Conclusion Violation de P1-1 ; Exception pr?liminaire rejet?e (tardivet?) ; Non-lieu ? examiner l’art. 6-1 ; Satisfaction ?quitable r?serv?e
PREMIERE SECTION
AFFAIRE ACCIARDI ET CAMPAGNA c. ITALIE
(Requ?te no 41040/98)
ARR?T
STRASBOURG
19 mai 2005
D?FINITIF
12/10/2005
Cet arr?t deviendra d?finitif dans les conditions d?finies ? l’article 44 ? 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Acciardi et Campagna c. Italie,
La Cour europ?enne des Droits de l’Homme (premi?re section), si?geant en une chambre compos?e de :
MM. C.L. Rozakis, pr?sident,
P. Lorenzen,
Mme N. Vajić,
M. A. Kovler,
Mme E. Steiner,
M. K. Hajiyev, juges,
Mme M. Del Tufo, juge ad hoc,
et de M. S. Quesada, greffier adjoint de section,
Apr?s en avoir d?lib?r? en chambre du conseil le 28 avril 2005,
Rend l’arr?t que voici, adopt? ? cette derni?re date :
PROC?DURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requ?te (no 41040/98) dirig?e contre la R?publique italienne et dont deux ressortissants de cet Etat, MM. G. A. et E. C. (? les requ?rants ?), avaient saisi la Commission europ?enne des Droits de l’Homme (? la Commission ?) le 4 avril 1998 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libert?s fondamentales (? la Convention ?).
2. Les requ?rants sont repr?sent?s par Me M. de S. avocat ? Rome. Le gouvernement italien (? le Gouvernement ?) est repr?sent? par son agent, M. I.M. Braguglia, et par son coagent, M. F. Crisafulli.
3. Les requ?rants all?guaient en particulier une atteinte injustifi?e ? leur droit au respect de leurs biens (article 1 du Protocole no1).
4. La requ?te a ?t? transmise ? la Cour le 1er novembre 1998, date d’entr?e en vigueur du Protocole no 11 ? la Convention (article 5 ? 2 du Protocole no 11).
5. La requ?te a ?t? attribu?e ? la premi?re section de la Cour (article 52 ? 1 du r?glement). Au sein de celle-ci, la chambre charg?e d’examiner l’affaire (article 27 ? 1 de la Convention) a ?t? constitu?e conform?ment ? l’article 26 ? 1 du r?glement. A la suite du d?port de M.V. Zagrebelsky, juge ?lu au titre de l’Italie (article 28), le Gouvernement a d?sign? Mme M. del Tufo pour si?ger en qualit? de juge ad hoc, pour si?ger ? sa place (articles 27 ? 2 de la Convention et 29 ? 1 du r?glement).
6. Par une d?cision du 6 avril 2004, la chambre a d?clar? la requ?te partiellement recevable.
7. Le 1er novembre 2004, la Cour a modifi? la composition de ses sections (article 25 ? 1 du r?glement). La pr?sente requ?te a ?t? attribu?e ? la premi?re section ainsi remani?e (article 52 ? 1).
8. Tant les requ?rants que le Gouvernement ont d?pos? des observations ?crites sur le fond de l’affaire (article 59 ? 1 du r?glement). La chambre ayant d?cid? apr?s consultation des parties qu’il n’y avait pas lieu de tenir une audience consacr?e au fond de l’affaire (article 59 ? 3 in fine du r?glement), les parties ont chacune soumis des commentaires ?crits sur les observations de l’autre.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESP?CE
9. Les requ?rants sont propri?taires d’un terrain sis ? Amendolara Marina (Cosenza).
10. Le 17 ao?t 1976, un projet de construction d’une route nationale ?labor? par l’institut national des routes (ANAS) fut approuv? par l’administration comp?tente.
11. Par un arr?t? du 11 mars 1977, valant d?claration d’utilit? publique, le pr?fet de Cosenza autorisa l’ANAS ? occuper une partie du terrain, en vue de la construction d’une route nationale. Le d?lai d’occupation, initialement autoris? pour deux ans, fut report? au 10 mars 1981, et puis au 14 mars 1984.
12. Il ressort du dossier que les travaux de construction de la route se termin?rent le 9 ao?t 1980. Les requ?rants exposent avoir attendu, en vain, que l’administration formalise l’expropriation et proc?de ? l’indemnisation.
13. Par un acte notifi? le 24 janvier 1985, les requ?rants introduisirent une action en dommages-int?r?ts ? l’encontre de l’ANAS devant le tribunal civil de Catanzaro. Les requ?rants all?guaient que malgr? que les travaux de construction fussent termin?s en 1980, aucun d?cret d’expropriation et aucune indemnisation n’?taient intervenus. En outre, ils all?guaient que l’occupation du terrain, qui concernait une surface d’environ 65 000 m?tres carr?s, ?tait devenue ill?gale depuis plus d’un an. Se r?f?rant au principe de l’expropriation indirecte fix? par la Cour de cassation dans l’arr?t no 1464 du 26 f?vrier 1983, les requ?rants invitaient le tribunal ? d?clarer que la construction de la route avait ? un tel point transform? leur terrain qu’elle avait entra?n? la perte irr?versible du bien. Les requ?rants r?clamaient des dommages-int?r?ts pour la perte du terrain, ? concurrence de la valeur de celui-ci ; en outre, ils r?clamaient une somme pour le pr?judice caus? quant ? la partie restante de leur terrain ; enfin, ils r?clamaient une r?paration pour non jouissance du terrain pendant la p?riode d’occupation autoris?e.
