraphe 40 in fine ci-dessous) passe notamment par le district Ramenski.
7. La soci?t? AO Mostransnefteprodukt ?tait propri?taire et exploitante de l?ol?oduc jusqu?? ce qu?elle le vende, en 2016, ? la soci?t? AO Transneft ? Verkhnyaya Volga.
8. Le 11 juillet 1995, le chef de l?administration r?gionale de Moscou adopta le d?cret no 134-PG relatif aux mesures destin?es ? assurer la s?curit? de l?exploitation des gazoducs et ol?oducs dans la r?gion de Moscou. Ce d?cret enjoignait aux chefs des administrations locales d?identifier les endroits o? passaient les gazoducs et ol?oducs et de s?assurer que ces installations ?taient correctement indiqu?es sur les plans locaux d?urbanisme, d?identifier les zones prot?g?es (???????? ????) et les zones de distances minimales de s?curit? (???? ?????????? ?????????? ??????????) par rapport aux axes des gazoducs et ol?oducs, et de n?attribuer des parcelles de terrain aux particuliers qu?avec l?accord ?crit des soci?t?s exploitantes de ces installations dangereuses.
9. Par deux lettres du 16 d?cembre 2003 et du 20 novembre 2011, la soci?t? AO Mostransnefteprodukt avertit le chef de l?administration du village de Safonovsko?e du passage de l?ol?oduc sur le territoire du village et lui rappela l?interdiction de toute construction ? proximit? de l?ol?oduc.
10. Le 19 mars 2004, la m?me soci?t? ?mit un ? avertissement ? ? l?attention du chef de l?administration locale du sous-district Safonovski (district Ramenski) concernant la pr?sence de l?ol?oduc dans le sous-district et l?interdiction de toute construction dans les zones prot?g?es le long de l?axe de celui-ci.
11. Par une lettre du 10 f?vrier 2013, l?administration r?gionale de Moscou attira l?attention des chefs des administrations locales sur le probl?me de la construction non agr??e (??????????????? ?????????????) d?habitations dans les zones prot?g?es et les zones de distances minimales (???? ??????????? ??????????) ? proximit? de l?ol?oduc.
12. Le 12 septembre 2013, l?axe de l?ol?oduc et la zone prot?g?e de 25 m?tres de chaque c?t? de celui-ci furent report?s sur la carte publique cadastrale. La zone prot?g?e fut inscrite dans la rubrique intitul?e ? zones soumises ? des conditions sp?ciales d?usage ? (?????).
L?acquisition d?une parcelle et d?une maison par le requ?rant et les faits ult?rieurs
13. Le 25 octobre 2013, M. G. enregistra au cadastre d??tat une parcelle de terrain constructible, pr?alablement arpent?e, se situant dans le village de Safonovsko?e. Le type de la parcelle permettait la construction d?une maison individuelle de campagne (??? ??????? ????????????? ? ?????? ?????????? ?????? ????). Une maison inachev?e se trouvait sur cette parcelle.
14. Le 15 novembre 2013, M. G. enregistra dans le registre unifi? des droits immobiliers son droit de propri?t? sur ladite parcelle.
15. Comme cela fut ult?rieurement ?tabli (voir infra), l?axe de l?ol?oduc passait ? 68 m?tres de la limite de la parcelle et ? 72 m?tres de la maison.
16. Le 8 f?vrier 2014, le premier requ?rant acheta la parcelle susmentionn?e ainsi que la maison inachev?e qui s?y trouvait. Selon le certificat de propri?t? sur la parcelle, le droit de propri?t? sur celle-ci ne subissait aucune restriction.
Le 22 septembre 2014, ayant termin? la construction de la maison, le premier requ?rant enregistra son droit de propri?t? sur celle-ci selon la proc?dure simplifi?e, c?est-?-dire sur pr?sentation du titre de propri?t? sur la parcelle uniquement.
? un moment non pr?cis? dans le dossier, le deuxi?me requ?rant et la troisi?me requ?rante s?install?rent dans la maison.
17. Le 27 octobre 2014, ? la demande du premier requ?rant, l?administration de Safonovsko?e attribua ? la maison une adresse postale.
18. Le 31 mars 2015, l?administration du district Ramenski, avec la participation des repr?sentants de l?administration du village de Safonovsko?e et de la soci?t? AO Mostransnefteprodukt, proc?da ? un contr?le sur la parcelle du premier requ?rant et dressa un ? acte de v?rification du respect de la l?gislation fonci?re ?. ? l?issue de ce contr?le, il fut ?tabli que la distance entre la limite de la parcelle du requ?rant et l?axe de l?ol?oduc ?tait de 68 m?tres, et que la distance entre la maison et l?axe de l?ol?oduc ?tait de 72 m?tres.
19. Par une lettre du 11 mai 2015, l?administration du district Ramenski confirma au requ?rant qu?il n??tait pas n?cessaire qu?il obt?nt un permis de construire pour ?difier une maison de campagne individuelle sur sa parcelle.
20. Le 20 mai 2015, la soci?t? AO Mostransnefteprodukt ?mit ? l?attention du premier requ?rant un ordre (???????????) de d?molition de la maison afin que la ? distance minimale admissible ? entre la construction et l?axe de l?ol?oduc f?t respect?e, dans un d?lai d?un mois ? compter de la r?ception dudit ordre.
Le contentieux subs?quent
21. En l?absence de l?ex?cution de l?ordre par le premier requ?rant, le 30 juillet 2015, la soci?t? AO Mostransnefteprodukt assigna l?int?ress? devant le tribunal de la ville de Ramensko?e et demanda que la d?molition de la maison f?t ordonn?e.
L?administration du district Ramenski, qui participait au proc?s comme tierce partie, ne pr?senta pas de conclusions et s?en remit ? la sagesse du tribunal.
22. Par un jugement du 30 septembre 2015, le tribunal de Ramensko?e jugea que la maison du premier requ?rant ?tait une construction ill?gale et ordonna sa d?molition aux frais de l?int?ress?.
Le premier et le deuxi?me requ?rants firent appel du jugement.
23. Dans le cadre de l?examen de l?affaire en appel, la cour r?gionale de Moscou (? la cour r?gionale ?) convoqua le deuxi?me requ?rant comme tierce partie int?ress?e et constata par ailleurs que la v?ritable partie demanderesse ?tait la soci?t? AO Transneft ? Verkhnyaya Volga, propri?taire de l?ol?oduc depuis 2016.
24. Par une lettre du 25 janvier 2016, l?administration de Safonovsko?e informa la cour r?gionale que, depuis la fondation officielle du village de Safonovsko?e, en 2005, elle n?avait jamais re?u d?informations relatives ? la situation exacte de l?ol?oduc et aux zones prot?g?es.
25. Le 28 novembre 2016, la cour r?gionale rendit son arr?t, par lequel elle infirma le jugement du tribunal, mais accueillit l?action de la soci?t? AO Transneft ? Verkhnyaya Volga.
26. D?une part, la cour r?gionale cita l?article 56 du code foncier et les r?gles de protection des gazoducs et ol?oducs dans leurs parties relatives aux zones prot?g?es (paragraphes 37 et 45 ci-dessous). Elle constata que l?ol?oduc avait ?t? construit plusieurs d?cennies avant la maison et que, d?j? en 2013, la zone prot?g?e le long de l?axe de celui-ci avait ?t? enregistr?e dans le cadastre d??tat qui ?tait accessible ? tous.
27. D?autre part, se r?f?rant ? l?article 7.15 et au tableau 4 y annex? du r?glement actualis? de construction des gazoducs et ol?oducs no 2.05.06?85, en vigueur ? compter du 1er juillet 2013, la cour r?gionale consid?ra que la distance minimale qui devait ?tre respect?e entre l?axe de l?ol?oduc de la classe III et la maison ?tait de 100 m?tres. Elle jugea que le respect de l?article 7.15 du r?glement actualis? de construction et du tableau 4 y annex? ?tait obligatoire en vertu du d?cret du Gouvernement du 21 juin 2010 no 1047-r (paragraphes 40 et 41 ci-dessous).
28. La cour r?gionale conclut que la maison avait ?t? construite ? sans respecter les distances de s?curit? (??? ?????????? ?????????? ??????????) jusqu?? [l?ol?oduc] ? 100 m ?, et donc en violation grave des normes d?urbanisme et de construction. Par cons?quent, elle jugea que la maison devait ?tre qualifi?e de ? construction ill?gale ? et d?molie aux frais du premier requ?rant.
29. Tous les requ?rants se pourvurent en cassation. Ils reprochaient entre autres ? la juridiction d?appel de ne pas avoir pris en compte le fait qu?aucune restriction au droit de propri?t? du premier requ?rant sur la parcelle n?avait ?t? enregistr?e, et arguaient que les zones de distances minimales n?avaient ?t? enregistr?es dans aucun registre et n?avaient ?t? mentionn?es dans aucun document officiel. Ils all?guaient qu?aucune faute de leur part n?avait jamais ?t? ?tablie et, enfin, que la juridiction d?appel n?avait pas statu? sur l?expulsion du deuxi?me requ?rant et de la troisi?me requ?rante de leur seul logement.