14. Le 4 f?vrier 1985, le Pr?fet ordonna la publication du plan d’expropriation (? piano particellare di esproprio ?) au tableau de la mairie d’Amendolara. Le plan pr?voyait une indemnit? d’expropriation de 21 584 500 lire italiennes (ITL) en faveur des requ?rants.
15. La premi?re audience fut fix?e au 15 mars 1985, date ? laquelle l’ANAS se constitua dans la proc?dure. La partie d?fenderesse all?guait que l’occupation du terrain avait ?t? prorog?e jusqu’en mars 1985.
16. Par une ordonnance du 27 novembre 1987, le tribunal ordonna une expertise. L’expert d?posa son rapport le 3 ao?t 1989. Il ressort de ce rapport que le terrain avait ?t? irr?versiblement transform? par les travaux publics le 9 ao?t 1980. A cette ?poque, le terrain valait 1 195 900 000 ITL. En 1985, le terrain valait 3 511 198 500 ITL.
17. Les requ?rants d?pos?rent une expertise en novembre 1994. Selon leur expert, l’occupation l?gale avait pris fin le 13 mars 1985. Les travaux s’?taient termin?s le 9 ao?t 1980. La valeur du terrain ?tait de 1 586 200 000 ITL en 1985, et de 475 622 000 au d?but de la p?riode d’occupation, soit 1977. Quant ? la surface qui avait ?t? occup?e, l’expert pr?cisa qu’ il s’agissait initialement de 77 560 m?tres carr?s, puis de 84 800 m?tres carr?s, mais que, ? la fin des travaux, seuls 57 115 m?tres carr?s ?taient d?finitivement occup?s.
18. Le 5 novembre 2001, un nouvel expert fut commis par le tribunal de Catanzaro. Les questions ? ?claircir visaient notamment la surface exacte de terrain occup?, la valeur de celui-ci au d?but de l’occupation et ? la fin de l’occupation autoris?e.
19. En f?vier 2005, la partie requ?rante a fait savoir que la proc?dure ?tait toujours pendante en premi?re instance.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
a) L’occupation d’urgence d’un terrain
20. En droit italien, la proc?dure acc?l?r?e d’expropriation permet ? l’administration d’occuper un terrain et d’y construire avant l’expropriation. Une fois l’ouvrage ? r?aliser d?clar? d’utilit? publique et le projet de construction adopt?, l’administration peut d?cr?ter l’occupation d’urgence des zones ? exproprier pour une dur?e d?termin?e n’exc?dant pas cinq ans (article 20 de la loi no 865 de 1971). Ce d?cret devient caduc si l’occupation mat?rielle du terrain n’a pas lieu dans les trois mois suivant sa promulgation. Avant la fin de la p?riode d’occupation autoris?e, un d?cret d’expropriation formelle doit ?tre pris.
21. L’occupation autoris?e d’un terrain donne droit ? une indemnit? d’occupation. La Cour constitutionnelle a reconnu, dans son arr?t no 470 de 1990, un droit d’acc?s imm?diat ? un tribunal aux fins de r?clamer l’indemnit? d’occupation d?s que le terrain est mat?riellement occup?, sans besoin d’attendre que l’administration proc?de ? une offre d’indemnisation.
b) Le principe de l’expropriation indirecte (? occupazione acquisitiva ? ou ? accessione invertita ?)
22. Dans les ann?es 1970, plusieurs administrations locales proc?d?rent ? des occupations d’urgence de terrains qui ne furent pas suivies de d?crets d’expropriation. Les juridictions italiennes se trouv?rent confront?es ? des cas o? le propri?taire d’un terrain avait perdu de facto la disponibilit? de celui-ci en raison de l’occupation et de l’accomplissement de travaux de construction d’un ouvrage public. Restait ? savoir si, simplement par l’effet des travaux effectu?s, l’int?ress? avait perdu ?galement la propri?t? du terrain.
1. La jurisprudence avant l’arr?t no 1464 de 1983 de la Cour de cassation
23. La jurisprudence ?tait tr?s partag?e sur le point de savoir quels ?taient les effets de la construction d’un ouvrage public sur un terrain occup? ill?galement. Par occupation ill?gale, il faut entendre une occupation ill?gale ab initio, ou bien une occupation initialement autoris?e et devenue sans titre par la suite, le titre ?tant annul? ou bien l’occupation se poursuivant au-del? de l’?ch?ance autoris?e sans qu’un d?cret d’expropriation ne soit intervenu.
24. Selon une premi?re jurisprudence, le propri?taire du terrain occup? par l’administration ne perdait pas la propri?t? du terrain apr?s l’ach?vement de l’ouvrage public. Toutefois, il ne pouvait pas demander une remise en l’?tat du terrain et pouvait uniquement engager une action en dommages et int?r?ts pour occupation abusive, non soumise ? un d?lai de prescription puisque l’ill?galit? d?coulant de l’occupation ?tait permanente. L’administration pouvait ? tout moment adopter une d?cision formelle d’expropriation ; dans ce cas, l’action en dommages-int?r?ts se transformait en litige portant sur l’indemnit? d’expropriation et les dommages-int?r?ts n’?taient dus que pour la p?riode ant?rieure au d?cret d’expropriation pour la non-jouissance du terrain (voir, entre autres, les arr?ts de la Cour de cassation no 2341 de 1982, no 4741 de 1981, no 6452 et no 6308 de 1980).
25. Selon une deuxi?me jurisprudence, le propri?taire du terrain occup? par l’administration ne perdait pas la propri?t? du terrain et pouvait demander la remise en l’?tat, lorsque l’administration avait agi sans qu’il y ait utilit? publique (voir, par exemple, Cour de cassation, arr?t no 1578 de 1976, arr?t no 5679 de 1980).