30. Les 3 et 4 avril 2017, un juge unique de la cour r?gionale de Moscou refusa de transmettre les pourvois en cassation des trois requ?rants pour examen au pr?sidium de cette juridiction. Il fit siennes les conclusions de la juridiction d?appel et rajouta dans sa d?cision la r?f?rence ? l?article 90 du code foncier concernant les zones prot?g?es le long des gazoducs et ol?oducs. Il consid?ra ?galement que les besoins de protection de la vie et de la sant? des citoyens, y compris des requ?rants, primaient sur les int?r?ts de ces derniers ? habiter la maison litigieuse. Par cons?quent, il estima que l?argument des requ?rants tir? de leur bonne foi et de l?absence de toute faute lors de la construction de la maison ?tait sans pertinence. Enfin, en r?pondant au moyen relatif ? la menace d?expulsion du logement du deuxi?me requ?rant et de la troisi?me requ?rante, il consid?ra que la maison en question, ?tant une construction ill?gale, n??tait pas un ? logement ?, et qu?aucune demande en expulsion n?avait ?t? soumise aux juridictions du fond.
31. Le 22 mai 2017, un juge unique de la Cour supr?me de Russie refusa de transmettre les pourvois en cassation des requ?rants pour examen ? la chambre civile de cette juridiction.
Autres informations pertinentes
32. Le 21 avril 2017, la Chambre civique (O??????????? ??????), un organisme public consultatif, tint une table ronde autour du probl?me du contentieux relatif ? la d?molition des habitations situ?es ? proximit? des gazoducs et ol?oducs. Elle releva que ce contentieux ?tait pr?sent dans pr?s d?un tiers des r?gions de Russie et qu?il g?n?rait des tensions sociales et de la m?fiance de la part des citoyens envers les autorit?s ; que, dans la vaste majorit? des cas, les tribunaux accueillaient les demandes des soci?t?s exploitantes des installations dangereuses ; que le seul facteur que les tribunaux consid?raient comme pertinent ?tait la situation des habitations dans une zone prot?g?e ou dans une zone de distances minimales ; que les propri?taires des habitations ne recevaient g?n?ralement aucune indemnisation ; et que ce probl?me d?valorisait la port?e de l?enregistrement du droit de propri?t? dans le registre unifi?.
33. La Chambre civique pr?conisa, inter alia : de fixer la notion de ? zone de distances minimales ? dans plusieurs lois et actes infral?gislatifs ; de fixer dans le code foncier les restrictions aux droits r?els sur les terrains situ?s dans les zones de distances minimales, ? l?instar des restrictions aux droits r?els existantes sur les terrains situ?s dans les zones prot?g?es ; d?enregistrer dans le registre unifi? et dans le cadastre d??tat les informations relatives non seulement aux zones prot?g?es mais aussi aux zones de distances minimales ; de pr?voir une indemnisation pour les propri?taires de bonne foi en cas d?injonction de d?molition de leurs habitations se situant ? proximit? des gazoducs et ol?oducs.
34. ? la date du 20 juin 2018, le type de la parcelle du premier requ?rant restait inchang?.
35. Par une lettre du 18 f?vrier 2019, l?autorit? d?enregistrement des biens immobiliers et du cadastre informa le premier requ?rant que sa parcelle ne se situait dans aucune zone prot?g?e et que son droit de propri?t? ne subissait aucune restriction.
36. Dans ses observations en r?plique du 19 avril 2019, le Gouvernement a inform? la Cour que le droit de propri?t? du premier requ?rant sur la maison litigieuse n??tait pas annul?. Par une lettre du 24 juillet 2019, les requ?rants ont inform? la Cour que leur maison n?avait pas ?t? d?molie.
LE DROIT INTERNE PERTINENT
Sur les zones prot?g?es
37. Selon les r?gles de protection des gazoducs et ol?oducs (??????? ?????? ????????????? ?????????????), en vigueur depuis 1992, les zones prot?g?es de 25 m?tres de chaque c?t? des axes des gazoducs et ol?oducs sont instaur?es afin d?exclure la possibilit? d?endommagement de ces installations.
38. Les r?gles relatives ? l?exploitation technique des ol?oducs (??????a ??????????? ???????????? ????????????? ?????????????????????), en vigueur depuis le 11 janvier 1999, citent ?galement les zones prot?g?es de 25 m?tres de chaque c?t? des axes des ol?oducs et mentionnent que celles-ci doivent ?tre indiqu?es sur les plans g?n?raux et locaux d?urbanisme.
Sur les distances minimales
L?ancien r?glement de construction
39. Le r?glement de construction des gazoducs et ol?oducs no 2.05.06-85* (???? 2.05.06-85* ?????????????? ?????????????) (? l?ancien r?glement ?), en vigueur entre le 1er janvier 1986 et le 1er juillet 2013, contenait les r?gles de construction pour ces installations. Selon son pr?ambule, ce r?glement ?tait applicable ? la conception et ? la construction de nouveaux gazoducs et ol?oducs et ? la reconstruction de gazoducs et ol?oducs existants.
40. Selon l?article 1.5 de l?ancien r?glement, il ?tait interdit d?installer des gazoducs et ol?oducs dans les villes. La partie 3 de ce r?glement, intitul?e ? Cahier des charges g?n?ral applicable aux gazoducs et ol?oducs ? contenait l?article 3.16, selon lequel les distances minimales entre, d?un c?t?, l?axe du gazoduc ou de l?ol?oduc et, d?un autre c?t?, les habitations ou autres immeubles, devaient ?tre fix?es en fonction du type et de la classe de l?installation et de la n?cessit? de la prot?ger ainsi que du type d?immeuble, et ne pouvaient pas ?tre inf?rieures ? celles indiqu?es dans le tableau 4 annex? ? cet article. Selon ce tableau, en fonction des param?tres pr?cit?s, ces distances peuvent aller de 30 m?tres jusqu?? 3 kilom?tres. En particulier, les distances minimales entre les axes des installations de classe III et les habitations sont de 100 m?tres.
41. Le 21 juin 2010, le Gouvernement a adopt? le d?cret no 1047-r, qui rendait obligatoire le respect de certaines dispositions de l?ancien r?glement. Les dispositions de l?article 3.16 n?y ?taient pas mentionn?es.
Le r?glement actualis? de construction
42. Le 1er juillet 2013, le r?glement actualis? de construction des gazoducs et ol?oducs no 2.05.06-85* (?? 36.13330.2012 ????????????? ????????????. ????????????????? ???????? ???? 2.05.06-85*) (? le r?glement actualis? ?) est entr? en vigueur. Selon son pr?ambule, ce r?glement concerne la conception et la construction de nouveaux gazoducs et ol?oducs et la reconstruction de gazoducs et ol?oducs existants.
43. L?article 5.4 du r?glement actualis? est identique ? l?article 1.5 de l?ancien r?glement, et l?intitul? de la partie 7 est identique ? celui de la partie 3 de l?ancien r?glement. L?article 7.15 est identique ? l?article 3.16 de l?ancien r?glement, et il contient le m?me tableau 4 que dans l?ancien r?glement (paragraphe 40 ci-dessus).
44. Le 26 d?cembre 2014, le Gouvernement a adopt? le d?cret no 1521 rendant obligatoire, ? compter du 1er juillet 2015, le respect de certaines dispositions du r?glement actualis?, dont les dispositions de l?article 7.15.
Autres dispositions pertinentes
45. Les autres dispositions internes pertinentes en l?esp?ce en vigueur ? l??poque des faits, y compris celles des articles 56 et 90 du code foncier, sont expos?es dans l?arr?t Zhidov et autres c. Russie (nos. 54490/10 et 3 autres, ?? 49-62, 16 octobre 2018).
46. ? compter du 4 ao?t 2018, un nouveau chapitre XIX du code foncier, intitul? ? Zones soumises ? des conditions sp?ciales d?usage ?, est entr? en vigueur. L?article 105 de ce chapitre donne la liste de ces zones, qui inclut les zones prot?g?es et les zones de distances minimales. Selon l?article 106 de ce chapitre, la r?glementation du r?gime de chacune de ces zones rel?ve de la comp?tence du Gouvernement. L?article 107 de ce chapitre traite, entre autres, des questions relatives ? l?indemnisation pour les restrictions au droit de propri?t? sur les terrains situ?s dans ces zones et pour l?obligation de d?molir les immeubles situ?s dans ces zones.
47. Toujours ? compter du 4 ao?t 2018, le code civil, le code d?urbanisme, la loi relative ? l?enregistrement des biens immobiliers et d?autres lois furent modifi?s en ce qui concerne les restrictions aux droits r?els sur les terrains situ?s dans les zones soumises ? des conditions sp?ciales d?usage.
48. Le 3 juillet 2019, la Cour constitutionnelle de Russie a rendu l?arr?t no 26-P concernant la r?paration du pr?judice caus? aux propri?taires de bonne foi des immeubles se situant ? proximit? des gazoducs et ol?oducs. Dans cet arr?t, la haute juridiction a not? que, malgr? le principe de transparence des donn?es contenues dans le registre unifi? des droits immobiliers et dans le cadastre d??tat, les donn?es relatives aux zones de distances minimales avaient ?t? absentes de ces registres jusqu?? l?entr?e en vigueur de la loi f?d?rale du 4 ao?t 2018 (paragraphes 46 et 47 ci-dessus). La Cour constitutionnelle a estim?, inter alia, que, jusque-l?, le m?canisme d?information des propri?taires des terrains quant aux zones de ceux-ci qui ?taient soumises ? des conditions sp?ciales d?usage avait ?t? insuffisant.
EN DROIT
SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DE L?ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 ? LA CONVENTION
49. Le premier requ?rant voit dans la qualification par la justice de sa maison de construction ill?gale et dans l?injonction de d?molition de celle-ci une violation de l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention, ainsi libell? :
? Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut ?tre priv? de sa propri?t? que pour cause d?utilit? publique et dans les conditions pr?vues par la loi et les principes g?n?raux du droit international.
Les dispositions pr?c?dentes ne portent pas atteinte au droit que poss?dent les ?tats de mettre en vigueur les lois qu?ils jugent n?cessaires pour r?glementer l?usage des biens conform?ment ? l?int?r?t g?n?ral ou pour assurer le paiement des imp?ts ou d?autres contributions ou des amendes. ?