26. Selon une troisi?me jurisprudence, le propri?taire du terrain occup? par l’administration perdait automatiquement la propri?t? du terrain au moment de la transformation irr?versible du bien, ? savoir au moment de l’ach?vement de l’ouvrage public. L’int?ress? avait le droit de demander des dommages-int?r?ts (voir l’arr?t no 3243 de 1979 de la Cour de cassation).
2. L’arr?t no 1464 de 1983 de la Cour de cassation
27. Par un arr?t du 16 f?vrier 1983, la Cour de cassation, statuant en chambres r?unies, r?solut le conflit de jurisprudence et adopta la troisi?me solution. Ainsi fut consacr? le principe de l’expropriation indirecte (accessione invertita ou occupazione acquisitiva). En vertu de ce principe, la puissance publique acquiert ab origine la propri?t? d’un terrain sans proc?der ? une expropriation formelle lorsque, apr?s l’occupation du terrain, et ind?pendamment de la l?galit? de l’occupation, l’ouvrage public a ?t? r?alis?. Lorsque l’occupation est ab initio sans titre, le transfert de propri?t? a lieu au moment de l’ach?vement de l’ouvrage public. Lorsque l’occupation du terrain a initialement ?t? autoris?e, le transfert de propri?t? a lieu ? l’?ch?ance de la p?riode d’occupation autoris?e. Dans le m?me arr?t, la Cour de cassation pr?cisa que, dans tous les cas d’expropriation indirecte, l’int?ress? a droit ? une r?paration int?grale, l’acquisition du terrain ayant eu lieu sans titre. Toutefois, cette r?paration n’est pas vers?e automatiquement; il incombe ? l’int?ress? de r?clamer des dommages-int?r?ts. En outre, le droit ? r?paration est assorti du d?lai de prescription pr?vu en cas de responsabilit? d?lictuelle, ? savoir cinq ans, commen?ant ? courir au moment de la transformation irr?versible du terrain.
3. La jurisprudence apr?s l’arr?t no 1464 de 1983 de la Cour de cassation
a) La prescription
28. Dans un premier temps, la jurisprudence consid?rait qu’aucun d?lai de prescription ne trouvait ? s’appliquer, puisque l’occupation sans titre du terrain constituait un acte ill?gal continu. La Cour de cassation, dans son arr?t no 1464 de 1983, affirma que le droit ? r?paration ?tait soumis ? un d?lai de prescription de cinq ans. Par la suite, la premi?re section de la Cour de cassation affirma qu’un d?lai de prescription de dix ans devait s’appliquer (arr?ts no 7952 de 1991 et no 10979 de 1992). Par un arr?t du 22 novembre 1992, la Cour de cassation statuant en chambres r?unies a d?finitivement tranch? la question, estimant que le d?lai de prescription est de cinq ans et qu’il commence ? courir au moment de la transformation irr?versible du terrain.
b) L’arr?t no 188 de 1995 de la Cour constitutionnelle
29. Dans cet arr?t, la Cour constitutionnelle a jug? compatible avec la Constitution le principe de l’expropriation indirecte, dans la mesure o? ce principe est ancr? dans une disposition l?gislative, ? savoir l’article 2043 du code civil r?gissant la responsabilit? d?lictuelle. Selon cet arr?t, le fait que l’administration devienne propri?taire d’un terrain en tirant b?n?fice de son comportement ill?gal ne pose aucun probl?me sur le plan constitutionnel, puisque l’int?r?t public, ? savoir la conservation de l’ouvrage public, l’emporte sur l’int?r?t du particulier, et donc sur le droit de propri?t? de ce dernier. La Cour constitutionnelle a jug? compatible avec la Constitution l’application ? l’action en r?paration du d?lai de prescription de cinq ans, tel que pr?vu par l’article 2043 du code civil pour responsabilit? d?lictuelle.
c) Cas de non-application du principe de l’expropriation indirecte
30. Les d?veloppements de la jurisprudence montrent que le m?canisme par lequel la construction d’un ouvrage public entra?ne le transfert de propri?t? du terrain au b?n?fice de l’administration conna?t des exceptions.
31. Dans son arr?t no 874 de 1996, le Conseil d’Etat a affirm? qu’il n’y a pas d’expropriation indirecte lorsque les d?cisions de l’administration et le d?cret d’occupation d’urgence ont ?t? annul?s par les juridictions administratives ; si tel n’?tait pas le cas, la d?cision judiciaire serait vid?e de substance.
32. Dans son arr?t no 1907 de 1997, la Cour de cassation statuant en chambres r?unies a affirm? que l’administration ne devient pas propri?taire d’un terrain lorsque les d?cisions qu’elle a adopt?es et la d?claration d’utilit? publique doivent ?tre consid?r?es comme nulles ab initio. Dans ce cas, l’int?ress? garde la propri?t? du terrain et peut demander la restitutio in integrum. Il peut, comme alternative, demander des dommages-int?r?ts. L’ill?galit? dans ces cas a un caract?re permanent et aucun d?lai de prescription ne trouve application.
33. Dans l’arr?t no 6515 de 1997, la Cour de cassation statuant en chambres r?unies a affirm? qu’il n’y a pas de transfert de propri?t? lorsque la d?claration d’utilit? publique a ?t? annul?e par les juridictions administratives. Dans ce cas, le principe de l’expropriation indirecte ne trouve donc pas ? s’appliquer. L’int?ress?, qui garde la propri?t? du terrain, a la possibilit? de demander la restitutio in integrum. L’introduction d’une demande en dommages-int?r?ts entra?ne une renonciation ? la restitutio in integrum. Le d?lai de prescription de cinq ans commence ? courir au moment o? la d?cision du juge administratif devient d?finitive.