Th?ses des parties
Le Gouvernement
50. Le Gouvernement all?gue que la pr?sence du gazoduc a ?t? mat?rialis?e sur le plan local d?urbanisme du village de Safonovsko?e valid? par le conseil local les 6 et 27 d?cembre 2017. Il cite diff?rentes dispositions internes r?gissant les zones prot?g?es autour des ol?oducs et indique que la zone prot?g?e de chaque c?t? de l?axe de l?ol?oduc est visible sur la carte publique cadastrale depuis le 12 septembre 2013 et que cette carte est accessible ? tous.
51. Le Gouvernement cite par ailleurs le r?glement actualis? de construction des gazoducs et ol?oducs, devenu obligatoire ? compter du 1er juillet 2015 en application du d?cret no 1521 du 26 d?cembre 2014 (paragraphes 42-44 ci-dessus).
52. Le Gouvernement en d?duit que la construction de la maison en cause a ?t? effectu?e en violation des dispositions relatives aux zones prot?g?es et aux distances minimales et que l?injonction de d?molition de celle-ci ?tait donc conforme ? la loi.
53. S?agissant de l?existence d?un but l?gitime de l?ing?rence des autorit?s dans le droit du requ?rant au respect de son bien ? la protection de la vie et de la sant? des requ?rants et la s?curit? de l?exploitation de l?ol?oduc ?, le Gouvernement insiste sur la marge d?appr?ciation des autorit?s internes dans le domaine foncier et dans celui des installations dangereuses.
54. Enfin, le Gouvernement estime que l?ing?rence ?tait proportionn?e et que la seule solution possible dans la pr?sente affaire ?tait la d?molition de la maison litigieuse.
Le premier requ?rant
55. Le premier requ?rant soutient qu?il ne savait pas et ne pouvait pas savoir qu?un ol?oduc se situait ? c?t? de la parcelle qu?il avait achet?e car le trac? de celui-ci n?aurait figur? sur le plan local d?urbanisme de Safonovsko?e qu?? partir de 2017. Il all?gue aussi que ni l?ol?oduc ni la zone prot?g?e n?ont jamais ?t? balis?s, en violation, selon lui, des r?gles de protection des gazoducs et ol?oducs et de la loi relative ? la s?curit? industrielle.
56. Le premier requ?rant consid?re que la construction de la maison avait ?t? express?ment permise par les autorit?s locales comp?tentes alors que, selon lui, celles-ci savaient pertinemment que l?ol?oduc se situait ? proximit?. Par ailleurs, le requ?rant argue que les autorit?s au niveau f?d?ral (l?autorit? d?enregistrement des droits immobiliers et celle du cadastre) ont ?galement ?t? n?gligentes en ce qu?elles auraient omis de v?rifier, au besoin aupr?s de la soci?t? exploitante, si un ol?oduc se situait ? proximit? de la parcelle et de la maison. Il indique que, ? aucun moment, les autorit?s n?ont fait changer le type de sa parcelle et que celle-ci est toujours rest?e dans la cat?gorie permettant la construction d?une maison individuelle.
57. Le premier requ?rant soutient avoir ?t? de bonne foi et n?avoir commis aucune faute lors de l?acquisition de la parcelle et de la construction de la maison litigieuse, mais que ces circonstances n?auraient aucunement ?t? prises en compte par les juridictions internes.
58. Il indique par ailleurs que la qualification de la maison de construction ill?gale exclut pour lui toute possibilit? de demander une indemnisation ? la suite de l?injonction de d?molition de celle-ci.
59. Le premier requ?rant conclut que l?injonction de d?molition de la maison sans aucune indemnisation n?a pas ?t? op?r?e selon les voies l?gales et lui a fait supporter une charge excessive incompatible avec l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention.
Appr?ciation de la Cour
60. Constatant que ce grief n?est pas manifestement mal fond? au sens de l?article 35 ? 3 a) de la Convention et qu?il ne se heurte par ailleurs ? aucun autre motif d?irrecevabilit?, la Cour le d?clare recevable.
Sur l?existence d?un bien et d?une ing?rence et sur la r?gle applicable
61. La Cour note qu?il ne pr?te pas ? controverse entre les parties que la maison en question constitue un ? bien ? du premier requ?rant au sens de l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention et que l?injonction de d?molition de cette maison s?analyse en une ing?rence dans le droit du premier requ?rant au respect de ses biens.
62. Quant au type d?ing?rence et ? la norme applicable, la Cour consid?re qu?il s?agissait d?une mesure de r?glementation de l?usage des biens au sens du second alin?a de l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention (Tumeliai c. Lituanie, no 25545/14, ? 73, 9 janvier 2018, et Zhidov, pr?cit?, ? 96, avec les r?f?rences qui y sont cit?es).
63. La Cour doit rechercher si l?ing?rence se justifie sous l?angle de l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention. Pour ?tre compatible avec cette disposition, une mesure doit remplir trois conditions : elle doit ?tre effectu?e ? dans les conditions pr?vues par la loi ?, ? pour cause d?utilit? publique ? et dans le respect d?un juste ?quilibre entre les droits du propri?taire et les int?r?ts de la communaut?.
Sur la l?galit? de l?ing?rence
64. La Cour rappelle que l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention exige, avant tout et surtout, qu?une ing?rence de l?autorit? publique dans la jouissance du droit au respect des biens soit l?gale. La pr??minence du droit, l?un des principes fondamentaux d?une soci?t? d?mocratique, est une notion inh?rente ? l?ensemble des articles de la Convention (Visti?? et Perepjolkins c. Lettonie [GC], no 71243/01, ?? 94-95, 25 octobre 2012). Il en d?coule que la n?cessit? d?examiner la question du juste ?quilibre ? ne peut se faire sentir que lorsqu?il s?est av?r? que l?ing?rence litigieuse a respect? le principe de l?galit? et n??tait pas arbitraire ? (Guiso-Gallisay c. Italie, no 58858/00, ? 80, 8 d?cembre 2005, avec les r?f?rences qui y sont cit?es). La ? l?galit? ? d?une mesure implique que celle-ci ait une base l?gale en droit interne et que les normes constituant cette base soient suffisamment accessibles, pr?cises et pr?visibles dans leur application (Visti?? et Perepjolkins, pr?cit?, ?? 96-97).
65. En l?esp?ce, il n?est pas contest? par les parties que la maison du premier requ?rant se situait ? 72 m?tres de l?axe de l?ol?oduc. C?est cette distance que la cour r?gionale de Moscou a pris en compte pour consid?rer que la maison avait ?t? construite ? sans respecter les distances de s?curit? (…) de 100 m ? et qu?elle ?tait donc une construction ill?gale (paragraphe 28 ci-dessus). La Cour rel?ve cependant que la notion de ? distance de s?curit? ? n?existe pas en droit russe et qu?aucune partie n?a pr?tendu le contraire.
66. La lecture de l?arr?t d?appel et des d?cisions du juge unique de la cour r?gionale de Moscou laisse penser que les juridictions ont consid?r? la construction litigieuse comme contraire ? deux types de dispositions internes.
67. D?une part, elles se sont r?f?r?es aux r?gles de protection des gazoducs et ol?oducs instaurant les zones prot?g?es de 25 m?tres de chaque c?t? de l?axe de l?ol?oduc, ainsi qu?aux articles 56 et 90 du code foncier mentionnant, ? l??poque des faits, les zones prot?g?es. Or la maison du premier requ?rant se situait ? 72 m?tres de l?ol?oduc, donc elle ne rentrait pas dans la zone prot?g?e. C?est pourquoi, de l?avis de la Cour, l?indication de cette zone, d?s septembre 2013, sur la carte publique cadastrale ?tait sans pertinence pour les requ?rants.
68. D?autre part, les juridictions se sont r?f?r?es ? l?article 7.15 du r?glement actualis? de construction et au tableau 4 annex? audit r?glement. Ces dispositions concernaient la distance minimale de 100 m?tres entre les ol?oducs et les habitations. C?est le non-respect de cette distance minimale qui semble avoir ?t? reproch? au premier requ?rant.
69. Cependant, la Cour observe ? cet ?gard qu?il n?a ?t? ni d?montr?, ni m?me all?gu? que, ? l??poque des faits, les zones de distances minimales aient ?t? mentionn?es o? que ce soit, ? l?exception dudit r?glement et de l?ancien r?glement de construction.
70. Se tournant vers l?analyse des r?glements de construction pr?cit?s (paragraphes 39?44 ci-dessus), la Cour note d?embl?e que, tandis que l?ol?oduc en question avait commenc? ? fonctionner d?s 1974, il ressort des intitul?s, pr?ambules et articles 1.5 et 5.4 respectifs desdits r?glements que ceux-ci imposaient aux constructeurs d?installations, d?s 1986, des r?gles de conception et de construction de nouveaux ol?oducs ? proximit? des immeubles existants, et non pas l?inverse, c?est-?-dire qu?ils n?imposaient pas aux particuliers de r?gles de construction relatives aux immeubles situ?s ? proximit? des ol?oducs (paragraphes 39-40 et 42-43 ci-dessus). La Cour rel?ve qu?aucune des juridictions internes n?a proc?d? en l?esp?ce ? une analyse de l?applicabilit? de ces r?glements ? la construction de la maison en question.
71. S?agissant du caract?re obligatoire desdits r?glements, la Cour observe, et le Gouvernement le confirme dans ses observations (paragraphe 51 ci-dessus) que l?article 7.15 et le tableau 4 du r?glement actualis?, adopt? en 2013, n?ont ?t? rendus obligatoires qu?en juillet 2015, donc bien apr?s l?ach?vement de la construction de la maison et l?enregistrement du droit de propri?t? par le premier requ?rant.