34. Dans l’arr?t no 148 de 1998, la premi?re section de la Cour de cassation a suivi la jurisprudence des chambres r?unies et affirm? que le transfert de propri?t? par effet de l’expropriation indirecte n’a pas lieu lorsque la d?claration d’utilit? publique ? laquelle le projet de construction ?tait assorti a ?t? consid?r?e comme invalide ab initio.
35. Dans l’arr?t no 5902 de 2003, la Cour de cassation en chambres r?unies a r?affirm? qu’il n’y a pas de transfert de propri?t? en l’absence de d?claration d’utilit? publique valide.
36. Il convient de comparer cette jurisprudence avec la loi no 458 de 1988 (voir ?? 37-38 ci-dessous) et avec le R?pertoire des dispositions sur l’expropriation, entr? en vigueur le 30 juin 2003 (voir ? 47 ci-dessous).
4. La loi no458 du 27 octobre 1988
37. Aux termes de l’article 3 de cette loi, ? Le propri?taire d’un terrain, utilis? pour la construction de b?timents publics et de logements sociaux, a droit ? la r?paration du dommage subi, ? la suite d’une expropriation d?clar?e ill?gale par une d?cision pass?e en force de chose jug?e, mais ne peut pr?tendre ? la restitution de son bien. Il a ?galement droit, en plus de la r?paration du dommage, aux sommes dues en raison de la d?pr?ciation mon?taire et ? celles mentionn?es ? l’article 1224 ? 2 du code civil et ceci ? compter du jour de l’occupation ill?gale ?.
38. Interpr?tant l’article 3 de la loi de 1988, la Cour constitutionnelle, dans son arr?t du 12 juillet 1990 (n? 384), a consid?r? : ? Par la disposition attaqu?e, le l?gislateur, entre l’int?r?t des propri?taires des terrains – obtenir en cas d’expropriation ill?gale la restitution des terrains – et l’int?r?t public – concr?tis? par la destination de ces biens ? des finalit?s de constructions r?sidentielles publiques ? des conditions favorables ou conventionn?es – a donn? la priorit? ? ce dernier int?r?t ?.
5. Le montant de la r?paration en cas d’expropriation indirecte
39. Selon la jurisprudence de 1983 de la Cour de cassation en mati?re d’expropriation indirecte, une r?paration int?grale du pr?judice subi, sous forme de dommages-int?r?ts pour la perte du terrain, ?tait due ? l’int?ress? en contrepartie de la perte de propri?t? qu’entra?ne l’occupation ill?gale.
40. La loi budg?taire de 1992 (article 5 bis du d?cret-loi no 333 du 11 juillet 1992) modifia cette jurisprudence, dans le sens que le montant d? en cas d’expropriation indirecte ne pouvait d?passer le montant de l’indemnit? pr?vue pour le cas d’une expropriation formelle. Par l’arr?t no 369 de 1996, la Cour constitutionnelle d?clara inconstitutionnelle cette disposition.
41. En vertu de la loi budg?taire no 662 de 1996, qui modifia la disposition d?clar?e inconstitutionnelle, l’indemnisation int?grale ne peut ?tre accord?e pour une occupation de terrain ayant eu lieu avant le 30 septembre 1996. Dans cette optique, l’indemnisation ?quivaut au montant de l’indemnit? pr?vue pour le cas d’une expropriation formelle, dans l’hypoth?se la plus favorable au propri?taire, moyennant une augmentation de 10 %.
42. Par l’arr?t no 148 du 30 avril 1999, la Cour constitutionnelle a jug? une telle indemnit? compatible avec la Constitution. Toutefois, dans le m?me arr?t, la Cour a pr?cis? qu’une indemnit? int?grale, ? concurrence de la valeur v?nale du terrain, peut ?tre r?clam?e lorsque l’occupation et la privation du terrain n’ont pas eu lieu pour cause d’utilit? publique.
6. La jurisprudence apr?s les arr?ts de la Cour du 30 mai 2000 dans les affaires Belvedere Alberghiera et Carbonara et Ventura
43. Par les arr?ts no 5902 et 6853 de 2003, la Cour de cassation en chambres r?unies s’est ? nouveau prononc?e sur le principe de l’expropriation indirecte, en faisant r?f?rence aux deux arr?ts de la Cour pr?cit?s.
44. Au vu du constat de violation de l’article 1 du protocole no 1 dans les affaires ci-dessus, la Cour de cassation a affirm? que le principe de l’expropriation indirecte joue un r?le important dans le cadre du syst?me juridique italien et qu’il est compatible avec la Convention.
45. Plus sp?cifiquement, la Cour de cassation ? apr?s avoir analys? l’histoire du principe de l’expropriation indirecte – a dit qu’au vu de l’uniformit? de la jurisprudence en la mati?re, le principe de l’expropriation indirecte doit se consid?rer comme ?tant pleinement ? pr?visible ? ? compter de 1983. De ce fait, l’expropriation indirecte doit ?tre consid?r?e comme ?tant respectueuse du principe de l?galit?. S’agissant des occupations de terrain ayant lieu sans d?claration d’utilit? publique, la Cour de cassation a affirm? que celles-ci ne sont pas aptes ? transf?rer la propri?t? du bien ? l’Etat. Quant ? l’indemnisation, la Cour de cassation a affirm? que, m?me si elle est inf?rieure au pr?judice subi par l’int?ress?, et notamment ? la valeur du terrain, l’indemnisation due en cas d’expropriation indirecte est suffisante pour garantir un ? juste ?quilibre ? entre les exigences de l’int?r?t g?n?ral de la communaut? et les imp?ratifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu.
7. Le R?pertoire des dispositions l?gislatives et r?glementaires en mati?re d’expropriation pour cause d’utilit? publique (ci apr?s ? le R?pertoire)
46. Le 30 juin 2003 est entr? en vigueur le D?cret Pr?sidentiel no 327 du 8 juin 2001, modifi? par le D?cret l?gislatif no 302 du 27 d?cembre 2002, et qui r?git la proc?dure d’expropriation. Le R?pertoire codifie les dispositions et la jurisprudence existantes en la mati?re. En particulier, il codifie le principe de l’expropriation indirecte. Le R?pertoire, qui ne s’applique pas aux cas d’occupation survenus ant?rieurement ? 1996 et ne s’applique donc pas en l’esp?ce, s’est substitu?, ? partir de son entr?e en vigueur, ? l’ensemble de la l?gislation et de la jurisprudence pr?c?dente en mati?re d’expropriation.
47. A son article 43, le R?pertoire pr?voit qu’en l’absence d’un d?cret d’expropriation, ou en l’absence de d?claration d’utilit? publique, un terrain transform? ? la suite de la r?alisation d’un ouvrage public est acquis au patrimoine de l’autorit? qu l’a transform? ; des dommages-int?r?ts sont accord?s en contrepartie. L’autorit? peut acqu?rir un bien m?me lorsque le plan d’urbanisme ou la d?claration d’utilit? publique ont ?t? annul?s. Le propri?taire peut demander au juge la restitution du terrain. L’autorit? en cause peut s’y opposer. Lorsque le juge d?cide de ne pas ordonner la restitution du terrain, le propri?taire a droit ? un d?dommagement.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
48. Les requ?rants all?guent avoir ?t? priv?s de leur terrain par l’effet de l’occupation de celui-ci et de la construction d’une route nationale, ? d?faut d’un d?cret d’expropriation et d’indemnisation. Selon eux, cette situation a port? atteinte ? leur droit au respect de leurs biens garanti ? l’article 1 du Protocole no 1, ainsi r?dig? :
? Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut ?tre priv? de sa propri?t? que pour cause d’utilit? publique et dans les conditions pr?vues par la loi et les principes g?n?raux du droit international.
Les dispositions pr?c?dentes ne portent pas atteinte au droit que poss?dent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent n?cessaires pour r?glementer l’usage des biens conform?ment ? l’int?r?t g?n?ral ou pour assurer le paiement des imp?ts ou d’autres contributions ou des amendes. ?
A. Th?ses d?fendues devant la Cour
1. Les requ?rants
49. Les requ?rants font observer qu’ils ont perdu la disponibilit? de leur terrain depuis 1977, soit ? compter du moment o? le terrain a ?t? mat?riellement occup?. Cette situation est devenue d?finitive avec l’ach?vement des travaux en ao?t 1980. Les requ?rants consid?rent que, dans ces circonstances, ils ont ?t? en substance priv?s de leur bien. Ils requ?rants soulignent l’ill?galit? de cette situation, en l’absence d’un d?cret d’expropriation et au regard du principe de l?galit? de l’action administrative pr?vu ? l’article 97 de la Constitution italienne.
50. Les requ?rants observent ensuite que pendant la p?riode d’occupation autoris?e, ils n’ont pu r?clamer d’indemnit? ? d?faut d’une offre d’indemnisation de la part des autorit?s. S’ils admettent avoir par la suite pu demander une telle indemnisation dans le cadre de la proc?dure qu’ils ont intent?e devant le tribunal de Catanzaro, les requ?rants font observer qu’? ce jour, ils n’ont per?u aucune somme au titre d’indemnit? pour la non jouissance du terrain pendant la p?riode d’occupation autoris?e.
51. S’agissant du d?dommagement pour la perte de leur bien, les requ?rants soulignent qu’ils n’ont toujours pas re?u d’indemnisation.
52. En conclusion, les requ?rants demandent ? la Cour de conclure ? la violation de l’article 1 du Protocole no 1.
2. Le Gouvernement
53. Le Gouvernement fait observer que dans le cas d’esp?ce, il ne s’agit pas d’une occupation ? sine titulo ? depuis le d?but, mais d’une occupation qui a ?t? initialement autoris?e, dans le cadre d’une proc?dure administrative l?gitime et reposant sur une d?claration d’utilit? publique. Selon lui, la p?riode d’occupation autoris?e a pris fin le 13 mars 1985.
54. Le Gouvernement admet que la proc?dure d’expropriation n’a pas ?t? mise en ?uvre dans les termes pr?vus par la loi, dans la mesure o? aucun d?cret d’expropriation n’a ?t? adopt?.
55. A d?faut d’un tel d?cret d’expropriation, les requ?rants auraient en tout ?tat de cause ?t? priv?s de leur bien par l’effet de la construction de l’ouvrage public et de la transformation irr?versible du terrain que ce dernier a entra?n?. Cette privation de bien, selon le Gouvernement, n’est que la cons?quence du principe de l’expropriation indirecte, que le tribunal de Catanzaro, une fois qu’il prononcera son jugement, devrait appliquer.