Quant ? l?article 3.16 de l?ancien r?glement, qui contenait les m?mes dispositions, il ?tait exclu de la liste des dispositions ? respecter, pr?cis?ment en application de l?arr?t? du Gouvernement du 21 juin 2010 (paragraphe 41 ci-dessus). Il s?ensuit que les dispositions dont la m?connaissance a ?t? reproch?e au requ?rant n?avaient pas de port?e obligatoire.
72. Ainsi, ni les juridictions internes, ni le Gouvernement n?ont indiqu? de disposition interne d?application obligatoire ? l??poque des faits qui placerait la maison en cause dans une zone interdite, et dont le non-respect rendrait la construction ? ill?gale ? au sens de l?article 222 du code civil. La Cour ne peut pas d?celer de telle disposition non plus.
73. En effet, d?un c?t?, les dispositions relatives aux zones prot?g?es ne concernaient pas la maison en question. D?un autre c?t?, il n?a pas ?t? d?montr? que les dispositions relatives aux zones de distances minimales s?appliquaient ? la construction de la maison litigieuse et avaient un caract?re obligatoire ? l??poque. Enfin, jusqu?en ao?t 2018, ces zones de distances minimales n??taient ni identifi?es, ni officiellement enregistr?es, et n?engendraient pas de restriction au droit de propri?t? sur les parcelles concern?es (comparer avec les distances minimales autour des gazoducs dans l?arr?t Zhidov, pr?cit?, ? 58, voir ?galement paragraphes 53, 62 et 106 de l?arr?t Zhidov, pr?cit?, ainsi que les pr?conisations de la Chambre civique et l?arr?t de la Cour constitutionnelle, paragraphes 33 et 48 ci-dessus).
74. Dans ces circonstances, l?ing?rence dans le droit du premier requ?rant au respect de ses biens a manqu? de ? base l?gale ? au sens de l?article 1 du Protocole no 1. Cette conclusion rend superflu l?examen des autres exigences de cette disposition.
Partant, il y a eu violation de l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention.
SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DE L?ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
75. Le deuxi?me requ?rant et la troisi?me requ?rante voient dans leur expulsion prochaine de leur maison en raison de la d?molition de celle-ci une violation de leur droit au respect de leur domicile. Ils invoquent l?article 8 de la Convention, ainsi libell? dans ses parties pertinentes en l?esp?ce :
? 1. Toute personne a droit au respect (…) de son domicile (…).
2. Il ne peut y avoir ing?rence d?une autorit? publique dans l?exercice de ce droit que pour autant que cette ing?rence est pr?vue par la loi et qu?elle constitue une mesure qui, dans une soci?t? d?mocratique, est n?cessaire ? la s?curit? nationale, ? la s?ret? publique, au bien??tre ?conomique du pays, ? la d?fense de l?ordre et ? la pr?vention des infractions p?nales, ? la protection de la sant? ou de la morale, ou ? la protection des droits et libert?s d?autrui. ?
Th?ses des parties
76. Le deuxi?me requ?rant et la troisi?me requ?rante d?clarent qu?ils peuvent ?tre expuls?s ? tout moment de la maison en cause, qui constitue leur domicile, et qu?ils n?ont plus aucun fondement l?gal pour y demeurer. Selon eux, le fait que leur expulsion n?a pas ?t? ordonn?e ne fait qu?aggraver leur situation en engendrant une ins?curit?.
77. Tout en reconnaissant que la partie demanderesse n?a, depuis plus de deux ans et demi, jamais demand? l?ex?cution de l?arr?t ordonnant la d?molition, ils estiment que celle-ci peut ? tout moment exiger qu?ils quittent la maison, et, en cas de refus, saisir la justice qui ordonnera leur expulsion. Selon les requ?rants, cela peut entra?ner leur placement sur la liste des personnes dans le besoin de logement.
78. Enfin, le deuxi?me requ?rant et la troisi?me requ?rante d?plorent que les juridictions internes n?aient pas proc?d? ? une mise en balance de leur droit au respect de leur domicile avec l?int?r?t public, mais se sont pench?es seulement sur la question de proximit?, par rapport ? l?ol?oduc, du bien du premier requ?rant.
79. Le Gouvernement conteste ces th?ses. Il consid?re que le respect du domicile des requ?rants ne pouvait pas primer sur l?int?r?t imp?ratif de la protection de la vie et de la sant? tant des requ?rants eux-m?mes que d?autres personnes. Il soutient ?galement que, du fait m?me de son ill?galit?, une construction ill?gale ne peut ni faire l?objet de transactions, ni constituer un ? domicile ?.