56. Dans ces circonstances, l’arr?t du tribunal de Catanzaro n’aura qu’une valeur d?clarative, en ce qu’il d?clarera que les requ?rants devront se consid?rer comme ayant ?t? priv?s de leur terrain au b?n?fice de l’administration ? compter de la date que le tribunal consid?rera comme la date o? le terrain a ?t? transform? de mani?re irr?versible.La valeur de la d?cision du juge national a pour seule fonction de donner aux parties la s?curit? juridique, ? savoir la certitude que la privation de propri?t? a eu lieu lorsque les conditions sont remplies.
57. Le Gouvernement soutient que cette situation est conforme ? l’article 1 du Protocole no 1.
58. Premi?rement, il y aurait utilit? publique, ce qui n’est pas remis en cause par les requ?rants.
59. Deuxi?mement, la privation du bien telle que r?sultant de l’expropriation indirecte serait pr?vue par la loi.
60. A cet ?gard, le Gouvernement rappelle que la Cour, dans son arr?t Zubani c. Italie (arr?t du 7 ao?t 1996, Recueil 1996-IV, ?? 45-46) avait examin? une affaire d’expropriation indirecte tombant sous le coup de la loi no 458 de 1988 (voir droit interne, paragraphe 37 ci-dessus) du point de vue du juste ?quilibre, estimant que, en ce qui concernait la loi en tant que telle, ? le choix l?gislatif visant ? privil?gier l’int?r?t de la collectivit? dans le cas d’expropriations ou d’occupations ill?gales de terrains est raisonnable : l’indemnisation int?grale des pr?judices subis par les propri?taires concern?s constitue une r?paration suffisante… ?. (Paragraphe 49 de l’arr?t Zubani).
61. Le Gouvernement prend acte de ce que la jurisprudence de la Cour a par la suite connu une ?volution, dans la mesure o?, dans les deux cas suivant portant sur l’expropriation indirecte, elle a constat? une incompatibilit? du m?canisme de l’expropriation indirecte avec le principe de l?galit? (Carbonara et Ventura c. Italie, no 24638/94, CEDH 2000-VI ; Belvedere Alberghiera srl c. Italie, no 31524/96, CEDH 2000-VI).
62. Selon le Gouvernement, le principe doit se consid?rer comme ?tant ? pr?vu par la loi ?, m?me s’il a ?t? ?labor? par la jurisprudence dans un pays de ? civil law ? et non de ? common law ?.
63. A cet ?gard, le Gouvernement prend acte de ce que dans les deux arr?ts pr?cit?s, la Cour avait estim? inutile de juger in abstracto si le r?le qu’un principe jurisprudentiel, tel que celui de l’expropriation indirecte, occupe dans un syst?me de droit continental est assimilable ? celui occup? par des dispositions l?gislatives (Carbonara, arr?t pr?cit?, ? 64). La Cour avait observ? que la jurisprudence italienne avait connu une ?volution et qu’un principe jurisprudentiel ne lie pas les juridictions quant ? son application (Carbonara et Ventura, arr?t pr?cit?, ? 69).
64. Le Gouvernement soutient que d?cider du r?le de la jurisprudence en Italie rev?t une grande importance dans ce type d’affaires. Selon le Gouvernement, la jurisprudence nationale ayant cr?? le principe de l’expropriation indirecte, ce principe doit ?tre consid?r? comme faisant partie du droit positif ? compter de l’arr?t de la Cour de cassation no 1464 de 1983. La jurisprudence ult?rieure aurait confirm? ce principe et pr?cis? certains aspects de son application. En outre, ce principe aurait ?t? reconnu par la loi no 458 du 27 octobre 1988 (paragraphes 37-38 ci-dessus) et par la loi budg?taire no 662 de 1996 (paragraphe 41 ci-dessus).
65. En conclusion, selon le Gouvernement, ? partir de 1983, les r?gles de l’expropriation indirecte ?taient parfaitement claires et accessibles ? tous les propri?taires de terrains.
66. S’agissant de la qualit? de la loi, le Gouvernement demande ? la Cour de revenir ? la ?jurisprudence Zubani ? (paragraphe 60 ci-dessus) et de consid?rer que le m?canisme de l’expropriation indirecte, qui se fonde sur une d?claration d’ill?galit? de la part du juge, est conforme ? l’article 1 du Protocole no 1.
67. A ce propos, le Gouvernement fait observer que le constat d’ill?galit? de la part du juge est l’?l?ment qui conditionne le transfert au patrimoine public du bien ill?galement occup?.
68. Le Gouvernement d?finit l’expropriation indirecte comme le r?sultat d’une interpr?tation syst?matique de principes existants, tendant ? garantir que l’int?r?t g?n?ral pr?vale sur l’int?r?t des particuliers, lorsque l’ouvrage public a ?t? r?alis? (transformation du terrain) et que celui-ci r?pond ? l’utilit? publique.
69. L’administration serait tenue de compenser le particulier. Cependant, selon le Gouvernement, cette indemnisation pourra ?tre inf?rieure au pr?judice subi par l’int?ress?, et notamment ? la valeur du terrain, vu que l’expropriation indirecte r?pond ? un int?r?t collectif et l’ill?galit? commise par l’administration ne concerne que la forme, ? savoir un manquement aux r?gles qui pr?sident ? la proc?dure administrative.
B. Sur l’observation de l’article 1 du Protocole no 1
70. La Cour rappelle que l’article 1 du Protocole no 1 contient trois normes distinctes : ? la premi?re, qui s’exprime dans la premi?re phrase du premier alin?a et rev?t un caract?re g?n?ral, ?nonce le principe du respect de la propri?t? ; la deuxi?me, figurant dans la seconde phrase du m?me alin?a, vise la privation de propri?t? et la soumet ? certaines conditions ; quant ? la troisi?me, consign?e dans le second alin?a, elle reconna?t aux Etats le pouvoir, entre autres, de r?glementer l’usage des biens conform?ment ? l’int?r?t g?n?ral (…). Il ne s’agit pas pour autant de r?gles d?pourvues de rapport entre elles. La deuxi?me et la troisi?me ont trait ? des exemples particuliers d’atteintes au droit de propri?t? ; d?s lors, elles doivent s’interpr?ter ? la lumi?re du principe consacr? par la premi?re ? (voir, entre autres, James et autres c. Royaume-Uni, arr?t du 21 f?vrier 1986, s?rie A no 98, pp. 29-30, ? 37, lequel reprend en partie les termes de l’analyse que la Cour a d?velopp?e dans son arr?t Sporrong et L?nnroth c. Su?de du 23 septembre 1982, s?rie A no 52, p. 24, ? 61 ; voir aussi les arr?ts Les saints monast?res c. Gr?ce du 9 d?cembre 1994, s?rie A no 301-A, p. 31, ? 56, et Iatridis c. Gr?ce [GC], no 31107/96, ? 55, CEDH 1999-II).
71. La Cour note que les parties s’accordent pour dire qu’il y a eu ? privation de propri?t? ?.
72. Elle note ? cet ?gard que pour les requ?rants il y a eu perte de disponibilit? totale si bien qu’elle revient en substance ? une expropriation (paragraphe 49 ci-dessus).
73. Pour le Gouvernement (paragraphes 55, 56 et 67 ci-dessus), les requ?rants doivent se consid?rer comme ayant ?t? priv?s de leur bien ? compter du moment o? celui-ci a ?t? irr?versiblement transform?, m?me si d’un point de vue formel, ils restent propri?taires, et ce jusqu’au prononc? d’un jugement d?clarant le transfert de propri?t? au b?n?fice de l’Etat.
74. La Cour rappelle que, pour d?terminer s’il y a eu privation de biens au sens de la deuxi?me ? norme ?, il faut non seulement examiner s’il y a eu d?possession ou expropriation formelle, mais encore regarder au-del? des apparences et analyser la r?alit? de la situation litigieuse. La Convention visant ? prot?ger des droits ? concrets et effectifs ?, il importe de rechercher si ladite situation ?quivalait ? une expropriation de fait (Sporrong et L?nnroth, arr?t pr?cit?, pp. 24-25, ? 63).
75. Elle rappelle que l’article 1 du Protocole no 1 exige, avant tout et surtout, qu’une ing?rence de l’autorit? publique dans la jouissance du droit au respect des biens soit l?gale. La pr??minence du droit, l’un des principes fondamentaux d’une soci?t? d?mocratique, est inh?rente ? l’ensemble des articles de la Convention (Iatridis, arr?t pr?cit?, ? 58). Le principe de l?galit? signifie l’existence de normes de droit interne suffisamment accessibles, pr?cises et pr?visibles (Hentrich c. France, arr?t du 22 septembre 1994, s?rie A no 296-A, pp. 19-20, ? 42, Lithgow et autres c. Royaume-Uni, arr?t du 8 juillet 1986, s?rie A no 102, p. 47, ? 110).
76. En tout ?tat de cause, la Cour est appel?e ? v?rifier si la mani?re dont le droit interne est interpr?t? et appliqu? produit des effets conformes aux principes de la Convention.
77. La Cour constate qu’en l’esp?ce les requ?rants ont perdu la disponibilit? de la partie de terrain qui a ?t? occup?e en 1977 et qui a ?t? transform?e par la construction de la route s’?tant termin?e en ao?t 1980 (paragraphe 16 ci-dessus). Les parties s’accordent pour dire que l’occupation du terrain est devenue ill?gale par la suite, le d?but de la p?riode d’ill?galit? se situant pour les requ?rants en 1984 (paragraphe 13 ci-dessus) et en 1985 pour le Gouvernement (paragraphe 83 ci-dessus).
78. A d?faut d’un acte formel de transfert de propri?t?, et ? d?faut d’un jugement national d?clarant qu’un tel transfert doit se consid?rer comme ayant eu lieu (paragraphe 56 ci-dessus ; voir aussi Carbonara et Ventura, arr?t pr?cit?, ? 80), la Cour estime que la perte de toute disponibilit? du terrain en cause, combin?e avec l’impossibilit? jusqu’ici de rem?dier ? la situation incrimin?e a engendr? des cons?quences assez graves pour que les requ?rants aient subi une expropriation de fait incompatible avec leur droit au respect de leurs biens (Papamichalopoulos et autres c. Gr?ce, arr?t du 24 juin 1993, s?rie A no 260-B, ? 45) et non conforme au principe de pr??minence du droit.
79. En conclusion, il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1.
II. SUR LA VIOLATION ALL?GU?E DE L’ARTICLE 6 ? 1 DE LA CONVENTION
80. Les requ?rants all?guent que l’impossibilit? pour eux de r?clamer une indemnit? pour non jouissance du terrain pendant la p?riode initiale d’occupation, ? savoir lorsque le terrain ?tait occup? l?galement, a entrav? leur droit d’acc?s ? un tribunal.
81. L’article 6 ? 1 dispose : qui, dans ses parties pertinentes, dispose :
? 1. Toute personne a droit ? ce que sa cause soit entendue ?quitablement (…), par un tribunal (…), qui d?cidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caract?re civil (…) ?.
A. Sur l’exception pr?liminaire du Gouvernement
82. Dans ses observations sur le fond, le Gouvernement a soulev? une exception tir?e du non respect du d?lai de six mois soutient que les requ?rants auraient d? soulever le grief tir? d’une atteinte ? leur droit d’acc?s ? un tribunal dans un d?lai de six mois commen?ant ? courir depuis la fin de l’occupation l?gale, ? savoir depuis 1985.