Appr?ciation de la Cour
80. La Cour rel?ve tout d?abord que le deuxi?me requ?rant et la troisi?me requ?rante, qui ne pouvaient pas ignorer le litige affectant leur maison et impliquant leur fils, n?ont pas demand? ? intervenir en premi?re instance afin de d?fendre leurs droits, et qu?il ressort des documents du dossier qu?ils n?ont soulev? en substance le grief tir? de l?article 8 de la Convention que devant le juge de cassation qui est le juge de droit. Il appara?t ainsi que le deuxi?me requ?rant et la troisi?me requ?rante n?ont pas soumis aux juridictions comp?tentes d??l?ments permettant de statuer sur le bien-fond? de leurs dol?ances et de proc?der ? une mise en balance entre le droit des int?ress?s au respect de leur domicile et les imp?ratifs publics.
81. En outre, aux propres dires des requ?rants, un contentieux s?par? en expulsion sera in?vitable afin d?exiger qu?ils quittent la maison (paragraphe 77 ci-dessus). De l?avis de la Cour, c?est dans le cadre d?un tel futur contentieux que les int?ress?s pourraient porter ? l?attention des juridictions, ? l?appui de documents pertinents, leur droit au respect de leur domicile et s?attendre ? une mise en balance entre ce droit et les imp?ratifs publics.
82. Eu ?gard ce qui pr?c?de, la Cour consid?re que le grief du deuxi?me requ?rant et de la troisi?me requ?rante est manifestement mal fond? et qu?il doit ?tre rejet?, en application de l?article 35 ? 3 a) et 4 de la Convention.
SUR L?APPLICATION DE L?ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
83. Aux termes de l?article 41 de la Convention,
? Si la Cour d?clare qu?il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d?effacer qu?imparfaitement les cons?quences de cette violation, la Cour accorde ? la partie l?s?e, s?il y a lieu, une satisfaction ?quitable. ?
Dommage
84. Les requ?rants demandent que le droit de propri?t? du premier requ?rant sur la maison soit restaur?, ou, alternativement, qu?un logement ?quivalent leur soit fourni. Ils r?clament en outre 5 000 euros (EUR) au titre du pr?judice moral qu?ils disent avoir subi.
85. Le Gouvernement estime que la somme r?clam?e est exag?r?e et que, dans tous les cas, aucune indemnisation n?est due aux requ?rants car, selon lui, leurs droits n?ont pas ?t? viol?s.
86. La Cour note qu?il n?est pas contest? par les parties que le premier requ?rant reste propri?taire de la maison, que celle-ci n?a pas ?t? d?molie. Dans cette situation, elle estime que les demandes de restauration du titre de propri?t? et de fourniture d?un logement ?quivalent sont sans objet. En revanche, elle consid?re que le premier requ?rant a subi un pr?judice moral certain du fait de la violation constat?e. Statuant en ?quit?, comme le veut l?article 41 de la Convention, elle d?cide de lui allouer 2 000 EUR ? ce titre.
87. La Cour juge appropri? de calquer le taux des int?r?ts moratoires sur le taux d?int?r?t de la facilit? de pr?t marginal de la Banque centrale europ?enne major? de trois points de pourcentage.
Frais et d?pens
88. Les requ?rants demandent ?galement 1 000 EUR pour les frais et d?pens qu?ils disent avoir engag?s. Le Gouvernement invite la Cour ? rejeter cette demande comme non ?tay?e.
89. Selon la jurisprudence de la Cour, un requ?rant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et d?pens que dans la mesure o? se trouvent ?tablis leur r?alit?, leur n?cessit? et le caract?re raisonnable de leur taux. En l?esp?ce, la Cour constate que les requ?rants n?ont fourni aucun document ? l?appui de leur demande, et elle la rejette.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, ? L?UNANIMIT?,
D?clare la requ?te recevable en ce qui concerne le grief tir? de l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention, et irrecevable pour le surplus ;
Dit qu?il y a eu violation de l?article 1 du Protocole no 1 ? la Convention ;
Dit
a) que l??tat d?fendeur doit verser au premier requ?rant, dans les trois mois ? compter du jour o? l?arr?t sera devenu d?finitif conform?ment ? l?article 44 ? 2 de la Convention, 2 000 EUR (deux mille euros), ? convertir dans la monnaie de l??tat d?fendeur, au taux applicable ? la date du r?glement, plus tout montant pouvant ?tre d? ? titre d?imp?t, pour dommage moral ;
b) qu?? compter de l?expiration dudit d?lai et jusqu?au versement, ce montant sera ? majorer d?un int?r?t simple ? un taux ?gal ? celui de la facilit? de pr?t marginal de la Banque centrale europ?enne applicable pendant cette p?riode, augment? de trois points de pourcentage ;
Rejette la demande de satisfaction ?quitable pour le surplus.
Fait en fran?ais, puis communiqu? par ?crit le 11 f?vrier 2020, en application de l?article 77 ?? 2 et 3 du r?glement.
Stephen Phillips Paul Lemmens
Greffier Pr?sident