Le Gouvernement justifie le fait de ne pas avoir soulev? cette exception avant la d?cision sur la recevabilit? par la difficult? de saisir le grief des requ?rants avant que ceux-ci ne le pr?cisent dans leurs observations en r?plique.
83. La Cour estime en premier lieu que cette exception est tardive, dans la mesure o? le Gouvernement aurait pu la soulever apr?s les observations en r?plique des requ?rants et avant la d?cision sur la recevabilit?.
84. En deuxi?me lieu, la Cour observe qu’en 1985, les requ?rants ont saisi le tribunal de Catanzaro d’une demande d’indemnisation pour la p?riode d’occupation l?gale du terrain et que la proc?dure est pendante.
85. A la lumi?re de ces consid?rations, la Cour estime que l’exception du Gouvernement doit ?tre ?cart?e.
B. Sur le bien-fond? du grief
86. Dans ses observations sur la recevabilit?, le Gouvernement avait soulev? une exception d’irrecevabilit? tir?e du non ?puisement de voies de recours internes, au motif que le recours pendant devant le tribunal de Catanzaro portait ?galement sur la question de l’indemnit? pour la p?riode d’occupation l?gale.
Sur le fond, le Gouvernement admet qu’? l’?poque de l’occupation autoris?e du terrain litigieux, et avant l’arr?t de la Cour constitutionnelle no 470 de 1990 (paragraphe 20 ci-dessus), il n’y avait pas d’acc?s imm?diat ? un tribunal aux fins de r?clamer l’indemnit? d’occupation. Le Gouvernement fait observer que les requ?rants ont pu en tout cas saisir un tribunal de leur demande d’indemnisation. Il soutient que les requ?rants ont support? une restriction non d?raisonnable de leur droit d’acc?s ? un tribunal, et l’essence m?me de leur droit serait rest?e intacte.
87. Dans sa d?cision sur la recevabilit?, la Cour a estim? que le probl?me de l’?puisement des voies de recours internes se confond avec le fond de l’affaire puisque le grief tir? de l’article 6 de la Convention concerne pr?cis?ment l’entrave ? l’acc?s ? un tribunal. Elle a donc joint cette question au fond.
88. Or, la Cour consid?re que les griefs des requ?rants soulev?s sous l’angle du droit d’acc?s ? un tribunal se confondent avec ceux tir?s de l’article 1 du Protocole no 1, dans la mesure o? les requ?rants ont fait valoir ? ce titre l’impossibilit? pour eux de prot?ger leurs int?r?ts patrimoniaux pendant la p?riode concern?e.
89. Eu ?gard ? la conclusion formul?e au paragraphe 79, elle n’estime pas n?cessaire de les examiner s?par?ment sous l’angle de l’article 6 ? 1 de la Convention.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
90. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
? Si la Cour d?clare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les cons?quences de cette violation, la Cour accorde ? la partie l?s?e, s’il y a lieu, une satisfaction ?quitable. ?
91. Les requ?rants sollicitent le versement d’une indemnit? de 1 029 324, 60 EUR au titre du pr?judice mat?riel, somme qui r?sulte de la diff?rence entre la valeur du terrain litigieux et la somme qu’ils pourraient ?ventuellement percevoir au mieux au titre d’indemnisation sur le plan national, au cas o? le tribunal accueillerait leur demande.
92. S’agissant des frais devant les juridictions nationales, les requ?rants r?clament d’ores et d?j? 20 000 EUR. En outre ils demandent le remboursement des frais encourus devant la Cour sans toutefois chiffrer leurs pr?tentions.
93. Le Gouvernement fait observer qu’en l’absence d’un jugement national, il n’est pas loisible ? la Cour de proc?der ? l’?valuation du pr?judice mat?riel et des frais de proc?dure. La somme r?clam?e par les requ?rants serait en tout cas excessive. Le Gouvernement fait ensuite observer que les requ?rants ne sollicitent aucune somme au titre du pr?judice moral. Quant aux frais de la proc?dure ? Strasbourg, le Gouvernement s’en remet ? la sagesse de la Cour.
94. La Cour estime que la question de l’application de l’article 41 ne se trouve pas en ?tat. En cons?quence, elle la r?serve et fixera la proc?dure ult?rieure, compte tenu de la possibilit? que le Gouvernement et les requ?rants parviennent ? un accord.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, ? l’UNANIMIT?,
1. Rejette, l’exception pr?liminaire du Gouvernement ;
2. Dit, qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 ;
3. Dit, qu’il ne s’impose pas d’examiner le grief des requ?rants sur le terrain de l’article 6 ? 1 de la Convention ;
4. Dit que la question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouve pas en ?tat ;
en cons?quence,
a) la r?serve en entier ;
b) invite le Gouvernement et les requ?rants ? lui adresser par ?crit, dans les trois mois ? compter du jour o? l’arr?t sera devenu d?finitif conform?ment ? l’article 44 ? 2 de la Convention, leurs observations sur cette question et notamment ? lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir ;
c) r?serve la proc?dure ult?rieure et d?l?gue le pr?sident de la chambre le soin de la fixer au besoin.
Fait en fran?ais, puis communiqu? par ?crit le 19 mai 2005 en application de l’article 77 ?? 2 et 3 du r?glement.
Santiago Quesada Christos Rozakis
Greffier adjoint Pr?sident
ARR?T ACCIARDI & CAMPAGNA c. ITALIE
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